5
La tortue luth
Philippe Siaud - Docteur en Biologie, Muséum d’hisotire naturelle de Marseille
Parlons-en... Mai 2016
Les premiers fossiles de chéloniens (= tortues), dont sont issues les tortues
actuelles, apparaissent au trias supérieur, il y a environ 210 millions d’années. Ces
premières tortues sont pourvues de dents, qui vont ensuite disparaître pour faire
place à un bec corné, la rhamphothèque. Elles sont terrestres ou amphibies, dotées
de pattes courtes et massives. Certaines vont postérieurement s’adapter au milieu
marin ; leur carapace, initialement lourde, va s’alléger. On connaît, au crétacé, quatre
familles exclusivement marines : les protostégidés, les toxochélyidés, les chéloniidés
et les dermochélyidés. Ces deux dernières familles, les seules à subsister aujourd’hui,
ont compté jusqu’à 37 genres et plus d’une soixantaine d’espèces. Six genres
seulement ont survécu jusqu’à nos jours : cinq dans la famille des chéloniidés, et un
seul, Dermochelys, celui de la tortue luth, dans la famille des dermochélyidés.
La tortue luth est donc la seule représentante contemporaine de la famille des
Dermochelyidae, le clade des tortues à dos cuirassé, connu aussi par diverses espèces
fossiles, dont certaines géantes comme l’Archelon qui vivait au Crétacé supérieur et
mesurait environ 4 m de long (Fig. n°7). Il existe de nombreuses similitudes entre
cette tortue de l’aire secondaire et la tortue luth.
Une tortue pas comme les autres
La tortue luth est la seule tortue marine qui ne possède pas une carapace
dure, ou cornée. Sa peau a un aspect de cuir brillant bleu-noir qui fait parfois donner
à cette espèce le nom de « tortue cuir » (
leatherback
en anglais, littéralement « dos
de cuir »). En réalité, il ne s’agit pas, comme chez la plupart des chéloniens, d’une
boîte osseuse où les organes sont enfermés et dans laquelle pattes et tête se replient
en cas de danger imminent, mais d’une pseudo-carapace dont la structure est unique.
Épaisse d’environ 4 cm, sous un cuir épais, elle se compose d’une couche très riche
de tissus conjonctifs graisseux et de cartilages sur laquelle se développe une sorte
de « cotte de maille » composée de milliers de petits nodules osseux , de forme
géométriques et articulés les uns aux autres. Les plus gros de ces osselets sont
tuberculés et disposés en lignes. Ces lignes, visibles sous la peau, forment des crêtes
ondulées appelées carènes qui sont visibles sur la carapace de la tête vers la queue
de l’animal lui donnant un aspect profilé comme les carènes de la coque d’un bateau.
Les 5 carènes dorsales longitudinales, complétées par deux carènes latérales et 5
ventrales, renforcent la forme de luth caractéristique de cette espèce, avec une zone
Fig.7 :
Vue d’artiste
d’un Archelon.
Jacksonwarrier
@Dinopedia