B ulletin de L iaison l’actualité des équipes Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux mouvement d’Eglise étudiants et professionnels du monde de la santé et du socio-éducatif de l’empathie à la compassion n°321 - 4e trimestre 2016 Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux mouvement d’Eglise étudiants et professionnels du monde de la santé et du socio-éducatif Vivre aujourd’hui l’Evangile dans nos milieux professionnels Je suis professionnel dans la santé, dans le social... Je rencontre des ntées rs pe onnes confro ie, lad ma à la au à la pauvreté ou ois cr je is handicap ma ut to de r eu val la en être humain... Je fais face à la souffrance et à la mort, à mon impuissance mais aussi aux rencontres fortes qui se vivent... J’aimerais échanger, partager avec d’autres professionnels... J’expérimente les difficultés du travail en équipe mais j’en découvre aussi les richesses ! rejoignez une équipe ! et partagez expériences, doutes et espérance Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux Séminaire de Saint Sulpice 33, rue du Général Leclerc 92130 ISSY LES MOULINEAUX 01 46 62 14 75 - [email protected] http://www.acmss.fr contact local Bulletin de Liaison, l’actualité des équipes de l’ACMSS • Directeur de la publication : Claudine BIGAUDET • Réalisation : Guillaume ROUDIER, [email protected] • ACMSS, 33 rue du Gl Leclerc, 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX • Magazine trimestriel - abonnement annuel : 20 € • Commission paritaire n°1118 G 83862 • Dépôt légal nov. 2016 • ISSN : 0767 292 X • Imprimé par Repronumérique. 2 Bulletin de Liaison / n°321 é dito L’ACMSS regroupe des professionnels du sanitaire et du socioéducatif dont l’objectif est de partager ce qu’ils vivent dans ce monde de la santé. Nous voulons privilégier une manière originale de faire grandir notre foi et d’en témoigner. Jésus-Christ est encore présent aujourd’hui et Il vient à notre rencontre, dans ce monde, comme il le faisait sur les routes de Galilée. Quand on prend soin, on rejoint un Dieu incarné, on voit le visage du Christ dans celui qui souffre ou qui est marginalisé et dans ceux qui les accompagnent. Notre témoignage passe par les compétences professionnelle, relationnelle et sociale. Etre attentif à tous les professionnels exige de chacun l’humilité sommaire pour reconnaître l’importance de tous, quel que soit leur travail. Les « petites mains » qui font le ménage, rangent les dossiers ou les placards sont aussi importantes pour le bien de tous que les En équipe p. 4 Amoris laetitia p. 6 Dans la vraie vie p. 9 cadres et les chefs de service. Comment faire travailler ensemble les multiples professions qui sont au service des « usagers » ? Et eux, comment voient-ils nos relations entre nous et avec eux ? Nous sommes tous fragiles, vulnérables et interpelés par la relation aux autres. Pour que les techniques ne nous fassent pas oublier le visage des autres, pour que nous apprenions à passer de l’empathie à la compassion, nous avons besoin des échanges en équipe, de la lumière de la Parole de Dieu pour éclairer nos chemins. Nous avons aussi besoin d’échanger en Mouvement d’où l’importance de participer à la prochaine AG le samedi 28 janvier 2017. L’ACMSS témoigne avec d’autres Mouvements de la Santé. C’est pourquoi nous vous invitons à une journée de formation commune avec l’Association Française des Pharmaciens Catholiques le dimanche 29 janvier 2017 sur « les personnes en Osons l’alliance, Catherine OLLIVET p. 12 C’est maintenant le moment favorable p. 17 A lire... p. 18 De l’empathie à la compassion p. 20 Agenda p. 21-23 Prière p. 24 souffrance psychique ». Dominique PARNAUDEAU Présidente 3 Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux En équipe Des partages en équipe reflètent les situations de grande précarité et les interrogations qu’elles posent aux professionnels médico-sociaux. Quelques éléments pour comprendre les situations : depuis 2003 le RSA est transféré aux départements. Pour le nôtre, cela représente 600 millions par an, somme que l’Etat ne compense plus entièrement (9/12 de mois). C’est l’éternel transfert de compétence sans transfert de moyens ! Cela a entrainé des réductions drastiques des dépenses publiques. L’aide à l’enfance est devenue le parent pauvre de l’action sociale. Certes l’action sociale représente les 2/3 de la dépense de fonctionnement de notre département. Notre région est l’une de celles qui comptent le plus d’enfants placés. Comme il n’y a plus d’argent, il va falloir revoir à la baisse les mesures de protection, les aides accordées, les placements… Voilà comment cela se traduit dans une réunion d’ACMSS en octobre. Quelques travailleurs sociaux s’expriment (puéricultrices, conseillères en économie sociale et familiale, assistantes sociales). « Il n’y a plus de budget pour attribuer des allocations mensuelles d’aide à l’enfance, plus de possibilité de conseiller l’intervention d’une TISF ; des foyers d’aide sociale à l’enfance ferment ». Plus étonnant encore, une puéricultrice témoigne : il ne faut plus faire de placement d’enfants, il y en a trop dans notre département. Pour autant, les situations ne s’arrangent pas. Ma responsable ne transmet pas mon signalement. Dans la situation que je signalais, je joignais l’attestation de la maman qui expliquait que le papa pouvait être dangereux. Des rapports écrits seraient