
4
Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
En équipe
Des partages en équipe reètent les situations de
grande précarité et les interrogations qu’elles posent
aux professionnels médico-sociaux.
Quelques éléments pour comprendre les situations :
depuis 2003 le RSA est transféré aux départements.
Pour le nôtre, cela représente 600 millions par an,
somme que l’Etat ne compense plus entièrement
(9/12 de mois). C’est l’éternel transfert de
compétence sans transfert de moyens !
Cela a entrainé des réductions drastiques des
dépenses publiques. L’aide à l’enfance est devenue
le parent pauvre de l’action sociale. Certes l’action
sociale représente les 2/3 de la dépense de
fonctionnement de notre département.
Notre région est l’une de celles qui comptent le plus
d’enfants placés. Comme il n’y a plus d’argent, il va
falloir revoir à la baisse les mesures de protection,
les aides accordées, les placements…
Voilà comment cela se traduit dans une réunion
d’ACMSS en octobre.
Quelques travailleurs sociaux s’expriment
(puéricultrices, conseillères en économie sociale
et familiale, assistantes sociales). « Il n’y a plus de
budget pour attribuer des allocations mensuelles
d’aide à l’enfance, plus de possibilité de conseiller
l’intervention d’une TISF ; des foyers d’aide sociale
à l’enfance ferment ».
Plus étonnant encore, une puéricultrice témoigne : il
ne faut plus faire de placement d’enfants, il y en a trop
dans notre département. Pour autant, les situations
ne s’arrangent pas. Ma responsable ne transmet pas
mon signalement. Dans la situation que je signalais,
je joignais l’attestation de la maman qui expliquait
que le papa pouvait être dangereux. Des rapports
écrits seraient même modiés !
Un autre membre de l’équipe réagit : c’est grave cela !
Il ne faut pas se laisser faire. Dans mon évaluation
avec mon supérieur hiérarchique, j’ai fait ajouter,
dans la rubrique « observations-remarques », nous
n’avons plus les moyens nanciers de travailler.
Cela va remonter à la DRH et à la direction !
D’où une discussion dans l’équipe. Les plus
anciennes ont conseillé aux jeunes professionnelles
de se protéger : s’il y a un problème dans la famille,
c’est sur toi que cela va retomber. C’est grave de
ne pas transmettre ton écrit, c’est inadmissible de
le modier. Tu dois réafrmer par mail ce que tu as
écrit, c’est quand-même un signalement ! Ce sera
un début de preuve si tu es inquiétée. Une autre
interpelle l’équipe ACMSS : chez vous cela se passe
de la même manière ? Comment réagissent vos
équipes de travail ?
Les réponses nous surprennent en bien : cela nous
soude, on discute plus de boulot, des situations.
D’autres ont dit qu’elles voulaient se syndiquer.
C’est une bonne idée rétorque une plus ancienne.
D’ailleurs, moi j’ai demandé à mon syndicat
d’actionner le droit d’alerte por obliger l’institution à
nous répondre. On pourra engager un dialogue !
Nous nous sommes quittés en pensant à notre
mission de protection de l’enfance et en priant pour
ces familles.
La situation est grave mais pas désespérée ! Ces
travailleurs sociaux, dans la même réunion ACMSS,
sont passés de la plainte à l’action. N’est-ce-pas le
parti pris du positif qui a soufé ?
Dans une autre équipe le partage est plus personnel
Sophie est sage-femme. Elle parle de son expérience
du suivi de deux grossesses qui l’ont beaucoup
marquée.
En premier, une jeune femme dans la rue, droguée,
le compagnon en prison. Elle doutait, sans fard, de
pouvoir être une mère malgré son désir de l’être
vraiment. Les services sociaux ont réussi à lui
trouver une place en maison maternelle, et celle-ci a
pu vivre avec sa petite lle après son accouchement,
4 mois d’une très bonne relation. La petite lle est
très épanouie. Et puis, elle craque, redit ses doutes
de pouvoir être une vraie mère, quitte la maison
maternelle. La petite lle est placée, mais sa mère
ne veut pas rompre le lien avec son bébé. Une
médiation se met en place, d’autant plus que le
papa, sorti de prison, noue des liens, et entame une
démarche de désintoxication.
En second, une adolescente de 16 ans ne doutait
pas un seul instant de ses possibilités d’être
mère. Elle ne sentait même pas la nécessité d’un