de l`empathie à la compassion

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ulletin de
L
iaison
l’actualité des équipes
Action Catholique des Milieux
Sanitaires et Sociaux
mouvement d’Eglise
étudiants et professionnels du monde de la santé
et du socio-éducatif
de l’empathie
à la compassion
n°321 - 4e trimestre 2016
Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
Action Catholique des Milieux
Sanitaires et Sociaux
mouvement d’Eglise
étudiants et professionnels du monde de la santé
et du socio-éducatif
Vivre aujourd’hui l’Evangile
dans nos milieux professionnels
Je suis
professionnel
dans la santé,
dans le social...
Je rencontre des
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à la pauvreté ou
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val
la
en
être humain...
Je fais face à la
souffrance et à la
mort, à mon impuissance
mais aussi aux
rencontres fortes
qui se vivent...
J’aimerais échanger,
partager
avec d’autres
professionnels...
J’expérimente les
difficultés du
travail en équipe
mais j’en découvre
aussi les
richesses !
rejoignez
une équipe !
et partagez expériences,
doutes et espérance
Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
Séminaire de Saint Sulpice
33, rue du Général Leclerc
92130 ISSY LES MOULINEAUX
01 46 62 14 75 - [email protected]
http://www.acmss.fr
contact local
Bulletin de Liaison, l’actualité des équipes de l’ACMSS • Directeur de la publication :
Claudine BIGAUDET • Réalisation : Guillaume ROUDIER, [email protected] • ACMSS, 33 rue du Gl Leclerc, 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX • Magazine trimestriel - abonnement annuel : 20 € • Commission paritaire n°1118 G
83862 • Dépôt légal nov. 2016 • ISSN : 0767 292 X • Imprimé par Repronumérique.
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Bulletin de Liaison / n°321
é dito
L’ACMSS regroupe des professionnels du sanitaire et du socioéducatif dont l’objectif est de partager ce qu’ils vivent dans
ce monde de la santé. Nous voulons privilégier une manière
originale de faire grandir notre foi et d’en témoigner. Jésus-Christ
est encore présent aujourd’hui et Il vient à notre rencontre, dans
ce monde, comme il le faisait sur les routes de Galilée. Quand on
prend soin, on rejoint un Dieu incarné, on voit le visage du Christ
dans celui qui souffre ou qui est marginalisé et dans ceux qui les
accompagnent.
Notre témoignage passe par les compétences professionnelle,
relationnelle et sociale.
Etre attentif à tous les professionnels exige de chacun l’humilité
sommaire
pour reconnaître l’importance de tous, quel que soit leur travail.
Les « petites mains » qui font le ménage, rangent les dossiers ou
les placards sont aussi importantes pour le bien de tous que les
En équipe
p. 4
Amoris laetitia
p. 6
Dans la vraie vie
p. 9
cadres et les chefs de service.
Comment faire travailler ensemble les multiples professions qui
sont au service des « usagers » ? Et eux, comment voient-ils
nos relations entre nous et avec eux ?
Nous sommes tous fragiles, vulnérables et interpelés par la
relation aux autres. Pour que les techniques ne nous fassent pas
oublier le visage des autres, pour que nous apprenions à passer
de l’empathie à la compassion, nous avons besoin des échanges
en équipe, de la lumière de la Parole de Dieu pour éclairer nos
chemins.
Nous avons aussi besoin d’échanger en Mouvement d’où
l’importance de participer à la prochaine AG le samedi 28 janvier
2017.
L’ACMSS témoigne avec d’autres Mouvements de la Santé.
C’est pourquoi nous vous invitons à une journée de formation
commune avec l’Association Française des Pharmaciens
Catholiques le dimanche 29 janvier 2017 sur « les personnes en
Osons l’alliance,
Catherine OLLIVET
p. 12
C’est maintenant le moment
favorable
p. 17
A lire...
p. 18
De l’empathie à la compassion p. 20
Agenda
p. 21-23
Prière
p. 24
souffrance psychique ».
Dominique PARNAUDEAU
Présidente
3
Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
En équipe
Des partages en équipe reflètent les situations de
grande précarité et les interrogations qu’elles posent
aux professionnels médico-sociaux.
Quelques éléments pour comprendre les situations :
depuis 2003 le RSA est transféré aux départements.
Pour le nôtre, cela représente 600 millions par an,
somme que l’Etat ne compense plus entièrement
(9/12 de mois). C’est l’éternel transfert de
compétence sans transfert de moyens !
Cela a entrainé des réductions drastiques des
dépenses publiques. L’aide à l’enfance est devenue
le parent pauvre de l’action sociale. Certes l’action
sociale représente les 2/3 de la dépense de
fonctionnement de notre département.
Notre région est l’une de celles qui comptent le plus
d’enfants placés. Comme il n’y a plus d’argent, il va
falloir revoir à la baisse les mesures de protection,
les aides accordées, les placements…
Voilà
comment cela se traduit dans une réunion
d’ACMSS en octobre.
Quelques
travailleurs
sociaux
s’expriment
(puéricultrices, conseillères en économie sociale
et familiale, assistantes sociales). « Il n’y a plus de
budget pour attribuer des allocations mensuelles
d’aide à l’enfance, plus de possibilité de conseiller
l’intervention d’une TISF ; des foyers d’aide sociale
à l’enfance ferment ».
Plus étonnant encore, une puéricultrice témoigne : il
ne faut plus faire de placement d’enfants, il y en a trop
dans notre département. Pour autant, les situations
ne s’arrangent pas. Ma responsable ne transmet pas
mon signalement. Dans la situation que je signalais,
je joignais l’attestation de la maman qui expliquait
que le papa pouvait être dangereux. Des rapports
écrits seraient même modifiés !
Un autre membre de l’équipe réagit : c’est grave cela !
Il ne faut pas se laisser faire. Dans mon évaluation
avec mon supérieur hiérarchique, j’ai fait ajouter,
dans la rubrique « observations-remarques », nous
n’avons plus les moyens financiers de travailler.
Cela va remonter à la DRH et à la direction !
D’où une discussion dans l’équipe. Les plus
anciennes ont conseillé aux jeunes professionnelles
de se protéger : s’il y a un problème dans la famille,
4
c’est sur toi que cela va retomber. C’est grave de
ne pas transmettre ton écrit, c’est inadmissible de
le modifier. Tu dois réaffirmer par mail ce que tu as
écrit, c’est quand-même un signalement ! Ce sera
un début de preuve si tu es inquiétée. Une autre
interpelle l’équipe ACMSS : chez vous cela se passe
de la même manière ? Comment réagissent vos
équipes de travail ?
Les réponses nous surprennent en bien : cela nous
soude, on discute plus de boulot, des situations.
D’autres ont dit qu’elles voulaient se syndiquer.
C’est une bonne idée rétorque une plus ancienne.
D’ailleurs, moi j’ai demandé à mon syndicat
d’actionner le droit d’alerte por obliger l’institution à
nous répondre. On pourra engager un dialogue !
Nous nous sommes quittés en pensant à notre
mission de protection de l’enfance et en priant pour
ces familles.
La situation est grave mais pas désespérée ! Ces
travailleurs sociaux, dans la même réunion ACMSS,
sont passés de la plainte à l’action. N’est-ce-pas le
parti pris du positif qui a soufflé ?
Dans une autre équipe le partage est plus personnel
Sophie est sage-femme. Elle parle de son expérience
du suivi de deux grossesses qui l’ont beaucoup
marquée.
En premier, une jeune femme dans la rue, droguée,
le compagnon en prison. Elle doutait, sans fard, de
pouvoir être une mère malgré son désir de l’être
vraiment. Les services sociaux ont réussi à lui
trouver une place en maison maternelle, et celle-ci a
pu vivre avec sa petite fille après son accouchement,
4 mois d’une très bonne relation. La petite fille est
très épanouie. Et puis, elle craque, redit ses doutes
de pouvoir être une vraie mère, quitte la maison
maternelle. La petite fille est placée, mais sa mère
ne veut pas rompre le lien avec son bébé. Une
médiation se met en place, d’autant plus que le
papa, sorti de prison, noue des liens, et entame une
démarche de désintoxication.
En second, une adolescente de 16 ans ne doutait
pas un seul instant de ses possibilités d’être
mère. Elle ne sentait même pas la nécessité d’un
Bulletin de Liaison / n°321
accompagnement. Autour d’elle il y avait une famille
prête à l’aider pour elle tout semble bien aller. Elle
est retournée dans sa famille, mais le bilan à 4 mois
n’est pas bon. La fillette a le regard fuyant, réagit
mal aux stimuli : « Elle commence mal » disent les
professionnels…
Il faut toujours avoir confiance dans les capacités
de chacun, retisser ce qui se détisse, toujours
réévaluer, être en même temps dans le réalisme et
dans l’espoir. Ces expériences humaines extrêmes
mettent en doute nos valeurs, nos jugements, nos
capacités d’écoute et d’acceptation. Il faut lutter pied
à pied pour que les décisions soient prises pour aider
les gens, là où ils en sont, et non pour satisfaire nos
critères moraux, légaux, sociaux.
