introduction générale

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The handle http://hdl.handle.net/1887/32972 holds various files of this Leiden University
dissertation.
Author: Bondéelle, Olivier
Title: Polysémie et structuration du lexique : le cas du wolof
Issue Date: 2015-05-13
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INTRODUCTION GÉNÉRALE
Polysémie et relations morphologiques :
Les relations qui structurent le lexique connectent les signes linguistiques selon
divers procédés. Donnons un exemple du français. Entre le verbe ENSEIGNER et le
nom d’activité ENSEIGNEMENT, le lien entre les deux signes est marqué par la forme
(ajout d'un signifiant). Un autre procédé pour connecter des signes concerne la
relation entre l’adjectif IDIOT et le nom IDIOT, lorsqu’ils réfèrent par exemple à un
élève jugé peu capable d’apprendre. Dans ce cas, la relation entre l’adjectif et le nom
n’est pas marquée formellement (ils ont le même signifiant). Mais elle est marquée
par le changement de catégorie lexicale. Un troisième procédé connecte deux signes
de même catégorie lexicale. Considérons le nom CLASSE, dont un des sens 'lieu où
sont rassemblés les personnes à qui quelqu'un enseigne', est relié à l'autre sens
'ensemble de personnes à qui on enseigne'. Il faut donc considérer ici deux signes
CLASSE, de même signifiant, et de même catégorie lexicale, mais de sens différents.
Nous entendons le signe linguistique comme l'association d'un signifiant, d'un
signifié, et d'une combinatoire. Mel'čuk (1993 : 117-120) a introduit la notion de
combinatoire comme troisième composante des signes linguistiques. Cette
conception du signe est une extension du concept saussurien du signe linguistique.
La combinatoire d'un signe regroupe les propriétés qui lui permettent de se combiner
avec d'autres signes linguistiques, qui ne sont pas déductibles de son signifiant et de
son sens (Polguère 2003 : 137). Ces propriétés englobent celles qui peuvent être
déduites de sa catégorie lexicale. Par exemple, les deux signes IDIOT précédemment
cités n'ont pas la même combinatoire car l'un est de catégorie adjectivale, et se
combine ainsi avec l'adverbe COMPLÈTEMENT dans la combinaison complètement
idiot, alors que l'autre est incompatible avec un adverbe. Envisagées sous cet angle,
la dérivation, la conversion, et la polysémie sont trois relations complémentaires,
opérant chacune sur une composante différente du signe. Les relations dans le
lexique peuvent ainsi être caractérisées selon les changements de signifiant, de
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signifié et de combinatoire des signes qui sont en relation l'un avec l'autre. La
dérivation opère sur le signifiant et le changement de signifiant s'accompagne
souvent d'un changement dans le signifié des signes en relation de dérivation. Le
premier procédé que nous avons illustré est celui de la dérivation par suffixation,
puisque le suffixe –ment du français est régulier (ABOIEMENT, HURLEMENT,
TREMBLEMENT), et produit un nom à partir d'une base verbale (ABOYER, HURLER,
TREMBLER). L'ajout du suffixe –ment peut éventuellement s'accompagner d'un
changement dans le signifié, mais pas tout le temps. Le signifié 'quelqu'un fait
quelque chose souvent à quelqu'un d'autre ; à cause de ça, cette autre personne peut
savoir beaucoup de choses' est associé aussi bien au signe ENSEIGNER qu'au signe
ENSEIGNEMENT. La conversion opère sur la combinatoire et le changement de
combinatoire ne s'accompagne pas nécessairement d'un changement de signifié. Ce
second procédé est celui de la conversion catégorielle telle que le définit par
exemple Tesnière (1959 : chap. 152, § 1 : 364), c'est-à-dire qu'il consiste à transférer
un signe d'une catégorie lexicale (ici, l'adjectif IDIOT) dans une autre catégorie
lexicale (le nom IDIOT). Dans cet exemple, le changement de combinatoire ne
s'accompagne pas d'un changement de signifié. L'adjectif et le nom ont tous deux le
signifié approximatif 'quelqu'un qui ne peut pas savoir beaucoup de choses'. En
revanche, la conversion entre l'adjectif BLEU et le nom BLEU illustre un changement
de signifié. L'adjectif réfère à un type de couleur, alors que le nom réfère à une
personne qui n'a pas d'expérience, comme dans c'est un bleu, celui-là. La polysémie
opère sur le signifié et le changement de signifié ne s'accompagne pas
nécessairement d'un changement de combinatoire. La polysémie du nom CLASSE
illustre le cas d'un changement de combinatoire subtil. Le signe associé au signifié
'lieu où sont rassemblés les personnes à qui quelqu'un enseigne' se combine avec des
adjectifs comme GRAND, ou PETIT qui dénotent la taille (un attribut physique). Il ne se
combine pas en revanche avec d'autres adjectifs comme BON ou MÉDIOCRE qui
dénotent une évaluation du niveau intellectuel, et qui se rapportent à l'ensemble des
personnes à qui on enseigne.
