La hausse de l’endettement des ménages dans les pays de l’OCDE: une analyse économétrique Mémoire Vincent Bernard Maîtrise en économique Maître ès sciences (M.Sc.) Québec, Canada © Vincent Bernard, 2014 Résumé Les dernières décennies ont vu l’endettement des ménages, et plus précisément le ratio detterevenu disponible, augmenter de façon significative dans la majorité des pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). Ce mémoire cherche à expliquer ce phénomène à l’aide d’une analyse économétrique se basant sur des données de onze pays de l’OCDE, de 1995 à 2010. Parmi les variables explicatives, les régressions obtiennent des effets négatifs sur l’endettement pour les taux d’intérêts réels de long terme et l’inflation, avec des retards d’une période, et positifs pour les prix réels de l’immobilier. Les coefficients de corrélation et degrés de significativité des régressions de panel sont toutefois faibles, ce qui laisse croire que d’autres facteurs plus difficiles à capter empiriquement ont pu jouer un rôle. Les changements sociologiques, la conjoncture économique favorisant l’appétit pour le risque et les différentes dérégulations financières qui ont permis un accès sans précédents au crédit en sont des exemples. iii Table des matières Résumé iii Table des matières v Liste des figures vii Liste des tableaux ix Remerciements xiii Introduction 1 1 Mise en contexte : l’endettement des ménages de 1995 à 2010 1.1 Les faits sur l’endettement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Les différentes mesures de l’endettement des ménages . . . . . . . . . . . . . 5 5 11 2 Revue de littérature 2.1 Études relatives à l’endettement des ménages . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Études empiriques concernant les variables explicatives . . . . . . . . . . . . 2.3 En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 17 21 39 3 Modèle théorique 3.1 Modèle du cycle de vie de l’agent-type . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Modèle du cycle de vie imbriqué d’un choix de portefeuille . . . . . . . . . . 3.3 Statique comparative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 41 43 46 4 Résultats empiriques 4.1 Le modèle sous forme réduite . . . . . . . . . . 4.2 Les données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 La méthode des données de panel . . . . . . . . 4.4 La stationnarité des séries temporelles . . . . . 4.5 La cointégration . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.6 Régression de panel utilisant les log-différences 4.7 Régression de panel avec filtre Hodrick-Prescott . . . . . . . 49 49 51 55 56 57 60 66 5 Résultats par pays 5.1 Au Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2 Aux États-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3 Au Pays-Bas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 69 71 73 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . v Conclusion 79 Bibliographie 83 A Définition des concepts utilisés 89 B Calculs vers l’équation d’Euler 91 C Test de stationnarité avec constante et tendance temporelle 95 D Utilisation du logarithme 97 vi Liste des figures 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7 1.8 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 Ratio d’endettement des ménages sur revenu disponible de 1995 à 2010 . . . . . Endettement des ménages par rapport au revenu disponible au Québec et au Canada de 1980 à 2013 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Composition de l’endettement des ménages aux États-Unis . . . . . . . . . . . Dette hypothécaire, en pointillé, et dette totale, en ligne pleine, en Australie . . Paiements mensuels par rapport au revenu brut au Québec . . . . . . . . . . . Ratio de la dette des ménages par rapport à la valeur de leurs actifs . . . . . . Progression de la dette et des actifs au Québec (axes en dollars $) . . . . . . . . Proportion des prêts hypothécaires en souffrance au Québec et au Canada . . . 6 7 9 9 13 14 14 15 Théorie du cycle de vie de Modigliani . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Taux d’inflation de onze pays de l’OCDE de 1970 à 2013 . . . . . . . . . . . . . Taux nominaux de long terme de onze pays de l’OCDE . . . . . . . . . . . . . Taux d’intérêts réels de long terme de 1995 à 2013 . . . . . . . . . . . . . . . . Taux de croissance annuel moyen des prix de l’immobilier de 1996 à 2007 . . . Corrélation entre prix du marché immobilier (en indice) et dette hypothécaire (2001-2006) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dette publique de l’administration centrale en pourcentage du PIB de onze pays de l’OCDE entre 1995 et 2010 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 22 23 25 26 Dette et indice des prix immobiliers au Royaume-Uni de 1995 à 2010 . . . . . . Premières différences du ratio de dette de l’Australie, de la Belgique et du Canada 58 60 D.1 Séries de bases de l’endettement de l’Australie, de la Belgique et du Canada . . D.2 Séries logarithmiques de l’endettement de l’Australie, de la Belgique et du Canada 97 97 2.7 4.1 4.2 27 35 vii Liste des tableaux 1.1 1.2 1.3 Différences institutionnelles dans les marchés hypothécaires nationaux . . . . . Dette médiane par tranche d’âge, en pourcentage du revenu par capita total . . Dette médiane par percentile des revenus, en pourcentage du revenu par capita total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 2.1 Dérégulations financières dans les pays de l’OCDE . . . . . . . . . . . . . . . . 30 4.1 4.2 4.3 4.4 4.5 4.6 4.7 4.8 4.9 4.10 4.11 4.12 4.13 4.14 4.15 4.16 4.17 4.18 4.19 Ratio d’endettement des ménages sur revenus disponibles de 1995 à 2010 . . . . Taux d’intérêt réels de long terme de 1995 à 2010 . . . . . . . . . . . . . . . . . Indice des prix réels de l’immobilier de 1995 à 2010 . . . . . . . . . . . . . . . . Ratio de la dette de l’administration centrale sur PIB de 1995 à 2010 . . . . . . Indice des salaires annuels moyens (en $US constants) 1995 à 2010 . . . . . . . Taux d’inflation de 1995 à 2010 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Taux de croissance de la consommation de 1996 à 2010 . . . . . . . . . . . . . . Test de stationnarité des différentes variables étudiées, par pays . . . . . . . . . Régression de cointégration pour les États-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . Test de racines unitaires pour la cointégration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résultat pour test de racines unitaires de cointégration . . . . . . . . . . . . . . Test de stationnarité avec la 1ère différentiation . . . . . . . . . . . . . . . . . . Test de stationnarité avec la 2e différentiation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Panel de trois pays à efffets fixes avec deux différentiations . . . . . . . . . . . Test de stationnarité avec la 3e différentiation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Panel de cinq pays à effets fixes avec trois différentiations . . . . . . . . . . . . Panel de cinq pays à effets fixes avec trois différentiations avec retards . . . . . Panel de cinq pays avec trois différentiations avec retards sur certaiens variables Panel de dix pays avec filtre HP en premières différences . . . . . . . . . . . . . 51 52 52 53 53 54 54 57 59 59 59 61 61 62 63 63 65 65 67 5.1 5.2 5.3 5.4 5.5 Moindres carrés ordinaires Moindres carrés ordinaires Moindres carrés ordinaires Régression par MCO pour Régression par MCO pour 71 71 75 75 76 et 3e différence et 3e différence et 2e différence le Pays-Bas, 2e le Pays-Bas, 3e pour le Canada . . . . . . . . . . pour les États-Unis . . . . . . . . pour le Pays-Bas . . . . . . . . . différence, sans prix immobiliers différence, sans prix immobiliers . . . . . . . . . . 8 10 ix À mes parents xi Remerciements Je tiens d’abord à remercier sincèrement Monsieur Bernard Beaudreau, qui, en tant que Directeur de mémoire, s’est toujours montré à l’écoute et très disponible tout au long de la réalisation de ce mémoire. Je le remercie également pour la rigueur qu’il a exigé de mon travail et pour l’inspiration qu’il m’a transmise lors de maintes conversations. J’exprime ma gratitude envers mes familles Lamoureux et Bernard qui m’ont toujours appuyé. Je souhaite remercier du fonds du coeur mes parents, Réal et Martine, qui m’ont toujours encouragé à me dépasser et à réaliser mes rêves. Cela inclue tout mon parcours scolaire et mes différents voyages qu’ils ont été d’accord pour que je réalise. Merci également à mon frère Renaud pour l’inspiration qu’il me procure. Enfin, j’adresse mes plus sincères remerciements à tous mes proches et amis, qui m’ont toujours soutenu et encouragé au cours de la réalisation de ce mémoire. Merci à tous et à toutes. xiii Introduction Le recours au crédit est aujourd’hui un usage commun pour les ménages faisant partie des pays développés. Selon l’anthropologue David Graeber, les premières traces de l’utilisation de la dette remonteraient d’ailleurs jusqu’à 3000 avant J-C, en Mésopotamie antique, l’Irak actuel (Graeber, 2011). Selon l’auteur, elle serait ainsi le moyen d’échange le plus ancien, apparaissant avant l’argent et le troc. Utilisée principalement par les plus fortunés à la période de la Renaissance, pour les grands projets, puis par les industriels pendant la Révolution industrielle, elle devient de plus en plus accessible pour les ménages par la suite avec le développement du système bancaire. Il permettra l’essor du crédit hypothécaire au 19e siècle et l’arrivée de la carte de crédit dans la seconde moitié du 20e siècle. La finance a désormais un rôle important dans l’économie, celui d’animer le marché des capitaux, où l’offre et la demande de capitaux se rencontrent. Les institutions ou les gens détenant un excédent d’épargne y sont mis en relation avec ceux qui ont un besoin de financement (Fassal, 2013, p. 12). Pour les ménages, le crédit sert entre autres à financer l’achat d’une maison, d’une automobile, le coût des études, alors que d’autres au contraire choisissent d’épargner. L’endettement est ainsi un moyen qu’utilisent les ménages pour se procurer des biens, des services ou des actifs à court terme, en s’engageant à rembourser leurs dettes dans le futur, en plus des intérêts accumulés. Les statistiques démontrent que l’endettement a augmenté au cours des dernières décennies, mais qu’un phénomène d’accélération de cette hausse s’est manifestée vers la fin des années 1990, et en particulier au début des années 2000. Selon le Fonds monétaire international, de 2002 à 2007, le ratio d’endettement des ménages par rapport à leurs revenus disponibles, a cru, en moyenne, de 39 points dans les pays avancés, passant de 99% à 138% en cinq ans (Fonds Monétaire International, 2012, p. 95). Cette progression est considérable, sachant que dans l’éventualité où les revenus disponibles, au dénominateur, croient au même rythme que l’endettement, au numérateur, le ratio ne varie pas. L’endettement a donc connu une croissance plus marquée que celle des revenus disponibles, malgré le fait que cet écart grandissant ait des limites de soutenabilité. Un tel phénomène est important à élucider pour les différents analystes économiques de même que par la population puisqu’un endettement élevé des ménages peut rendre une économie vulnérable. Un choc sur la consommation ou sur le pouvoir de consommation, au niveau agrégé, est un choc sur ce qui représente généralement entre 60% et 75% du Produit Intérieur Brut des 1 pays développés. Les dirigeants des banques centales, qui veillent à la stabilité de l’économie, reconnaissent les risques que pose une vulnérabilité accrue des ménages à différents chocs. Mark Carney, ex-gouverneur de la Banque du Canada, affirmait en 2012 que l’endettement des ménages «pourrait être considéré comme une menace à la stabilité financière du pays et l’amener à passer à l’action même s’il n’y a pas de péril inflationniste en vue» (Desrosiers, 2012). Une autre inquiétude est le fait que suite à une crise, les conséquences sont plus sévères lorsque l’endettement est élevé. Selon une étude du Fonds monétaire international, une hausse accrue de l’endettement des ménages précédant une récession amplifie sa gravité et la durée de la phase de relance (Fonds Monétaire International, 2012, p. 95-123). Une étude de la Norges Bank stipule également qu’une variation trop forte du ratio d’endettement cause des changements pouvant créer des perturbations pour l’économie, prenant comme exemple l’expérience norvégienne des années 1980 qui a mené le pays vers la récession après une hausse notable de l’endettement (Norges Bank, 2013, p. 18). Pour des économistes, dont Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins, le ratio d’endettement n’est toutefois pas une mesure assez complète pour tirer des conclusions sur la vulnérabilité des ménages liée à l’endettement (Diotte, 2014). Cette perspective sera précisée à la section 1.4. Ainsi, le phénomène de hausse de l’endettement pourrait témoigner de changements structurels qui auraient incité davantage de ménages à se permettre un endettement plus élevé en fonction de leurs revenus. Diverses explications ont été avancées au cours des dernières années et seront présentées en détail à la section 2.2 qui traite des études empiriques relatives aux variables explicatives. Parmi les raisons évoquées, la chute de l’inflation et des taux d’intérêts, la hausse des prix immobiliers, les déréglementations financières et l’accessibilité accrue au crédit, l’écart grandissant entre les revenus des riches et des pauvres, une conjoncture économique favorable et stable, et plusieurs autres. Plusieurs questions demeurent. Quelles sont les causes principales ? Voici le sujet de ce mémoire, identifier, à l’aide d’un modèle économétrique, les facteurs pouvant expliquer la hausse de l’endettement des ménages. En raison de la disponibilité des données, les calculs et analyses porteront sur les pays développés, c’est-à-dire les pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) et la période couverte sera de 1995 à 2010. Dans son livre intitulé Tout savoir sur la finance, Omar Fassal aborde une idée répandue pour plusieurs économistes, à savoir que l’endettement excessif des ménages est à l’origine des deux plus grandes crises des cent dernières années, celles de 1929 et de 2008 (Fassal, 2013, p. 70). Il écrit qu’en 1929, l’endettement à effet de levier était consenti aux ménages qui investirent leurs fonds à la bourse, ce qui avait créé une bulle sur la valeur des actions. Son éclatement ne permit pas à ces investisseurs de rembourser leurs dettes et ruina nombre d’entre eux. Il écrit ensuite qu’en 2008, l’augmentation de la dette des ménages s’est davantage concentré dans le secteur immobilier, ce qui a créé une bulle immobilière qui devait également éclater. 2 La hausse de l’endettement des ménages comporte donc des risques. Les ménages avec un endettement élevé par rapport à leurs revenus doivent tenir compte des risques auxquels ils font face concernant notamment la précarité de leur emploi, source de leurs revenus, l’impact qu’aurait une remontée des taux d’intérêts et l’impact qu’aurait une baisse des prix immobiliers. La vulnérabilité accrue des ménages des différents pays est devenue un sujet d’intérêt suite à la crise de 2008. L’Organisation des Nations Unies a organisé un colloque réunissant plusieurs des économistes les plus émérites au niveau mondial. Le rapport Stiglitz, du nom du président de la commission et économiste Joseph Stiglitz, dresse un portrait critique des conditions ayant menées à la crise. «Les marchés financiers, galvanisés par une offre excessive de liquidités, ont mal géré le risque et mal orienté les capitaux». Le rapport traduit cela par un échec de l’économie de marché. «Cette conjoncture, poussée par les déréglementations, l’innovation financière et diverses capitulations politiques, ont créé les conditions pour la crise des prêts immobiliers subprime, qui ne fut finalement qu’un aboutissement logique» (Stiglitz et al., 2010, p. 69). L’endettement des ménages aurait été une conséquence directe de ces conditions, de même qu’une cause explicant la sévérité de la récession qui s’en suivit. Le rapport avance que le problème est plus profond et cible la hausse des inégalités de revenus. La revue de la littérature élaborera sur cette vision. En raison des risques que l’endettement des ménages pose sur l’économie, il est donc important de comprendre le phénomène de son ascension et l’apport des différentes variables sur celui-ci. Le mémoire est organisé de manière suivante. Dans un premier temps, une mise en contexte de l’endettement des ménages dans les pays de l’OCDE, entre 1995 et 2010, est présenté. Une revue de la littérature est ensuite soumise concernant les analyses ayant été faites sur l’endettement des ménages puis sur les études empiriques relatives aux différentes variables susceptibles d’avoir eu un impact sur sa variation. Une représentation théorique de l’endettement est ensuite proposée, suivie de la présentation des résultats empiriques. Finalement, une interprétation des résultats est conduite spécifiquement pour le Canada, les États-Unis et le Pays-Bas. 3 Chapitre 1 Mise en contexte : l’endettement des ménages de 1995 à 2010 Cette section présente, à l’aide de figures, une mise en contexte de l’endettement des ménages de 1995 à 2010. La section 1.1 présente les faits à l’aide de différentes figures alors que la section 1.2 propose une révision des différents indicateurs utilisés pour mesurer l’endettement. Il est par ailleurs à noter que l’annexe A contient les définitions des termes «ménages», «dettes brutes», «dettes nettes» et «revenus disponibles», utilisés tout au long du mémoire. 1.1 Les faits sur l’endettement De 1995 à 2010, le ratio d’endettement des ménages par rapport aux revenus disponibles s’est accru pour la majorité des pays de l’OCDE jusqu’à doubler pour certains d’entre eux. La figure 1.1 illustre ce constat. En quinze ans, l’Australie a connu une hausse de son ratio de 85 points de pourcentage alors qu’au Canada, l’augmentation a été de 46 points. Le Pays-Bas a connu la hausse la plus marquée avec 172 points de pourcentage de différence. Les pays scandinaves ont également enregistré des augmentations notables avec 72 points de différence pour la Norvège et 80 points pour la Suède. Les ratios atteints en 2010 ont été de 277% pour le Pays-Bas, 168% pour l’Australie, 147% pour le Canada, 196% pour la Norvège et 168% pour la Suède, entre autres. Les niveaus des ratios sont donc substanciellement différents au sein des pays obervés. L’Italie détenait le plus bas niveau en 1995 et en 2010, avec 38% et 85% respectivement tandis que le Pays-bas, comme mentionné, atteignait 106% et 277% pour ces deux mêmes années. Selon une étude de la Norges Bank, cet écart pourrait être dû au bien-être et à la richesse du pays (Norges Bank, 2013, p. 17). Les pays avec un système social développé, comme les pays scandinaves, tendraient à avoir un endettement aggrégé plus élevé. D’autres explications avancent le fruit de politiques incitatives, comme par exemple la déductibilité d’impôts des intérêts sur la dette immobilière présente au Pays-Bas, notamment. 5 Pour certains pays, particulièrement pour les États-Unis, des sommets d’endettement ont été atteints en 2007 avant de connaître une descente par la suite, en raison de faillites, qui effacent la dette, ou encore en raison du désendettement des ménages, c’est-à-dire le fait de réduire ses dettes et son exposition à divers chocs potentiels. Pour la majorité des pays développés, la hausse s’est toutefois poursuivie. En taux de croissance annuel moyen, les constats sont les mêmes. Le Pays-Bas se démarque avec un taux de 6,7%, suivi de l’Italie à 5,6%, de l’Australie à 4,9% et de la Suède à 4,5%. Le ratio du Canada a connu une progression annuelle moyenne de 2,5%. Comme mentionné en introduction, selon le Fonds Monétaire International, de 2002 à 2007, le ratio d’endettement des ménages par rapport à leurs revenus disponibles, a cru en moyenne de 39 points de pourcentage dans les pays avancés, passant de 99% à 138% en cinq ans (Fonds Monétaire International, 2012, p. 95). Finalement, il est observable que l’Allemagne n’a pas connu de hausse d’endettement, contrairement aux autres pays. Son ratio est passé de 91% en 1995 à 90% en 2010, pouvant être dû à une stagnation comparable des prix immobiliers réels dans ce pays. Ce facteur sera étudié à la section 2.2. Figure 1.1: Ratio d’endettement des ménages sur revenu disponible de 1995 à 2010 Source : (Organisation de Coopération et de Développement Économiques, 2014c) La figure 1.2 montre l’évolution sous une différente perspective à l’aide de données fournies par Desjardins. Elle contient l’endettement des ménages du Québec et du Canada, deux économies relativement représentatives des pays de l’OCDE, à partir de 1980. Pour les deux économies, le ratio d’endettement augmente vers 1983 et accélère au début des années 2000. Au Canada, le ratio était de 66% au début des années 1980 et a dépassé les 150% au milieu des années 2000 après une accélération au début du nouveau millénaire (Chawla et Uppal, 2012, p. 4). 6 Figure 1.2: Endettement des ménages par rapport au revenu disponible au Québec et au Canada de 1980 à 2013 Source : (Desjardins, 2013) Conditions et règles différentes entre les pays Une autre raison explicant les écarts entre les niveaux d’endettement des pays est la différence relativement aux systèmes financiers et marchés du crédit des différents pays. L’offre de crédit varie en raison de réglementations ou de niveau de développement, ce qui influence l’accessibilité aux différents prêts désirés par les ménages. Ces conditions affectent du même coup la demande pour le crédit, les ménages de différents pays n’ayant pas tous la même capacité de s’endetter ni la même propension à le faire. Le tableau 1.1 présente un résumé de quelques différences institutionnelles entre les pays, spécifiquement pour le marché de la dette hypothécaire. Le tableau montre que dans certains pays, les ménages ont davantage la possibilité d’extraire des liquidités de leur patrimoine immobilier lorsque, notamment, sa valeur augmente. Ces pays sont l’Australie, le Canada, les États-Unis, la Norvège, la Suède et le Pays-Bas, entre autres, qui ont également en commun d’avoir connu des taux de croissance annuels moyens parmi les plus élevés entre 1995 et 2010. L’opportunité de refinancer un prêt est également présente pour ces pays, à l’exception du Canada et de la Norvège. Ensuite, le tableau montre que l’utilisation des titres adossés à des créances hypothécaires, récente pour la majorité des pays, est largement avancée aux États-Unis comparativement à partout ailleurs, en pourcentage des 7 prêts résidentiels. Les États-Unis obtiennent également la cote la plus élevée dans l’indice du marché hypothécaire 1 , ce qui prouve le développement et la complexité accrue du marché du crédit dans ce pays. Les marchés de l’Australie, du Canada, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, entre autres, font également usage de ces titres adossés à des créances, communémment appelés «Mortgage-backed securities (MBS)», mais dans une mesure plus modeste. Finalement, la table montre que l’Allemagne, dont l’endettement a très peu varié, a un indice de développement du marché immobilier très faible. Cela représente une autre explication de la variation quasi-nulle des prix de immobiliers et de l’endettement des ménages du pays entre 1995 et 2010. Tableau 1.1: Différences institutionnelles dans les marchés hypothécaires nationaux Source : (Fonds Monétaire International, 2008, p. 113) Composition de l’endettement La dette des ménages se décompose en deux principales catégories, soit la dette hypothécaire et le crédit à la consommation. Elle peut également se présenter de façon plus spécifique comme à la figure 1.3, c’est-à-dire par la dette hypothécaire, les prêts automobiles, les prêts étudiants, le crédit issu du patrimoine immobilier, les cartes de crédit, etc. C’est ainsi que la Réserve Fédérale de New York présente l’endettement des ménages américains. La figure montre que la part de la dette hypothécaire dans l’endettement total oscille autour de 75%. De plus cette proportion a augmenté avant 2008, passant de 68,3% en 2003 à 73,7% en 2008 avant de redescendre par la suite pour se situer à 70,0% en 2013. Cette évolution est partagée par la majorité des pays développés (Girouard et al., 2006, p. 7). Comme autre exemple, au 1. Le Fonds Monétaire Internationale assigne des valeurs de 0, 0,5 et 1 à chaque pays selon que l’extraction hypothécaire est inexistante, modérée ou généralisée, respectivement. 