Doit-on pousser la jeune femme toxicomane vers
l’abandon de son enfant, tant sa situation est précaire
ou parier sur son désir de continuer de tisser des
liens avec sa petite-fille, qu’elle a par ailleurs si bien
accompagnée pendant 4 mois ?
Que faire avec la très jeune maman, qui semblait
pourtant bien partie dans sa famille dite « normale
», mais dont les professionnels ont déjà discerné
des manques graves dans le lien mère/enfant ? Etre
toujours dans la proposition et non dans l’imposition,
y croire sans rien présager : faire confiance toujours
et encore.
ATELIER SANTÉ
Dans le Service National Famille et Société, de la Conférence des Evêques de France
(CEF), l’Atelier Santé réunit deux fois par an durant une journée tous les Mouvements
rattachés à la pastorale de la Santé.
Marie-Mad COINCHOT représente notre Mouvement de professionnels avec depuis
un an Jean Philippe DELSART, président de l’Association Française des Pharmaciens
Catholiques.
Actuellement et depuis plusieurs réunions, nous échangeons sur la vie et l’histoire des
différents Mouvements. Le Père Jean Marie ONFRAY nous a rappelé que nous avons
tous deux interlocuteurs : l’Eglise et la société civile.
Les liens entre Mouvements dans l’Eglise, les échanges, le travail avec les autres
passent par deux canaux : la Pastorale de la Santé et le Conseil pour les Mouvements
et Associations de fidèles. Dans chaque diocèse cela correspond à un DDPS (Délégué
Diocésain à la Pastorale de la Santé) et un DEMAF (Délégué Episcopal aux Mouvements
et Associations de Fidèles).
N’oublions jamais la société civile et les nombreuses associations : APF, UNFAM, Vie
libre, etc.
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Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
Amoris laetitia,
tout un programme...
L’occasion fait le larron, dit-on. A ma grande surprise,
je trouve « chez Leclerc » au mois de juin, bien en
vue sur une console, l’exhortation apostolique « LA
JOIE DE L’AMOUR ». Elle me parait « lisable », je
l’achète et en fait un de mes livres de l’été. L’une des
raisons de cet intérêt, c’est que mon équipe ACMSS
a travaillé sur le questionnaire de préparation du
synode sur la famille.
Je
suis une néophyte pour ce genre littéraire. Ce
qui suit, ce sont les réactions d’une « fidèle laïque »
de base, ne prétendant pas du tout à
une analyse critique et objective pure
et dure mais laissant aller au contraire
sa subjectivité face à cette prose bien
particulière.
C’est parti ! Tout d’abord, le Pape
s’adresse aux croyants chrétiens de
l’Eglise Catholique, et non à tous les
humains du globe : c’est un texte intracatholique. Dans l’introduction au § 6, il
donne ses intentions et le plan du texte.
Dans le premier chapitre, « une
ouverture inspirée par les Saintes
Ecritures, … », ce qui m’a interpellé,
c’est le lien souligné par le Pape entre
le couple humain et la fécondité . Reviennent en
boucle les textes de la Genèse, des Evangiles
avec en toile de fond, le couple humain, une seule
chair, la fécondité, la capacité du couple humain
à procréer. S’ensuit tout une sous-chapitre sur les
enfants « Tes fils comme des plants d’oliviers »,
« signe de plénitude de la famille » « C’est une
oeuvre artisanale, personnalisée… ». Dès le début,
nous sommes dans les grands classiques de la
réflexion de l’Eglise : Le couple humain est là pour
la fécondité « chemin par lequel passe l’histoire
du Salut ».C’est déjà un sacré décalage avec nos
mentalités, cela m’a mise mal à l’aise.
Dans le deuxième chapitre, pour moi le plus
intéressant, « il convient de prêter attention à la
réalité concrète, … » Même si ce chapitre est un
peu « fourre-tout », le Pape ne voulant rien oublier,
il relativise la visée « fécondité » du chapitre
précédent : « En tant que chrétien nous ne pouvons
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pas renoncer à proposer le mariage pour ne pas
contredire la sensibilité actuelle, … » §35 « Mais il ne
sert à rien non plus d’imposer des normes par la
force de l’autorité. »
§ 35 : « …, nous devons être humbles et réalistes, …
nous avons souvent présenté le mariage de telle
manière que …, l’appel à grandir dans l’amour et l’idéal
de soutien mutuel ont été occultés par un accent
quasi exclusif sur le devoir de la procréation. …
Cette idéalisation excessive, surtout quand nous
n’avons pas éveillé la confiance en la grâce, n’a
pas rendu le mariage plus désirable et
attractif, bien au contraire ! » au §36
Dans la même veine au § 37 et 38 :
« Nous sommes appelés à former les
consciences, mais non à prétendre
nous substituer à elles. » Tout au long de
l’exhortation, il oscillera entre les grands
principes … et l’application des grands
principes, nécessairement plus souples,
même si en fin de compte, il s’agit de
ramener tout le monde dans le giron des
bonnes pratiques.
La limitation des naissances
Il l’aborde
§ 42 « Le déclin
démographique, dû à une mentalité
antinataliste… une situation où le renouvellement des
générations n’est plus assuré » (c’est vrai pour de
nombreux pays européens), petit coup de patte aux
méthodes anticonceptionnelles :« Le développement
des biotechnologies a eu lui aussi un fort impact sur
la natalité » MAIS « Il est vrai que la conscience
droite des époux, quand ils sont très généreux dans
la communication de la vie, peut les orienter vers
la décision de limiter le nombre d’enfants pour des
raisons sérieuses ;… » Cela laisse tout de même
songeur : jusqu’où doit aller la générosité des
époux pour qu’ils se sentent autorisé à limiter leurs
naissances ? Pour le Pape, la contraception reste
un mal, et non pas un moyen pour une parentalité
responsable des époux.
Le § 54 est sympathique pour les femmes dont
il souligne « l’égale dignité entre l’homme et la
femme… » Cela ne fait pas de mal de le rappeler et il
finit même par « Même si des formes de féminisme,
qu’on ne peut juger adéquates, apparaissent, nous
admirons cependant une oeuvre de l’Esprit dans la
Bulletin de Liaison / n°321
reconnaissance plus claire de la dignité de la femme
et de ses droits. »
Dans le § 56, le Pape pourfend « l’idéologie,
généralement appelée « gender » : on le sent très
à cran.
Les troisième et quatrième chapitres
sont, selon le Pape, le centre de l’exhortation,
consacré à l’amour. Ils sont à mon avis, les chapitres
de l’idéologie de l’Eglise sur la famille, le mariage,
les enfants. Le chapitre 3 surtout est bien lourd
sur nos têtes. Si les citations tirées des textes de
l’Église sont belles, elles paraissent bien loin de la
réalité vécue par l’immense majorité des couples,
si chrétiens soient-ils. Mais le pompon arrive au
§ 121 du quatrième chapitre : « En effet, Dieu est
communion : les trois personnes du Père, du Fils
et du Saint Esprit vivent depuis toujours et pour
toujours en unité parfaite. Et c’est précisément cela
le mystère du mariage : Dieu fait des deux époux
une seule existence. » Là, je me suis sentie vraiment
écrasée, même si le § 122 amène tout de suite un
apaisement à cette outrance d’idéal, comme si le
Pape avait tout de suite senti l’outrecuidance de cette
« proposition ». On ne nous demande pas d’être à
l’image de Dieu, mais à l’égal de Dieu. Certes, à
Dieu rien d’impossible, mais tout de même, que de
sainteté accumulée sur les époux !
Le sixième chapitre
C’est dans ce chapitre « Quelques perspectives
pastorales » qu’arrive la question des divorcésremariés, § 241, 242, 243. Je dirais que le Pape
« noie le poisson » : Certes, le Pape insiste pour
que les personnes divorcées remariées « sentent
qu’elles font parties de l’Eglise, qu’elles « ne sont
pas excommuniées »… », MAIS il ne dit pas qu’elles
ne doivent pas être excommuniées. Il ne parle de
l’Eucharistie comme nourriture que pour les divorcés…
familles
non remariés. § 242. Mais dans le sous-chapitre « Le
discernement des situations dites irrégulières »,
le Pape insiste sur « la nécessité d’intégrer tout le
monde, … » Dans le sous-chapitre « les normes et
le discernement », au § 304 et 305, il dit, de façon
assez gonflée, que « il est possible que, dans une
situation objective de péché -…- l’on puisse vivre
dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on
puisse également grandir dans la vie de la grâce
et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de
l’Eglise. » « Rappelons-nous qu’ « un petit pas, au
milieu de grandes limites humaines, peut être plus
apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte
de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter
d’importantes difficultés. » Cela fait du bien de le
lire, Il y a de la place pour tout le monde dans la
maison du Seigneur.