Dans la perspective que nous adoptons sur les relations dans le lexique, les
comparaisons qui peuvent être faites entre relations dépendent largement des
données de la langue d'étude. Celles du wolof sont intéressantes. Car cette langue
sollicite largement la morphologie pour connecter les signes dans le lexique, selon
des procédés variés. Nous en illustrons deux dans la section qui suit.
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L’intérêt du wolof et l’objectif de la thèse
Le wolof est une langue ouest-africaine parlée essentiellement au Sénégal et dans les
pays limitrophes. Elle appartient à la macro-famille Niger-Congo et fait partie des
langues dites atlantiques. Des traits marquants la caractérisent. Un premier trait est
celui des classes dans le domaine nominal. Un second trait est le grand nombre de
suffixes verbaux.
Contrairement aux langues comme le français ou l’allemand, les noms du wolof ne
sont pas répartis selon des genres (masculin, féminin, ou neutre pour l’allemand),
mais selon des classes. La motivation sémantique de ces différentes classes est plutôt
d'identifier une entité par son caractère animé ou inanimé, ou encore par sa
caractéristique d'entité singulative ou collective.
Concrètement, chaque nom contrôle un morphème de classe spécifique : le nom KËR
qui désigne la maison contrôle ainsi le morphème g-, alors que le nom DËKK qui
désigne le village contrôle le morphème b-. Dans la plupart des langues bantoues qui
font aussi partie de la macro famille Niger-Congo, ces morphèmes de classes sont
préfixés aux noms et on les appelle des préfixes de classes. Dans les langues
atlantiques comme le wolof, la position des morphèmes de classes par rapport au
nom qui les contrôle varie. Ce qui nous intéresse directement est la possibilité pour
certaines formes de contrôler des morphèmes différents, comme dans le domaine de
la flore où les noms d’arbres contrôlent en général le morphème g- et où les noms de
fruits issus de ces arbres contrôlent le morphème b-. Ainsi, une forme comme
mango donne deux noms différents. Combinée au morphème de classe g-, la forme
mango désigne le manguier. Mais combinée au morphème de classe b-, la même
forme mango désigne la mangue. Bien que ce procédé soit moins massif que dans
d’autres langues apparentées comme les langues jóola par exemple, il participe
néanmoins à la structuration du lexique.
Les données du wolof sur la conversion catégorielle sont aussi intéressantes. Dans la
version la plus simple de la conversion catégorielle, un verbe et un nom ont le même
signifiant. Le verbe dénote un événement alors que le nom dénote le résultat de cet
événement, comme pour le nom LEKK (morphème de classe nominale g-) qui désigne
le résultat de l’action de manger (nom LEKK 'repas', et verbe LEKK 'manger'). Dans
une version plus complexe, le lexème verbal et le lexème nominal ont chacun
plusieurs dénotations. Le lexème verbal LIGGÉEY se traduit généralement par
'travailler' lorsqu'il est intransitif, et par 'jeter un sort' lorsqu’il est transitif. Le
lexème nominal de même signifiant liggéey dénote soit le travail soit le sort jeté à
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quelqu'un. Les dénotations du nom réfèrent au résultat de l'événement dénoté par le
verbe. Dans les deux dictionnaires sur lesquels nous nous sommes basés (Diouf
2003, Fal et al. 1990), nous avons relevé une proportion d'une entrée sur cinq
concernées par les conversions catégorielles.
La polysémie en wolof n'a pas fait l'objet de description systématique, même si des
études abordent certaines problématiques liées à la polysémie. Les travaux
marquants sur l’existence de différents signifiés associés à une même forme
examinent surtout la grammaticalisation de ces formes (Robert, 1997, 2003, Perrin
2005). Ainsi, la forme ginnaaw dans son emploi nominal est associée au sens 'partie
du corps' puisque le nom GINNAAW (morphème de classe nominale g-) dénote le dos.
Mais la même forme ginnaaw est aussi employée comme préposition avec le sens de
'derrière' dans un sens locatif, et comme conjonction avec le sens de 'puisque'. Ces
faits ont été largement documentés et sont maintenant connus dans un grand nombre
de langues du monde (Heine et Kuteva 2002). Ces études sont diachroniques, et
elles observent et analysent l'évolution des langues. Notre étude est synchronique et
ne traite pas les faits de grammaticalisation.