8 Québec, la part de la dette hypothécaire relativement à la dette totale des ménages québécois est passée à 77% en 2012 alors qu’elle était de 72,4% en 2002 (Baril, 2012). Figure 1.3: Composition de l’endettement des ménages aux États-Unis Source : (Réserve fédérale de New York, 2013) La figure 1.4 montre d’une autre façon l’impact qu’a la variation de la dette hypothécaire dans la variation de l’endettement total pour les ménages australiens. Elle montre des trajectoires similaires pour les deux mesures de 1977 à 2009. La dette hypothécaire a ainsi augmenté son importance dans le portfolio d’endettement des ménages dans les années précédant la crise de 2008. Il s’agit de l’une des raisons expliquant l’intérêt de mesurer les changements dans le marché immobilier des pays développés dans ce mémoire. Figure 1.4: Dette hypothécaire, en pointillé, et dette totale, en ligne pleine, en Australie Source : (Philbrick et Gustafsson, 2010, p. 9) 9 Distribution de l’endettement La distribution de l’endettement varie selon l’âge ainsi que selon le niveau des revenus d’un ménage. Les tableaux 1.2 et 1.3, obtenus d’une étude de l’OCDE (Girouard et al., 2006, p. 20), présentent la distribution de l’endettement selon ces deux attributs. Le tableau 1.2 montre que la dette médiane en pourcentage du revenu total per capita est plus élevée pour les ménages de la tranche d’âge de 35 à 44 ans. Il s’agit généralement de l’âge où un ménage possède une hypothèque sur un bien immobilier. Plus il y a de ménages dans cette tranche d’âge relativement aux autres tranches, plus le ratio total devrait être élevé, ceteris paribus. Pour les ménages de moins de 35 ans, la table montre que l’endettement relatif est plus faible étant donné qu’il y a relativement moins de ménages qui contractent une hypothèque à cet âge. Entre 18 et 35 ans, plusieurs louent leur logement de sorte à se construire une épargne et une éventuelle mise de fonds sur une propriété. Pour les tranches d’âge supérieures à 44 ans, la table montre également une diminution de l’endettement relatif. Pour ces ménages, la valeur de l’hypothèque est généralement plus faible qu’au début du prêt en raison des paiements sur le principal ayant été effectués au fil des années. La distribution présentée par la table propose donc que la démographie peut avoir un rôle significatif dans l’évolution du ratio de l’endettement. Tableau 1.2: Dette médiane par tranche d’âge, en pourcentage du revenu par capita total Source : (Girouard et al., 2006, p. 20) Le niveau des revenus est également un facteur qui fait varier le niveau d’endettement détenu par les ménages. La table 1.3 présente la dette médiane pour différentes catégories créées à l’aide des percentiles des revenus des ménages des différents pays. Elle démontre que l’endettement est plus élevé pour les ménages faisant partie des percentiles de revenus les plus hauts. Plus les revenus d’un ménage sont élevés, plus son endettement a donc tendance à l’être également. Il s’agit d’un autre facteur faisant varier le niveau d’endettement entre les pays. 10 Tableau 1.3: Dette médiane par percentile des revenus, en pourcentage du revenu par capita total Source : (Girouard et al., 2006, p. 20) 1.2 Les différentes mesures de l’endettement des ménages Cette section énonce les différentes façons de mesurer le niveau d’endettement des ménages. Elle permettra de mettre en perspective le ratio d’endettement par rapport aux revenus disponibles qui est utilisé dans ce mémoire. Ratio d’endettement des ménages par rapport à leur revenu disponible De tous les indicateurs, celui-ci est le plus utilisé par les analystes. Il représente un rapport entre deux mesures agrégées : la somme des dettes bruttes des ménages au numérateur et la somme des revenus disponibles au dénominateur. Il est pertinent puisqu’il permet d’évaluer le temps qui serait requis par un ménage pour rembourser ses dettes si l’entièreté de son revenu disponible était utilisé (Philbrick et Gustafsson, 2010, p. 8). L’utilisation du revenu disponible au dénominateur est comparable à celle du Produit Intérieur Brut (PIB) dans le ratio de dette publique sur le PIB. Ce dernier indicateur permet de dresser un portrait du niveau de la dette publique par rapport à une quantité de production tandis que le premier montre le niveau de dette des ménages par rapport à une quantité de revenus après impôts. Il est nécessaire de saisir les limites de cet indicateur, qui est effectivement imparfait. Il est remis en question par des économistes et des analystes qui jugent qu’il peut mener à de mauvaises interprétations de la situation réelle des ménages d’un pays. D’abord, puisqu’il compare un stock (la dette), pris à un point donné dans le temps, avec un flux (les revenus disponibles), saisis pour une période donnée, rendant l’indicateur difficilement interprétable. Ensuite, l’indicateur généralise le résultat des données pour l’ensemble d’une population, puisqu’il divise deux mesures agrégées, négligeant ainsi les aspects sensibles à la distribution de l’endettement. En d’autres mots, il peut mener à croire qu’un pays A avec un ratio de 130% est plus à risque 11 qu’un pays B avec un ratio de 120%. Il est pourtant possible que le pays A ait un niveau plus élevé en raison d’un plus grand nombre de ménages fortunés pouvant s’offrir un endettement plus élevé, par exemple. À titre d’exemple, selon les indicateurs financiers de l’OCDE, en 2009, les ménages du Mexique détenaient un ratio d’endettement des ménages de 9% en fonction des revenus disponibles tandis qu’il était de 201% pour la Norvège (Organisation de Coopération et de Développement Économiques, 2014a). Il est toutefois généralement reconnu que les ménages norvégiens se portent économiquement mieux que les ménages mexicains. Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins, ajoute que cet indicateur est le «moins complet qui existe, et qu’il est utilisé principalement parce qu’il est facile à calculer» (Diotte, 2014). Pour appuyer ses dires, elle soutient qu’au début des années 1990, le taux d’endettement des Québécois se situait autour de 70% et que les taux hypothécaires étaient supérieurs à 10%, faisant en sorte que de nombreux ménages éprouvaient des difficultés financières. Depuis, les taux d’intérêts ont baissé de façon considérable, leur permettant un endettement plus grand, sans mettre davantage de pression sur leurs finances. L’indicateur donne donc une indication du niveau d’endettement des ménages mais doit s’accompagner de d’autres indicateurs pour dresser un portrait complet de l’endettement et des risques pour un pays. Seul, l’indicateur peut mener à des interprétations fausses puisqu’il est trop incomplet. Dans ce mémoire, cet indicateur est utilisé pour quelques raisons. D’abord, en raison de la disponibilité des données pour les différents pays développés. Ensuite parce qu’il quantifie de manière général le niveau d’endettement dans un pays au même titre que la dette publique est évaluée en fonction du PIB. Finalement, parce que la hausse de ce ratio d’endettement témoigne de changements structurels dans les économies développées, comme par exemple une plus grande abordabilité du crédit, une plus grande accessibilité, des changements sociologiques des sociétés basées sur la consommation, des bulles immobilières, d’un effet de richesse, d’un accroissement des inégalités ou encore de changements démographiques. Ces différents points font de cet indicateur une meilleure variable dépendante à étudier que les autres indicateurs. Ratio du service de la dette par rapport aux revenus disponibles Cet indicateur représente la somme du principal et des intérêts payés chaque année par rapport au revenu disponible. Il renseigne directement sur les changements dans la capacité de payer des ménages, au niveau agrégé. Il est donc sensible à la fluctuation des taux d’intérêt, qui font varier le montant des intérêts à payer périodiquement. Il compare finalement un flux avec un autre flux, la comparaison étant ainsi plus logique et davantage interprétable. À travers le temps, ce ratio varie généralement peu, malgré des fluctuations de taux d’intérêt. Cela est explicable du fait que les gens choisissent leur niveau d’endettement en fonction de la charge de la dette, c’est-à-dire le montant qu’ils ont à débourser périodiquement. Les ménages s’endettent davantage avec des taux d’intérêt faibles, ce qui ne fait pas varier la charge nette 12 des paiements. Ce ratio est également à analyser avec précaution car sa variation peut être due à la variation du taux de propriété dans un pays (Debelle, 2004, p. 10). La figure 1.5 présente le cas du Québec grâce à des données de Desjardins. Elle illustre que le ratio du service de la dette par rapport au revenu disponible fluctue peu à travers les années malgré des fluctuations de taux d’intérêt. De 2001 à 2009, le ratio d’endettement des ménages québécois par rapport à leur revenu disponible est pourtant passé de 80% à 119%. La Banque du Canada stipule qu’un ménage ayant un ratio du service de la dette (le montant annuel à payer sur une dette) par rapport à ses revenus plus élevé que 40% est considéré comme un ménage vulnérable (Desjardins Études Économiques, 2010, p. 3). Figure 1.5: Paiements mensuels par rapport au revenu brut au Québec Source : (Desjardins, 2013) Ratio de la dette des ménages par rapport à la valeur de leurs actifs Cet indicateur permet d’observer si la valeur des actifs possédés par les ménages fluctuent au même rythme que leur endettement. Il donne une autre perspective que l’indicateur principal puisque la valeur totale de la dette par rapport à la valeur des actifs est inférieure à 50% pour tous les pays. La figure permet de constater que le ratio a augmenté pour la majorité des pays entre 1995 et 2010 mais dans une plus faible mesure que le ratio d’endettement par rapport aux revenus disponibles. La valeur de l’actif et sa croissance est importante pour l’empunteur et le prêteur puisque l’actif est utilisé comme collatéral en cas de défaut de paiement. Les ménages ont donc augmenté leur exposition à une baisse des prix de l’immobilier, en raison notamment de la hausse constante qu’ils ont connu au cours des années 2000. La figure 1.6, permet de faire la comparaison entre la situation des ménages de différents pays de l’OCDE en 1995 et en 2010 concernant ce ratio. L’écart est particulièrement notable entre les deux années pour l’Australie, les Pays-Bas et la Norvège. 13 Figure 1.6: Ratio de la dette des ménages par rapport à la valeur de leurs actifs Source : (Organisation de Coopération et de Développement Économiques, 2014c) La figure 1.7 montre la situation du Québec entre 2003 et 2013. Elle démontre qu’avec la hausse de la valeur moyenne de la dette s’est accompagnée une hausse de la valeur moyenne des actifs. Les ménages se sont donc endettés davantage mais ils sont également devenus plus riches en termes de possession d’actifs. Figure 1.7: Progression de la dette et des actifs au Québec (axes en dollars $) Source : (Desjardins, 2013) 14 Les arriérés de paiement L’observation des arriérés de paiement représentent une mesure de stress financier sur les ménages. Elle indique le nombre de ménages incapables de faire leurs paiements pour un intervalle de temps donné, généralement de 90 jours. Les arriérés de paiement peuvent également être appelés prêt en souffrance, prêts non performants, ou non-performing loans en anglais. La figure 1.8 présente l’évolution des prêts en souffrance entre 1990 et 2012 pour le Québec et le Canada. Elle démontre que la situation s’est améliorée au début des années 2000 malgré la hause de l’endettement, grâce à la baisse des taux d’intérêt. Figure 1.8: Proportion des prêts hypothécaires en souffrance au Québec et au Canada Source : (Desjardins, 2013) Conclusions En guise de conclusion, le principal indicateur d’endettement par rapport aux revenus disponibles doit être analysé avec précaution puisqu’il s’agit d’un ratio de mesures agrégées pouvant être influencé par la démographie, la distribution de l’endettement et les conditions particulières du marché du crédit. D’autres indicateurs doivent être utilisés pour avoir un portrait complet comme le ratio du service de la dette, celui de la dette sur la valeur des actifs et celui des arriérés de paiements. Plusieurs pays ont néanmoins connu une progression forte et rapide de l’endettement en fonction des revenus disponibles parmi les différents pays membres de l’OCDE. Ce ratio d’endettement est utilisé comme variable dépendante dans ce mémoire en partie parce qu’il traduit ce phénomène important. 15 Chapitre 2 Revue de littérature Ce chapitre présente une revue de littérature des études ayant été faites sur la hausse de l’endettement des ménages (section 2.1) puis des études empiriques relatives aux variables explicatives (section 2.2). Il permettra de réaliser ce que la discipline économique a déjà produit concernant le sujet et de cerner l’apport de ce mémoire. 2.1 Études relatives à l’endettement des ménages Comme pour la majorité des études traitant de la consommation, de l’épargne et de l’endettement, la revue de littérature de ce mémoire débute avec les travaux de Franco Modigliani, prix Nobel en 1985. L’économiste débute en 1953 les premières ébauches théoriques, avec son élève Richard Brumberg, de ce qui deviendra l’hypothèse du cycle de vie, qu’il présenta en 1963 en compagnie d’Albert Ando (Ando et Modigliani, 1963). Selon cette théorie, l’agent-type maximise son utilité, c’est-à-dire son bien-être, en lissant sa consommation sur l’ensemble des périodes de sa vie. Le niveau de consommation périodique est fonction du total de la richesse qu’il prévoit détenir au courant de celle-ci. Cette richesse provient de ses revenus salariaux mais également de son capital à long terme, de son patrimoine et de ses placements. La motivation principale pour épargner ou pour s’endetter est donc de pouvoir lisser sa consommation au courant de sa vie, c’est-à-dire avoir un niveau de consommation relativement similaire à l’âge de 25, de 50 et de 75 ans. À l’âge de la vingtaine, l’agent-type a des revenus relativement faibles, qu’il soit aux études ou en début de carrière. Il épargne un certain temps alors qu’il est locataire d’un logement, jusqu’à pouvoir se permettre l’achat d’un bien immobilier, qui sera fait à l’aide d’une mise de fonds venant de ses épargnes. L’hypothèque contractée augmentera considérablement l’endettement du ménage et sera remboursée sur une longue période de temps, en général de 30 ans, en utilisant des revenus qui, en règle générale, augmentent au fil des ans. L’endettement permet ainsi d’accumuler un certain patrimoine et de bénéficier d’un niveau de vie total supérieur à ce que le ménage aurait connu s’il n’avait pas eu la possibilité de s’endetter. L’agent-type rembourse donc son hypothèque grâce à ses revenus 17 salariaux de travailleur et à ses revenus financiers. À l’âge de la retraite, les actifs financiers et la possible vente d’actifs assureront à l’agent de garder une consommation stable et de profiter d’un niveau de vie semblable à ce qu’il a toujours connu. La figure 2.1 montre que la consommation augmente de façon modérée et stable au cours de la vie de l’agent. Les revenus augmentent au courant de sa carrière professionnelle puis redescendent lorsqu’il prend sa retraite. Au début de sa vie (A), si l’agent s’endette, son patrimoine est nul ou négatif et sa consommation est plus élevée que ses revenus. Lorsqu’il atteint sa vie active de travailleur (B), ses revenus deviennent suffisants pour soutenir sa consommation et pouvoir effectuer les paiements sur une dette. Il peut alors contracter une hypothèque sur bien immobilier, qu’il rembourse progressivement en utilisant le hausse graduelle de ses revenus. Son patrimoine augmente avec le temps et il épargnera en prévision de la retraite. À la retraite (C), l’épargne accumulée est consommée de même que le patrimoine, par la vente de biens, pour soutenir la consommation de l’agent. Figure 2.1: Théorie du cycle de vie de Modigliani Source : (Villieu, 2010, p 43) L’hypothèse du cycle de vie peut prendre plusieurs formes selon diverses variantes comme l’horizon de planification, l’utilité de laisser un héritage à ses enfants, la restriction de mourir sans dettes, etc. En 1957, par exemple, Milton Friedman, prix Nobel en 1976, a présenté l’hypothèse du revenu permanent. Elle était similaire à l’hypothèse du cycle de vie mais utilisait une période de planification infinie pour l’agent, c’est-à-dire que son utilité ne s’arrêtait pas à sa mort mais dépendait également de l’héritage laissée à ses enfants (Carroll, 2001). Friedman a défini le terme de «revenus transitoires» comme étant la différence entre le «revenu 18 permanent» et le revenu courant. Les «revenus permanents» sont définis comme «la somme qu’un consommateur peut dédier à sa consommation en maintenant constante la valeur de son capital». Selon l’économiste, les agents planifient leur niveau consommation selon ce revenu permanent. D’autres modèles ont été utilisés pour faire cette représentation théorique, comme le modèle à générations imbriquées développé par Paul Samuelsson en 1957 mais également attribué à Maurice Allais en 1947. Matt Waldron et Fabrizio Zampolli ont produit une étude pour le compte de la Banque d’Angleterre dont le but était d’expliquer la hausse de l’endettement des ménages au RoyaumeUni de 1987 à 2006 (Waldron et Zampolli, 2010). Durant cette période, l’endettement. de même que les prix de l’immobilier, ont connu une augmentation de plus de 50 %. Les auteurs utilisent un modèle à générations imbriquées calibré à l’économie du pays. Celui-ci incorpore la consommation non-durable et la consommation d’actifs immobiliers, la richesse financière, les taux d’intérêt, l’inflation, la démographie, l’héritage, les contraintes d’emprunt selon les ratios de prêt sur la valeur de l’actif et de prêt sur revenu disponible. Le prix des maisons est endogène et les taux d’intérêt réels sont exogènes et déterminés globalement. Leurs résultats démontrent que les taux d’intérêt réels auraient joué le rôle clé et que, si les agents anticipaient que leur baisse marquée était durable, cela expliquerait très bien la hausse de l’endettement ainsi qu’une bonne partie de la hausse des prix immobiliers. Penelope Philbrick et Linus Gustafsson analysent les déterminants du ratio dette/revenu disponible de l’Australie de 1977 à 2007 à l’aide d’une analyse économétrique de séries temporelles (Philbrick et Gustafsson, 2010). Ils utilisent une analyse de cointégration et un modèle à correction d’erreur dans le but de trouver des relations de court terme et de long terme entre leurs variables explicatives et l’endettement 1 . Ils utilisent les variables explicatives suivantes : un indice de prix réel des maisons, le taux variable hypothécaire, l’écart d’intérêts entre les dépôts et les prêts, le taux d’inflation, l’indice de confiance des consommateurs et la volatilité du PIB. Les résultats de leur étude indiquent qu’à long terme, le ratio de dette par rapport au revenu disponible dépend positivement du prix des maisons et négativement des taux d’intérêt. À court terme, ils trouvent une dépendance positive sur l’indice de confiance des consommateurs et négative sur l’inflation. Christopher Kent et ses co-auteurs (Kent et al., 2007) étudient le phénomène d’endettement dans plusieurs pays développés. Ils utilisent notamment un modèle d’équilibre partiel sur un horizon de trois décennies. Leur étude se fait en trois étapes : 1) ils examinent les facteurs qui expliquent la hausse du ratio entre 1981 et 2007 dans les 18 pays sélectionnés ; 2) ils effectuent des simulations pour voir dans quelle mesure la hausse d’endettement peut être liée à l’allègement de contraintes de crédit ; 3) à l’aide d’un modèle d’équilibre partiel, ils considèrent la réponse endogène de la demande de crédit par les ménages aux changements 1. L’approche de la cointégration a été introduite en 1987 par Clive Granger, prix Nobel d’économie en 2003, suite à sa critique de l’utilisation de régressions linéaires sur des séries temporelles non-stationnaires. 19 dans le niveau de risque de l’économie. La méthodologie est celle d’un équilibre partiel simple de deux périodes où l’endettement sert à étaler la consommation sur le cycle de vie. Leurs conclusions sont que les pays dont l’endettement des ménages a beaucoup cru sont ceux qui ont connu les baisses les plus grandes en termes d’inflation, de volatilité macroéconomique et de taux de chômage. Ils tendent aussi à avoir des marchés hypothécaires moins réglementés, plus compétitifs et innovateurs. L’économiste Guy Debelle réalise finalement une étude multi-pays à l’aide d’un modèle simple qui sert à faire des simulations et qui tente d’expliquer les différences entre les niveaux d’endettement (Debelle, 2004). Il conclue que la hausse d’endettement est principalement expliquée par la baisse des contraintes de crédit depuis les déréglementations des années 1980 ainsi que par la baisse de l’inflation qui a fait diminuer les taux d’intérêt nominaux et réels. L’étude détermine également que la hausse de l’endettement a rendu les ménages plus sensibles aux variations des taux d’intérêts, des revenus et des prix des actifs. Cette vulnérabilité est plus grande pour les ménages détenant des taux variables sur leur hypothèque que pour ceux utilisant des taux fixes. Debelle mentionne que pour plusieurs pays, la hausse marquée de l’emprunt a pris la forme d’extraction de liquidités du patrimoine immobilier («home-equity withdrawal»), permettant une dépense de consommation accrue pour un certain temps. Selon lui, en 2004, si cette pratique venait à ralentir avec la baisse des prix de l’immobilier ou la hausse des taux d’intérêt, il y aurait des impacts négatifs considérables sur l’économie. Il affirme également que le ratio de la dette par rapport au revenu disponible permet une comparaison dans le temps et entre les pays mais n’est pas nécessairement une référence pour déterminer si l’endettement est excessif. Comme dans le cas des entreprises, la mesure de dette par rapport aux actifs de même que le service des intérêts sur la dette sont des mesures appropriées pour évaluer la soutenabilité. Ces deux mesures n’avaient pas augmenté dramatiquement dans les pays développés en 2004, selon l’étude. 