Qu’en dire ?
Je suis sortie de ce texte un peu saoulée par sa
profusion. Le Pape a rappelé toute la doctrine de
l’Eglise, sans en changer un iota. Ce qui change,
c’est son appel à être… humain, tout simplement, à
nous humaniser chaque jour davantage, à prendre
à bras le corps le monde, à charge pour l’Eglise de
l’accepter, de s’en emparer, d’en rendre grâce, de
nous faire marcher dans les pas du Christ, mais au
rythme de nos pas humains. Même si je pense que
ce qui est proposé est au-dessus des nuages, sans
grand lien avec la vie au ras des pâquerettes, je
peux le considérer comme un chemin de sainteté,
avec beaucoup d’hésitations, de questions, de pas
de côté. Et puis le Pape François, c’est quand même
le Pape que j’ai envie le plus envie d’écouter, tant
son amour pour ses semblables est palpable, même
dans ce texte indigeste. Ça aussi, c’est une histoire
d’amour.
Dominique GAUFFRE
Dieu
joie
amour
autres
personnes
vie
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Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
La joie de l’amour
Exhortation apostolique du Pape François, suite
aux deux synodes sur la famille d’octobre 2014 et
octobre 2015. Elle a été publiée en mars 2016.
En avez-vous entendu parler ? L’avez-vous lue ?
Comme tout texte émanant de Rome, elle ne se lit
pas comme un roman, même si le Pape François
est plutôt concret dans son expression.
Le cheminement en deux étapes faisait appel aux
réponses de tous les chrétiens au questionnaire.
Certaines équipes ont travaillé les questions et
ont transmis leurs comptes rendus au secrétariat.
Nous avons publié en avril 2015 dans le BL 315 p
3 et suivantes le partage d’une équipe de Chalon.
D’autres disaient simplement « Il y a tellement de
discours à changer ! Sur les mœurs, la place des
femmes, la place des laïcs, l’Eglise est complétement
à côté de la plaque. Elle n’a absolument pas suivi
l‘évolution de la société civile. Mais quelque chose
a déjà changé quand même. On sent un vent
d’espérance et ce qui compte c’est ce qui va changer
en nous, qui sommes l’Eglise ».
« Une fois de plus nous disons notre regret que l’Eglise
soit souvent plus condamnante qu’aidante en ce qui
concerne les divorcés remariés, la contraception, le
concubinage des personnes de même sexe… même
si on remarque aussi de réelles attitudes de respect
de la part de prêtres ou de chrétiens. On regrette
que l’Eglise se croie experte dans ces domaines.
Hier quelqu’un a parlé d’un prêtre qui avait dit à deux
jeunes : « c’est la dernière fois que je vous donne
la communion puisque vous vivez ensemble sans
être mariés ». En revanche, il y a 50 ans, à un jeune
prêtre qui avait donné la communion à un divorcé
remarié, son évêque a dit qu’il avait bien fait, sinon
il l’aurait désigné publiquement comme pécheur ».
En commençant la lecture par la fin, le chapitre 8
« Accompagner, discerner et intégrer la fragilité » fait
une large place à l’accueil des divorcés remariés.
C’était la question la plus sensible dans les débats.
Le pape demande aux pasteurs une compétence
dans le discernement qu’ils n’ont peut-être pas.
Sauront-ils, auront-ils l’humilité de le reconnaitre et
de faire appel aux professionnels de la relation que
le pape cite au paragraphe § 204.
La comparaison entre les normes et le discernement
au paragraphe 304 peut s’appliquer à toutes les
questions et aux questions que nous rencontrons
dans d’autres domaines. Les principes généraux
existent, ils sont importants mais quand on aborde
les situations particulières, les exceptions se
multiplient. Le discernement est nécessaire pour
voir dans chaque situation où en sont les personnes,
l’avancée possible et la régression qu’entrainerait
l’application stricte d’une norme morale.
Par exemple : Quitter le deuxième conjoint avec
lequel on élève des enfants dans la joie et l’équilibre
familial. Refuser la sédation terminale à un malade
qui souffre au point d’être agressif avec son
entourage ou de se suicider.
Les comptes-rendus sont à envoyer à :
• Jeannine Meyrier, 16 chemin de la Colline,
74940 ANNECY-LE-VIEUX
• et au secrétariat de l’ACMSS : [email protected]
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Bulletin de Liaison / n°321
Dans la vraie vie
Catherine OLLIVET dans son intervention du matin
du 13 mars 2016 a plusieurs fois opposé les textes
officiels à ce qu’elle voit dans la vraie vie.
C’est d’une certaine façon ce que propose la
publication annotée d’Amoris Laetitia. Nous
proposons d’aborder ce texte et de le travailler en
équipe à partir d’une démarche semblable.
Quelles réflexions entendons-nous autour de nous ?
A quelle partie du texte cela nous renvoie-il et quel
partage pouvons-nous faire en groupe, en équipe ?
C’est ce que propose les textes suivants.
Crise dans le couple
Olivier a un traitement très contraignant qui bouscule
ses rythmes de vie. C’est difficile de partager avec
quelqu’un qui souffre et qui exprime colère et douleur.
Mais c’est important de verbaliser en couple et en
équipe malgré les difficultés. La maladie s’impose
dans le couple comme une troisième personne. Il
faut se faire aider.
Il existe aussi des impossibilités de communication
qui sont telles qu’avancer ensemble ne peut se faire.
Après la rencontre d’un thérapeute, une avancée
est possible malgré les douleurs omniprésentes.
Olivier a la sensation que sa vie est rétrécie à cause
des contraintes, des douleurs et de la difficulté de
communication.
Si un seul membre souffre, tous les membres
partagent sa souffrance (1 Co 12, 26)
L’équipe partage sur divers textes bibliques proposés
par les Equipes Notre-Dame.
Dans la Genèse (2-18, 24)
Le Seigneur Dieu dit : « Il n’est pas bon que
l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui
lui correspondra. » Avec de la terre, le Seigneur
Dieu façonna toutes les bêtes des chams et tous
les oiseaux du ciel, et il les amena vers l’homme
pour voir quels noms il leur donnerait. C’étaient des
êtres vivants, et l’homme donna un nom à chacun.
L’homme donna donc leur nom à tous les animaux,
aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes des champs.
Mais il ne trouva aucune aide qui lui corresponde.
Alors le Seigneur Dieu fit tomber sur lui un sommeil
mystérieux, et l’homme s’endormit. Le Seigneur
Dieu prit de la chair dans son côté puis il le referma.
Avec ce qu’il avait pris à l’homme, il forma
une femme et il l’amena vers l’homme.
L’homme dit alors : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes
os et la chair de ma chair ! On l’appellera femme. » A
cause de cela l’homme quittera son père et sa mère,
il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront
plus qu’un.
Dans le Cantique des Cantiques (2–8,16)
Voici mon bien- aimé qui vient ! Il escalade les
montagnes, il franchit les collines, il accourt comme
la gazelle, comme le petit d’une biche. Le voici qui
se tient derrière notre mur : il regarde par la fenêtre,
il guette à travers le treillage.
Mon bien-aimé a parlé ; il m’a dit : « Lève-toi, mon
amie, viens, ma toute belle.
Ma colombe, blottie dans le rocher, cachée dans la
falaise, montre- moi ton visage, fais-moi entendre ta
voix, car ta voix est douce et ton visage est beau. »
Mon bien-aimé est à moi, et moi je suis à lui.
Au paragraphe 137
Se donner du temps, du temps de qualité, qui
consiste à écouter avec patience et attention,
jusqu’à ce que l’autre ait exprimé tout ce qu’il a sur
le cœur, demande l’ascèse de ne pas commencer
à parler avant le moment opportun. Au lieu de
commencer à donner des avis ou des conseils, il
faut s’assurer d’avoir écouté tout ce que l’autre
avait besoin d’extérioriser. Cela implique de faire
le silence intérieur pour écouter sans bruit dans le
cœur, ou dans l’esprit : se défaire de toute hâte,
laisser de côté ses propres besoins et ses urgences,
faire de la place. Souvent, l’un des conjoints n’a
pas besoin d’une solution à ses problèmes, mais il
a besoin d’être écouté. Il veut sentir qu’ont été pris
en compte sa peine, sa désillusion, sa crainte, sa
colère, son espérance, son rêve. Mais ces plaintes
sont fréquentes : «Il ne m’écoute pas. Quand il
semble le faire, en réalité il pense à autre chose.»