Nous traitons en revanche le fait que des verbes comme TOOG puissent dénoter un
événement dynamique ('s’asseoir') et un événement statique ('être assis'). Church et
Robert dressent une liste de ces verbes (Church 1981 : 33-39, Robert 1991 : 333).
Nous discutons aussi le fait que des verbes ou des noms puissent dénoter des
événements ou des entités dans deux domaines conceptuels différents. Le verbe JOT
par exemple qui signifie 'atteindre une cible' dans le domaine spatial, mais aussi
'atteindre un moment' dans le domaine temporel. Moore (2000) a analysé la
métaphore conceptuelle qui implique le domaine source spatial et le domaine cible
temporel, et c'est à ce jour la seule étude de sémantique lexicale systématique
disponible pour le lexique du wolof.
Nous avons situé le contexte de ce travail. Précisons son objectif. Les travaux sur la
polysémie de ces dernières décennies ont été marqués par une volonté de modéliser
la relation de polysémie comme une relation spécifique, différente des autres
relations dans le lexique. L'article de Pethö (2001) en donne un bon aperçu et
renvoie à un nombre conséquent de références. Citons comme exemples les travaux
de Nunberg et Zaenen (1997) qui ont proposé des règles de transfert pour modéliser
« la polysémie systématique », ou encore les travaux de Pustejovsky (1995) dont le
livre The Generative Lexicon est entièrement consacré à différentes questions reliées
à la polysémie. Quelques travaux ont analysé les rapports et les interactions de la
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polysémie et de la morphologie. Citons pour le français Nammer (2009) et pour
l’italien Melloni (2007). Mais aucun travail n'existe à notre connaissance pour des
langues africaines. Notre objectif ici est de comparer la relation de polysémie à
d'autres relations, pour faire une évaluation qualitative de la relation de polysémie.
En d'autres termes, nous posons cette question : la polysémie doit-elle être
modélisée indépendamment des autres relations dans le lexique ?
Notre évaluation consiste d'abord à explorer le potentiel de la polysémie. Découvrir
le potentiel de la polysémie, c'est notamment préciser si les liens de polysémie
peuvent être encodés par d'autres procédés comme la conversion ou la dérivation. Le
lien de polysémie est ce qui connecte deux signes en relation de polysémie. Pour
prendre un exemple du français emprunté à Barque (2008 : 188), la relation entre le
sens d’un événement et celui qui dénote un participant qui réalise cet événement
peut se réaliser par dérivation pour le couple MEURTRE ~ MEURTRIER, ou par
polysémie pour l'autre couple ACCUSATION ~ ACCUSATION (dans le sens de 'ministère
public').
Notre évaluation consiste ensuite à caractériser les liens de polysémie en fonction de
leurs rapports avec d'autres liens (liens dans une relation de dérivation, ou de
conversion). Prenons un autre exemple du français pour illustrer notre propos. Le
lien de contenu à contenant qui connecte les deux sens du nom CLASSE est grosso
modo équivalent au lien de dérivation qui relie les noms POULAILLER 'lieu où sont
gardés les poules' et POULE. Cet exemple illustre que des liens de polysémie et des
liens de dérivation peuvent être considérés comme équivalents. Précisons
maintenant notre méthodologie.
Méthodologie et plan de la thèse
Décrire la polysémie suppose de disposer d’un modèle clair de description du sens
lexical. En particulier, nous attendons des descriptions et des analyses qu’elles soient
suffisamment fines pour faire la distinction entre polysémie et monosémie. Même si
la polysémie a suscité de nombreux travaux, il n’y a pas de consensus sur sa
modélisation. Deux grandes options existent dans la littérature. La première est de
définir les différents sens de façon aussi précise que possible, et dans la mesure du
possible les liens qui les connectent. La seconde est de proposer des règles ou des
mécanismes linguistiques qui capturent les différents énoncés possibles composés
des mêmes signes linguistiques. Pour prendre deux exemples traités par les deux
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approches, considérons ceux du verbe ÉTONNER en français, et du verbe FRIGHTEN de
l'anglais. Ces deux verbes partagent la propriété d'admettre comme sujet soit un nom
qui dénote une personne ou un objet, soit un nom qui dénote un événement. Nous
empruntons les énoncés français cet orateur aime étonner ses auditeurs et son
succès étonne son entourage à Mel'čuk et al. (1984 : 104) ; et les énoncés anglais
driving frightens me et cars frightens me à Pustejovsky (1995 : 53). Il y a deux
manières d'analyser ces différents énoncés. Nous pouvons définir un premier sens de
ÉTONNER comme 'quelque chose cause que quelqu'un ressent quelque chose' et un
second sens comme 'quelqu'un cause volontairement que quelqu’un ressent quelque
chose'. Le lien entre les deux sens concerne alors la volition ('causer' versus 'causer
volontairement') et l’entité ('quelqu’un' versus 'quelque chose'). Nous pouvons aussi
choisir d'expliquer quel est le mécanisme linguistique qui produit ces deux types
d'énoncés, en notant par exemple que le nom CAR de l'anglais dénote dans l'énoncé
cité un événement et non une entité. Selon cette seconde approche, le verbe
FRIGHTEN a un unique sens. Les deux options d’analyse s’opposent par l’attribution
d’un sens unique (monosémie), ou d’une pluralité de sens, à un lexème. Nous
présentons au cours de ce travail en détail les conséquences que cette différence a
pour la description du sens, et nous tirons les enseignements de cette alternative dans
la description.