20 2.2 Études empiriques concernant les variables explicatives Ce chapitre présente une revue de littérature des études empiriques liées aux différentes variables pouvant expliquer la hausse de l’endettement des ménages. 2.2.1 La diminution des taux d’intérêts réels et nominaux Le niveau des taux d’intérêt est primordial dans le choix du niveau d’endettement d’un ménage. La diminution des taux réels et nominaux, observée lors des dernières décennies dans les pays de l’OCDE, a permis aux ménages de contracter un endettement plus élevé. Cela s’est produit grâce à des coûts d’emprunt réduits, faisant diminuer les charges des paiements hypothécaires. Cette section détaille ces évolutions. La diminution de l’inflation et de sa volatilité La stabilisation de l’inflation explique en bonne partie la baisse des taux d’intérêt nominaux lors des dernières années, et également celle des taux d’intérêt réels. Ces derniers étant déterminés par les facteurs de risques liés dans l’octroie d’un prêt, la stabilisation de l’inflation a permis de réduire une partie des risques et contribué à la diminution des taux réels. À la suite des chocs pétroliers de 1973 et de 1979, les banques centrales du monde se sont engagées plus fermement à garantir une stabilité des prix. La figure 2.2 (utilisant les données des onze pays qui seront à l’étude) démontre qu’elles ont atteint leur objectif de maintenir une inflation faible et stable. La diminution de la volatilité des prix a contribué à réduire le niveau des taux d’intérêt nominaux ainsi que les taux réels (Baugnet et al., 2011, p. 60). En 1980, l’inflation était de 10,1% au Canada, de 10,9% en Norvège, de 18,0% au Royaume-Uni et de 13,5% aux États-Unis. En 1995, l’inflation était respectivement de 2,1%, 2,4%, 2,6% et 2,8% pour les quatre pays mentionné. Puis, en 2010, ces niveaux sont respectivement à 1,8%, 2,4%, 3,3% et 1,6%. Le contrôle des attentes par les banques centrales En plus d’un engagement plus ferme envers la stabilité du niveau des prix, les banques centrales ont commencé à faire l’usage de cibles à partir des années 1990. Cette stratégie avait pour objectif de contrôler les attentes et de réduire l’incertitude. Le respect des cibles d’inflation allait ajouter à leur crédibilité et à celle de leurs actions. Les politiques monétaires ainsi expliquées devenaient mieux comprises, rassurant les marchés financiers et la population. La Nouvelle-Zélande a été la pionnière en adoptant une cible d’inflation en 1990. Le Canada a suivi en 1991, le Royaume-Uni en 1992, la Suède en 1993 et la Norvège en 2001 (Roger, 2010, p. 47). La Banque du Canada décide donc d’établir une cible d’inflation officielle en 1991. Selon la banque centrale, l’instabilité économique des années 70 jusqu’au début des années 90 était en 21 Figure 2.2: Taux d’inflation de onze pays de l’OCDE de 1970 à 2013 Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c) partie due à l’inflation élevée et particulièrement volatile, elle qui a notamment atteint 12% au début années 1980 (Banque du Canada, 2014). Cette nouvelle cible a eu un effet positif pour les ménages canadiens puisque la volatilité de l’inflation les empêchait de pouvoir faire des plans d’investissement à long terme et les politiques monétaires devenaient plus crédibles. Depuis 1995, la cible d’inflation est de 2%, soit la médiane de la fourchette cible qui est de 1% à 3% (Banque du Canada, 2013). La crédibilité de la banque centrale a été mise à l’épreuve lors de la crise de 2008. Pendant que la crise frappait les États-Unis, le plus grand partenaire commercial du Canada, la pression pour une diminution de l’inflation se faisait ressentir. La banque centrale a choisi d’abaisser son taux directeur à 0,25% pour lutter contre la possibilité d’une période de déflation et pour permettre une sortie de récession (Banque du Canada, 2014). En 2010, le taux directeur a été haussé à 1%. Pendant ce temps, selon la Banque, les attentes et les prédictions d’inflation des entreprises et des différents agents sont demeurées à 2%, ce qui témoigne de la crédibilité et de la confiance que les agents économiques canadiens accordent à la banque centrale et à sa cible. Cela explique en partie pourquoi les ménages canadiens ont continué à s’endetter pendant et après la crise. L’économiste Guy Debelle soutient que par le passé, une inflation relativement élevée signifiait que la valeur réelle du principal de la dette diminuait dans le temps, tandis que les revenus suivaient l’inflation. Le ratio d’endettement d’un ménage-type pouvait donc diminuer après quelques années. Or, dans un contexte d’inflation faible, la dette perd en valeur réelle moins 22 rapidement qu’auparavant et les revenus nominaux pour payer cette dette augmentent moins rapidement. Dans le ratio d’endettement par rapport aux revenus disponibles, le numérateur conserve donc davantage sa valeur réelle tandis que le dénominateur augmente relativement moins. La mesure peut donc avoir été affectée à la hausse par ce nouveau contexte de faible inflation (Debelle, 2004, p. 5). La baisse de l’inflation a eu un effet direct sur les taux d’intérêt nominaux. La figure 2.3 montre l’évolution des taux d’intérêt nominaux de long terme de 1995 à 2010 pour onze pays de l’OCDE. Ils ont sans contredit été affectés par la baisse de l’inflation. Figure 2.3: Taux nominaux de long terme de onze pays de l’OCDE Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c) Le lien dans la crise immobilière Le rapport Stiglitz évoque «une offre excessive de liquidités sur les marchés mondiaux des capitaux et l’inaction des banques centrales des États-Unis et de d’autres pays qui n’ont rien fait pour restreindre ces liquidités et modérer les hausses spéculatives de prix des biens immobiliers et d’autres actifs» (Stiglitz et al., 2010, p. 65). Selon le rapport, il s’agit d’un échec du marché alors que les marchés financiers ont mal géré les risques et mal orienté les capitaux. S’ils avaient utilisé la disponibilité des capitaux à bas prix de bonne façon, il y aurait pu y avoir des avancées et des progrès en productivité. Les capitaux à bas prix, grâce à des taux d’intérêts faibles, ont toutefois davantage été utilisés pour la spéculation. À titre d’exemple, la Réserve Fédérale américaine a utilisé une politique monétaire accomodante au début des années 2000. L’économie américaine sortait d’une récession engendrée 23 suite à l’éclatement de la bulle technologique en 2001, bulle qui avait vu le cours des actions d’entreprises de l’industrie de la technologie augmenter de façon démesurée. Le pays vivait également des tensions géopolitiques à la suite des attaques du 11 septembre 2001. De plus, Alan Greenspan et Ben Bernanke voulaient freiner les pressions à la baisse sur l’inflation, ce qui faisait craindre la déflation, une expérience vécue par le Japon. Selon l’expérience, pour ne pas être pris avec un niveau d’inflation près de 0 ou négatif, il faut baisser les taux d’intérêts de façon préventive (Ahearne, 2002, p. 37). Le taux des fonds fédéraux, à 6,5% à la fin de l’an 2000, fut donc abaissé à 1,75% en décembre 2001, puis à 1% en septembre 2001, dans le but d’aider les investissements et l’économie (Bernanke, Ben S, 2010). Il fut haussé de nouveau à 5,25% en juin 2006. La période 20022006 a toutefois vu l’endettement hypothécaire considérablement augmenter. Au cours de cette période, la banque centrale utilisa la méthode de la «forward guidance», c’est-à-dire la promesse de garder des taux d’intérêt faibles pour une période donnée, afin de guider les anticipations du marché. Ces politiques ont toutefois permis aux ménages d’augmenter leur endettement et incité les investisseurs à rechercher des rendements plus élevés, qu’ils ont trouvé dans le secteur immobilier et la titrisation associée avec des titres que les agences de notation ont qualifié, à tort, de sans risques. Depuis 2008, les dirigeants à la Réserve Fédérale multiplient d’ailleurs les tentatives de relance en manipulant toujours les taux d’intérêt et les attentes. Les différentes expériences d’assouplissement quantitatif («QE», «QEII» et «QEIII») sont des exercices où la banque centrale achète en grande quantité des titres de long terme comme des bons du Trésor américain dans le but de faire diminuer les taux à long terme et encourager l’investissement. L’opération «Twist», visant à aplatir la structure à terme des taux d’intérêt, cherchait quant à elle à jouer sur les maturités du portefeuille obligataire de la Fed en vendant des titres de court terme et achetant des obligations de long terme. Les investiseurs et les ménages semblent toutefois réticents à réagir à ces incitatifs puisqu’ils ont perdu confiance en la Réserve Fédérale et en la reprise économique depuis la crise. La diminution des taux d’intérêt réels Finalement, la figure 2.4 montre une estimation du niveau des taux d’intérêt réels de long terme, en 1995 et en 2010, pour onze pays de l’OCDE. Il s’agit des taux nominaux diminués de l’inflation. La baisse de l’inflation a néanmoins eu un impact sur ces taux en diminuant le risque d’inflation auxquels les banques font face. Les taux d’intérêt réels contiennent en effet une prime de risque qui comprend trois parties : le risque d’inflation, le risque de change et le risque de défaut. La diminution des coûts de fonctionnement pour les banques, notamment grâce à l’utilisation grandissante de la technologie, et l’augmentation de la compétition entre les banques, a également eu un impact non négligeable tant aux niveaux régionaux qu’internationaux. Les taux d’intérêt réels ont fait diminuer le service de la dette pour les ménages 24 qui, avec la croyance que les taux allaient demeurer bas, notamment dans les pays avec une cible d’inflation, ont pu augmenter leur niveau endettement. Figure 2.4: Taux d’intérêts réels de long terme de 1995 à 2013 Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c) La baisse des taux réels au niveau international pourrait également être attribuable à un excès d’épargne au niveau mondial aussi appelé savings glut (Baugnet et al., 2011, p. 60). Selon un rapport de la banque centrale de Belgique, après la crise asiatique de 1997-1998, les pays émergents, en particulier la Chine, et les pays exportateurs de pétrole, avec la montée du prix du baril de pétrole, ont accumulé une épargne excédentaire, qui a pesé sur les taux d’intérêt au niveau mondial (Baugnet et al., 2011, p. 60). Une convergence des taux nominaux de long terme s’est également orchestrée en Europe suite à la création de l’euro (Baugnet et al., 2011, p. 60). Les pays du sud de l’Europe, notamment, ont vu leurs taux d’intérêt de long terme baisser jusqu’aux niveaux des taux allemands. Cela a contribué à la croissance des prix immobiliers en Espagne, par exemple, et permis un endettement plus important qu’auparavant pour certain pays d’Europe. En somme, les taux d’intérêt réels et nominaux semblent avoir joué un rôle majeur dans la montée de l’endettement des ménages. La conjoncture a évolué à la fin du 20e siècle, avec la diminution de l’inflation et l’engagement accru des banques centrales envers la stabilité es prix. Les coûts d’emprunt ont diminué et les ménages en ont profité pour mieux anticiper l’avenir. 25 2.2.2 La montée des prix réels de l’immobilier En introduction, il était démontré que la dette hypothécaire représentait la plus grande partie de la dette des ménages. Selon les différentes études résumées à la section 2.1, le lien semble significatif et positif entre l’endettement et les prix de l’immobilier. Dans cette section, il sera observé que plusieurs des facteurs expliquant la hausse des prix de l’immobilier sont également des facteurs avancés pour expliquer la hausse de l’endettement, comme par exemple les taux d’intérêt, les déréglementations financières, la démographie et les revenus disponibles. La figure 2.5 affiche le taux de croissance annuel moyen de 1996 à 2007 dans les pays de l’OCDE. Figure 2.5: Taux de croissance annuel moyen des prix de l’immobilier de 1996 à 2007 Source : (Organisation de Coopération et de Développement Économiques, 2014c) Lien entre prix immobiliers et endettement des ménages Intuitivement, des biens immobiliers de plus grande valeur nécessitent des hypothèques sur ces biens de plus grande valeur également, et donc un endettement plus élevé. Au chapitre 3, cette interaction sera représentée à l’aide d’un modèle. Le prix des maisons a suivi une tendance ascendante lors des dernières années dans la majorité des pays de l’OCDE. Le Fonds Monétaire International a publié en 2008 une étude dans sa publication bi-annuelle des «Perspectives de l’économie mondiale» avec un regard plus poussé sur le marché du logement et son lien avec la crise. La figure 2.6 montre l’un des résultats des calculs rapporté dans l’étude. La corrélation entre les prix du marché hypothécaire, exprimés en indice, et l’endettement hypothécaire en pourcentage du PIB serait de 0,8, ce qui signifie un lien fort entre les deux variables. Lorsque les prix des biens immobiliers montent, il est donc prouvé empiriquement que l’endettement hyptohécaire augmente également. 26 Figure 2.6: Corrélation entre prix du marché immobilier (en indice) et dette hypothécaire (2001-2006) Source : (Fonds Monétaire International, 2008, p. 111) Les déterminants de la hausse des prix immobiliers La relation entre les prix immobiliers et l’endettement est relativement claire. Il est donc utile d’analyser les causes explicant la hausse des prix du marché immobilier. Un rapport de la Banque de Belgique énumère quatre facteurs communs aux différents pays : a) les taux d’intérêt, b) les déréglementations et innovations financières, c) les revenus disponibles et d) la démographie (Baugnet et al., 2011, p. 60-62). Ces quatre déterminants sont également des causes pouvant expliquer la hausse de l’endettement et des variables faisant varier l’offre et la demande de biens immobiliers. La fluctuation des taux d’intérêt (a) fait varier la demande de biens immobiliers puisque lorsque l’offre est insuffisante pour égaler la demande, les prix immobiliers montent. Les déréglementations et l’innovation financières (b) entamées dans les années 1980 ont quant à elles permises une acessibilité accrue au crédit. Entre autres, l’allongement de la durée des prêts (jusqu’à 50 ans en Espagne, en France et au Royaume-Uni), l’augmentation de la part pouvant être empruntée (loan-to-value ratio), le développement de l’extraction de liquidités du patrimoine immobilier (principalement dans les pays anglos-saxons) et la titrisation (principalement aux États-Unis). La demande immobilière a été touchée par ces nouveaux développements. Pour Ben Bernanke, ex-gouverneur de la Réserve Fédérale, la source principale de la réduction du service de la dette pour les ménages n’était pas la politique monétaire de la banque centrale mais plutôt l’innovation financière, l’augmentation des prêts exotiques et la réduction des conditions à l’emprunt (Bernanke, Ben S, 2010). L’arrivée d’investisseurs à la recherche d’investissements pouvant rapporter davantage que les faibles taux sur les obli- 27 gations gouvernementales, a accentué cette pression sur la demande. Cela explique le rôle des bulles immobilières dans la montée de l’endettement, de même que la plus grande spéculation. La hausse des revenus disponibles (c), la diminution des taux de chômage et à la stabilité économique ont pour leur part permis à un plus grand nombre de ménages de contracter une hypothèque, faisant augmenter la demande immobilière. Finalement, la démographie (d) peut aussi avoir joué un rôle, démontré par le fait que des pays avec une faible immigration et une croissance démographique faible comme l’Allemagne et le Japon ont connu une baisse de leurs prix immobiliers réels. Dans les pays avec une plus forte croissance démographique, les prix de l’immobilier ont connu une augmentation en raison de l’écart entre la demande et l’offre. L’extraction de liquidités du patrimoine immobilier L’extraction de liquidités du patrimoine immobilier, c’est-à-dire rendre une richesse de nonliquide (la valeur de la maison) à liquide, a été une pratique de plus en plus utilisée au début des années 2000. Cette action permet aux ménages d’emprunter sur la valeur nette de leur logement existant en haussant le montant de leur emprunt hypothécaire ou en tirant des fonds sur une ligne de crédit garantie par leur patrimoine immobilier (Bailliu et al., 2012, p. 1823). Les liquidités sont ensuite utilisées pour la consommation ou pour des rénovations de la maison, par exemple, ce qui peut avoir contribué à la hausse de l’endettement des ménages Atif Mian et Amir Sufi (Mian et Sufi, 2009) montrent que l’emprunt fait grâce à la montée de la valeur immobilière par les ménages-propriétaires américains est responsable d’une partie considérable de la hausse de l’endettement des ménages aux États-Unis de 2002 à 2006 ainsi que de l’augmentation des défauts de paiements de 2006 à 2008. Ils estiment que les propriétaires extraient 25 à 30 cents pour chaque dollar d’augmentation de leur patrimoine immobilier. En particulier dans le cas où les ménages ont des contraintes sur leurs possibilités d’endettement, la hausse de la valeur du patrimoine peut leur avoir permis de s’endetter davantage. Puis dans la mesure où l’extraction de liquidités est utilisée pour la consommation, cela peut expliquer la baisse des taux d’épargne dans les années avant la crise. Il y aurait donc un canal important liant le comportement des agents selon la variation du prix des maisons et la consommation, ce qui a des effets importants sur l’économie. Une étude de la Banque du Canada a des conclusions similaires (Bailliu et al., 2012). Elle évalue qu’au cours des années précédant la crise, la hausse de l’endettement des ménages serait en majorité due à la hausse de l’extraction de liquidités du patrimoine immobilier. Ces liquidités représentaient 2,2% du revenu disponible en 1999 pour se retrouver à 9% en 2007. Les crédits hypothécaires associés à l’achat de logements neufs ont progressé plus modestement, passant de 2,3% du revenu disponible en 1999 à 3,4% en 2009. L’extraction de liquidités se divise en trois catégories selon l’étude (Bailliu et al., 2012, p. 20) : 1) Le refinancement hypothécaire net : Lorsque le propriétaire hausse le montant de son prêt hypothécaire ou en allonge la période d’amortissement sans changer de logement ; 2) Les tirages sur une ligne de crédit 28 garantie par l’avoir propre foncier ; 3) La variation du solde hypothécaire liée au transfert de la propriété d’un logement existant. L’étude soutient finalement qu’après 2003, «la majeure partie des sommes empruntées pour financer les dépenses de consommation et de rénovation domiciliaire des ménages se sont dégagées de l’avoir propre foncier. Dans l’ensemble, cette forme d’emprunt est à la base de la vive expansion des prêts hypothécaires de 1999 à 2007» (Bailliu et al., 2012, p. 22). 2.2.3 Déréglementations et innovations financières Les déréglementations, l’innovation financière et l’augmentation de l’offre de crédit sont des facteurs ayant évolué depuis les années 80 et qui pourraient avoir eu un effet notable dans la majorité des pays. Il peut y avoir des liens entre ces trois facteurs, dépendant du pays observé. Les déréglementations financières Les déréglementations financières ont été brièvement abordées dans la section précédente. Elles ont eu un impact sur la hausse des prix immobiliers ainsi que sur la hausse de l’endettement. La décennie des années 1980, en particulier, a été marquée par la dérégulation du secteur financier dans la plupart des économies développées. Avec Ronald Reagan à la présidence des États-Unis en 1980 et Margaret Thatcher au pouvoir au Royaume-Uni, l’idéologie du libéralisme économique est implémentée dans ces deux grandes économies. Cela signifie de laisser la compétition former le marché et laisser les institutions financières, par exemple, s’autoréguler. Le plafond sur les taux d’intérêts des dépôts a été éliminé dans le but d’accentuer la compétition entre les institutions. Cette restrcition avait à l’origine le but de désinciter les banques à acquérir des actifs risqués à rendements plus élevés (Gilbert, 1986). La majorité des pays ont fait de même durant cette décennie. En Suède, la décision du gouvernement de déréguler le marché du crédit en 1985 a, pour sa part, permis aux banques d’offrir une quantité illimitée de prêts sans intervention de la banque centrale suédoise, ce qui marquait un tournant. La table 2.1 présente une série de dérégulations ayant eu un impact sur le marché immobilier tiré de l’étude de Girouard et Blondal (2001). La déréglementation est l’une des sources de l’augmentation de l’offre de crédit. Le poids de la finance dans l’économie a d’ailleurs considérablement augmenté grâce, notamment, à la mondialisation et aux progrès technologiques. Le commerce international a été multiplié par six de 1985 à 2010 alors que pour la même période, la taille des marchés financiers a éré multipliée par trente-six (Fassal, 2013, p. 31). La hausse de l’accèssibilité au crédit immobilier semble donc une source de la hausse de l’endettement. Elle a attiré de nouveaux acheteurs, notamment des acheteurs plus à risque (Mian et Sufi, 2009, p. 1, 4-5). La sous-section suivante présente un exemple de l’impact des déréglementations avec un résumé de quelques origines de la hausse de l’endettement aux États-Unis en lien avec la déréglementation financière. 