«Je lui parle, elle essaye de changer de sujet, ou
elle me donne des réponses expéditives pour clore
la conversation.»
(...)
9
Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
Homosexualité
Jacqueline, assistante sociale retraitée, vit depuis
plus de 20 ans avec Marta, d’origine allemande. Elles
sont l’une et l’autre très engagées dans l’accueil des
migrants et des réfugiés dans la grande ville où elles
vivent.
Catherine et Monique se sont mariées il y a déjà
deux ans pour la plus grande joie de Chloé, la fille
de Monique. Elle est reconnue comme la « vraie
sœur des enfants de Catherine. Ces deux femmes
vivent ensemble après l’échec douloureux de leur
premier couple hétérosexuel.
En Israël, à Tel Aviv, on appelle famille alternative,
celles composées de couples homosexuel ou
transgenre.
Dans l’exhortation, le Pape aborde peu la question
de l’homosexualité sauf dans deux paragraphes.
§ 250
L’Eglise fait sienne l’attitude du Seigneur Jésus qui,
dans un amour sans limite, s’est offert pour chaque
personne sans exceptions… C’est pourquoi, nous
désirons d’abord et avant tout réaffirmer que
chaque personne, indépendamment de sa tendance
sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et
accueillie avec respect, avec le soin d’éviter toute
marque de discrimination injuste et particulièrement
toute forme d’agression et de violence…
§ 251
Au cours des débats sur la dignité et la mission de
la famille, les Pères synodaux ont fait remarquer
qu’en ce qui concerne le projet d’assimiler au
mariage les unions entre personnes homosexuelles,
il n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir
des analogies, même lointaines, entre les unions
homosexuelles et le dessin de Dieu sur le mariage
et la famille…
Ambiguïté dans l’Eglise
Un prêtre ouvrier s’est entendu dire par ses
camarades de travail marxistes : «Ton Eglise est
toujours liée aux puissances d’argent, déphasée
devant les découvertes scientifiques, hypocrite
face aux problèmes du mariage et de la sexualité,
10
sans prise sur les forces vives de l’humanité
qui n’éprouvent plus le besoin de Dieu, ni d’être
sauvées.»
§ 200
Les Pères synodaux ont insisté sur le fait que les
familles chrétiennes, par la grâce du sacrement de
mariage, sont les principaux acteurs de la pastorale
familiale, surtout en portant «le témoignage joyeux
des époux et des familles, Eglises domestiques».
Voilà pourquoi ils ont fait remarquer qu’»il s’agit
de faire en sorte que les personnes puissent
expérimenter que l’Evangile de la famille est une
joie qui «remplit le cœur et la vie tout entière», car
dans le Christ nous sommes «libérés du péché, de la
tristesse, du vide intérieur, de l’isolement» (Evangelii
gaudium, n. 1). A la lumière de la parabole du semeur
(cf. Mt 13, 3-9), notre devoir est de coopérer pour
les semailles : le reste, c’est l’œuvre de Dieu. Il ne
faut pas oublier non plus que l’Eglise qui prêche sur
la famille est un signe de contradiction» ; mais les
couples sont reconnaissants aux Pasteurs de leur
offrir des motivations pour le pari courageux d’un
amour fort, solide, durable, capable de tout affronter
sur son chemin. L’Eglise voudrait se rapprocher
des familles avec une humble compréhension, et
son désir est «d’accompagner toutes les familles
et chacune d’elles afin qu’elles découvrent la
meilleure voie pour surmonter les difficultés
qu’elles rencontrent sur leur route». Il ne suffit
pas d’intégrer une préoccupation générique pour
la famille dans les grands projets pastoraux. Pour
que les familles puissent être toujours davantage
des sujets actifs de la pastorale familiale, il faut «un
effort d’évangélisation et de catéchisme» envers la
famille, qui l’oriente dans ce sens.
Quel mariage ?
Philippe et Madeleine sont veufs et retraités. Ils
vivent ensemble depuis plus de vingt ans et ne sont
pas mariés. Pourquoi ? Le mariage civil obligatoire
avant tout mariage religieux n’est guère compatible
avec les droits de leurs nombreux enfants. Douze
enfants à eux deux avec les conjoints, leurs enfants,
cela fait bien trop de monde à mettre d’accord pour
la succession.
Mathieu est présenté à la communauté le jour de
Bulletin de Liaison / n°321
son baptême. Sans hésitation, son père demande
que pour son premier enfant l’accueil dans l’Eglise
au nom de sa compagne et de lui-même.
Dans l’Eglise et dans notre société, on entend
répéter des règles morales : l’amour, mais, dans le
mariage, un papa et une maman, c’est indispensable
pour accueillir un enfant, mais, dans la vraie vie, que
voyons-nous ?
Mme X a refusé les examens permettant de
confirmer le diagnostic de malformation incompatible
avec la vie pour l’enfant qu’elle attend. Est-ce de
l’inconscience ou le signe de l’accueil inconditionnel
de l’enfant tel qu’il est ?
René demande à Camille, 25 ans, si il est possible
d’être à la fois moderne (cela veut dire de cohabiter)
et d’être une chrétienne. La réponse de Camille est
rapide et directe : c’est OUI.
Le mariage est-ce signer un contrat ou s’engager à
s’aimer toute la vie même dans les épreuves ? dit
Marie-Thérèse.
§ 204
Les réponses aux questionnaires font également
état, avec insistance, de la nécessité de la formation
des agents laïcs de la pastorale familiale grâce à
l’aide de psychopédagogues, de médecins de
famille, de médecins communautaires, d’assistants
sociaux, d’avocats de mineurs et de famille, ainsi
que de l’ouverture d’esprit pour recevoir les apports
de la psychologie, de la sociologie, de la sexologie,
y compris du counseling. Les professionnels, surtout
ceux qui ont l’expérience de l’accompagnement,
aident à concrétiser les directives pastorales
dans les situations réelles et dans les inquiétudes
concrètes des familles…
§205
Les pères synodaux ont signalé de diverses
manières que nous avons besoin d’aider les jeunes
à découvrir la valeur et la richesse du mariage.
Ceux-ci doivent pouvoir percevoir l’attrait d’une
union plénière qui élève et perfectionne la dimension
sociale de l’existence, donne à la sexualité son
sens entier, et qui en même temps promeut le bien
des enfants et leur offre le meilleur environnement
possible pour leur maturation ainsi que pour leur
éducation.
§ 219
…La maturation de l’amour implique aussi
d’apprendre à « négocier ». Ce n’est pas une attitude
intéressée ou un jeu de type commercial, mais en
définitive un exercice de l’amour mutuel, car cette
négociation est un mélange d’offrandes réciproques
et de renoncements pour le bien de la famille…
§ 234
Pour affronter une crise il faut être présent. C’est
difficile car parfois les personnes s’isolent pour ne
pas exposer ce qu’elles sentent, elles s’enferment
dans un silence mesquin et trompeur. En ces
moments, il est nécessaire de créer des espaces
pour communiquer cœur à cœur. Le problème est
qu’il devient plus difficile de communiquer de cette
façon durant une crise si on n’avait jamais appris à
le faire…
La Joie de l’amour, éditions Fidélité - Lessius,
présenté et annoté sous la direction du Service National Famille et Société (CEF), et de
la Faculté de théologie du Centre Sèvres.
11
Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
Croire
Le 13 mars 2016, les trois mouvements de
Professionnels dans la Santé (AFPC – Association
Française des Pharmaciens Catholiques -, ACMSS –
Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
– et CCMF – Centre Catholique des Médecins
Français -) se sont retrouvés pour une journée
de formation commune ayant pour titre : OSONS
L’ALLIANCE.
Comme annoncé, vous trouverez dans ces pages la
fin des interventions que nous avons pu enregistrer.
En présentant la démarche de la journée Bertrand
Galichon, président de la CCAPDS (Conférence
Chrétienne des Associations de Professionnels
Dans la Santé) et du CCMF a parlé de trois verbes
qu’il a mis en perspective : savoir, connaitre et croire.
Nous ne nous répétons pas. Un nouveau verbe
est à l’œuvre aujourd’hui, le verbe CROIRE. Nous
voulons le mettre en avant.
Je sais que 1 + 1 = 2. C’est indépendant de ma
petite personne. Je sais aussi que le Dr Machin est
installé au 52 de l’avenue de Breteuil. Je ne connais
pas ce médecin, je ne l’ai jamais rencontré.