Nous utilisons un métalangage naturel à base de primitifs sémantiques pour décrire
le sens lexical, et nous introduisons pour le wolof celui de la Métalangue
Sémantique Naturelle (Wierzbicka 1972), abrégée en MSN dans notre texte. A titre
d'exemple, les éléments QUELQUE CHOSE, QUELQU'UN, RESSENTIR sont des
représentants du français des primitifs sémantiques que nous utilisons. Ce
métalangage a un premier mérite : il est basé sur des éléments simples de la langue
d'étude, ce qui est un avantage lorsque l'on décrit une langue dont on n'est pas natif.
Comme nous décrivons le sens lexical par des définitions comme en lexicographie
traditionnelle, la Métalangue Sémantique Naturelle a un second mérite, qui est de
proposer des définitions de la langue d'étude dans la même langue. A notre
connaissance, il n'existe pas de dictionnaire de définitions publié pour le wolof, bien
qu'un projet informatisé de ce type soit en cours de réalisation grâce à une équipe de
linguistes à Dakar1. Avec une version en wolof de la Métalangue Sémantique
1
Il s'agit du chantier « Conception d'un dictionnaire électronique unilingue wolof et bilingue
wolof-français » qui réunit des chercheurs de l'Université Cheikh Anta Diop (département de linguistique,
chef de file) de Dakar (Sénégal), le Centre de recherche Termisti de l'Institut supérieur de traducteurs et
interprètes, Haute École de Bruxelles (Belgique) et l'Institut für Linguistik/Phonetik de l'Université de
Cologne (Allemagne). Il est présenté à l'adresse http://flsh-dico-wolof.ucad.sn/ (consultée le 01/10/2014).
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Naturelle, nous avons forgé un outil de description du sens des mots du wolof. Mais
notre tâche ne s'arrête pas là. Rappelons en effet que nous nous sommes fixé pour
objectif de comparer les liens de polysémie avec les liens produits par les autres
relations dans le lexique. Il est donc nécessaire de proposer un modèle adapté à la
description de rapports entre liens de polysémie et autres liens. Nous mettons
volontairement le terme « rapports » en italiques, car il souligne ainsi ce que requiert
le modèle. Nous avons choisi le modèle de l'analogie, car il est bien adapté à
l’évaluation de rapports entre relations. Comme le fait très justement remarquer
Lavie (2003 : 28) lorsqu'il caractérise l'analogie et en retrace l'histoire, l'analogie met
en jeu quatre termes et non deux. Autrement dit, l'analogie est une comparaison de
relations entre termes et non une comparaison de termes. « Dire « A est analogue à
B », c’est dire que A est semblable à B sans préciser en quoi les deux termes sont
semblables. Alors que dire « la relation entre A et A’ est analogue à la relation entre
B et B’ », c’est forcément préciser en quoi le rapport est semblable ». Le modèle de
l’analogie est bien connu en linguistique (Saussure 1916, rééd. 2005 : 221-230), et
sa simplicité est attractive. Ainsi, nous pouvons formaliser par l'analogie le rapport
d'équivalence qu'il y a entre le lien de polysémie du nom CLASSE et le lien de
dérivation entre les noms POULE et POULAILLER de la section précédente. Cette
formalisation prend la forme d'une formule comme « La classe étudie dans une
classe, comme les poules vivent dans un poulailler ». La dernière partie de ce travail
est consacrée à la production de formules plus précises que celle-là, et rendent
explicite le rapport entre les liens de polysémie et les autres liens. Cela est rendu
possible par une description fine du sens lexical.