29 Tableau 2.1: Dérégulations financières dans les pays de l’OCDE Source : (Girouard et Blöndal, 2001, p. 23) Des origines politiques de la hausse de l’endettement des ménages aux États-Unis Voici un résumé de lois et de déréglementations aux États-Unis qui peuvent avoir contribué à la hausse de l’endettement des ménages. En 1980, l’administration Reagan est au pouvoir avec le désir de réduire la taille de l’État et croit que le marché doit s’auto-réglementer et laisser place à une plus grande compétition. En 1982, la loi Garn-St.Germain sur les institutions de dépôt est votée. Elle vient dans un premier temps en appui aux établissement d’épargne et aux fiducies («Savings and Trusts») en permettant aux agences de réglementations FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation) et FSLIC (Federal Savngs and Loans Insurance Corporation) de leur venir en aide. Dans un deuxième temps, l’Acte permet de modifier les sources et l’utilisation 30 des fonds, ce qui avantagera les plus grandes institutions. Les nouvelles déréglementations permettent aux banques de dépôts de compétitionner avec les banques qui ne reçoivent pas de dépôts. Les Savings and Loans se sont ainsi vu accordé le droit d’augmenter les prêts commerciaux et aux consommateurs dans leurs portfolios, de même que d’investir pour la première fois dans les obligations du gouvernement. Les limites sur un prêt accordé à un ménage étaient également revues à la hausse. Finalement, les institutions à charte d’État recevaient les mêmes pouvoirs d’octroi d’hypothèque à taux ajustable que les institutions à charte fédérale (Cornett et Tehranian, 1990, p. 97-99). La loi a donc permis une plus grande compétition et un plus large bassin d’institutions capable d’émettre du crédit, notamment des prêts hypothécaires. La loi contribuera aussi à de nouvelles opportunités de spéculation (Campbell et Hercowitz, 2005). Le président Reagan avait également la volonté de rendre le marché secondaire des titres immobiliers plus intéressant pour les investisseurs dans le but de stimuler l’économie. En 1983, le Congrès américain a permis à Freddie Mac d’émettre des obligations hypothécaires garanties (collaterized mortgage obligation). Cela mènera à la Loi de mise en valeur du marché hypothécaire secondaire de 1984 («Secondary Mortgage Market Enhancement Act»). Cette loi donna le même statut de réserve bancaire aux titres immobiliers adossés à des actifs, communément appelés MBS (Mortgage-backed securities), qu’aux bonds du trésor américain (Gotham, 2009, p. 361). C’est-à-dire que pour respecter le minimum de liquidités bancaires dicté par la loi, les banques n’étaient plus obligées de posséder uniquement de la monnaie ou des bonds du trésor très liquides mais pouvaient désormais posséder des titres immobiliers adossés à des actifs. L’incitatif fait aux banques d’accorder des prêts était alors clair. Puis, en 1999, l’administration Clinton vota la Loi Gramm-Leach-Bliley, permettant l’établissement de banques universelles, c’est-à-dire la fusion entre une banque de dépôts, une banque d’investissements et une compagnie d’assurances (Sherman, 2009, p. 9-10). Cette loi éliminait les derniers éléments de la loi Glass-Steagall de 1933, que l’administration du président Franklin D. Roosevelt avait alors instituée en réponse aux excès spéculatifs de la finance qui avaient mené au krach boursier de 1929. En janvier 2011, la «Financial Crisis Inquiry Commission», une commission chargée par le président américain Barack Obama de faire la lumière sur les causes de la crise financière, conclut explicitement ceci : «Il y a eu une explosion dans les prêts risqués dits subprime et en titrisation, une hausse insoutenable dans les prix de l’immobilier, des rapports faisant état de flagrantes pratiques prédatrices de prêts, de hausse dramatique de la dette hypothécaire des ménages, et de croissance exponentielle dans les activités de commerce de firmes financières, de commerce de dérivés non réglementés, et de marchés de crédit «repo» de court terme, parmi plusieurs autres drapeaux rouges. Il y avait permissivité généralisée et pourtant, très peu d’actions concrètes ont été entreprises pour réprimer les menaces de façon rapide» (Angelides et al., 2011). 31 La Commission pointe spécifiquement la Réserve Fédérale de «n’avoir pu stopper les flux de prêts hypothécaires toxiques». (Sherman, 2009) et (Gotham, 2009) expliquent de façon plus approfondie le rôle de la politique américaine dans l’émergence de la sécuritisation et les différentes dérégulations qui ont mené à la crise des subprime en 2008. 2.2.4 La stabilité macroéconomique et l’optimisme des ménages L’optimisme, ou encore le sur-optimisme, des ménages, est un facteur ayant pu faire augmenter le niveau d’endettement par rapport aux revenus disponibles. La stabilité économique des années 1990 et 2000, caractérisée par un haut taux d’emploi, une faible inflation et une croissance relativement bonne du PIB dans la majorité des pays, peut avoir influencé les ménages sur trois plans : 1) croire que leur emploi était sûr et que les revenus futurs n’étaient donc pas remis en doute ; 2) croire que les prix de l’immobilier, en constante augmentation, n’allaient pas chuter et que la montée était «logique» ; et 3) croire que les taux d’intérêt très bas allaient le demeurer ou encore qu’il fallait en profiter avant qu’ils ne remontent. Ces trois perceptions sont clées dans la décision d’endettement de l’agent et représentent la conjoncture ou encore l’état d’esprit du début des années 2000. Elles ont incité les agents à hausser leur demande de crédit et à se permettre des prêts plus élevés. C’était un enthousiasme partagé par les agents voulant s’endetter ainsi que par les investisseurs espérant faire un gain grâce à la croissance des prix immobiliers plus élevée que celle de l’ensemble des prix. La demande accrue pour l’immobilier, affectée par l’entrée de ces nouveaux joueurs optimistes, créait un cercle vicieux de montée des prix et de demande constamment en hausse. Emine Boz et Enrique Mendoza ont réalisé une étude qui utilise un modèle tenant compte de l’optimisme grandissant des ménages et qui réussit à expliquer la hausse de leur endettement (Boz et Mendoza, 2013). Dans leur modèle, les agents apprennent «par observation» le risque réel d’un nouvel environnement financier. Un environnement où le crédit est de plus en plus utilisé et où l’habileté à utiliser un levier de plus en plus grand rend l’ensemble des agents trop optimistes quant à la viabilité réelle de ce mécanisme. Cela résulte en un cycle de montée puis de descente de la dette, du prix des actifs et de la consommation. Leur modèle prédit une montée de ces facteurs de 1997 à 2006, avec un effondrement en 2007. La théorie de Minsky Dans cette section portant sur la stabilité, il est opportun d’expliquer la théorie de Minsky, voulant que la stabilité mène à l’instabilité. L’économiste Hyman Minsky a développé une théorie qui se nomme l’«Hypothèse de l’instabilité financière» (Minsky, 1992). Celle-ci a gagné en popularité à la suite de la crise de 2008 puisqu’elle permet d’expliquer les cycles de «boom» et «bust» (montée et descente) endémiques du capitalisme incluant les bulles dans les prix de l’immobilier, la finance hypothécaire et la finance de l’ombre («shadow banking»). 32 Janet Yellen, présidente du Conseil des gouverneurs de la Réserve Fédérale américaine, avait d’ailleurs donné un exposé sur cette théorie de Minsky en 2009 (Yellen, 2009). Hyman Minsky était un étudiant de la théorie générale de Keynes dont il s’est inspiré pour conduire à sa propre théorie (Minsky, 1992, p. 1). Son ajout dans l’Hypothèse de l’instabilité financière est une distinction entre une structure capitaliste de la dette qui soit stabilisante versus déstabilisante. Il avance ainsi trois relations d’utilisation de la dette par les agents économiques : 1) pour se couvrir (Hedge financing units), 2) pour spéculer (speculative finance units) et 3) dans un schéma de Ponzi (Ponzi units). Les emprunteurs pour se couvrir (1) sont ceux en mesure de payer leurs obligations sur leurs dettes grâce à leurs flux financiers, donc leurs revenus. Les emprunteurs pour spéculer (2) sont ceux pouvant payer les intérêts sur leurs dettes avec leurs revenus mais pas le principal. Ils vont emprunter pour payer leurs emprunts. Les emprunteurs de type Ponzi (3) sont incapables de rembourser leurs obligations, ni le principal, ni les intérêts, avec leurs revenus. Ils doivent vendre des actifs ou emprunter, même si cela augmente leur endettement, pour pouvoir honorer leurs dettes. L’hypothèse de l’instabilité financière explique que la stabilité est finalement déstabilisante puisqu’en temps de prospérité économique, les capitalistes ont tendance extrapoler la stabilité à l’infini, en créant des structures d’endettement de plus en plus risquées. La hausse du prix des actifs et la hausse excessive du crédit accompagnant la période de stabilité finissent par perturber l’économie. Plus ils voient que leur structure d’endettement résiste, plus les capitalistes prennent de risques. Et avec de plus en plus d’intérêts pour le risque, il se crée une euphorie spéculative qui se développe jusqu’à ce que les paiements sur la dette deviennent plus importants que les revenus pour de plus en plus d’agents. Cette bulle spéculative de crédit finit par éclater, puis les banques et autres prêteurs restreignent l’accès au crédit et l’économie se contracte. Minsky écrivait déjà cela dans les années 1980. L’économiste Paul McCulley a tenté d’utiliser la théorie de Minsky pour l’appliquer à la crise des prêts hypothécaires subprime (McCulley, 2009). 1) l’emprunteur de type hedge prendrait un prêt hypothécaire et paierait principal et intérêts ; 2) l’emprunteur de type spéculatif aurait un prêt avec paiement des intérêts seulement, ce qui veut dire qu’il paie seulement les intérêts puis refinance plus tard pour payer le capital ; 3) l’emprunteur Ponzi aurait un prêt à amortissement négatif, c’est-à-dire que les paiements ne sont pas suffisants pour payer les intérêts et le principal à payer est grandissant. Les prêteurs n’offrent du crédit qu’aux emprunteurs ponzi que parce qu’ils ont la croyance que la valeur de l’immobilier continuera de croître indéfiniment. Selon McCulley, la demande pour l’immobilier était autant une cause qu’un effet de la finance de l’ombre (shadow banking) qui a permis le financement des emprunteurs spéculatifs et ponzi. Cette offre de crédit importante a alimenté la bulle immobilière en faisant grandir le nombre 33 d’emprunteurs spéculatifs et de ponzi, intéressés par le gain et un momentum de relativement longue durée qui était toutefois insoutenable. Après l’éclatement de la bulle, les gens retournent alors à être des emprunteurs de type «hedge». La théorie de Minsky avance donc que la stabilité peut devenir déstabilisante puisque davantage d’effets cachés et difficiles à capter se manifestent à ce moment. La théorie de Minsky offre un portrait théorique relativement fidèle de ce qui s’est produit aux États-Unis au courant des années 2000. 2.2.5 La démographie En introduction, il a été mentionné que certaines périodes de vie plus étaient propices à un endettement relativement élevé, comme par exemple celle liée à l’achat d’une maison. La dette par rapport aux revenus disponibles varie donc selon le groupe d’âge. Des changements démographiques survenant dans un pays, notamment le vieillissement de la population et le niveau d’éducation, pourraient ainsi avoir une incidence sur le niveau d’endettement. Statistique Canada produit l’«Enquête canadienne sur les capacités financières» (ECCF) dont les résultats sont cohérents avec ces appréhensions. Ainsi, en 2009, les individus de 45 ans et moins représentaient 45% de la population, mais 54% de emprunteurs. Ils détenaient 61% de la dette des ménages canadiens, avec en moyenne 129 200 dollars de dette (Chawla et Uppal, 2012). Un exemple de changement démographique est celui du baby-boom, qui a pu faire augmenter la proportion de gens entre 20 et 45 ans lorsque ces personnes ont atteint l’âge adulte 20 ans plus tard. Selon l’Institut national démographique de France, la baby-boom est défini comme une période forte de natalité s’étalant de 1945 à 1975 (Institut national d’études démographiques, 2014). Pour certains pays, la proportion des ménages en âge d’acheter une maison pourrait avoir atteint des sommets dans les années 1980 et 1990 et puisqu’une hypothèque dure en général trente ans, la dette peut avoir eu des effets à la hausse au niveau agrégé pour une période prolongée. En Irlande, en France et aux États-Unis, de plus, la croissance démographique a été aidée par l’immigration. Ainsi, la part des ménages en âge d’acquérir une maison a pu être à la hausse, faisant monter le ratio d’endettement, et leur arrivée a fait pression à la hausse sur les prix immobiliers en raison de l’augmentation de la demande (Baugnet et al., 2011, p. 62). De façon contraire, une population dominée démographiquement par les 45 ans et plus, qui ont une propension à épargner plus grande, aurait l’effet inverse. Une population proportionnellement vieillissante pourrait donc avoir tendance à freiner la hausse du ratio d’endettement ou même de le faire redescendre. 34 2.2.6 Le rôle de l’État Cette section est différente de celle traitant des dérégulations financière et des politiques associées. Elle aborde le rôle que peut avoir l’État sur l’endettement de deux façons : 1) les avantages fiscaux et 2) les finances publiques de l’État. La taxation et les avantages fiscaux L’impact de la taxation sur l’endettement des ménages n’est pas trivial. À titre d’exemple, au Pays-Bas, le gouvernement a fait en sorte que les intérêts hypothécaires soient déductibles d’impôts (Baugnet et al., 2011, p. 64). En conséquence, les emprunteurs sont incités à maximiser le fardeau de leurs paiements d’intérêts en ne remboursant le capital qu’à la fin de la vie de l’hypothèque. Cette méthode a comme effet de garder un endettement important pour une période prolongée et peut expliquer pourquoi le pays a un niveau d’endettement très fort par rapport à ses revenus. Dans un fonds externe, les ménages capitalisent les fonds qui paieront l’hypothèque au final. Aux États-Unis, Ronald Reagan a annulé la déductibilité d’impôts des intérêts du crédit à la consommation en 1986. De 1986 à 1991, les crédits à la consommation ont alors diminué et ce fut la seule période de chute entre 1982 et 2004 (Barba et Pivetti, 2009, p. 15). Il est donc utile de tenir compte de la taxation immobilière et plus largement de l’implication du gouvernement. De même façon, un système de pension et un régime de retraite créent un filet social qui peut expliquer une différence entre différents niveaux d’endettement. Un ménage qui reçoit des allocations de vieillesse peut être, en effet, plus confiant à s’endetter sachant qu’il possède cette forme de richesse qui lui reviendra dans le futur. La dette publique L’effet de la dette publique sur l’endettement est peu couverte dans la littérature mais mérite une certaine attention. L’hypothèse du cycle de vie montrait à la section précédente qu’un agent s’endette selon ses richesses présentes et futures. En suivant cette idée, une hausse de l’endettement public pourrait donc être un frein à l’endettement des ménages s’ils anticipent que les taux d’imposition futurs seront augmentés, réduisant ainsi leur revenu disponible. La figure 2.7 2 présente la dette publique des différents pays en 1995 et en 2010. Selon une étude de la Norges Bank (Norges Bank, 2013, p. 12), les anticipations concernant le paiement des régimes de pensions publics sont basés sur la confiance concernant les finances publiques. Plus les finances publiques sont saines, plus les régimes de pension sont crédibles, ce qui rend les ménages plus confiants de réellement recevoir leurs avoirs promis. Si les finances publiques se détériorent, les ménages devront augmenter leur épargne. Dans une perspective internationale, tous les pays nordiques sont caractérisés par des finances publiques saines, ce qui pourrait expliquer la confiance de leurs ménages par rapport à l’endettement. 2. Pour le Royaume-Uni, les données de la Banque mondiale ont été utilisées car les données de 1995 à 1997 étaient absentes. À noter que la donnée de 2010, pour les deux sources, est de 85,5%. 35 Figure 2.7: Dette publique de l’administration centrale en pourcentage du PIB de onze pays de l’OCDE entre 1995 et 2010 Source : (Organisation de Coopération et de Développement Économiques, 2014a) 2.2.7 Un effet sociologique et culturel L’évolution psychologique et sociologique des sociétés est un autre facteur à considérer. Les termes «société de surconsommation» et «société d’instantanéité» sont utilisés pour caractériser les sociétés développées des années 2000. La publicité y est devenue omniprésente, ce qui pourrait avoir contribué au fait que les gens souhaitent consommer plus rapidement et posséder des actifs grâce à l’endettement et payer dans le futur. La préférence pour la consommation au temps présent qu’au temps futur peut ainsi expliquer la hausse d’endettement (Dynan et Kohn, 2007). Le modèle du chapitre 3 abordera ce taux d’escompte temporel qui aurait pu changer pour les agents au cours des années et avec les nouvelles générations. Barry Cynamon et Steven Fazzari (Cynamon et Fazzari, 2008) présentent une étude sur la hausse de l’endettement et avancent l’importance d’effets sociaux et culturels dans une période marquée par la consommation abondante. La volonté de consommer et de vivre selon un modèle de société vendu par les médias, par la publicité et par le milieu de vie incite les ménages à se tourner vers l’endettement pour satisfaire ses désirs. Selon les auteurs, qui citent Minsky dans leur étude, les économies ont connu peu de turbulences économiques dans les années 1990 et au début des années 2000 car la croissance était poussée par la consommation qui à son tour était possible par l’endettement. L’agent a un groupe de référence (amis, famille, voisinage, travail) auquel il s’identifie et qui peut influencer ses choix. Ils affirment ainsi que contrairement à la théorie du cycle de vie, les ménages, en contexte d’incertitude, n’ont pas de plan détaillé de la façon dont ils disposeront de leurs finances selon différents scénarios qui peuvent se produire. Au lieu de cela, ils imitent les comportements qu’ils observent autour d’eux, autant des personnes que des médias, ce qui leur procure un certain confort (Cynamon et Fazzari, 2008). 36 2.2.8 L’accroissement des inégalités et la stagnation des salaires réels L’augmentation du coût de la vie est un facteur pouvant expliquer la hausse de l’endettement, en particulier pour les ménages à faibles revenus. Selon divers économistes, les salaires réels n’ont pas suivi le coût de la vie, ce qui ferait en sorte que les ménages à faibles revenus aient été poussés à emprunter pour conserver leur niveau de vie. Le sujet de l’accroissement des inégalités retient de plus en plus l’attention dans les médias et le président américain Barack Obama l’a d’ailleurs abordé à plusieurs reprises au cours de l’année 2014. Le rapport Stiglitz, chargé par l’Organisation des Nations Unies d’examiner les causes de la crise financière de 2008, évoque cette stagnation des salaires réels médians dans les pays développés (Stiglitz et al., 2010, p. 68). Elle pourrait s’expliquer par la mondialisation et la tendance observée à la délocalisation des entreprises vers des pays où les coûts de la main d’œuvre sont faibles. L’accroissement des inégalités de revenus s’est accentué d’année en année dans les pays développés depuis les années 1980. Ces effets sur le niveau de vie ont été contrebalancés par l’innovation financière et l’endettement, une alternative toutefois temporaire puisque le recours au crédit a des limites. Pour Omar Fassal, gestionnaire de fonds d’investissement, la hausse des inégalités est un facteur important et serait au coeur de la crise des subprimes (Fassal, 2013, p. 186-188). Il soutient qu’entre 1949 et 1980, la productivité aux États-Unis et la compensation réelle des salariés ont toutes deux doublées. Entre 1980 et 2010, la productivité a également doublé mais la compensation réelle n’a augmenté que de 40%. De plus, les revenus des 1% les plus riches ont augmenté de 275% tandis que ceux des plus pauvres n’ont augmenté que de 20%. La présence des syndicats aux États-Unis a également chuté, réduisant le pouvoir des employés. Selon l’auteur, malgré une croissance soutenue de l’économie, les moins fortunés n’ont pas obtenu leur juste part des profits, faisant en sorte qu’ils n’arrivaient plus à épargner. Avec leurs faibles épargnes, ils ont donc eu recours à des prêts hypothécaires qui paraissaient pouvoir créer de la valeur si les prix immobiliers augmentaient. Aldo Barba et Massimo Pivetti (Barba et Pivetti, 2009) étudient les causes de la hausse de l’endettement des ménages. Cette hausse est vue comme l’aboutissement de changements persistents dans la distribution des revenus et l’augmentation des inégalités de revenus. Selon les auteurs, grâce à l’endettement des ménages, les faibles salaires ont pu coexister avec de hauts niveau de demande aggrégée. Cela permettait une solution à la contradiction entre consommation élevée et croissante et une distribution de moins en moins équitable des revenus réels. La substitution des salaires par des prêts est toutefois insoutable à long terme. La stagnation des salaires réels est pour les auteurs la source principale de la montée de l’endettement aux États-Unis et dans les pays développés. Cette perception est similaire à la théorie du sous-revenu («underincome») voulant qu’à la suite de changements structurels, il y ait un manque de revenus disponibles de la part des consommateurs pour soutenir la demande et la croissance de l’économie. L’endettement serait 37 ainsi utilisé pour contrer les effets de la diminution de ces revenus agrégés dans l’économie. La «créditisation» des ménages américains pourrait ainsi être une réponse au sous-revenu des années 1980, 1990 et 2000 (Beaudreau, 2009, p. 6,130-140). Ce sous-revenu pourrait lui-même être le résultat de changements structurels importants comme l’automatisation des entreprises, l’utilisation de nouvelles sources énergétiques, la tendance à l’externalisation («outsourcing») de plusieurs firmes vers des marchés à bas salaires ou encore les chocs venant de la mondialisation. 2.2.9 La richesse des ménages Cette section n’est pas contre-intuitive par rapport à la section précédente si l’on considère la distribution de la dette, tel que présenté en introduction. Pour les ménages à faibles revenus et la classe moyenne, l’endettement peut être utilisé pour maintenir un certain niveau de vie. Pour les ménages plus fortunés, les études tendent à démontrer que leur possession d’actifs leur permet un endettement plus grand. En introduction, le tableau 1.3 montrait qu’effectivement, les gens à salaires plus élevés tendaient à avoir un endettement également plus élevé en fonction des revenus. Ils ont une plus grande confiance en leurs moyens et possèdent généralement des actifs pouvant être liquidés en cas de problème. La richesse nette des ménages a augmenté, donnant aux ménages une sécurité accrue pour se sortir d’un choc négatif (Girouard et al., 2006, p. 2). Cela semble notamment être le cas dans les pays nordiques où le filet social est relativement important. Au Danemark, en Norvège, en Suède et en Finlande, il existe des assurances nationales, notamment en cas d’accidents de travail ou de pertes d’emplois, qui sont plus importants qu’ailleurs. En Norvège, ce sont surtout les actifs publics qui pourraient expliquer cet aspect. Selon la Norges Bank (Norges Bank, 2013, p. 17), les hauts niveaux d’endettement des pays nordiques ne seraient pas une coïncidence mais le résultat d’un développement économique et social supérieur dans ces pays. 2.2.10 Autres variables Le taux de propriété La variation taux de propriété dans une société a un impact sur le ratio d’endettement. Les nouveaux propriétaires ont un endettement généralement plus élevé que les locataires puisqu’ils détiennent une hypothèque. Plus le nombre relatif de propriétaires est élevé, plus le nombre relatif de personnes détenant une hypothèque sera élevé, ce qui fera augmenter le niveau agrégé d’endettement des ménages d’un pays. L’Allemagne est un exemple de pays où le taux de propriété est bas. L’investissement en éducation L’endettement pour les études représente un investissement pour gagner un meilleur salaire dans le futur. Cette forme d’endettement, est généralement un type de bonne dette, à condi- 38 tion de véritablement obtenir un emploi rémunérateur à la fin des études. L’augmentation de l’endettement des étudiants est toutefois de plus en plus décriée puisque les coûts augmentent et qu’en période économique difficile, plusieurs peinent à se trouver un emploi pour rembourser ses dettes. 