Par contre, connaître est synonyme de fréquenter.
Si je connais le Dr Machin, c’est que je l’ai contacté
à un titre ou à un autre.
Croire va un peu plus loin. Cette relation qui a eu lieu
avec le Dr Machin a été empreinte de confiance, une
confiance réciproque. Donc je crois au Dr Machin,
je me suis confié à lui, pour moi-même ou pour un
patient. Il y a une alliance qui s’est créée avec le Dr
Machin.
Dans nos exercices professionnels, nous vivons
une grande difficulté aujourd’hui. Nous sommes
dans une société qui veut contraindre nos
exercices professionnels par le verbe savoir, le
savoir scientifique, le savoir économique, le savoir
administratif. Une certaine normalisation de nos
relations professionnelles veut nous contraindre au
seul contrat. Finalement, est-ce que la confiance
ou la croyance en l’autre sont nécessaires à partir
du moment où il y a simple exécution d’un contrat ?
Ici, nous sommes convaincus que nos exercices
professionnels dépassent le simple contrat, non
seulement avec la personne qui est prise en charge,
mais aussi avec les personnes avec lesquelles nous
la prenons en charge, qu’ils soient professionnels,
ou que ce soit les familles, les accompagnants.
Osons l’alliance
intervention de Catherine OLLIVET
Catherine Ollivet est Présidente de France Alzheimer
de Seine-Saint-Denis. Elle est très impliquée dans
la représentation des patients et usagers dans
les institutions de santé, quel que soit leur statut.
Catherine Ollivet nous a partagé deux grandes
réflexions :
1) le regard du patient sur son entourage et les
relations qu’il peut avoir avec tous les professionnels,
2) le regard sur les relations entre professionnels
et éventuellement les conséquences que cela peut
avoir.
Je
12
vais essayer de vous conduire dans ce monde
nouveau qui est la consécration du droit des usagers,
juste pour vous poser le cadre des enjeux de cet «
OSONS L’ALLIANCE ».
Premier enjeu
C’est l’alliance avec le patient lui-même. La loi de
mars 2002 a consacré le droit des usagers au sein des
établissements sanitaires, quel que soit leur statut.
Cela a posé le cadre d’une alliance indispensable et
formalisée avec les patients. Après cela sont venues
toutes les lois, j’utilise le mot loi au sens général du
terme : recommandations des sociétés savantes,
recommandations de la HAS, toutes les démarches
Bulletin de Liaison / n°321
de certification des hôpitaux, toutes les obligations
légales, protocolaires, rédigées sur le papier, les
obligations de traçabilité, c’est-à-dire tout ce poids
papier – souvent informatisé – avec parfois le patient
au cœur du processus, parfois le patient posé sur un
cercle dans lequel sont les autres… On est entré
au cours des années au cœur d’une très grande
rigidité, j’appelle cela « rigidité formaliste », ou
même « rigidité cadavérique », qui porte sur le papier
l’ensemble des démarches qui ont pour fonction,
pour idée première, l’intérêt du patient. Nul ne doute
que, sur le papier, la volonté est bien l’intérêt du
patient. Est-ce qu’on en est arrivé à la capacité de :
osons écouter le patient ? Si sur le papier cela doit
se faire, il est vrai que toutes ces lois, protocoles,
recommandations, sont arrivés sans éducation pour
aller avec, sans information de masse des usagers,
sans information sur notre système de santé, sans
information ni éclairage pour les professionnels
de l’hôpital, de ville, de spécialités, ou infirmières
libérales, qui sont les acteurs de terrain. C’est arrivé
aussi à un moment où le politique n’avait pas encore
mesuré l’explosion de l’accès aux informations
extérieures, internet, les sites de santé, les réseaux
sociaux. C’est arrivé en même temps, ce qui fait
que le savoir en même temps que le tout-pouvoir
étaient contestés. L’obligation légale sur le papier
d’entrer en communication avec un patient qui,
jusqu’à présent, était un patient silencieux, arrivait
en même temps que la contestation du savoir : Dr
Machin, vous pouvez me raconter ce que vous
voulez, mais moi j’ai lu sur internet, dans mon réseau
social facebook d’amis, on m’a déjà dit que… Donc
tout ça a généré, une très grande complication
supplémentaire pour cet osons le partage, osons
l’écoute de l’autre, osons travailler ensemble. On
s’est retrouvé instantanément plongé dans un
chaudron bouillonnant d’interférences multiples que
personne n’avait prévues, ou tout au moins que les
décisionnaires n’avaient pas voulu entendre.
Autre phénomène
L’autre détail qui était parfaitement connu aussi
en termes de projection, mais qu’aucune structure
soignante n’avait voulu voir, était le vieillissement
généralisé de la population. Aujourd’hui, on ne
parle que de ça. Et lorsque toutes ces décisions et
organisations formalistes se sont prises, on n’en
parlait pas. Les médecins hospitaliers croyaient
encore soigner des patients, alors qu’ils n’avaient
pas mesuré qu’ils soignaient déjà des vieux. Au
Contraintes
économiques
Droits
des usagers
Exigences
institutionnelles
OSONS
L’ALLIANCE
Usagers et professionnels dans la santé et le social,
dimanche
9h-17h
13 mars 2016
ques de
Conférence des Evê
France
Véronique
DESJARDINS,
Directrice du
Centre Hospitalier
de Versailles
Catherine
OLLIVET,
Présidente de
France Alzheimer
Seine Saint Denis
P. Jean-Marie
ONFRAY,
Responsable
national de la
Pastorale
de la Santé
Jean Guilhem
XERRI,
auteur de
«A quoi sert
un chrétien ?»,
Ed. du Cerf
uil
58 avenue de BrMete
Duroc
75007 PARIS
Contact et inscription
Anne-Claire Dumont
Service Famille et Société
58 avenue de Breteuil
75007 PARIS
une proposition de la
Conférence Chrétienne
des Associations
de Professionnels Dans la Santé
jour d’aujourd’hui, dans tous les hôpitaux, hors
statistiques de maternité et pédiatrie, la moyenne
d’âge des hospitalisations de plus de 72 heures
est supérieure à 70 ans. Tous les spécialistes
hospitaliers soignent déjà des vieux, tous polypathologiques, et ils ne le savent pas. Certains ne
souhaitent pas le savoir.
Tout cela pour vous dire que c’est un vrai
bouleversement, un vrai cataclysme pour
les organisations. J’ajouterai que c’est arrivé
conjointement, que tout cela s’est fait en très
peu d’années, donc s’est empilé avec la gestion
« entreprise » de l’hôpital, c’est-à-dire une gestion
financière. A la lumière aussi – il faut le dire – de
deux contraintes : l’appauvrissement, le « trou » de
la Sécu, dont les vieux qui ont des cheveux blancs
comme moi entendent parler depuis très longtemps,
enfin un trou qui était devenu abyssal.
Une autre contrainte, il faut le dire, ce sont les
dérives parfois ahurissantes de gestion financière de
certains directeurs, avec des directeurs d’hôpitaux
qui se sont livrés, comme les politiques, à des
emprunts toxiques. Tout le monde fait semblant
de l’ignorer… Mon département de Seine-SaintDenis en est un des départements emblématiques.
13
Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
C’est un sujet que j’ai bien suivi, mais les
hôpitaux en ont fait autant. Quelques directeurs
d’hôpitaux complètement mégalo qui ont fait des
reconstructions, des agrandissements, d’immenses
navires amiraux, poussés parfois par des chefs de
service de spécialités complètement mégalo aussi.
Alors un directeur mégalo et un chef de service
mégalo emblématique et médiatisé, réunissent
internet, le pouvoir politique, le pouvoir médiatique,
la une du 20 heures…, enfin un chaudron magique
dans lequel « Osons l’alliance » n’a plus aucune
place parce qu’on est en plein délire.
Ceci, pour vous planter le décor.
Autre décor
J’aimerais vous planter très concrètement un
autre décor, mon témoignage. J’existais sur le
terrain des hôpitaux avant la loi HPST. Certains
directeurs d’hôpitaux avaient établi, bien avant cette
loi, en particulier dans le cadre des enfants et du
vieillissement, qu’on ne pouvait ignorer que ces
enfants et ces vieux avaient une famille. Que 9 fois
sur 10, c’était la famille qui faisait vivre au quotidien
l’enfant ou le vieux malade. Que donc cette famille
devait avoir sa place et sa parole. Depuis longtemps,
les hôpitaux de gériatrie, en particulier ceux de
l’APHP, dont Madame Desjardins a été une directrice
emblématique, m’ont fait intervenir avec le titre de
personne qualifiée, car il n’y avait pas de structure
officielle de la représentation. On pensait qu’avec
ma casquette Alzheimer – maladie emblématique
du cumul des vulnérabilités : physique, psychique,
décisionnelle, affective, familiale, – c’était une
magnifique pathologie pour servir de raisonnement
dans une équipe, et du soin, et de la vie d’un malade
dans un parcours de vie, et non pas pris au temps 1
et relâché sur le trottoir de l’hôpital au temps 2. Ceci
pour vous dire que j’ai un certain vécu.
