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physique ou la philosophie naturalis de l’événement. Ce déplacement, propre aussi à la
philosophie deleuzienne, est déjà présent chez Leibniz qui fait incorporer la logique dans son
système métaphysique. Bien que ce soit un sujet extrêmement important pour la philosophie
de Deleuze : la manière dont l’implication logique devient une implication dans le sens : pli,
enveloppement-développement, complication virtuelle, nous ne pouvons pas ici le
développer. La philosophie qui contribue la plus à la logique de l’événement est celle des
Stoïciens. S’il nous est permis d’utiliser la tripartition stoïcienne du discours philosophique
pour parler de la logique de l’événement, de la physique de l’événement et de l’éthique de
l’événement ; Deleuze, dans sa philosophie, se concentre surtout sur la physique : il crée un
système métaphysique qui rend compte du devenir de la Nature. Néanmoins, il s’occupe aussi
de la logique et de l’éthique, en renvoyant directement aux Stoïciens, dans sa Logique du
sens.
Nous nous concentrons sur la logique de l’événement pour plusieurs raisons.
Premièrement, de juris, la logique est ce qui rend la philosophie de l’événement possible.
Deuxièmement, de facti, elle est abordée directement par Deleuze dans Logique du sens dans
le cadre de ses analyses logico-linguistiques du sens. Troisièmement, c’est le sujet le moins
étudié dans la littérature sur Deleuze.
Nous comprenons la logique, non dans son acception moderne restreinte aux
considérations purement formelles, mais dans le sens de la logique philosophique. La logique
qui, de l’aube de la philosophie, est liée à l’être, alors la logique comme ontologie. La logique
de l’événement part des analyses centrées sur le langage pour aboutir aux thèses qui
concernent l’être directement. C’est exactement le mouvement que fait Deleuze dans Logique
du sens. D’ailleurs, il accède pleinement au projet de la logique philosophique en constatant :
« La philosophie doit être ontologie, elle ne peut pas être autre chose ; mais il n’y a pas
d’ontologie de l’essence, il n’y a d’ontologie que du sens. »
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Nous ne prétendons pas donner
une formule pour la métaphysique deleuzienne. Les considérations logico-ontologiques ne
concernent qu’une partie de sa philosophie dont l’ampleur et complexité sont considérables.
Tout comme chez les Stoïciens où les questions métaphysiques et ontologiques sont
transversales par rapport au partage logique-physique-éthique, la métaphysique deleuzienne
recouvre aussi ces trois parties et même d’autres (la politique, l’anthropologie etc.).
Néanmoins, la logique reste pour nous primordiale, parce que c’est elle qui fait marcher le
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G. Deleuze, « Jean Hyppolite. Logique et existence », in Ile déserte, p.18.