2.3 En conclusion En somme, cette revue de littérature a identifié une série de variables à explorer et une certaine idée de l’apport de chacune sur l’endettement. Plusieurs méthodes, autant empiriques que théoriques, ont été utilisées par les différents auteurs pour expliquer l’endettement. Il est toutefois observé qu’aucune analyse économétrique multi-pays ne fait partie de la revue de la littérature puisqu’il semble que cette approche n’ait toujours pas été utilisée pour ce sujet. Ce mémoire veut donc pallier à ce vide grâce à une analyse de données de panel, une méthode économétrique qui lie les séries temporelles aux données de coupes transversales. En d’autres mots, cette méthode permet d’intégrer un maximum d’information car elle tient compte de la dynamique individuelle et de la dynamique temporelle. Les prochains chapitres visent donc à utiliser cette approche et tester dans quelle mesure certains liens théoriques de différentes variables ont pu avoir un effet sur la hausse de l’endettement des ménages. 39 Chapitre 3 Modèle théorique Ce chapitre propose un modèle théorique de l’endettement des ménages qui permettra ensuite de définir les attentes concernant l’effet des différentes variables mises à l’étude sur le ratio d’endettement. La section 3.1 révise brièvement une version du modèle du cycle de vie développé par Modigliani auquel sera imbriqué un choix de portefeuille contenant l’endettement du ménage à la section 3.2. La section 3.3 fera une statique comparée permettant de visualiser les effets attendus. 3.1 Modèle du cycle de vie de l’agent-type Cette section considère le problème de l’agent-type qui souhaite maximiser son utilité, sur un horizon de temps infini. La conclusion principale du modèle élaboré par Ando et Modigliani (1963) est que la consommation de l’agent est fonction de sa richesse, représentée par ses actifs financiers courants ainsi que la somme actualisée des revenus qu’il anticipe recevoir au courant de sa vie. En cas de choc, l’agent ne modifie donc pas sa consommation courante en fonction du choc mais change plutôt ses attentes pour le futur. Le sentier de consommation change relativement peu et est lissé pour la durée de vie de l’agent. Le modèle de base à temps discret et horizon infini (Wickens et al., 2010, p. 72-75, 83-89), dans lequel le consommateur maximise son utilité, est ici utilisé. Il implique que l’agent se soucie non seulement de son utilité mais également de celle de ses descendants. L’agent choisit alors son utilité comme s’il vivait éternellement en laissant un héritage à la fin de sa vie. Cela se traduit par la somme des utilités que l’on souhaite maximiser, dépendantes de la consommation de chaque période, et pondérée par le facteur β qui définit l’importance accordée au futur. L’équation 3.1 représente cette maximisation des utilités. U (ct ) + β U (ct+1 ) + β 2 U (ct+2 ) + ... + β ∞ U (ct+∞ ) = ∞ X β i U (ct+i ) (3.1) i=0 41 Avec U 0 (ct+i ) ≥ 0 ; U 00 (ct+i ) ≥ 0 ; 0 > β = 1 1+θ <1 Il existe une contrainte de budget à respecter dans cette optimisation, présentée ci-dessous. En période 1, par exemple, l’épargne, représentée par les actifs de la période suivante at+i+1 , et la consommation ct+i doivent provenir des revenus salariaux courants yt+i et des épargnes accumulées at+i , qui augmentent à un taux d’intérêt rt+i . Lorsque les épargnes sont négatives, cela signifie qu’on utilise l’endettement et que l’intérêt n’est pas un revenu mais un coût. 1ère période : at+1 + ct = yt + at (1 + rt ) 2e période : at+2 + ct+1 = yt+1 + at+1 (1 + rt+1 ) En substituant l’équation de la 1ère période dans celle de la 2e : at+2 + ct+1 + ct (1 + rt+1 ) = yt+1 + yt (1 + rt+1 ) + at (1 + rt )(1 + rt+1 ) Ce qui peut être réécrit comme suit : at+2 ct+1 yt+1 + + ct = + yt + (1 + rt )at (1 + rt+1 ) (1 + rt+1 ) (1 + rt+1 ) En substituant les actifs et en faisant les itérations, on peut trouver la contrainte budgétaire inter-temporelle : lim Rt+i at+i + i→∞ ∞ X Rt+i ct+i = i=0 ∞ X Rt+i yt+i + at (1 + rt ) (3.2) i=0 Épargnes + Consommation = Somme des revenus courants et des actifs financiers où Rt+i = Qi j=1 ( 1+r1t+j ) avec j ≥ 1 Avec le temps qui tend vers l’infini, nous avons la condition de transversalité qui signifie que lorsque l’on tend vers l’infini, la valeur actualisée des actifs terminaux est nulle et donc que l’agent a consommé toute sa richesse. Il peut aussi garder un certain niveau d’épargne pour ses enfants. lim Rt+i at+i ≥ 0 j→∞ 42 3.2 Modèle du cycle de vie imbriqué d’un choix de portefeuille Le modèle proposé dans cette section est une extension du modèle précédent, avec l’ajout d’un choix de portefeuille qui permettra de mettre l’accent sur l’endettement. Il dégagera entre autres la façon dont le secteur immobilier influence les prises de décision de l’agent. Les actifs financiers du modèle de base seront divisés en trois : la valeur des actifs immobiliers, la valeur des actifs financiers et la valeur des dettes accumulées. Les actifs bruts et la dette brute seront donc utilisés en remplacement des actifs nets utilisés dans le modèle précédent. Les variables sont les suivantes : Yt : Revenus salariaux courants Ct : Consommation réelle de biens non-durables au temps t (numéraire) At : Actifs nets du ménage au temps t (modèle précédent) ↓ Ht : Stock d’actifs immobiliers au temps t PtH : Prix réels des actifs immobiliers au temps t Ft : Stock d’actifs financiers du ménage au temps t PtF : Prix réels des actifs financiers au temps t Dt : Dette brute au temps t, DtH pour la dette hypothécaire, DtF pour les autres dettes L’utilité à maximiser est la même : 2 U (ct ) + β U (ct+1 ) + β U (ct+2 ) + ... + β ∞ U (ct+∞ ) = ∞ X β i U (ct+i ) i=0 avec U 0 (ct+i ) ≥ 0 ; U 00 (ct+i ) ≤ 0 et 0 < β = 1 1+θ <1 La contrainte budgétaire intertemporelle devient : ∞ ∞ X X lim Rt+i At+i + Rt+i Ct+i = Rt+i Yt+i +(PtH Ht −DtH (1+rtH )) αt + (PtF Ft − DtF ) (1+rt ) i→∞ i=0 i=0 (3.3) où Rt+i = Qi j=1 ( 1+r1t+j ) avec j ≥ 1 H H F et At+i = (Pt+i t+i + Pt+i Ft+i - Rt+i Dt+i ) Interprétations : À gauche de l’égalité de l’équation 3.3, la consommation Ct+i et les épargnes At+i , à la période t+i, dépendent des éléments à droite de l’égalité, c’est-à-dire les revenus courants Yt+i et les actifs du portefeuille à la période t. La partie (PtH Ht - DtH (1 + rtH )) ) est d’intérêt pour les agents propriétaires ou en voit de l’être mais ne l’est pas pour ceux qui n’envisage pas cette possibilité. Les interprétations qui suivent élaborent sur ces différentes perspectives 43 pour les propriétaires immobiliers, les nouveaux acheteurs et pour les ménages moins fortunés. Pour les propriétaires immobiliers : Les propriétaires détenant une hypothèque DtH d’un certain niveau, peuvent connaître un effet de richesse si la valeur de la maison PtH augmente. En effet, cela fait augmenter l’ensemble (PtH Ht - DtH (1 + rtH )) ) et peut se traduire par une augmentation de la consommation grâce à l’extraction de liquidités provenant du patrimoine immobilier. Comme mentionnée à la section 2.2.2, cette méthode s’est popularisée dans les années 2000, dans certains pays, avec l’innovation financière et l’accèssibilité accrue au crédit. Le paramètre αt a été ajouté pour signifier un certain pourcentage pouvant être extrait de la richesse immobilière. Cette extraction peut se manifester sous une nouvelle forme d’endettement pour une auto ou des rénovations, ce qui fait augmenter DtF mais dont les intérêts à payer rt sont inférieurs aux intérêts hypothécaires rtH . L’effet net est que l’endettement total brut du ménage DtF + DtH peut augmenter dû à un effet de richesse obtenu avec la hausse de la valeur du patrimoine immobilier. Une baisse des taux d’intérêt dans l’économie aurait un effet incitatif sur ces nouveaux prêts («home-equity loans») qui deviendraient alors abordables, en rendraient les ménages moins empressés de rembourser les rembourser. De façon similaire, une baisse des taux hypothécaires, pour les ménages utilisant des taux variables, permet aux ménages de garder un endettement élevé et de consommer avec l’argent qui aurait autrement été dans le remboursement de l’hypothèque Le modèle montre qu’une hausse des revenus salariaux et financiers permet au ménage de consommer ou d’épargner davantage. Pour les propriétaires, cela peut permettre de réduire l’endettement ou encore de l’augmenter si ses hausses de richesse lui font croire qu’il est davantage en mesure de les repayer dans le futur. Cette richesse et ses revenus seraient toutefois moindres si les taxes étaient augmentées, ce qui peut survenir lorsque l’endettement public augmente et qu’il doit augmenter ses propres sources de revenus. Pour les nouveaux acheteurs : Les ménages souhaitant éventuellement se procurer un bien immobilier devront également se procurer une hypothèque, et donc s’endetter. Dans l’éventualité où la valeur des biens immobiliers augmentent, ce sont également le niveau des hypothèques et de l’endettement brut des ménages qui seront nécessairement plus élevés. Une épargne plus élevée dans ce cas mais la valeur des actifs acquis, plus grande, rend les prêteurs plus confortables à octroyer des hypothèques plus élevées, sachant que le collatéral qu’ils obtiennent en cas de défaut a une plus grande valeur. De plus, avec des taux d’intérêts en baisse, les ménages sont davantage en mesure de s’endetter puisque les paiements d’intérêts sont relativement moindres. Ceux-ci 44 peuvent en fait demeurer égaux, si l’endettement brut augmente mais que les taux d’intérêts baissent. Le modèle montre qu’une hausse des revenus salariaux et financiers permet au ménage de consommer ou d’épargner davantage. Dans le cas ou les épargnes augmentent, cela fait en sorte qu’un plus grand nombre de ménages pourrait faire partie de ceux pouvant se permettre l’achat d’une maison et donc un endettement plus élevé. Pour les moins fortunés : Pour les moins fortunés ou les ménages non-propriétaires, l’endettement hypothécaire n’est pas présent et l’endettement pour payer un loyer, par exemple, peut se manifester comme un endettement financier DtF . Celui-ci peut augmenter si le ménage souhaite garder un même niveau de vie, c’est-à-dire un niveau de consommation stable, à gauche de l’égalité de l’équation 3.3. Dans la même façon, une stagnation des salaires réels par rapport au coût de la vie et la volonté de garder son niveau de vie fera augmenter son endettement. Ces ménages sont souvent les plus vulnérables puisqu’ils ont moins d’actifs à liquider en cas d’un choc négatif et leurs revenus sont en général moins élevés. Équations d’Euler Les équations d’Euler énoncent, sous la forme d’équations différentielles, les conditions nécessaires d’extremum dans les problèmes d’optimisation. Ici, la maximisation de l’utilité intertemporelle de l’agent-type est atteinte en fonction du choix entre la consommation et l’accumulation de richesse par l’épargne. En utilisant (3) et la condition de transversalité : lim Rt+i At+i ≥ 0 j→∞ La contrainte budgétaire inter-temporelle est la suivante : ∞ X Rt+i Ct+i = (PtH Ht − DtH (1 + rt )) αt + (PtF Ft − DtF ) (1 + rt ) + i=0 | P ∞ X Rt+i Yt+i i=0 {z } | de la consommation actualisée {z } (3.4) Richesse financière : Wt (Voir les calculs en Annexe B) Les calculs donnent les équations d’Euler suivantes : 45 Équations d’Euler δV [Wt ] = U 0 [Ct ] − λt (1 + rt ) δCt δV [Wt ] = Et β(1 + rt+1 )λt+1 − λt δWt+1 δV [Wt ] = (1 + rt+1 )[Wt − Ct ] − Wt+1 λt =0 → =0 → δV [Wt ] δWt δV [Wt ] U 0 [Ct ] Et β = δWt+1 (1 + rt ) U 0 [Ct ] = =0 (3.5) (3.6) (3.7) Interprétations (3.5) L’équation signifie que l’utilité marginale de la consommation au temps présent doit être égale à l’utilité marginale de la richesse pour avoir une utilité maximale. L’apport de consommer doit donc tenir compte de l’utilité à épargner pour consommer plus tard. Cela signifie que si l’utilité marginale de consommer aujourd’hui est plus forte que l’utilité marginale à accumuler des richesses financières, les agents auraient tendance à consommer et à s’endetter davantage. Ils auraient ainsi une préférence pour le présent. (3.6) Il s’agit du facteur d’arbitrage entre l’utilité marginale de consommer aujourd’hui et de consommer dans le futur. En substituant par le résultat en 3.5, cela est plus facilement observable. Ainsi, l’utilité marginale d’épargner aujourd’hui doit être égale à l’utilité marginale d’épargner dans le futur. L’agent lisse sa consommation à partir de ce principe. (3.7) Il s’agit du critère d’optimisation qui stipule que la contrainte budgétaire doit être saturée. La richesse future est égale à l’épargne au temps t avec intérêts. 3.3 Statique comparative La statique comparative est la comparaison de deux états d’équilibre différents, avant et après un changement d’un paramètre. Cette section émettra donc les hypothèses du changement dans le ratio d’endettement suite à un changement dans l’une des variables étudiées. Les interprétations seront inspirées du modèle imbriqué d’un choix de portefeuille et des équations d’Euler qui ont permis de dégager les intuitions concernant certaines variables. Notamment, les équations d’Euler ont permis de saisir l’arbitrage nécessaire entre la consommation et l’épargne pour maximiser l’utilité de l’agent, où l’endettement joue nécessairement un rôle. La statique comparative sera conduite avec la contrainte budgétaire qui contient le choix de portefeuille et les éléments faisant varier la décision d’endettement de l’agent. δV [Wt ] = 1 + rt (Wt − Ct ) − Wt+1 = 0 δλt 46 (3.8) (1 + rt )[(PtH Ht + PtF Ft − (1 + rt )Dt )(1 + rt ) + ∞ X (1 − τ )St i=0 H (Pt+1 Ht+1 | + F Pt+1 Ft+1 {z − (1 + rt )Dt+1 )(1 + rt ) + } (1 + rt )i − Ct ] = ∞ X (1 − τ )St+1 i=0 (1 + rt )i (3.9) At+1 L’équation 3.8 montre la contrainte budgétaire, qui est également la troisième équation d’Euler. L’égalité à 0 signifie que la contrainte doit être saturée. L’équation 3.9 est conforme à cette saturation de la contrainte et décompose l’équation précédente en remplaçant la richesse P (1−τ )St financière Wt par « [PtH Ht + PtF Ft − rt Dt ] + ∞ i=0 (1+rt )i ». L’annexe B détaille cette égalité. À noter que l’endettement est représenté par Dt , c’est-à-dire qu’il inclue la dette hypothécaire et la dette financière. Voici donc l’effet attendu sur l’endettement suivant un choc sur les prochaines variables. ∆PtH : Le portefeuille de l’agent contient des biens immobiliers, pour les agents pouvant se le permettre, et sont donc affectés par les variations des prix de l’immobilier. L’effet direct concernant l’endettement est pour les ménages désirant se procurer une hypothèque. Les prix montant, la valeur des hypothèques monte également. Un effet indirect est celui de permettre un endettement supérieur pour les propriétaires immobiliers. Comme mentionné à la section 3.2, cet effet de richesse donne l’opportunité au ménage de retirer des liquidités de son patrimoine immobilier et de s’endetter davantage. À l’équation 3.9, l’actif net augmentera suite à une hausse de la valeur immobilière. Si le ménage souhaite garder cet actif net inchangé après une hausse de sa richesse immobilière, cela s’accompagnera d’une hausse de son endettement. Donc, l’effet attendu est positif. ∆Rt : Les taux d’intérêts réels ont un impact sur le service de la dette d’un ménage. Une variation fait en sorte de rendre la dette plus abordable puisque les intérêts payés diminuent et permet donc un endettement plus grand. L’équation 3.9 montre qu’une réduction du taux fait diminuer la partie négative de l’actif net. De façon contraire, une hausse des taux fait augmenter l’ensemble (1 + rt )Dt , ce qui rend la dette plus chère. L’endettement devrait donc augmenter avec une baisse des taux et diminuer avec une montée des taux. Donc, l’effet attendu est négatif ∆St : L’agent consomme en fonction de ses richesses présentes et futures, composées en partie des revenus salariaux. Son niveau de vie dépend donc de ses revenus salariaux. C’est ainsi que l’agent choisi son niveau de consommation, son portefeuille d’actifs et son niveau d’endettement. À l’équation 3.9, une hausse de St peut permettre une augmentation de Ct ou une augmentation de la richesse pour la période t+1. Cette hausse de richesse à la période suivante peut sa traduire par l’acquisition de biens immobiliers, donc une hausse d’endettement, ou d’actifs financiers. La hausse des salaires réels peut, dans d’autres cas, permettre 47 de rembourser des dettes et donc de réduire l’endettement. De plus, pour les ménages moins fortunés, une baisse des salaires réels peut s’accompagner d’une hausse de l’endettement pour garder à certain niveau de vie de façon temporaire. Au final, divers effets contraires peuvent se produire, dépendant de cas spécifiques. Tel que vu 1.3, toutefois, il semble que plus un ménage possède de revenus, plus il possède un endettement relatif élevé. Donc, l’effet attendu est globalement positif ∆DPt : La dette publique réfère indirectement au taux d’imposition τ sur les revenus futurs de l’agent et donc des richesses qu’il anticipe détenir dans l’avenir. Il a été discuté dans la théorie du cycle de vie que l’agent consomme et s’endette selon ces anticipations. Une dette publique élevée pourrait donc donner une appréhension au ménage que ses revenus seront taxés et qu’il sera donc moins riche qu’il ne l’anticipait. Cette variable agirait donc comme un frein à l’endettement des ménages. Donc, l’effet attendu est négatif ∆Πt : L’inflation n’est pas présenté explicitement dans le modèle. Comme discuté à la soussection 2.2.1, toutefois, l’inflation a un impact sur les taux d’intérêts réels et nominaux et donc sur le coût et les risques associés à l’endettement. De plus, sa stabilité permet aux ménages de faire des projections et de s’endetter davantage. Une baisse de l’inflation devrait faire augmenter l’endettement. Donc, l’effet attendu est négatif. ∆Ct : La variation de la consommation peut faire varier le niveau d’endettement d’un ménage tout dépendant de ses choix. Comme vu à la section précédente, cela dépend de son utilité marginale à consommer par rapport à celle d’épargner. Autrement dit, si sa consommation présente est importante pour lui, il maximisera sa consommation jusqu’à ce que le bonheur marginale, d’une unité de plus, qui en découle soit équivalent à celui d’épargner et de consommer plus tard. Si les revenus ne sont pas suffisants pour atteindre son point d’optimum, il utilisera l’endettement pour atteindre ce niveau. Une hausse de la consommation devrait ainsi être accompagnée d’une hausse de l’endettement. Donc, l’effet attendu est positif ∆ACt : L’accessibilité au crédit réfère aux possibilités données au ménages d’augmenter Dt selon leur volonté. Cela se traduit par la nature des réglementations associées à l’endettement. La table 1.1 présentait les différences institutionnelles entre les pays concernant l’endettement hypothécaire, comme par exemple le ratio maximal permis de l’endettement par rapport à la valeur de l’actif qui variait de 50% pour l’Italie à 90% pour le Pays-Bas. L’accès au crédit varie en partie par l’évolution de la réglementation. La section 2.2.3 a permis de constater combien les déréglementations et les innovations financières des dernières décennies ont pu atteindre un bassin plus élargi de ménages, ce qui a pu contribuer à la hausse du ratio d’endettement. Donc, l’effet espéré est positif 48 Chapitre 4 Résultats empiriques Ce chapitre présente les résultats empiriques ainsi que les différentes étapes qui y conduisent. Le modèle sous forme réduite sera d’abord présenté à la section 4.1, suivi des données utilisées pour les calculs à la section 4.2. Ensuite, suivront les étapes nécessaires à l’analyse des données du panel en débutant par l’atteinte de la stationnarité des séries. Finalement, les résultats empiriques de différentes régressions et leurs interprétations seront proposés aux sections 4.6 et 4.7. 4.1 Le modèle sous forme réduite Le modèle sous forme réduite se veut une suite au modèle théorique du chapitre 3 pour lequel une statique comparative a été formulée à la section 3.3. La présente section réécrit ce modèle théorique en une équation de régression économétrique. Dans celle-ci, la variation du ratio d’endettement des ménages sera due, à des degrés divers, aux variations des différentes variables à l’étude et pour lesquelles les données sont disponibles. Le modèle sous forme réduite est représenté par l’équation 4.1 suivante : ∆Dit = α + β1 ∆Rit + β2 ∆PitH + β3 ∆Πit + β4 ∆Sit + β5 ∆DPit + β6 ∆Cit + it (4.1) Où est le terme d’erreur, i le caractère individuel (le pays) et t le caractère temporel (annuel). Dans l’équation 4.1, les variables sont donc exprimées en premières différences, tel que représenté par le symbole ∆. Une variation du ratio d’endettement des ménages en fonction des revenus disponibles (D), situé à gauche de l’égalité, est ainsi interprétée comme une réponse aux variations des variables explicatives. Les paramètres β n’ont pas d’indice puisqu’il sont indépendants du temps et du pays dans cette régression de panel. Les variables explicatives utilisées sont les taux d’intérêt réels de long terme (R), les prix réels de l’immobilier (P), l’inflation (Π), les salaires annuels moyens réels (S), la dette publique en fonction au PIB (DP) et la consommation réelle (C). D’autres variables comme l’accessibilité au crédit et les chan- 49 gements sociologiques n’ont pas nécesserairement de données et sont donc difficiles à tester empiriquement. La forme réduite s’inspire donc du modèle élaboré au chapitre 3 et de la revue de la littérature du chapitre 2. Ainsi, la diminution des taux d’intérêt réels (R) et de l’inflation (Π), observée dans la majorité des pays développés, devrait se traduire par une augmentation de l’endettement. Ces deux variables diminuent le coût des emprunts et donnent des incitatifs de même que des possibilités d’endettement pour un plus grand nombre de ménages. Il a été remarqué que tous les pays ont connu une progression des prix de l’immobilier (P), à l’exception de l’Allemagne. Comme mentionné au chapitre précédant, cette hausse devrait faire augmenter le ratio d’endettement principalement en raison des hypothèques de plus grande valeur pour les nouveaux acheteurs et de l’effet de richesse ressenti par les propriétaires qui leur permet un niveau d’endettement plus grand. Pour les salaires annuels moyens (S), il a été anticipé que leur hausse, observée dans tous les pays (voir tableau 4.5), aurait des effets positifs plus importants que les effets négatifs sur le niveau d’endettement. La distribution de l’endettement dans un pays donné ainsi que le niveau de développement aurait une incidence quant à la possibilité d’endettement des ménages et aux incitatifs à le faire, comme par exemple les prêts avec l’équité de la maison, «homeequity loans». Concernant l’endettement public (DP), il a été précisé avec le modèle théorique qu’il référait à la décision de l’agent de consommer et de s’endetter selon les richesses qu’il anticipe accumuler. L’endettement public peut ainsi se transformer en hausses d’impôts et d’une perte de pouvoir d’achat des ménages pour s’endetter. Finalement, le modèle anticipait également qu’une hausse de la consommation réelle (C) serait accompagnée d’une hausse de l’endettement. Cette relation se ferait en raison du choix de consommer au temps présent, qui s’accompagne généralement de l’endettement lorsque les revenus sont insuffisants. Le présent chapitre cherche à tester ces hypothèses au niveau empirique. Une limite se situe donc au niveau des variables plus dificiles à tester empiriquement comme il a déjà été mentionné. La disponibilité des données a ainsi un impact sur la faisabilité de tester l’ensemble des variables explicatives avancées. 