Depuis que la démocratie en santé a pris une place
complète, officielle, revendiquée parfois avec les
mêmes excès, je me livre à des expérimentations
absolument extraordinaires qui s’appellent l’audit
observationnel. J’ai toujours l’accord du directeur,
pour ne pas aller comme ça au feu. On a une grille
d’analyse, on se tait et on se contente d’observer
les choses en fonction de cette grille. Je me
dois de témoigner que, par exemple, sur un lieu
emblématique dont les médias aiment beaucoup
s’emparer, mais les médecins et les patients aussi,
qui sont les urgences, j’ai fait beaucoup d’audit
observationnel. Et mon créneau horaire est 21 h –
14
minuit. Tous les urgentistes adorent vous présenter
rodéo-urgence comme on voit à la télé. C’est l’heure
où tout se vit, tous les cabinets de généralistes
sont fermés. J’ai découvert beaucoup de services
d’urgence avec zéro minute d’attente. Et je me dois
de témoigner que j’ai vu le meilleur et le pire.
Le meilleur et le pire
J’ai vu une infirmière, un certain soir de janvier,
accueillir un SDF avec des doigts de pied gelés. Une
infirmière, non seulement d’une grande humanité,
mais de la juste place. Ni la virago autoritaire :
« Mais, mon pauvre monsieur, quand on est dans la
rue et qu’on a les doigts de pied tout noirs, on doit
faire quelque chose… », ni dans la fuite : « Il est
sale, il sent mauvais, je ne peux pas le toucher… ».
Un niveau de professionnalisme et d’humanité
admirable.
Le même soir, et c’est ce qui m’a interpellé, à l’autre
extrémité, j’avais une porte grande ouverte sur un
couloir où tout le monde passait. Une femme seule,
abandonnée, en position gynécologique, tournée
vers la porte grande ouverte.
Quelle angoisse ?
J’ai vu la consultation d’une femme qui était là pour
des douleurs abdominales. Cette femme avait une
grande anxiété, elle avait un enfant handicapé d’une
douzaine d’années, donc son mari était venu avec
l’enfant handicapé qu’on ne pouvait laisser seul. Le
niveau d’anxiété de cette femme, c’était son anxiété
de mère, ce n’était pas : « Pourquoi j’ai mal au
ventre ? » mais « Qu’est-ce-qui va se passer pour
mon enfant qui est dans le couloir, et qu’est-ce que
cela va donner ? » C’était une angoisse de mère.
Je vous jure que chaque mot que je vous dis est
authentique, elle était auscultée, par une ravissante,
jeune interne, qui savait malheureusement qu’elle
était très belle. Elle consultait la blouse ouverte
sur un décolleté aussi sublissime que son visage,
et je n’avais jamais vu arriver autant d’internes qui
entraient dans cette consultation sans se présenter,
sans saluer la patiente, sans lui présenter leurs
excuses : « Madame, j’ai quelque chose… », qui
venaient parler d’un sujet totalement ésotérique à
la jeune interne, et qui ne ressortaient pas. C’est sûr
qu’il y avait zéro minute d’attente ce soir-là, mais
il y avait une concentration d’internes incroyable,
qui s’accumulaient au fur et à mesure des minutes,
et pas un seul n’a répondu à la question de cette
mère angoissée « Qu’est-ce que vous allez faire
Bulletin de Liaison / n°321
comme examens ? Combien de temps allez-vous
me garder ? Mon petit garçon dans le couloir est
affolé. » C’est authentique et c’est mon témoignage
du meilleur et du pire.
Témoignage personnel
En janvier j’ai accompagné mon mari dans les
trois dernières semaines de sa vie. Il souffrait
d’insuffisance respiratoire gravissime. C’était sa
deuxième décompensation et nous savions, lui
comme moi, qu’il n’y avait plus rien à faire. Je peux
vous témoigner là aussi du meilleur et du pire, du
pire raisonnable. Il y a longtemps que j’ai appris que
nous ne sommes pas égaux devant la maladie. Mon
mari n’était pas un malade lambda, c’était le mari
de madame Ollivet, bien connue dans l’hôpital :
pistonné ! Où est l’équité ?
L’infirmier s’est accroupi au pied du lit pour être
sous le regard du mourant, ne pas le dominer de
sa stature, sous son regard, un geste absolument
extraordinaire.
J’ai vu entrer une interne disant : « Monsieur Ollivet,
on vous emmène pour un scanner. – Je vous ai déjà
dit que j’exigeais de savoir pourquoi. – Pour voir
si vous n’auriez pas de métastases au cerveau –
M’avez-vous demandé mon avis ? - Le brancardier
est dans le couloir, vous avez de la chance d’avoir
un scanner très vite. »
Faire alliance
Voilà le vrai, dans une relation humaine qui ne fait
plus l’alliance, qui sait comment la faire, qui sait que
cela ne prend pas plus de temps de faire l’alliance,
qu’on y gagne beaucoup de temps après, mais qui
a perdu de vue que l’alliance est une vertu humaine.
Aucun d’entre nous, même le plus grand professeur,
n’est indépendant. Nous vivons tous dans une
interdépendance. A ma connaissance, vous ne
mettez pas une vache dans votre jardin pour tailler
vos biftecks et vous n’avez pas de mouton pour filer
la laine et tricoter votre pull-over. Nous vivons tous
dans une société totalement inter-dépendante et qui
ne vivra que de la richesse de l’échange.
Progrès possible
Donc, ces témoignages concrets me disent qu’il y a
une marge de progrès, mais que cela dépend aussi
beaucoup des valeurs individuelles. On parle du
développement des valeurs professionnelles, des
valeurs déontologiques, éthiques, philosophiques
ou éventuellement religieuses On voit bien qu’on est
dans un conflit de valeurs, et dans cette alliance je
voudrais juste, pour terminer, vous transmettre mes
interrogations.
Catherine OLLIVET
Temps d’écoute
En terme de progrès, de ce qui devrait en être, mais
qui ne se traduit pas par des progrès, par exemple,
beaucoup de médecins, de médecins de ville
comme de médecins hospitaliers, pensent qu’ils se
sont rendus accessibles en donnant leur numéro
de portable à leurs patients, ou tout au moins à
ceux qui ont une pathologie complexe. Que disent
les usagers ? Que leur médecin, au cours d’une
consultation qui doit durer un quart d’heure maximum
parce que le temps est compté, est interrompu trois
fois. On vient de sortir une étude, je cite juste des
grandes lignes, des symboles-clefs, pas des chiffres
exacts. Je crois que le temps consacré, au cours
d’une consultation, en moyenne, à l’écoute de ce
que le patient a à dire, c’est 22 secondes… Cela fait
mal de l’entendre…
Cela avait été mesuré il n’y a pas très longtemps
pour les infirmières en gériatrie. Elles s’adressaient
directement au patient dans son lit une minute par
vingt-quatre heures, on lui parlait, à lui, et non pas
à la troisième personne. Aujourd’hui, avec cette
immense convivialité planétaire, grâce à internet,…
où en est-on de cette écoute et du partage de cette
écoute ?
Transmissions
On a formalisé les transmissions, il y a des
protocoles, des transmissions ciblées, des exigences
de traçabilité. Moi, que vois-je dans ma vraie vie
d’observatrice silencieuse, je vois des transmissions
où 50 % du personnel a déjà une main sous la table
15
Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
et est en train de faire ses SMS sur son portable. Ce
n’est pas comme ça, les vraies transmissions. Avant,
il n’y avait pas d’écran et de saisie informatique avec
la traçabilité, mais il n’y avait pas le portable ! Donc
les gens s’écoutaient et se regardaient dans les
yeux. Aujourd’hui, la moitié des yeux sont baissés.
Donc mon interrogation, c’est : modernité, outil
convivial, collégialité, l’écoute du médecin quand il
a donné son n° de portable. Pour moi, être proche
d’un patient, ce n’est pas être à l’écoute lorsque
vous avez donné votre n° de portable. Donnez-le
et réservez un créneau horaire. « S’il y a un souci,
appelez-moi, entre telle et telle heure. » Mais le
patient qui est en consultation chez le cardiologue
qui est interrompu quatre fois, c’est invivable. Il n’y
a plus de dialogue, il n’y a plus de compréhension, il
n’y a plus de collaboration, il n’y a plus de possibilité
d’échange pour éventuellement apporter au patient
les étapes de l’éducation thérapeutique.