Voyons à présent comment s'organise le livre. Nous avons évoqué que les cas
souvent cités pour illustrer la polysémie en wolof relèvent de la catégorisation
lexicale (exemples de la forme ginnaaw ayant des emplois nominaux et
propositionnels, et du verbe TOOG ayant un emploi de verbe dynamique ou de verbe
statif). Nous avons décidé de prendre cette perspective pour présenter des éléments
de la grammaire du wolof, nécessaires à la compréhension de tout le texte ultérieur.
La première partie est donc dédiée à la catégorisation dans le lexique wolof. Elle est
divisée en trois chapitres. Le premier présente les deux catégories lexicales majeures
du wolof que sont le nom et le verbe, et aborde celle des adverbes qui ne se laisse
pas facilement caractériser. Le second chapitre détaille les déterminations nominales
comme la définitude. La plupart des déterminations du nom sont portées par les
morphèmes de classes que nous avons évoqués à la précédente section. Le troisième
chapitre présente les principales constructions verbales. Nous proposons une
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nouvelle terminologie dans ce chapitre pour désigner les morphèmes verbaux. Cela
nous permet de mettre en évidence la décomposition morphologique des modaux.
Au terme de cette première partie, le lecteur aura une idée claire du fonctionnement
des catégories lexicales du nom et du verbe dans cette langue.
Il est évident que la catégorisation est insuffisante pour décrire la structuration du
lexique. Il faut avoir une vision plus précise des travaux de sémantique lexicale qui
ont été produits dans ce domaine depuis des décennies. C’est pourquoi la seconde
partie est consacrée à l’élaboration d’une méthodologie, qui prend en compte les
résultats des travaux en sémantique lexicale, et qui combine une description du sens
avec une description des liens connectant les signes en langue naturelle wolof
simplifiée. Le chapitre quatre est ainsi un état de l’art de la description du sens
lexical. Le chapitre cinq présente notre méthodologie. Le chapitre six introduit la
Métalangue Sémantique Naturelle en wolof : il donne une liste motivée des
représentants des primitifs sémantiques, et présente l’organisation d’une définition
en Métalangue Sémantique Naturelle. La troisième et ultime partie décrit les champs
d’études des artefacts (chapitre sept) et des émotions (chapitre huit), et analyse des
cas de polysémie en les contrastant avec des cas de monosémie. Le chapitre neuf
compare les cas de polysémie analysés aux deux précédents chapitres, à des
relations de dérivation, et de conversion. Elle évalue la polysémie à l’aune de ces
comparaisons.
Précision sur la constitution du corpus
Nous tenons à souligner qu'il n'existe pas de corpus libre de droits d'utilisation pour
le wolof, même si cette langue est réputée bien décrite par les linguistes. Nous
regrettons cette situation qui nuit à une meilleure connaissance et à une diffusion du
wolof. Pour constituer un corpus, nous avons rassemblé des textes oraux, avec
l'aimable autorisation des chercheurs qui les ont recueillis et transcrits.
Ces textes sont de quatre sortes. Il s'agit premièrement de formes orales, souvent
brèves, récitées ou chantées lors d'événements rythmant la société wolof (mariages,
naissances, divertissements, etc). Ils ont été recueillis par Momar Cissé, et le lecteur
peut les consulter dans leur intégralité (Cissé 2010). Ils ont deux intérêts pour nous.
Ils font d'abord partie des traditions orales de cette langue, et ils sont enracinés dans
un quotidien. Ils sont ensuite représentatifs de la rhétorique du wolof qui consiste à
utiliser massivement les figures du discours. Des récits traditionnels comme des
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récits historiques composent la seconde sorte de textes, recueillis par Mamoussé
Diagne qui en a édité des passages traduits en français dans son livre (2005).
Stéphane Robert a enregistré et transcrit des conversations radiophoniques sur la
radio-télévision de Dakar en 1985, qui portent sur les maladies et leurs thérapies, et
qui constituent la troisème sorte de textes. Nous avons complété notre corpus par la
quatrième sorte de textes : des contes, édités par Lylian Kesteloot, Chérif Mboj et
Bassirou Dieng (Kesteloot et Dieng 1989, Kesteloot et Mboj 2006).
Notre corpus compte cent vingt mille formes. Nous avons extrait de ce corpus les
mots-formes lexicaux, et nous l'avons compilé avec les deux dictionnaires de Fal et
al. (1990) et Diouf (2003). Nous avons ainsi constitué une base de données qui
compte plus de onze mille signes.
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