50 4.2 Les données Les données utilisées s’échelonnent sur un horizon de seize ans, de 1995 à 2010, et proviennent de la base de données et de statistiques de l’Organisation de la Coopération et du Développement Économiques (OCDE). Celle-ci procure des statistiques comparables et soumises à plusieurs vérifications, ce qui en fait une source fiable. Onze pays développés possèdent des données disponibles pour l’ensemble des variables du modèle sous forme réduite et seront donc utilisés pour les régressions de panel, soit l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, la Norvège, le Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède. Le tableau 4.1 présente un résumé des données concernant le ratio d’endettement des ménages de 1995 à 2010. La deuxième colonne montre qu’en moyenne le ratio le plus élevé a été celui de la Norvège, suivi respectivement du Pays-Bas, du Royaume-Uni et de l’Australie. Le plus petit ratio moyen a été celui de l’Italie, suivi de la Belgique et de la France. Les résultats pour la médiane sont sensiblement les mêmes. La septième colonne présente les écarts entre les ratios de 1995 et de 2010 et fait remarquer la forte évolution au Pays-Bas avec 171,5 points de différence, passant de 106% à 277,5%. L’Australie et la Suède ont également connu des hausses de plus de 80 points de pourcentage. L’Allemagne est le seul pays dont le ratio a chuté, avec une diminution de 0,6%. Finalement, la dernière colonne montre que la plus grande variation annuelle moyenne a été de 6,7% au Pays-Bas, suivie de l’Italie avec 5,6%. Tableau 4.1: Ratio d’endettement des ménages sur revenus disponibles de 1995 à 2010 Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c) Le tableau 4.2 présente les taux d’intérêt réels de long terme, représentés par le taux de rendement sur les obligations gouvernementales de 10 ans dont on a soustrait le taux d’inflation. Les taux moyens et médians les plus faibles ont été observés aux États-Unis avec 2,4% pour les deux mesures, suivi du Pays-Bas avec 2,6% et 2,5% respectivement. De 1995 à 2010, tous les pays ont enregistré une diminution alors que la Suède a connu la plus grande diminution avec un écart négatif de 6,1 points. 51 Tableau 4.2: Taux d’intérêt réels de long terme de 1995 à 2010 Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c) Le tableau 4.3 contient les données de l’indice des prix de l’immobilier des différents pays. Les deux dernières colonnes montrent que, de 1995 à 2010, les prix immobiliers ont augmenté pour tous les pays à l’exception de l’Allemagne, également le seul pays dont le ratio d’endettement n’avait pas augmenté. L’indice a augmenté de plus de 100 points dans 5 pays soit l’Australie, le Pays-Bas, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni. Il est à noter que les États-Unis avaient atteint un indice de 159 en 2006 avant que celui-ci ne redescende à 125 en 2010. Tableau 4.3: Indice des prix réels de l’immobilier de 1995 à 2010 Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c) Le tableau 4.4 traite des données relatives à l’endettement public. Le ratio de la dette de l’administration centrale en fonction du PIB est utilisé en raison de la disponibilité des données et par soucis de comparabilité. L’Italie est le pays dont l’endettement public central est le plus élevé, suivi de la Belgique. Comme les deux dernières colonnes en témoignent, l’échantillon des 52 onze pays est partagé quasi-également entre pays dont le gouvernement central a enregistré une hausse d’endettement et ceux dont l’endettement a diminué. Tableau 4.4: Ratio de la dette de l’administration centrale sur PIB de 1995 à 2010 Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c) Le tableau 4.5 présente l’indice des salaires annuels moyens en dollars US constants créé à partir des données de l’OCDE. La donnée de référence de 100 est celle des salaires annuels moyens du Canada en 1995. L’augmentation de l’indice est observée dans tous les pays, avec six pays dont l’indice a cru de plus de 20 points. L’indice des cinq pays restants, l’Allemagne, la France, l’Italie, le Pays-Bas et la Begique, a cru de façon plus modérée. Tableau 4.5: Indice des salaires annuels moyens (en $US constants) 1995 à 2010 Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c) 53 Le tableau 4.6 présente le portrait de l’évolution du taux d’inflation. Dans la revue de la littérature, la figure 2.2 montrait la diminution considérable de l’inflation entre 1970 et 2010. Cette diminution s’est poursuivie de 1995 à 2010, mais façon moins marquée, se stabilisant autour de 2%. L’inflation moyenne pour la période étudiée est plus faible que le niveau enregistré en 1995 pour la majorité des pays, à l’exception de la Belgique et du Pays-Bas, qui avaient des niveaux d’inflation déjà faibles en 1995 avec 1,5% et 1,9% respectivement. L’Italie a connu la plus grande diminution de son inflation avec un écart négatif de 3,7 points de pourcentage. Tableau 4.6: Taux d’inflation de 1995 à 2010 Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c) Le tableau 4.7 présente les données sur les taux de croissance de la consommation réelle. Le taux moyen le plus élevé a été observé en Australie, suivi du Pays-Bas et du Canada, trois pays dont le ratio d’endettement a augmenté de façon notable durant la période étudiée. Tableau 4.7: Taux de croissance de la consommation de 1996 à 2010 Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c) 54 4.3 La méthode des données de panel Afin de comprendre la méthode des données de panel 1 , voici trois façons d’utiliser un ensemble de données : Les séries chronologiques (ou séries temporelles) : Il s’agit de l’observation de variables à intervalles temporels réguliers. Par exemple, le taux d’endettement des ménages du Québec de 1995 à 2010. Il n’y a qu’un «individu», c’est-à-dire, le Québec. Les coupes instantanées (ou coupes transversales) : Il s’agit de l’observation, à un moment défini, de différents «individus», pouvant être des ménages, des entreprises, des pays, etc. Par exemple, la comparaison des niveaux d’endettement des ménages de plusieurs pays en 2007. Les données de panel (ou données individuelles-temporelles) : Il s’agit de l’application intégrée des deux observations précédentes, qui intègre ainsi la dimension individuelle et la dimension temporelle. En d’autres mots, il s’agit de l’observation de plusieurs «individus» sur un horizon de temps défini. Dans le cadre de ce mémoire, l’observation du niveau d’endettement de plusieurs pays de 1995 à 2010 représente cette méthode. Le recours croissant à l’analyse de données de panel est un fait marquant des 40 dernières années en économie. Grâce à l’amélioration de la technologie, l’évolution des méthodes économétriques et la prise de conscience de l’intérêt de ce type de données, cette méthode devient un incontournable chez les économistes. L’avantage et l’attrait des données de panel est sa double dimension. Celle-ci permet de rendre compte simultanément de la dynamique des comportements et de leur éventuelle hétérogénéité, ce qui n’est pas possible avec les séries temporelles ou les coupes transversales (Sevestre, 2002). La double dimension permet de tenir compte de l’influence de caractéristiques non observables des individus sur leur comportement, dès lors que celles-ci restent stables dans le temps. Ses limites résident dans l’existence de données aberrantes et la modélisation de l’hétérogénéité des comportements. Car si elle est ignorée, elle peut biaiser les estimations (Sevestre, 2002). Globalement, l’analyse de données de panel donne davantage d’information et représente un choix adéquat pour atteindre les objectifs de cette étude. 1. À noter que dans notre cas, panel équivaut à «pooled cross-section» 55 4.4 La stationnarité des séries temporelles La première étape, lorsque des séries temporelles sont utilisées, est de s’assurer qu’elles soient stationnaires. La stationnarité des séries est importante en économétrie, car des régressions faites à l’aide de séries non-stationnaires peuvent conduire à des résultats fallacieux. Cela se traduit par une corrélation et une significativité fortes des variables alors qu’il n’y a pas de lien entre elles. Une série est dite stationnaire si 1) l’espérance, 2) la variance et 3) la covariance de la variable en question sont constantes dans le temps, c’est-à-dire qu’elles ne dépendent pas du temps : E(xt ) = E(xt−j ) = µ ∀j V ar(xt ) = V ar(xt−j ) = σ 2 Cov(xt ,xt−j ) = γj ∀j ∀t La non-stationnarité est également nommée problème de racines unitaires. Les séries qui ont une tendance ne seront donc pas stationnaires puisqu’elles augmentent ou diminuent en fonction du temps. Pour tester la stationnarité d’une série, il faut employer le test Dickey-Fuller augmenté. Il donnera des résultats pour les séries des différentes variables des différents pays. Il existe trois types de tests de racines unitaires : de base ; avec constante ; avec constante et tendance temporelle : δYt = γYt−1 + µt δYt = α + γYt−1 + µt δYt = α + βT + γYt−1 + µt Étapes à venir La première étape sera de tester la stationnarité de nos séries. Si les séries sont stationnaires, les régressions de panel pourront être effectuées. Si les séries ne sont pas stationnaires, il existe une alternative nommée l’approche de la cointégration pouvant être utilisée à la condition que les variables aient la même racine unitaire, c’est-à-dire la même tendance stochastique. Si ce test n’est pas concluant, il faudra rendre les séries stationnaires à l’aide de transformations. Test de stationnarité Le tableau 4.8 présente les résultats des tests de stationnarité pour les différentes variables des différents pays. Elle démontre que les séries sont rarement stationnaires. Lorsqu’une série est stationnaire, la «p-value» obtenue est inférieure à 0,05, ce qui représente le risque de conclure faussement à la stationnarité. En exemple, pour le premier résultat du tableau, le test sur la série du ratio d’endettement de l’Australie donne une p-value de 0,70. La série n’est donc pas 56 stationnaire. Pour les séries d’endettement et de prix immobiliers réels, notamment, les séries semblent posséder une tendance qui fait en sorte que les séries soient non-stationnaires. Il s’agit d’un problème récurrent en macroéconomie (Sims, 2011, p. 7), comme par exemple pour les séries temporelles du produit intérieur brut, qui comportent généralement une tendance. Il est à noter que les tests avec constante et tendance temporelle produisent des résultats similaires (voir annexe C). Tableau 4.8: Test de stationnarité des différentes variables étudiées, par pays Test Dickey-Fuller avec constante et 1 ordre de retard p-values Pays (D) (R) (P) (DP) (S) (Π) (C) Australie 0,60 0,43 0,95 0,09 0,76 0,07 0,04 Belgique 0,98 0,23 0,91 0,20 0,18 0,01 0,41 Canada 0,99 0,00 0,99 0,19 0,75 0,42 0,01 États-Unis 0,59 0,58 0,17 0,49 0,02 0,09 0,07 Allemagne 0,76 0,27 0,59 0,37 0,57 0,01 0,30 Norvège 0,89 0,33 0,85 0,16 0,91 0,18 0,01 Royaume-Uni 0,33 0,95 0,53 0,83 0,06 0,85 0,66 Italie 0,95 0,00 0,00 0,23 0,41 0,00 0,15 Suède 0,97 0,28 0,93 0,36 0,76 0,10 0,03 France 0,99 0,03 0,73 0,99 0,89 0,28 0,24 Pays-Bas 0,92 0,07 0,11 0,24 0,98 0,28 0,70 4.5 La cointégration Les séries non-stationnaires ne peuvent être utilisées pour conduire des régressions, à une exception : dans le cas où les variables sont cointégrées. La cointégration signifie que les variables ont la même racine unitaire, ou la même tendance stochastique (Sophia, 1998, p. 4). Soit I(1) une série non-stationnaire et I(0) une série stationnaire. Si une série est stationnaire après une première différentiation, cette série est intégrée d’ordre 1 (I(1)). Une série est intégrée d’ordre n (I(n)) s’il faut n différentiations avant d’atteindre la stationnarité. L’utilité de la cointégration est justement de ne pas avoir à utiliser la différenciation parce que cette dernière enlève de l’information, en plus d’être plus difficilement interprétable. En supposant une variable dépendante Yt et une variable explicative Xt qui soient tous les deux I(1), donc non-stationnaires. Elles seront dites cointégrées si une combinaison stationnaire des deux existe. Autrement dit, s’il est possible de trouver un β tel quel : Yt − β Xt = t ∼ I(0) 57 L’exemple de la figure 4.1 concernant le Royaume-Uni est utile. Pour que les deux variables soient cointégrées, il faut qu’il existe un β de sorte à transformer la variable P It pour avoir une tendance similaire à la variable Dt . L’objectif est d’obtenir un écart constant dans le temps entre la variable P It et la variable Dt . Ainsi, le terme d’erreur t suivrait un processus stationnaire, et les séries seraient cointégrées. Il n’y aurait donc plus de risque de régression fallacieuse. Figure 4.1: Dette et indice des prix immobiliers au Royaume-Uni de 1995 à 2010 Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c) Pour tester la cointégration, il faut utiliser le test Engle-Granger. En prenant les États-Unis comme exemple., le test de cointégration évalue donc la significativité des variables par rapport à la variable dépendante de l’endettement. Le test critique est celui des racines unitaires (tableau 4.10). Si la p-value de ce test est plus petit que 5%, cela signifie qu’au moins une des variables du modèle est cointégrée avec la variable dépendante. La p-value du test de racines unitaires Dickey-Fuller pour les États-Unis est toutefois de 0,80, ce qui n’est pas acceptable pour pouvoir supposer la cointégration. Le coefficient R2 du modèle est fort avec un taux de 99%, mais peut conduire à une régression fallacieuse. Le tableau 4.11 comporte les p-value obtenus pour l’ensemble des pays. Ils sont tous supérieurs à 0,05. En somme, la table 4.8 montre que la majorité des séries ne sont pas stationnaires. Les résultats de la table 4.11 ne permettent pas d’utiliser la cointégration pour ces séries non-stationnaires à l’étude puisque les variables ne sont pas cointégrées. Il est donc nécessaire de rendre les séries stationnaires à l’aide de transformations sur les séries afin de conduire des régressions qui ne seront pas fallacieuses. 58 Tableau 4.9: Régression de cointégration pour les États-Unis MCO, utilisant les observations 1995-2010 (T = 16 Y = Dette/RD Coefficient Erreur Std. t de Student p-value Constante -40,2162 21,1375 -1,903 0,0895* Taux d’intérêt LT 0,9975 1,07585 0,9272 0,3780 Prix Immo 0,6728 0,0478 14,07 1,97e-07*** Dette publique 0,3929 0,0688 5,711 0,0003*** Salaires 0,3345 0,1259 2,6570 0,0262** Inflation 0,8567 1,0196 0,8402 0,4226 Consommation -0,8598 0,3055 -2,814 0,0202** Moy. var. dép. 112,3988 Éc. type var. dép. 15,82398 Somme carrés résidus 22,54141 Éc. type de régression 1,582593 0,993999 R2 0,989998 R2 Log de vraisemblance −25,44514 ajusté Critère d’Akaike 64,89028 Critère de Schwarz 70,29840 Hannan–Quinn 65,16722 ρ̂ 0,200809 Durbin–Watson 1,470082 Tableau 4.10: Test de racines unitaires pour la cointégration Test de racine unitaire pour µ chapeau Test de Dickey-Fuller augmenté pour µ chapeau Hypothèse nulle de racine unitaire : a = 1 Modèle : (1-L)y = (a-1)*y(-1) + ... + e Coeff. d’autocorrélation du 1er ordre pour e : -0,181 valeur estimée de (a - 1) : -1,04241 statistique de test : tauc (7) = -3,12384 p. critique asymptotique 0,8009 Tableau 4.11: Résultat pour test de racines unitaires de cointégration Résultat pour test de racines unitaires de cointégration Australie 0,9559 Allemagne 0,7665 Belgique 0,6368 Canada 0,6754 États-Unis 0,8009 France 0,9869 Italie 0,7965 Norvège 0,9819 Pays-Bas 0,9165 Royaume-Uni 0,5762 Suède 0,7069 59 4.6 Régression de panel utilisant les log-différences Un première méthode pour stationnariser les séries et pouvoir effectuer une régression de panel est d’utiliser le logarithme sur les variables en indice ou qui n’ont pas de données négatives. Cette transformation stabilise la variance et atténue les fluctuations, ce qui lisse la série et permet dans certains cas de la rendre stationnaire. Cette transformation est observée à la figure D.2, où les séries ont été construites avec le logarithme des données utilisées pour la figure D.1, situées à l’annexe D. À la figure 4.2, l’exemple d’une première différenciation est conduite avec le logarithme du ratio d’endettement de trois pays, ce qui s’agit de l’une des méthodes les plus utilisées en économétrie pour rendre une série stationnaire. Figure 4.2: Premières différences du ratio de dette de l’Australie, de la Belgique et du Canada Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c), calculs de l’auteur En utilisant le logarithme et les premières différences, certaines des séries à l’étude deviennent stationnaires, mais elles demeurent en faible nombre. Pour pouvoir utiliser un panel, il faudra que le plus grand nombre possible de séries des différentes variables soient stationnaires. Les trois prochains tableaux (4.12, 4.13 et 4.15) présentent les résultats suite à une première, deuxième et troisième différentiation. Lorsque la série est stationnaire, un «O» est indiqué pour «Oui» et lorsqu’elle ne l’est pas un «N» est inscrit pour «Non». La table 4.12 démontre qu’aucun pays ne réussit à obtenir des séries stationnaires pour l’ensemble de ses variables lorsque l’on utilise la première différence. La ratio d’endettement n’est d’ailleurs stationnaire pour aucun pays. 60 Tableau 4.12: Test de stationnarité avec la 1ère différentiation Pays Australie Belgique Canada États-Unis Allemagne Norvège Royaume-Uni Italie Suède France Pays-Bas 4.6.1 Première différence p-values (D) (R) (P) (DP) N O O N N O O N N N N N N O N N N O N N N O N N N O N N N N O N N N O O N O O N N N N N (S) O N N N N O N O N O N (Π) O O O N O O N O N N O (C) O O O O N O O O O O O En 2e différence des logs À la table 4.13, la Belgique est le seul pays dont toutes ses séries sont stationnaires en utilisant la deuxième différentiation. En soustrayant la dette publique et les salaires réels des variables explicatives, un panel de trois pays possède l’ensemble de ses séries stationnaires soit la Belgique, l’Allemagne et la Norvège. En gardant les variables DP et S dont les p-value sont aux alentours de 6%, donc significatifs au taux de signification de 10%, une régression de panel est possible. Les résultats sont présentés à la table 4.14 2 . Tableau 4.13: Test de stationnarité avec la 2e différentiation Pays Australie Belgique Canada États-Unis Allemagne Norvège Royaume-Uni Italie Suède France Pays-Bas Deuxième différence p-values (D) (R) (P) (DP) N O O N O O O O N O O O N O N O O O O O O O O N N O O N O O O O O O O O O O N N O O N O (S) O O N O N O O O N O O (Π) N O O O O O O N N O O (C) O O O N O O O N O O O 2. Dans la table, d-d est inscrit pour deux différentiations et log pour transformation logarithmique 61 Tableau 4.14: Panel de trois pays à efffets fixes avec deux différentiations 3 unités de coupe transversale incluses, longueur des séries = 14, 42 observations Y = Dette/RD (d-d-log) Coefficient Erreur Std. t de Student p-value Constante -0,0017 0,0061 -0,2696 0,7891 Taux d’intérêt LT (d-d) -0,0032 0,0097 -0,3313 0,7425 Prix Immo (d-d-log) 0,4298 0,2039 2,1078 0,0427** Dette publique(d-d-log) -0,0381 0,0443 -0,8608 0,3956 Salaires (d-d-log) 0,4729 0,4330 1,0922 0,2826 Inflation (d-d) -0,0004 0,0097 -0,0382 0,9697 Consommation (d-d) -0,0020 0,0033 -0,5908 0,5587 −0,001739 Moy. var. dép. Somme carrés résidus Éc. type var. dép. 0,040438 0,051901 Éc. type de régression 0,039658 R2 0,225872 R2 0,038205 F (8, 33) 1,203579 p. critique (F ) Log de vraisemblance 81,02255 Critère d’Akaike −144,0451 ajusté 0,327137 Critère de Schwarz −128,4061 Hannan–Quinn −138,3128 ρ̂ −0,434029 Durbin–Watson 2,739586 Test de différence de constante entre groupes – Hypothèse nulle : Les groupes ont une ordonnée à l’origine commune Statistique de test : F (2, 33) = 0,11756 avec p. critique = P (F (2, 33) > 0,11756) = 0,889458 Les résultats indiquent que seul l’indice des prix réels de l’immobilier a un effet significatif avec une p-value de 0,0427. Le R2 ajusté du modèle est toutefois faible à 3,8%, démontrant à quel point le les variations de l’endettement ne réussi pas à être capté par les variations des variables, en deuxième différence. 4.6.2 En 3e différence des logs À la table 4.15, cinq pays possèdent l’ensemble de leurs variables stationnaires : l’Australie, la Belgique, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède. Les États-Unis et le Canada ont uniquement les prix immobiliers comme variable non-stationnaire. Ce panel de cinq pays permettent de pratiquer une régression de panel dont les résultats sont présentés à la table 4.16. 62 Tableau 4.15: Test de stationnarité avec la 3e différentiation Pays Australie Belgique Canada États-Unis Allemagne Norvège Royaume-Uni Italie Suède France Pays-Bas Troisième différence p-values (D) (R) (P) (DP) O O O O O O O O O O N O O O N O O O O O O O O N O O O O N O O O O O N O O O N N O O O O (S) O O O O O O O O O O O (Π) O O O O O O O O O O O (C) O O O N O O O O O O O Tableau 4.16: Panel de cinq pays à effets fixes avec trois différentiations 5 unités de coupe transversale incluses, longueur des séries = 13, 65 observations Y = Dette/RD (d-d-d-log) Coefficient Erreur Std. t de Student p-value Constante 0,0011 0,0055 0,1972 0,8444 Taux d’intérêt LT (d-d-d) 0,0134 0,0037 3,5771 0,0007*** Prix Immo (d-d-d-log) 0,2781 0,1064 2,6143 0,0116** Dette publique(d-d-d-log) 0,1253 0,0394 3,1782 0,0025*** Salaires (d-d-d-log) 0,1602 0,2301 0,6962 0,4893 Inflation (d-d-d) 0,0114 0,0037 3,1261 0,0029*** Consommation (d-d-d) -0,0040 0,0016 -2,5190 0,0148** −0,000878 Moy. var. dép. Somme carrés résidus Éc. type var. dép. 0,051562 0,102850 Éc. type de régression 0,043642 R2 0,395557 R2 0,283624 F (10, 54) 3,533852 p. critique (F ) Log de vraisemblance 117,3574 Critère d’Akaike −212,7148 ajusté 0,001209 Critère de Schwarz −188,7966 Hannan–Quinn −203,2776 ρ̂ −0,489039 Durbin–Watson 2,749869 Test de différence de constante entre groupes – Hypothèse nulle : Les groupes ont une ordonnée à l’origine commune Statistique de test : F (4, 54) = 0,107059 avec p. critique = P (F (4, 54) > 0,107059) = 0,979567 Plusieurs des résultats obtenus sont significatifs mais toutefois différents des attentes formulées aux sections 3.3 (statique comparative) et 4.1 (modèle sous forme réduite). L’unique résultat 63 attendu est celui concernant les prix réels de l’immobilier. Sa relation est positive avec l’endettement et a un degré significativité élevé avec un p-value à 0,02. Les taux d’intérêts réels ont également un lien significatif, mais contrairement aux attentes et à l’intuition, il est ici positif bien que le coefficient soit petit. Concernant la dette publique, elle a un effet significatif positif. On anticipait qu’il pourrait être un frein à l’endettement. Il faudrait possiblement considérer le fait que les gouvernements ont profité d’une conjoncture similaire aux ménages pour s’endetter et que ces derniers n’y réagissent pas significativement. L’effet est également significatif et positif pour l’inflation, contrairement à nos attentes. Une explication pourrait être que la variation de l’inflation au cours de la période de 1995 à 2010 a été faible comparativement aux années 1970 et 1980. La variation de la consommation réelle serait quant à elle légèrement contra-cyclique avec la variation de l’endettement. Il est à noter l’impact d’utiliser la troisième différentiation, qui fait inévitablement perdre de l’information et attenue les variations utiles pour l’analyse. Finalement, le R2 ajusté du modèle est de 28,3%, ce qui est une amélioration par rapport à précédemment et l’effet est significatif dans cette régression à cinq pays, comme en témoigne la valeur F de 0,001. 