Collégialité
Quelle est la qualité de la transmission quand les outils
de la modernité font qu’on ne se regarde plus dans
les yeux. Ce n’est pas anecdotique - j’ai beaucoup
investi dans les obligations règlementaires. Dans
les hôpitaux, lorsqu’il y a une réclamation, on doit
organiser une médiation. Lors de cette médiation,
éventuellement médicale, le patient dit qui il veut
rencontrer, médiateur médical, médiateur non
médical, cela peut être les deux, cela peut être le
médecin impliqué dans la prise en charge, cela peut
être le chef de service (vous savez que, dans la loi, au
bout du compte, c’est toujours le chef de service qui
est responsable), et un représentant des usagers.
16
J’en profite pour tordre le cou au mensonge : les
patients deviennent de plus en plus procéduriers.
C’est totalement faux, il n’y a pas de judiciarisation.
Le pouvoir médical, le pouvoir des grands patrons,
n’a pas du tout disparu. On voit des cadres de santé,
des infirmières, qui se tortillent, ne sachant comment
dire que la plainte du patient est parfaitement
justifiée, alors que le chef de service, qui est là,
tranche. Cela n’est pas possible.
En conclusion
La collégialité me préoccupe beaucoup sur le plan
éthique, parce qu’elle est devenue emblématique,
en particulier dans le cadre des travaux sur
l’euthanasie. C’est là que le mot collégialité a explosé
dans les médias. Je m’interroge sur la valeur ajoutée
de la collégialité. Les deux pièges à mes yeux, les
deux dangers, c’est qu’au bout du compte elle ne
s’exprime pas parce que c’est la parole médicale qui
domine, pour certains chefs dominants. Dans ce cas
la collégialité est biaisée par l’autorité dominante qui
ne laisse pas la place à la parole des autres.
L’autre grand danger, qui m’inquiète le plus, c’est
une collégialité qui cherche l’unanimité et donc la
déresponsabilisation. Mal pensée, elle va ouvrir la
porte à un grand délire de « c’est pas moi, c’est
l’autre », ou de « c’est pas moi, c’est nous. » Et
donc plus personne n’assumera, en tant qu’homme,
et en tant que professionnel, ses responsabilités
d’homme.
Bulletin de Liaison / n°321
C’est maintenant
le moment favorable
Laudato Si l’affirmait.
En décembre 2015, la signature de l’accord final de la COP 21 a été une étape importante dans la lutte contre
le réchauffement climatique.
D’autres étapes ont été franchies depuis. En avril la signature solennelle à l’ONU de tous les états et en
septembre, avant le G 20, l’engagement des deux plus gros pollueurs, la Chine et les USA. Depuis peu, la
signature à Kigali au Rwanda de l’accord sur les HFC (hydrofluorocarbure) très nocifs pour le climat.
Ces signatures sont importantes, l’accord de la COP 21 ne pourra entrer en vigueur que s’il est signé par
55 états représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La huitaine de pays
ayant ratifié l’accord n’est pas encore suffisante, mais le ralliement des USA et de la Chine permet d’attendre
les 55% nécessaires à la mise en œuvre de l’accord.
Il reste la mise en place des actions concrètes qui nous concernent en tant que citoyens. Où en sommes de
la transition énergétique ? Au 2ème trimestre de cette année, 26% de notre consommation électrique a été
fournie par des énergies renouvelables. Mais la construction d’éoliennes est freinée par leur coût, et aussi
par l’opposition des riverains. La chaleur de l’été 2016 nous fait-elle éteindre plus longtemps le chauffage,
ou bien a-t-elle fait tourner à fond les climatiseurs ? Les poubelles sont-elles moins pleines aujourd’hui ? Les
éboueurs refusent toujours certaines d’entre elles pour des erreurs de tri.
Où en sommes-nous, chacun d’entre nous, dans nos gestes quotidiens à la maison et au travail ? Il ne
suffit pas de limiter l’usage du papier. Internet et les e-mails sont aussi de gros consommateurs d’énergie
(électrique et cérébrale). Affirmer que le gaspillage c’est fini nous incite à vérifier nos gestes quotidiens sans
pour autant oublier les engagements collectifs.
17
Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
A lire...
La puissance de la modération
de Pierre RAHBI, Hozhoni Editions, 2015
Encore un livre de Pierre Rahbi, direz-vous, et quelque peu déroutant. C’est un
recueil de pensées courtes extraites de ses écrits ou de ses conférences.
La lecture continue ne s’impose pas. On peut glaner à travers les différents
chapitres qui ont pour titre deux mots, qui s’opposent ou se complètent. Par
exemple : Nature, Respect ; Compétition, Croissance ; Aberration, Modernité ;
Peur, Insécurité... Pour ma part, j’ai retenu quelques-unes de ces formules que
je vous propose.
- La modération est puissante en ce qu’elle nous permet de reconquérir notre
légitimité : plus nous sommes modérés, plus nous pouvons répondre par nousmêmes à nos besoins fondamentaux et nous garder de l’aliénation.
- Le drame du monde actuel est d’avoir permis à l’argent de légitimer de
véritables hold-up sur le bien commun. Une minorité a légalisé son droit à piller
ce qui est nécessaire à la survie de tous. La démesure des uns provoque la
ruine et l’indigence des autres.
- Cultiver un potager, ce n’est pas seulement produire ses légumes, c’est apprendre à s’émerveiller du
mystère de la vie.
- Se mettre dans une attitude de recevoir les dons et les beautés de la vie, et donc de la nature, avec humilité,
gratitude et jubilation, ne serait-ce pas là la plénitude ?
- En souillant, dissipant, gaspillant l’eau pourvoyeuse de vie, les humains profanent la vie et ne sont plus dans
l’ordre de la vie. En asservissant au lucre cette substance sacrée, les humains se font usurpateurs d’un bien
légitime à toutes les créatures consacré.
- Jamais la liberté ne pourra être instaurée de par le monde si nous ne sommes pas nous-mêmes libres
intérieurement.
- Face à un système qui confisque le droit des peuples à se nourrir par eux-mêmes, cultiver son jardin est un
acte politique de légitime résistance.
- Le temps n’est plus aux discriminations, aux cloisonnements sociaux, aux antagonismes de caste, mais à
la fédération de toutes les consciences pour mettre ensemble tous les talents et les moyens matériels afin de
construire d’urgence et ensemble un monde viable pour tous.
- La violence est fille de la peur.
Cette dernière réflexion m’a particulièrement interpellée durant cet été où nous avons connu l’attentat de
Nice et l’assassinat du père Jacques Hamel. Ce sont les évènements dramatiques qui nous ont frappés chez
nous alors que les conflits et les attentats au Moyen-Orient font chaque semaine des centaines de victimes.
Marie-Mad COINCHOT
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Bulletin de Liaison / n°320
Qu’est-ce qu’on attend ?
film de Marie-Monique ROBIN, en salle le 23 novembre2016
Cette
journaliste, écrivain et réalisatrice a inspiré le documentaire
« Demain ». Après avoir parcouru le monde pour ses films et livres
d’investigations. Elle est interpellée au cours d’une conférence par un
habitant d’Alsace qui lui dit : « tout ce que vous montrez là, on le fait déjà
chez nous ». Elle se rend à Ungersheim qui est une ville en transition.
A l’initiative de son maire, cette commune de 2200 habitants a mis en
œuvre depuis plusieurs années des actions concrètes : autonomie
alimentaire, écohabitat, économies énergétiques (parc photovoltaïque,
transport scolaire à cheval….) avec à la clé la création de 100 emplois
non délocalisables.
C’est un film optimiste quant aux valeurs humaines : solidarité, sens
de l’enjeu collectif, bonheur d’agir ensemble, désir d’un mieux vivre
ensemble toutes générations confondues.
C’est une invitation à faire des « petits possibles », mis bout à bout, ils
auront une répercussion sur l’avenir ; sauvons notre planète, repérons et
soutenons les initiatives locales !
Marie-Claude
Pour en savoir plus :
http://www.mairie-ungersheim.fr/village-en-transition/
http://www.transitionfrance.fr/2016/06/19/un-prix-pour-marie-monique-robin-et-quest-ce-quon-attend/
« Un style de vie sobre
nous fait du bien et
nous permet de mieux
partager avec celui qui
est dans le besoin. »
Pape François (Tweeter)
Ca suffit le gâchis !