4.6.3 En 3e différence des logs avec retards pour toutes les variables Avec plusieurs résultats non-intuitifs précédemment, il est utile de tester la régression avec des variables retardés. La prochaine régression utilise l’endettement au temps t et sera testé par rapport aux variations des variables au temps t-1. La table 4.17 présente les résultats de la régression obtenus avec les cinq même pays que précédemment : Allemagne, Australie, Belgique, Royaume-Uni et Suède. Il peut être constaté dans les résultats de cette régression, ci-dessous, que la variable retardée des taux d’intérêts réels a un impact très significatif lorsque l’on utilise la 3e différentiation. L’effet est négatif, ce qui est logique et cela concorde les appréhensions de la statique comparative. Ainsi, une hypothèse pourrait être que l’endettement varie de façon retardée par rapport à la fluctuation des taux d’intérêts. Ce pourrait être du au temps que les ménages prennent pour planifier et trouver ce qu’ils souhaitent s’acheter ou le fait de se rendre compte qu’une baisse des taux, par exemple, ne soit pas de courte durée mais relativement durable. Comme la littérature et la théorie le suggèrent, cette variation de taux serait un incitatif aux ménages pour augmenter leur endettement. L’inflation a également un impact significatif et négatif, qui s’interprète de même manière que pour les taux d’intérêts réels, la diminution de l’inflation faisant diminuer les taux nominaux. La consommation est significative au seuil de 10% et l’effet est pro-cyclique avec l’endettement, ce qui suit également les prédictions du modèle. Toutefois, les résultats pour les prix réels de l’immobilier, la dette publique et les salaires réels ne sont pas significatifs. Le coefficient de corrélation (R2 ) ajusté de ce modèle est de 27,4%, ce qui est semblable à la régression précédente. 64 Tableau 4.17: Panel de cinq pays à effets fixes avec trois différentiations avec retards 5 unités de coupe transversale incluses, longueur des séries = 12, 60 observations Y = Dette/RD (d-d-d-log) Coefficient Erreur Std. t de Student p-value Constante -0,0006 0,0060 -0,0930 0,9263 Taux d’intérêt LT (-1) (d-d-d) -0,0197 0,0040 -4,9653 0,0000*** Prix Immo (-1) (d-d-d-log) -0,1277 0,1276 -1,0003 0,3221 Dette publique (-1) (d-d-d-log) -0,0801 0,0516 -1,5521 0,1271 Salaires (-1) (d-d-d-log) -0,0806 0,2600 -0,3100 0,7579 Inflation (-1) (d-d-d) -0,0182 0,0043 -4,2403 0,0001*** Consommation (-1) (d-d-d) 0,0034 0,0018 1,8950 0,0640* Moy. var. dép. 0,000545 Éc. type var. dép. 0,053136 Somme carrés résidus 0,100497 Éc. type de régression 0,045287 R2 0,396713 R2 0,273593 F (10, 49) 3,222170 p. critique (F ) Log de vraisemblance 106,6229 Critère d’Akaike −191,2458 ajusté 0,002946 Critère de Schwarz −168,2080 Hannan–Quinn −182,2345 ρ̂ −0,543517 Durbin–Watson 2,759985 Test de différence de constante entre groupes – Hypothèse nulle : Les groupes ont une ordonnée à l’origine commune Statistique de test : F (4, 49) = 0,120101 avec p. critique = P (F (4, 49) > 0,120101) = 0,974686 4.6.4 En 3e différence des logs avec retards pour quelques variables La régression de cette section-ci regroupe les variables significatives des régressions précédentes, c’est-à-dire que certaines variables sont employées avec des retards. Les variables retardées sont celles des taux d’intérêts de long terme, de l’inflation et de la consommation réelle qui étaient significatives dans la table précédente. La table 4.18 présente les résultats pour cette régression de panel de cinq pays. Tableau 4.18: Panel de cinq pays avec trois différentiations avec retards sur certaiens variables 5 unités de coupe transversale incluses, longueur des séries = 12 Y = Dette/RD (d-d-d-log) Coefficient Erreur Std. t de Student p-value Constante -0,0011 0,0053 -0,2090 0,8353 Taux d’intérêt LT (-1) (d-d-d) -0,0187 0,0036 -5,1870 0,0000*** Prix Immo (d-d-d-log) 0,2377 0,0926 2,5671 0,0134** Dette publique(d-d-d-log) 0,1114 0,0367 3,0350 0,0038*** Salaires (d-d-d-log) 0,0677 0,2134 0,3173 0,7524 Inflation (-1) (d-d-d) -0,0173 0,0038 -4,5419 0,0000*** Consommation (-1) (d-d-d) 0,0033 0,0015 2,1779 0,0343** 65 Moy. var. dép. 0,000545 Éc. type var. dép. 0,053136 Somme carrés résidus 0,080499 Éc. type de régression 0,040532 R2 0,516762 R2 0,418142 F (10, 49) 5,239925 p. critique (F ) Log de vraisemblance 113,2794 Critère d’Akaike −204,5588 ajusté 0,000033 Critère de Schwarz −181,5210 Hannan–Quinn −195,5475 ρ̂ −0,534567 Durbin–Watson 2,816561 Test de différence de constante entre groupes – Hypothèse nulle : Les groupes ont une ordonnée à l’origine commune Statistique de test : F (4, 49) = 0,130846 avec p. critique = P (F (4, 49) > 0,130846) = 0,970402 Les résultats montrent que toutes les variables sont significatives, à l,exception des salaires. De plus, il est observé que le coefficient de corrélation R2 ajusté est de 41,8%, ce qui est supérieur aux coefficients obtenus précédemment. La variance des variables peut ainsi expliquer 42% de la variance de l’endettement. Selon ces résultats, les taux d’intérêts réels et l’inflation retardés ont un coefficient négatif par rapport à l’endettement, comme les attentes le proposaient. Une baisse des taux réels, tout comme une baisse de l’inflation, au temps t aurait donc un effet à a hausse sur l’endettement en temps t+1. La consommation réelle retardée a un effet positif sur l’endettement de la période suivante, également prévu auparavant. Les prix réels de l’immobilier, comme dans la première régression, sont positivement liés à l’endettement et sont significatifs. Puis, la dette publique pourrait avoir évolué de même façon que la dette des ménages dans les 5 pays, elle qui a un lien positif dans cette régression également. Au final, la majorité des variables ont un lien significatif et intuitif sur l’endettement, tel que les attentes le prévoyaient. 4.7 Régression de panel avec filtre Hodrick-Prescott Dans cette section, le filtre Hodrick-Prescott est utilisé afin de rendre les séries stationnaires et ainsi obtenir des résultats non trompeurs. Cette méthode consiste à retirer la partie tendancielle des séries (Salanié, 1999, p. 126). Les formes cycliques sont ainsi préservées, elles qui fluctuent autour des tendances que nous aurons enlevées. Les différentes étapes sont résumées ci-dessous. 1) Utiliser les taux croissance annuels des variables. 2) Filtrer les données avec le filtre Hodrick-Prescott. Ce filtre, popularisé en 1997 par les deux auteurs (Hodrick et Prescott, 1997, p. 3-15), réussit à dégager une partie tendancielle d’une série et une partie cyclique. En somme, le filtre minimise les écarts entre les données observées 66 et une tendance. Les logiciels peuvent trouver cette tendance optimale. La différence entre les données observées et cette tendance, qui n’est pas nécessairement une droite, est ce qu’on appelle la partie cyclique. 3) Obtenir et utiliser les déviations cycliques des variables par rapport à leur tendance. Les estimations chercheront ainsi à savoir si la partie cyclique des variables peut expliquer la partie cyclique de la variable dépendante, c’est-à-dire l’endettement des ménages. 4) Utiliser les premières différences des séries. C’est ainsi que la stationnarité est atteinte pour les séries, qui peuvent alors être utilisées pour les régressions. Seuls les prix immobiliers de la France ne sont pas stationnaires et le pays ne sera donc pas utilisé. La régression 3 se lit ainsi : ∆Dc = α + β1 ∆T XRc + β2 ∆P Ic + β3 ∆DPc + β4 ∆Sc + β5 ∆Infc + β6 ∆Cc + Où l’indice «c» signifie que la partie cyclique est utilisée et est obtenue par le filtre HP. Les variables explicatives sont les mêmes que précédemment. La table 4.19 présente les réusltats obtenus. Tableau 4.19: Panel de dix pays avec filtre HP en premières différences 10 unités de coupes transversales incluses, longueur des séries temporelles = 14) Y = Dette/RD (d-tau-cyclique) Coefficient Erreur Std. t de Student p-value Constante -0,0105 0,2688 -0,0391 0,9689 Taux d’intérêt LT (d-cyclique) -1,0286 0,5650 -1,8205 0,0711* Prix Immo (d-cyclique) 0,3538 0,0937 3,7766 0,0002*** Dette publique(d-cyclique) -0,0013 0,0212 -0,0606 0,9518 Salaires (d-cyclique) 0,1330 0,1960 0,6785 0,4987 Inflation (d-cyclique) -1,4521 0,5605 -2,5906 0,0107** Consommation (d-cyclique) -0,6073 0,2402 -2,5283 0,0127** Moy. var. dép. 0,034357 Éc. type var. dép. 3,329729 Somme carrés résidus 1244,469 Éc. type de régression 3,167971 R2 0,192483 R2 0,094800 F (15, 124) 1,970477 p. critique (F ) 0,022462 Critère d’Akaike 735,1778 782,2441 Hannan–Quinn 754,3042 −0,611739 Durbin–Watson 3,061692 Log de vraisemblance Critère de Schwarz ρ̂ −351,5889 ajusté Test de différence de constante entre groupes – Hypothèse nulle : Les groupes ont une ordonnée à l’origine commune Statistique de test : F (9, 124) = 0,0155254 avec p. critique = P (F (9, 124) > 0,0155254) = 1 3. Il est assumé que la variable dépendante D est causée par les variables indépendantes, et n’est pas elle-même une cause de ces variables 67 La majorité des résultats concordent avec les attentes. À la table 4.19, il est démontré que la partie cyclique des taux d’intérêt réels de long terme (∆ R) a un effet significatif et négatif sur la partie cyclique du ratio d’endettement des ménages. La partie cyclique des prix réels des actifs immobiliers (∆ PitH ) a un effet significatif et positif. Il s’agit de la variable dont la relation est la plus forte avec la variable dépendante, étant la seule variable significative au seuil de 1%. L’inflation (∆ Π), tout comme les taux d’intérêts réels, a un impact négatif et significatif sur l’endettement. La partie cyclique de la consommation réelle (∆ Cit ) résulte en une variation négative et significative, alors qu’une relation positive était prévue. Les salaires annuels moyens réels (∆ S) n’ont pas d’effet significatif. Puis, la partie cyclique de la dette publique par rapport au PIB (∆ DPit ) n’a pas d’effet significatif sur l’endettement selon la régression. Les gens ne feraient donc pas leurs choix d’endettement en fonction de l’endettement publique. Il pourrait être un facteur ralentissant l’endettement, mais ce lien n’est pas assez fort pour être perçu empiriquement. Finalement, le R2 ajusté est de 9,5% seulement. Cette régression a donc une sérieuse limite, ne pouvant pas expliquer clairement les variations de la variable dépendante. Cette dernière doit donc évoluer selon d’autres critères difficiles à intégrer dans un modèle mais élaborés dans la revue de littérature. Par exemple, la tendance sociologique à vouloir s’endetter, à suivre la mode, à se faire vendre des produits grâce à la publicité. Également, cette préférence de plusen plus obervable pour le présent. Le taux d’escompte temporel du chapitre 3, qui représente l’endettement pourrait être de plus en plus faible, évoquant une utilité marginale de la consommation présente de plus en plus forte. 68 Chapitre 5 Résultats par pays Ce dernier chapitre vise à porter un regard plus précis dans l’analyse des causes de l’endettement. Il se concentrera donc sur l’analyse des spécificités de trois pays : le Canada, les États-Unis et le Pays-Bas. Les politiques, la conjoncture économique et le marché du crédit ont été différents pour ces pays, ce qui pourrait expliquer de façon différente l’évolution de l’endettement des ménages. 5.1 Au Canada Pour chaque dollar de revenu en 1980, les ménages canadiens détenaient une dette de 66 cents (Chawla et Uppal, 2012, p. 4). En 1995, le ratio atteignait un niveau d’un pour un. Puis, en 2010, pour chaque dollar net gagné, les ménages possédaient une dette de 1,47$, une augmentation annuelle de 2,5% depuis 1995 (Organisation de Coopération et de Développement Économiques, 2014c). Les taux d’intérêts réels de long terme ont notamment baissé de 6,1% à 1,5% lors de cette période, faisant diminuer les contraintes budgétaires liées à l’endettement. Malgré une conjoncture économique relativement similaire à celle des États-Unis, le marché du crédit canadien est différent de celui des États-Unis tel que vu à la table 1.1 en introduction. Il est utile de rappeler ces différences institutionnelles. Entre autres, la titrisation hypothécaire est peu présente au Canada comparativement à son voisin du sud. La moyenne de l’émission de titres adossés à des créances hyptohécaires en pourcentage de l’encours des rpêts logement entre 2003 et 2006 a été de 3,6% au Canada et de 20,1% aux États-Unis (Fonds Monétaire International, 2008, p. 113). Le marché hyptohécaire canadien est également surveillé et réglementé de façon différente. La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), société d’État depuis 1946, est l’organisme responsable de l’habitation au Canada. Elle avait été créée en réaction à la pénurie de logements qui avait suivi la guerre et est aujourd’hui le premier fournisseur d’assurance hypothécaire au Canada, de titres hypothécaires, de programmes, de politiques et de recherches en matière d’habitation (Société canadienne d’hypothèques et de logement, 2014). 69 Par ailleurs, en raison des risques associés à la hausse de l’endettement des ménages canadiens, depuis 2008, le gouvernement fédéral a senti le besoin de resserrer les conditions d’accessibilité hypothécaire (Association des banquiers canadiens, 2013). La période d’amortissement maximale est ainsi passée de 40 à 25 ans. Les acheteurs doivent déposer une mise de fonds d’au minimum 5% du prix de l’habitation, alors qu’aucune mise de fonds n’était exigée antérieurement. Pour les biens résidentiels qui ne seront pas occupés par leurs propriétaires, une mise de fonds minimale de 20% est désormais obligatoire 1 . Les acheteurs pourront également emprunter un maximum de 80%, au lieu de 95%, de la valeur de leur propriété lors du refinancement de l’hypothèque. Le ratio maximal du service de la dette brute (SDB) a été limité à 39% et le ratio maximal du service de la dette totale (SDT), à 44%. Finalement, en 2012, une limite à l’emprunt sur une marge de crédit adossée à un bien immobilier a été mise à 65% de la valeur de la propriété, une baisse par rapport au plafond de 80% qui était en vigueur. Ces faits témoignent d’une surveillance étroite et d’une volonté de réglementer pour réduire les risques. C’est une idéologie différente des États-Unis où le laisser-faire a conduit à des abus, à une opacité de nouveaux produits financiers et à un accès démusré au marché hyptohécaire. Selon l’Association des banquiers canadiens (Association des banquiers canadiens, 2013), les Canadiens sont traditionnellement des emprunteurs très prudents. Par preuve, l’association compile des statistiques sur le nombre de ménages ayant manqué à leur paiement hypothécaire pendant trois mois et plus. De janvier 1990 à novembre 2013, la moyenne mensuelle des prêts hypothécaires en souffrance a été peu élevée, à 0,41%, par rapport au total des prêts hypothécaires et son sommet de 0,65% a été atteint en février 1992. Dans les années 2000, c’est en 2006 qu’a été enregistré le taux le plus bas, de 0,24%. Début 2010, le taux atteint 0,45% pour redescendre par la suite. Il est de 0,31% en novembre 2013, soit bien en-dessous de sa moyenne sur la période étudiée. L’association soutient que les prêteurs hypothécaires sont également très prudents. Pour une sixième année consécutives, les banques canadiennes ont en effet été jugées les plus solides au monde par le Forum économique mondial Association des banquiers canadiens (2013). À la section 4.6, la table 4.15 montrait que les séries du Canada étaient stationnaires en 3e différence des logarithmes, à l’exception de l’indice des prix réels de l’immobilier. La table 6.1 présente donc les résultats d’une régression par moindres carrés ordinaires, en enlevant la variable non-stationnaire. 1. Idem 70 Tableau 5.1: Moindres carrés ordinaires et 3e différence pour le Canada MCO, utilisant les observations 1997–2010 (T = 14) Y = Dette/RD (d-d-d-log) Coefficient Erreur Std. t de Student Constante -0,0035 0,0109 -1,3160 Taux d’intérêt LT (d-d-d) -0,0261 0,0256 -1,0161 Dette publique(d-d-d-log) -0,0072 0,1088 -0,0661 Salaires (d-d-d-log) 0,0159 0,5613 0,0284 Inflation (d-d-d) -0,0362 0,0311 -1,1644 Consommation (d-d-d) 0,0055 0,0054 1,0293 Moy. var. dép. −0,002817 p-value 0,7627 0,3488 0,9495 0,9783 0,2885 0,3430 Éc. type var. dép. 0,032436 0,036081 Somme carrés résidus 0,007811 Éc. type de régression R2 0,325086 R2 ajusté F (5, 6) 0,578003 p. critique (F ) Log de vraisemblance 26,99562 Critère d’Akaike −41,99123 -0,237343 0,717997 Critère de Schwarz −39,08179 Hannan–Quinn −43,06841 ρ̂ −0,764664 Durbin–Watson 3,377013 La table montre qu’aucun résultat significatif n’est observé. Le modèle et les variables utilisées ne réussissent donc pas à expliquer les variations de l’endettement. À noter qu’une régression par moindres carrés ordinaires utilisant le filtre Hodrick-Prescott a également été conduite et qu’aucun résultat significatif n’a été observé. Trois raisons principales peuvent l’expliquer. Les séries temporelles des différentes variables couvrent une période relativement courte de quinze ans, ce qui est peu pour pouvoir retirer un nombre suffisant de variations. Deuxièmement, l’atteinte de la stationnarité par la 3e différentiation réduit ces changements nécessaires pour capter les liens entre les variables explicatives et la variable d’endettement. Finalement, il est possible que d’autres variables puissent expliquer les variations mais ne sont pas inclues dans la régression. La confiance des agents et leur appétit pour le risque par exemple. 5.2 Aux États-Unis Le ratio d’endettement des ménages américains est passé de 91% en 1995 à 121% en 2010 après avoir atteint un sommet de 136% en 2007 (Organisation de Coopération et de Développement Économiques, 2014c). La table 4.15 de la section 4.6 montrait que la 3e différence des logarithmess amenait la variable dépendante des États-Unis à être stationnaire. Les prix de l’immobilier et la consommation ne l’étaient toutefois pas à ce niveau. La table 6.2 présente les résultats de la régression par Moinres Carrés Ordinaires conduite avec les variables stationnaires en 3e différence. 71 Tableau 5.2: Moindres carrés ordinaires et 3e différence pour les États-Unis MCO, utilisant les observations 1998–2010 (T = 14) Y = Dette/RD (d-d-log) Coefficient Erreur Std. t de Student Constante 0,0034 0,0151 0,2230 Taux d’intérêt LT (d-d-d) 0,0067 0,0121 0,5548 Dette publique(d-d-d-log) -0,1423 0,2805 -0,5073 Salaires (d-d-d-log) -0,5180 0,8567 -0,6046 Inflation (d-d-d) -0,0108 0,0158 -0,6824 Moy. var. dép. Somme carrés résidus −0,003928 p-value 0,8291 0,5942 0,6256 0,5622 0,5142 Éc. type var. dép. 0,070033 0,023238 Éc. type de régression 0,053896 R2 0,605168 R2 0,407752 F (4, 8) 3,065444 p. critique (F ) Log de vraisemblance 22,67874 Critère d’Akaike −35,35749 ajusté 0,083131 Critère de Schwarz −32,53274 Hannan–Quinn −35,93810 ρ̂ −0,545486 Durbin–Watson 3,067156 La régression ne trouve acune significativité entre les variables explicatives et la variable dépendante, tout comme dans la régression pour la Canada. Comme pour ce dernier, Les séries temporelles semblent contenir peu d’information en raison de l’usage des trois différentiations. Si les prix réels de l’immobilier étaient ajoutés, bien que non-stationnaires, leur relation serait positive et significative. L’atteinte de la stationnarité prouve donc sa complexité, ce qui réduit les possibilités de régression dans le cas de l’endettement. Dans le but de saisir les développements difficiles à capter empiriquement, la partie qui suit résume les particularités du marché du crédit américain. D’abord, la politique a un rôle central pour expliquer la structure du marché du crédit puisque les réglementations et les déréglementations se sont succédé au courant des décennies. En 1933, la loi Glass-Steagall avait été instituée par le président Roosevelt pour combattre les conditions ayant menées au Krach boursier de 1929 et à la Grande Dépression qui s’en suivit. La loi statuait principalement qu’il y avait incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d’investissement. Les déréglementations de l’administration Reagan dans les années 1980 et de l’administration Clinton, avec la loi Gramm-Leach-Bliley de 1999, vont répudier complètement Glass-Steagall. Fanny Mae, de son nom Federal National Mortgage Association (FNMA) est une société par actions créée par le gouvernement américain en 1938 dans le but d’augmenter la liquidité du marché des prêts hypothécaires. Elle est autorisée selon la loi à prêter et à garantir des prêts à d’autres institutions financières. Elle est le chef de file des prêts hypothécaires de seconde main, lequel alimente en liquidités le marché des prêts de première main. Son slogan parle pour lui-même : «Our Business is The American Dream». Elle avait un chiffre d’affaires de 43,4 mil- 72 liards de dollars en 2007. Freddy Mac, de son nom Federal Home Loan Mortgage Corporation (FHLMC) est également une société par action, créée en 1970, dans le but d’augmenter la taille du marché des prêts hypothécaires. Elle achète des prêts hypothécaires sur le marché hypothécaire de première main, les assemble et les revend à des investisseurs sur le marché mondial. La société avait un chiffre d’affaires évalué à 44 milliards de dollars en 2006. Cette pratique expédiait ainsi le risque sur les marchés mondiaux. Les incitatifs faisaient donc en sorte qu’un plus grand bassin de ménages pouvaient se procurer une hypothèque. Il a été dévoilé après la crise que plusieurs ne pouvaient toutefois se le permettre. Les prêts furent d’ailleurs nommés «NINJA» par la suite, pour «No jobs, no income, no assets» ou «subprime». On leur avait dit qu’avec la montée de la valeur de leur bien, en montée constante, ils allaient revendre avec profit après plusieurs années. En somme, l’endettement des ménages a été une conséquence d’un système insoutenable qui avait été mis en place pour augmenter l’accessibilité au logement, ce qui devait faire augmenter du même coup la consommation et l’investissement. Ce système semblait un succès, mais comme la théorie de Minsky (section 2.2.4) l’indiquait, la stabilité peut devenir déstabilisante quand les agents économiques prennent de plus en plus de risques, voyant que le système semble suffisamment solide pour résister. Lorsque le marché a réalisé que l’offre immobilier était devenu plus important que la demande, la bulle immobilière éclata et les prix redescendèrent, mettant en faillite tous ceux qui y étaient à risque. Tel que discuté, la hausse de l’endettement n’est pas préoccupante en soit. Elle l’est toutefois si elle est due à des facteurs qui mettent à risque la stabilité de l’économie. Aux États-Unis, une bulle immobilière, différentes politiques permettant une place prépondérante de la finance et la complexité d’un système opaque, dont les agences de notation n’ont pu cerner les risques, ont permis à un plus large bassin de ménages de pouvoir s’endetter. L’endettement a donc augmenté en partie grâce à des ménages à faibles revenus qui se procuraient une hypothèque et grâce à une bulle immobilière que l’on croyait normale ou incapable d’éclater. Voilà pourquoi l’endettement des ménages aux États-Unis était néfaste alors que dans des pays où la hausse est le reflet de la hausse des revenus des agents, par exemple, le risque était moindre. 5.3 Au Pays-Bas Le ratio d’endettement des ménages néerlandais est passé de 106% en 1995 à plus de 277% en 2010, selon les statistiques de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques, 2014c). Sa variation annuelle moyenne a été de 6,7%, la plus élevée de tous les pays étudiés dans ce mémoire, comme vu à la table 4.1. Les taux réels de long terme sont passés de 5,0% en 1995 à 1,7% en 2010. En ce qui a trait au secteur immobilier, l’indice de prix réels de l’immobilier de la table 4.3, montre que pour la même période, il est passé de 104,8 à 206,4, doublant ainsi en une quinzaine d’années seulement. 73 L’un des traits particuliers concernant l’endettement au Pays-Bas est le fait que le gouvernement hollandais offre des avantages fiscaux considérables pour les gens qui veulent se procurer une hypothèque. Par exemple, si l’impôt sur les revenus d’un ménage sont de 40%, ils ont droit à un escompte de 40% sur les intérêts à payer sur leur prêt hypothécaire (Radio Netherlands Worldwide, 2011). Pendant le boom immobilier, avant la crise américaine, les banques pouvaient même prêter jusqu’à 120% de la valeur de la maison. À la table 1.1, il est observé que le ratio typique du prêt par rapport à la valeur de l’actif était de 90% au Pays-Bas, le plus élevé de tous les pays décrits. Pour ces autres pays, ce ratio varie entre 50 et 83%, la moyenne de la zone euro étant de 79% (Baugnet et al., 2011, p. 64). L’accès à la propriété est donc favorisé, ce qui pourrait expliqué le fort endettement des ménages hollandais. Le Pays-Bas est le seul pays de la zone euro dont les intérêts payés sur l’hypothèque sont déductibles d’impôts. Selon l’article cité, plusieurs croient que ce système ait joué un rôle dans la forte augmentation des prix de l’immobilier en raison de la demande accrue et dans l’augmentation de l’endettement. Le Fonds Monétaire International et l’OCDE auraient d’ailleurs critiqué cette politique qui endette les ménages de façon abusive. Il n’est donc pas surprenant qu’au Pays-Bas, la part de la dette hypothécaire dans la dette totale des ménages soit au-dessus de 92%, selon l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques, 2014b). Tel que vu à la table 1.1, le Pays-bas a également l’un des marchés hypothécaires les plus sophistiqués, étant l’un des pays où l’extraction de liquidités du patrimoine est autorisée et le pays obtient un indice de développement du marché hypothécaire plus élevé que la moyenne. Les Hollandais auraient également d’importants fonds de pension et d’épargne pour pouvoir ultimement payer leur hypothèque. D’autres raisons expliquant le haut niveau d’endettement et sa croissance dans les années 2000 : fortes créations d’emplois, croissance soutenue du revenu disponible, concurrence accrue entre les fournisseurs de crédits hypothécaires (Baugnet et al., 2011, p. 64). Tel que vu à la section 4.6, en 2e ainsi qu’en 3e différence, l’indice des prix réels de l’immobiliers ne parvient pas à être stationnaire pour le Pays-Bas au seuil de 5% puisque la p-value est de 0,0989. Il s’agit de la seule variable faisant en sorte que le Pays-Bas n’était pas inclu dans la régression de panel. Selon les intuitions et le modèle présenté au chapitre 3, le boom des prix immobiliers doit avoir un effet réel sur la hausse forte de l’endettement. Si toutes les variables étaient incluses dans la régression par moindres carrés ordinaires, puisque les prix réels immobiliers sont significatifs au seuil de 10%, les résultats seraient ceux de la table 5.3 suivante. 74 Moindres carrés ordinaires contenant les prix de l’immobilier : Tableau 5.3: Moindres carrés ordinaires et 2e différence pour le Pays-Bas MCO, 1997–2010 (T = 14), 2e différence Y = Dette/RD (d-d-log) Coefficient Erreur Std. t de Student Constante 0,0056 0,0066 0,8487 Taux d’intérêt LT (d-d) -0,0575 0,0159 -3,6258 Prix Immo (d-d-log) 1,1248 0,3981 2,8257 Dette publique(d-d-log) 0,0490 0,0508 0,9655 Salaires (d-d-log) 0,0566 0,4078 0,1388 Inflation (d-d) -0,0846 0,0195 -4,3342 Consommation (d-d) -0,0029 0,0029 -1,0042 Moy. var. dép. Somme carrés résidus −0,003787 p-value 0,4241 0,0084*** 0,0256** 0,3665 0,8935 0,0034*** 0,3487 Éc. type var. dép. 0,035777 0,003057 Éc. type de régression 0,020897 R2 0,816300 R2 0,658843 F (6, 7) 5,184274 p. critique (F ) Log de vraisemblance 39,14097 Critère d’Akaike −64,28194 ajusté 0,024190 Critère de Schwarz −59,80853 Hannan–Quinn −64,69603 ρ̂ −0,264244 Durbin–Watson 2,522688 Le R2 ajusté serait donc de 65% et donc ce pourcetange de la variance de la dette serait expliquée par les variables. L’inflation et les taux d’intérêts réels seraient significatifs et négativement liés à l’endettement, comme l’intuition le prévoit. Les prix immobiliers seraient positivement liés. Cette régression inclue toutefois la série des prix immobiliers seulement significatif au seuil de 10%. Les érsultats doivent donc être pris avec réserve. La valeur F du modèle est de 0,02, ce qui est également significatif. La table 6.4 ci-dessous, présente la même régression en enlevant la variable des prix réels de l’immobilier. MCO sans les prix de l’immobilier : Tableau 5.4: Régression par MCO pour le Pays-Bas, 2e différence, sans prix immobiliers MCO, utilisant les observations 1997–2010 (T = 14) Y = Dette/RD (d-d-log) Coefficient Erreur Std. t de Student Constante -0,0042 0,0077 -0,5457 Taux d’intérêt LT (d-d-) -0,0235 0,0142 -1,6624 Dette publique(d-d-log) 0,0931 0,0661 1,4086 Salaires (d-d-log) 0,3990 0,5329 0,7488 Inflation (d-d) -0,0428 0,0174 -2,4565 Consommation (d-d) -0,0021 0,0039 -0,5247 p-value 0,6002 0,1350 0,1966 0,4754 0,0395** 0,6140 75 Moy. var. dép. −0,003787 Somme carrés résidus Éc. type var. dép. 0,035777 0,006544 Éc. type de régression 0,028600 R2 0,606760 R2 0,360985 F (5, 8) 2,468759 p. critique (F ) Log de vraisemblance 33,81314 Critère d’Akaike −55,62629 ajusté 0,122838 Critère de Schwarz −51,79194 Hannan–Quinn −55,98122 ρ̂ −0,104562 Durbin–Watson 2,160042 Dans cette nouvelle régression, seule la variation de l’inflation reste significative et a un effet contra-cyclique avec l’endettement. Quand l’inflation baisse, l’endettement augmente, tel qu’expliqué à la section 4.1, entre autres. Le R2 ajusté reste relativement significatif à 36% mais la valeur F est désormais de 0,12, signifiant que le modèle n’est pas significatif. Ci-dessous, les résultats obtenus en utilisant les 3e différences sont présentés. Avec la 3e différence des logs : Tableau 5.5: Régression par MCO pour le Pays-Bas, 3e différence, sans prix immobiliers MCO, 1997–2010 (T = 14), 3e différence Y = Dette/RD (d-d-log) Coefficient Erreur Std. t de Student Constante -0,0009 0,0120 -0,0787 Taux d’intérêt LT (d-d-d) -0,0351 0,0154 -2,2790 Dette publique(d-d-d-log) 0,1308 0,0643 2,0331 Salaires (d-d-d-log) 0,7111 0,5189 1,3706 Inflation (d-d-d) -0,0580 0,0213 -2,7225 Consommation (d-d-d) -0,0011 0,0042 -0,2663 Moy. var. dép. Somme carrés résidus −0,003842 p-value 0,9395 0,0567* 0,0815 0,2128 0,0297** 0,7977 Éc. type var. dép. 0,055630 0,012637 Éc. type de régression 0,042488 R2 0,659714 R2 0,416653 F (5, 7) 2,714192 p. critique (F ) Log de vraisemblance 26,63839 Critère d’Akaike −41,27677 ajusté 0,112762 Critère de Schwarz −37,88708 Hannan–Quinn −41,97351 ρ̂ −0,330968 Durbin–Watson 2,542274 L’inflation est toujours significatif au seuil de 5% avec un effet négatif sur l’endettement. Les taux d’intérêts réels sont significatifs et négatifs au seuil de 10%. La p-value F critique du modèle est toutefois de 0,11, signifiant que le modèle n’est pas significatif. Ce qu’il faut retenir de ces résultats est qu’il semble y avoir des résultats significatifs avec la table 5.3 mais qu’il faut avoir une réserve en raison des prix immobiliers. En somme, pour les trois pays détaillés dans ce chapitre, les résultats empiriques sont difficiles à obtenir et ne réussissent donc pas à confirmer les appréhensions théoriques. La courte période 76 des séries temporelles et les différentiations nécessaires pour la stationnarité peuvent expliquer ces résultats. Voilà donc ce que l’analyse des données de panel apporte, un plus grand nombre de données sur lesquels tester. Au chapitre précédent, les résultats n’ont toutefois pas été évidents, les modèes n’étant pas tous significatifs et les R2 relativement faibles. Les résultats théoriques pourraient ainsi demeurer les meilleurs pour interpréter le phénomène d’hausse d’endettement. 77 Conclusion La montée de l’endettement des ménages dans la majorité des pays de l’OCDE au cours des dernières années est due à différents facteurs communs ainsi qu’à d’autres sources spécifiques à un seul pays. Au chapitre 1, la mise en contexte sur l’endettement a montré que la dette hypothécaire formait la majeure partie de l’endettement des ménages. Le tableau 1.1 démontrait à quel point les marchés hypothécaires varient d’un pays à l’autre, que ce soit en raison du ratio permis de la valeur de l’hypothèque par rapport à la valeur de l’actif ou par la possibilité ou non d’extraire des liquidités du patrimoine immobilier, par exemple. Au chapitre 2, une revue de la littérature a été présentée concernant les études traitant de la hausse de l’endettement des ménages. Elles procuraient différentes intuitions concernant les variables les plus susceptibles de faire varier l’endettement, notamment la hausse des prix immobiliers et la baisse des taux d’intérêt. Il était perceptible que la plupart des études étaient davantage axées sur la théorie et qu’un manque existait au niveau de l’approche empirique pour confirmer les prédictions des modèles théoriques. L’analyse de données de panel multi-pays du mémoire y trouvait donc son originalité et son importance. La deuxième partie du chapitre faisait une revue de littérature des études empiriques concernant l’ensemble des variables ayant pu faire varier le ratio d’endettement des ménages. Elle incluait les taux d’intérêt réels de long terme et l’inflation, dont les baisses ont fait diminuer les coûts d’emprunts pour une dette hypothécaire donnée. Les prix réels de l’immobilier dont la hausse dans la majorité des pays a fait augmenter la valeur des hypothèques, ce qui créait un effet de richesse pour les propriétaires et un endettement plus grand à venir pour les acheteurs. Les déréglementations et les innovations financières ont été abordées, qui ont permis une accessibilité accrue au crédit. Les autres variables inclues la stabilité de la conjoncture économique, la richesse des ménages, le rôle de la démographie, les changements sociologiques, le rôle de l’État, l’accroissement des inégalités de revenus. Au chapitre 3, l’endettement a été représenté à l’aide d’un modèle théorique inspiré de l’hypothèse du cycle de vie de Modigliani et dans lequel un choix de portefeuille a été ajouté. Le modèle a permis de dégager certaines intuitions et de formuler les attentes par rapport aux effets des différentes variables sur le ratio d’endettement dans une statique comparative. Il a été vu dans le chapitre que l’agent lisse sa consommation au courant de sa vie et qu’il réalise 79 un arbitrage entre la consommation présente et future, ce qui a permis de comprendre l’utilité de l’endettement pour maximiser l’utilité intertemporelle. Au chapitre 4, le modèle théorique a été mis sous forme réduite, de sorte à pouvoir tester empiriquement les effets individuels des différentes variables sur l’endettement. La statique comparative qui précédait le chapitre avait formulé les attentes concernant les variables utilisées dans ce modèle. Les étapes menant aux régressions ont ensuite débuté avec les tests de stationnarité des séries, ce qui attestait que la plupart d’entre elles n’étaient pas stationnaires et pouvaient donc conduire à des régressions fallacieuses si elles étaient utilisées. En utilisant la transformation logarithmique et la différentiation, certains pays ont vu l’ensemble de leurs séries devenir stationnaires, ce qui a permis de conduire des régressions de panels de trois et de cinq pays. Une différente approche a été d’utiliser le filtre Hodrick-Prescott, gardant la partie cyclique des séries et laissant de côté la partie tendancielle. Ces différentes méthodes ont trouvé des résultats intuitifs et significatifs, notamment à l’aide de retards sur les taux d’intérêt et l’inflation. Ainsi, les prix réels de l’immobilier détenaient un impact positif et significatif sur l’endettement tandis que les taux d’intérêt réels de long terme et l’inflation avaient généralement un impact significatif et négatif. La faible significativité des régressions rendent cependant ces résultats moins robustes. Cela peut être expliqué par l’utilisation d’un faible nombre de données avec des panels de trois et cinq pays sur un horizon de 15 ans seulement. Les coefficients de corrélation (R2 ajustés) étaient également relativement faibles, c’est-à-dire que la variation des variables n’expliquaient que faiblement la variance du ratio d’endettement. Cela pourrait être du à l’omission de plusieurs variables explicatives dont les données n’ont pu être trouvées, comme les dérégulations, les impacts sociologiques, par exemple. Au chapitre 5, des analyses individuelles de trois pays, le Canada, les États-Unis et le PaysBas, ont été conduites. L’objectif était de dégager les facteurs spécifiques ayant contribué à la hausse de l’endettement des ménages dans ces pays. Au Canada, la réglementation et les faibles risques pris par les banques tendent à faire croire que l’endettement des ménages a été rationnelle en contexte de faibles taux d’intérêt et de conjoncture économique favorable. Aux États-Unis, la complexité du système financier et du marché du crédit qui découlent de différentes déréglementations financières passées semblent plutôt avoir permis à un plus large bassin de ménages, incluant des ménages à faibles revenus, de se procurer une hypothèque. Les risques ont été expédiés sur les marchés financiers et un cycle vicieux de montée des prix de l’habitation et d’endettement s’est orchestré jusqu’à l’éclatement de la bulle immobilière. Au Pays-Bas, la déductibilité d’impôt des intérêts hypothécaires et la croissance des revenus hollandais semblent avoir incités les ménages à s’endetter davantage, à un rythme inégalé par les autres pays de l’OCDE. Dans ces trois pays, les régressions sur séries temporelles par moindres carrés ordinaires sont toutefois peu concluantes. Les coefficients obtenus ne sont pas significatifs, ce qui prouve la difficulté des tests empiriques sur le phénomène. En somme, les résultats empiriques obtenus dans ce mémoire confirment qu’une baisse des taux 80 d’intérêts réels de long terme et une hausse des prix réels de l’immobilier ont été les facteurs clés dans la montée de l’endettement dans les pays développés. Toutefois, ces résultats sont à prendre avec précaution puisque les modèles ne sont pas significatifs. En raison d’une période d’étude relativement courte de quinze ans et de la nécessité d’avoir des séries stationnaires, la différentiation fait perdre de l’information au sein des différentes régressions de panel. Il peut être avancé que l’analyse empirique demeure ardue et que les analysent théoriques, vus en revue de littérature, demeurent une source plus sûre. Notamment, l’analyse théorique de Guy Debelle qui affirme que la hausse de l’endettement dans les différents pays est due aux baisses des contraintes de crédit depuis les dérégulations des années 1980. Or, celles-ci sont plus difficiles à capter empiriquement, tout comme les changements sociologiques qui ont pu rendre les ménages davantage incités à consommer au temps présent plutôt que d’épargner, changeant ainsi l’arbitrage entre le rapport des deux utilités. 81 Bibliographie Ahearne, Alan et al. (2002). Preventing deflation : lessons from Japan’s experience in the 1990s, Rap. tech. 729, Board of Governors of the Federal Reserve System. Ando, Albert et Modigliani, Franco (1963). The" life cycle" hypothesis of saving : Aggregate implications and tests, The American Economic Review, p. 55–84. Angelides, Phil, Thomas, Bill et al. (2011). 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Selon l’OCDE, un ménage (au sens stricte) est une personne ou un groupe de personnes qui vivent ensemble sous le même régime de logement et qui se combinent pour les achats de nourriture ou d’autres produits essentiels de la vie. Toute personne d’un pays n’appartient qu’à un seul ménage. Le lieu de résidence habituelle est la base pour la détermination de la composition du ménage. Tous les membres du ménage doivent être résidents du même pays. Les institutions à buts non-lucratifs servant de ménages se définissent quant à elle comme des entités juridiques ou sociales, en prédominance non financées ni contrôlées par le gouvernement, créées dans le but de produire des biens et services dont le statut ne permettent pas d’être une source de revenu, profit ou autre gain financier pour les unités qui les créent, gèrent ou les financent. Les services sont essentiellement gratuits ou à des coûts non significatifs. La dette brute et la dette nette L’endettement : La dette est définie ici comme la somme des dettes nécessitant un paiement de principal ou d’intérêts du débiteur au créditeur à certaines dates dans le futur. C’est la somme des catégories suivantes : la monnaie fiduciaire et les dépôts ; les titres autres que des actions, 89 sauf les produits de dérivés ; les prêts ; les provisions techniques d’assurance ; autres comptes à payer. Pour les ménages, l’endettement consiste principalement de la catégorie «prêts» et particulièrement de prêts immobiliers. La dette brute est la plus utilisée. Le revenu disponible Le revenu disponible : Il correspond à la somme des salaires et traitements, des revenus mixtes, des revenus nets de la propriété, des transferts courants nets et des prestations sociales autres que les transferts sociaux en nature. On soustrait à cela les impôts sur les revenus et la richesse ainsi que les cotisations de sécurité sociale versées par les salariés, les travailleurs indépendants et les chômeurs. L’indicateur représente donc la capacité de dépenser et d’épargner des ménages. Il est ainsi fort utile pour mesurer la capacité des ménages d’honorer leurs engagements et payer leurs dettes. Finalement, les comparaisons entre pays sont pertinentes à condition qu’il existe une uniformité dans les définitions, les concepts et les méthodologies utilisées. 90 Annexe B Calculs vers l’équation d’Euler Les calculs menant vers les équations d’Euler sont les suivants. Des simplifications seront employées. Le problème en temps infini est représenté ainsi : ∞ X lim Rt+i At+i + Rt+i Ct+i = | {z } i=0 i→∞ ∞ X Rt+i Yt+i +(PtH Ht −DtH (1+rt )) αt + (PtF Ft − DtF ) (1+rt ) i=0 (B.1) Tend vers 0 avec la condition de transversalité où Rt+i = Qi j=1 H H F ( 1+r1t+j ) avec j ≥ 1 et At+i = (Pt+i t+i + Pt+i Ft+i - Rt+i Dt+i ) Donc : ∞ X i=0 Rt+i Ct+i = ∞ X Rt+i Yt+i + (PtH Ht − DtH (1 + rt )) αt + (PtF Ft − DtF ) (1 + rt ) |i=0 {z } (B.2) Peut être réécrit comme Wt Wt = At (1 + rt ) + ∞ X Rt+i Yt+i (B.3) Rt+i+1 Yt+i+1 (B.4) i=0 Wt+1 = At+1 (1 + rt ) + ∞ X i=0 Du cycle de vie à 2 périodes, il est connu que : 91 At+1 = (1 + rt )At + Yt − Ct Alors, Wt+1 ∞ X Yt+i+1 = (1 + rt )(1 + rt )At + Yt − Ct + (1 + rt )i i=0 Wt+1 = (1 + rt )[(1 + rt )[At ] − Ct ] + (1 + rt )Yt + ∞ X Yt+i+1 (1 + rt )i i=0 ∞ Wt+1 = (1 + rt )[(1 + rt )[At ] − Ct ] + (1 + rt )Yt + (1 + rt ) X Yt+i+1 (1 + rt ) (1 + rt )i i=0 Wt+1 = (1 + rt )[(1 + rt )[At ] − Ct ] + (1 + rt )Yt + (1 + rt ) ∞ X i=0 Wt+1 = (1 + rt ) [(1 + rt )[At ] + | ∞ X {z i=0 Yt+i (1 + rt )i Yt+i −Ct ] (1 + rt )i } Wt Wt+1 = (1 + rt )Wt − Ct ] Afin de simplifier, il est utile d’appliquer un problème à 2 périodes, le présent et le futur. Il peut être résolu avec la fonction de Bellman. Fonction de Bellman V [Wt ] = Max U [Ct ] + Et β V [Wt+1 ] +λt [(1 + rt )(Wt − Ct ) − Wt+1 ]] | {z } | {z } | {z } Utilité présente Future Contrainte budgétaire Avec 0 < β < 1 est la valeur accordée au futur. Conditions de premier ordre δV [Wt ] = U 0 [Ct ] − λt (1 + rt ) δCt δV [Wt ] = Et β V 0 [Wt+1 ] − λt δWt+1 δV [Wt ] = (1 + rt )(Wt − Ct ) − Wt+1 δλt 92 =0 =0 =0 Conditions de l’enveloppe δV [Wt ] = (1 + rt ) λt δWt δV [Wt ] = (1 + rt+1 ) λt+1 δWt+1 Équations d’Euler δV [Wt ] = U 0 [Ct ] − λt (1 + rt ) δCt δV [Wt ] = Et β(1 + rt+1 )λt+1 − λt δWt+1 δV [Wt ] = (1 + rt+1 )[Wt − Ct ] − Wt+1 λt =0 → =0 → δV [Wt ] δWt δV [Wt ] U 0 [Ct ] Et β = δWt+1 (1 + rt ) U 0 [Ct ] = =0 (B.5) (B.6) (B.7) Interprétations (B.5) L’utilité marginale de la consommation au temps présent doit être égale à l’utilité marginale de la richesse pour avoir une utilité maximale. L’apport de consommer doit donc tenir compte de l’utilité à épargner pour consommer plus tard. Si l’utilité marginale de consommer aujourd’hui est fort, les agents auront tendance à s’endetter. Ils auraient ainsi une préférence pour le présent. (B.6) Il s’agit du facteur d’arbitrage entre l’utilité marginale de consommer aujourd’hui et consommer dans le futur. On peut substituer U 0 [Ct ] par le résultat en B.5 pour mieux le voir. Ainsi, l’utilité marginale d’épargner aujourd’hui doit être égale à l’utilité marginale d’épargner dans le futur. L’agent lisse sa consommation à partir de ce principe. (B.7) Finalement, la critère d’optimisation qui stipule que la contrainte budgétaire doit être saturée. La richesse future est égale à l’épargne au temps t avec intérêt. 93 Annexe C Test de stationnarité avec constante et tendance temporelle Test Dickey-Fuller avec constante et 1 ordre de retard p-values Pays (D) (R) (P) (DP) (S) (Π) (C) Australie 0,97 0,78 0,14 0,99 0,26 0,13 0,04 Belgique 0,80 0,51 0,25 0,96 0,95 0,00 0,78 Canada 0,97 0,92 0,62 0,98 0,17 0,85 0,03 États-Unis 0,98 0,90 0,53 0,99 0,89 0,39 0,01 Allemagne 0,35 0,16 0,75 0,58 0,87 0,01 0,49 Norvège 0,37 0,15 0,02 0,66 0,55 0,49 0,09 Royaume-Uni 0,81 0,29 0,83 0,99 0,99 0,40 0,26 Italie 0,26 0,79 0,44 0,99 0,00 0,00 0,00 Suède 0,51 0,98 0,15 0,48 0,43 0,23 0,04 France 0,95 0,30 0,07 0,10 0,58 0,54 0,35 Pays-Bas 0,08 0,78 0,98 0,96 0,46 0,40 0,44 95 Annexe D Utilisation du logarithme Figure D.1: Séries de bases de l’endettement de l’Australie, de la Belgique et du Canada Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c), calculs de l’auteur Figure D.2: Séries logarithmiques de l’endettement de l’Australie, de la Belgique et du Canada Source : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (2014c), calculs de l’auteur 97