« J’utilise mon sac ou mon cabas », « j’achète à la coupe ou en vrac », « j’achète la juste quantité d’aliments »,
« j’accommode les restes », « je fais du compost »…
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) est généreuse en multiples conseils de
bons sens pour lutter quotidiennement contre le gaspillage. www.casuffitlegachis.fr
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Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
De l’empathie
à la compassion
En feuilletant chez des amis la revue « Le Point »
du 8 sept 2016, je suis tombé sur un article qui m’a
intéressé et qui, me semble-t-il, nous interpelle
comme praticiens de santé et comme chrétiens.
Depuis
plusieurs années, déjà, nous remarquons
la présence de plus en plus importante sur le
devant de la scène médiatique de comportements
traditionnellement initiés et transmis par la sphère
religieuse, jeûne et méditation notamment. Une
présence qui s’est émancipée de ses attaches
traditionnelles en se vidant de son sens religieux et
réinvestie d’un contenu de santé. Dans ce cadre là
ils sont devenus des objets d’étude recevant une
caution scientifique qui renouvèle leur intérêt. C’est
cette actualité que je trouve reprise dans cet article
du Point avec pour titre : « Et si l’altruisme était
inné ? – Nous ne naissons pas égoïstes. La preuve
par les neurosciences. »
Cet article rend compte de la différence que les
neurosciences ont mises en évidence entre empathie
et bienveillance-compassion. L’empathie est
décisive dans les rapports interhumains puisqu’elle
recouvre notre capacité émotionnelle à nous mettre
au diapason de l’autre, des sentiments de l’autre.
Si cette capacité est décisive dans nos métiers de
soignants, l’empathie peut aussi déboucher sur
une détresse empathique, comme la nomment les
scientifiques. Ils ont d’ailleurs observé, selon une
étude américaine, « que 60% du personnel soignant
souffre de burn-out à un moment donné de sa
carrière ». Mais ce qui est passionnant dans l’affaire
c’est que ce burn-out a son antidote, un antidote non
médicamenteux : la compassion. C’est l’observation
du cerveau par Mathieu Ricard qui a permis à la fois
de différencier empathie et compassion et de mettre
en évidence la fragilité de l’empathie et son remède.
Il y a là, me semble-t-il, de quoi réinterroger les
nouveaux impératifs adressés aux surbookés
de l’empathie : “faut s’occuper de soi“. Il y a là
souvent une importation dévoyée des philosophies
orientales, en particulier le bouddhisme, qui au lieu
de réorienter le sujet vers le soi, l’enkyste dans un
moi, pris pour le soi, décomplexé et déculpabilisé.
Pourtant c’est bien d’une réorientation vers le soi dont
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il s’agît en lui dégageant un espace de respiration à
travers une méditation tournée vers la compassion.
“En inhibant volontairement cette compassion alors
qu’il était témoin, dans le cadre de ses recherches,
de terribles souffrances chez des enfants, Mathieu
Ricard a vécu un crash émotionnel en vidéo. Mais,
précise-t-il, « à peine j’eus fait basculer l’orientation
de ma méditation vers l’amour et la compassion
que mon paysage mental se transforma du tout au
tout. Je ressentais à présent un profond courage
lié à un amour sans limite envers ces enfants. » “
Mais précise la chercheuse à l’origine de toutes ces
expériences « ces capacités sont plastiques autant
que le cerveau ».
Autant
dire
que
prévenir
l’épuisement
professionnel et soigner “la névrose chrétienne“
qui pourrait y conduire peut se faire en
prescrivant l’intégration à une équipe d’ACMSS
où la rencontre des autres et le souci d’inscrire
notre vie dans le rapport à l’évangile ne peut que
participer à entretenir la plasticité du cerveau en
augmentant notre capacité de compassion. Plus
sérieusement, bien que…, ces recherches viennent
nous réinterroger individuellement et collectivement
sur notre rapport à ces différences établies entre
contagion émotionnelle et empathie. Un bébé qui
pleure parce qu’il entend un autre bébé pleurer
est le prototype de la contagion émotionnelle.
L’empathie viendra plus tard lorsqu’il sera capable
de faire la différence entre soi et l’autre. Empathie et
compassion qui, bien que non séparables, doivent
être distinguées. Aujourd’hui on entend critiquer
la dérive compassionnelle de la politique. Si mal
nommer les choses c’est ajouter au malheur du
monde, il y a là matière à stimuler notre réflexion
sur tous les plans, à la fois individuel et collectif,
professionnel, existentiel, spirituel. On peut se
demander si collectivement, nous ne sommes pas
davantage dans la contagion émotionnelle, une
dérive empathique avec les instrumentalisations
conséquentes, plutôt que dans la compassion dont
le fruit est d’accroître notre volonté de fraternité
et de solidarité en entretenant et restaurant nos
aptitudes d’action. Réinterroger l’évangile dans ces
perspectives-là pourrait également nous aider à
Bulletin de Liaison / n°320
éclairer nos positionnements et à les approfondir. Et
en cette année de la miséricorde quel rapport entre
compassion et miséricorde ?
+
+
Jean-François COSTES
Agenda
Prochaines réunions de l’ENA • 3-4 décembre 2016
• 30 janvier 2017
• 11 et 12 mars 2017
• 24 et 25 juin 2017
A noter
• 28 janvier
Assemblée Générale ACMSS
• 29 janvier
Journée de formation en
commun avec l’AFPC
Abonnement au BULLETIN DE LIAISON de l’ACMSS
de janvier à décembre 2017
Nom :
Prénom :
Profession :
Adresse :
Téléphone(s) :
e-mail :
s’abonne (ou se réabonne) au B.L. et verse le montant de l’abonnement : 20 €
adhère à l’ACMSS
chèque à l’ordre de : ACMSS
à renvoyer à : ACMSS, 33 rue du Général Leclerc, 92132 Issy-les-Moulineaux cedex
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Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
Assemblée Générale de l’ACMSS
samedi 28 janvier 2017
14h : temps statutaire (rapports d’activités, moral et financier), orientations du Mouvement
+
formation et échange sur « le sens politique » au début d’une année électorale où nous seront
appelés à voter quatre fois.
Journée de formation
dimanche 29 janvier 2017
Les personnes en souffrance psychique :
mieux les connaître, mieux les accueillir
programme
9h : accueil
9h30 : Présentation de la journée
Vidéo et témoignages de malades et de leur famille
Témoignages des membres des Mouvements
Echanges en carrefours
12h30 : Repas
14h : Reprise à deux voix et échanges avec l’ensemble des participants
16h : Célébration eucharistique
Vous pouvez inviter largement des personnes de vos relations.
Renseignements pratiques :
La journée se déroulera au Centre Internationnal de Séjour Paris.
CISP, 17 boulevard Kellermann, 75013 PARIS
Vous pourrez loger au CISP en vous adressant directement et rapidement au service de réservation.
Tél : 01 43 58 96 00 / e-mail : [email protected] (draps et serviettes sont fournis).
+ Il vous est également proposé de découvir les nouveaux locaux
de l’ACMSS.
Rendez-vous le samedi 28 janvier à partir de 10 h à Issy-les-Moulineaux (déjeuner possible au centre
Kellermann près de la porte d’Italie ; soirée touristique avec les « Parisiens »).
Après votre inscription, vous recevrez à titre de confirmation un programme détaillé et les indications
de transport pour vous rendre à Issy-les-Moulineaux et au CISP, boulevard Kellermann.
en partenariat et en commun avec l’Association Française des Pharmaciens Catholiques
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Bulletin de Liaison / n°321
INSCRIPTION
inscrive
z-v
mainte ous
nant
Assemblée Générale de l’ACMSS
du 28 janvier 2017
Journée de formation
du 29 janvier 2017
Nom :
Prénom :
Adresse :
Téléphone :
e-mail :
participera à l’Assemblée Générale de l’ACMSS le samedi 28
janvier 2017 au CISP (Paris 13e)
- inscription et repas : 35 € Merci de préciser votre heure d’arrivée : .................
participera à la Journée de formation du dimanche 29 janvier
2017 au CISP (Paris 13e)
- inscription et repas : 40 € Merci de préciser votre heure d’arrivée : .................
Merci de joindre à votre inscription un chèque unique et de nous les retourner à :
AFPC, 5 avenue de l’Observatoire, 75006 PARIS
(chèque à l’ordre de « ACMSS »)
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PRIERE
de Saint Grégoire de Narek
Tu n’es pas un juge qui condamne, mais un Sauveur.
Tu ne perds pas, mais tu trouves.
Tu ne tues pas, mais tu donnes la vie.
Tu n’exiles pas, mais tu ramènes.
Tu ne noies pas, mais tu sauves.
Tu ne pousses pas, mais tu relèves.
Tu ne maudis pas, mais tu bénis.
Le Christ, Rembrandt
Tu ne venges pas, mais tu pardonnes.
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