même modifiés ! Un autre membre de l’équipe réagit : c’est grave cela ! Il ne faut pas se laisser faire. Dans mon évaluation avec mon supérieur hiérarchique, j’ai fait ajouter, dans la rubrique « observations-remarques », nous n’avons plus les moyens financiers de travailler. Cela va remonter à la DRH et à la direction ! D’où une discussion dans l’équipe. Les plus anciennes ont conseillé aux jeunes professionnelles de se protéger : s’il y a un problème dans la famille, 4 c’est sur toi que cela va retomber. C’est grave de ne pas transmettre ton écrit, c’est inadmissible de le modifier. Tu dois réaffirmer par mail ce que tu as écrit, c’est quand-même un signalement ! Ce sera un début de preuve si tu es inquiétée. Une autre interpelle l’équipe ACMSS : chez vous cela se passe de la même manière ? Comment réagissent vos équipes de travail ? Les réponses nous surprennent en bien : cela nous soude, on discute plus de boulot, des situations. D’autres ont dit qu’elles voulaient se syndiquer. C’est une bonne idée rétorque une plus ancienne. D’ailleurs, moi j’ai demandé à mon syndicat d’actionner le droit d’alerte por obliger l’institution à nous répondre. On pourra engager un dialogue ! Nous nous sommes quittés en pensant à notre mission de protection de l’enfance et en priant pour ces familles. La situation est grave mais pas désespérée ! Ces travailleurs sociaux, dans la même réunion ACMSS, sont passés de la plainte à l’action. N’est-ce-pas le parti pris du positif qui a soufflé ? Dans une autre équipe le partage est plus personnel Sophie est sage-femme. Elle parle de son expérience du suivi de deux grossesses qui l’ont beaucoup marquée. En premier, une jeune femme dans la rue, droguée, le compagnon en prison. Elle doutait, sans fard, de pouvoir être une mère malgré son désir de l’être vraiment. Les services sociaux ont réussi à lui trouver une place en maison maternelle, et celle-ci a pu vivre avec sa petite fille après son accouchement, 4 mois d’une très bonne relation. La petite fille est très épanouie. Et puis, elle craque, redit ses doutes de pouvoir être une vraie mère, quitte la maison maternelle. La petite fille est placée, mais sa mère ne veut pas rompre le lien avec son bébé. Une médiation se met en place, d’autant plus que le papa, sorti de prison, noue des liens, et entame une démarche de désintoxication. En second, une adolescente de 16 ans ne doutait pas un seul instant de ses possibilités d’être mère. Elle ne sentait même pas la nécessité d’un Bulletin de Liaison / n°321 accompagnement. Autour d’elle il y avait une famille prête à l’aider pour elle tout semble bien aller. Elle est retournée dans sa famille, mais le bilan à 4 mois n’est pas bon. La fillette a le regard fuyant, réagit mal aux stimuli : « Elle commence mal » disent les professionnels… Il faut toujours avoir confiance dans les capacités de chacun, retisser ce qui se détisse, toujours réévaluer, être en même temps dans le réalisme et dans l’espoir. Ces expériences humaines extrêmes mettent en doute nos valeurs, nos jugements, nos capacités d’écoute et d’acceptation. Il faut lutter pied à pied pour que les décisions soient prises pour aider les gens, là où ils en sont, et non pour satisfaire nos critères moraux, légaux, sociaux. Doit-on pousser la jeune femme toxicomane vers l’abandon de son enfant, tant sa situation est précaire ou parier sur son désir de continuer de tisser des liens avec sa petite-fille, qu’elle a par ailleurs si bien accompagnée pendant 4 mois ? Que faire avec la très jeune maman, qui semblait pourtant bien partie dans sa famille dite « normale », mais dont les professionnels ont déjà discerné des manques graves dans le lien mère/enfant ? Etre toujours dans la proposition et non dans l’imposition, y croire sans rien présager : faire confiance toujours et encore. ATELIER SANTÉ Dans le Service National Famille et Société, de la Conférence des Evêques de France (CEF), l’Atelier Santé réunit deux fois par an durant une journée tous les Mouvements rattachés à la pastorale de la Santé. Marie-Mad COINCHOT représente notre Mouvement de professionnels avec depuis un an Jean Philippe DELSART, président de l’Association Française des Pharmaciens Catholiques. Actuellement et depuis plusieurs réunions, nous échangeons sur la vie et l’histoire des différents Mouvements. Le Père Jean Marie ONFRAY nous a rappelé que nous avons tous deux interlocuteurs : l’Eglise et la société civile. Les liens entre Mouvements dans l’Eglise, les échanges, le travail avec les autres passent par deux canaux : la Pastorale de la Santé et le Conseil pour les Mouvements et Associations de fidèles. Dans chaque diocèse cela correspond à un DDPS (Délégué Diocésain à la Pastorale de la Santé) et un DEMAF (Délégué Episcopal aux Mouvements et Associations de Fidèles). N’oublions jamais la société civile et les nombreuses associations : APF, UNFAM, Vie libre, etc. 5 Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux Amoris laetitia, tout un programme... L’occasion fait le larron, dit-on. A ma grande surprise, je trouve « chez Leclerc » au mois de juin, bien en vue sur une console, l’exhortation apostolique « LA JOIE DE L’AMOUR ». Elle me parait « lisable », je l’achète et en fait un de mes livres de l’été. L’une des raisons de cet intérêt, c’est que mon équipe ACMSS a travaillé sur le questionnaire de préparation du synode sur la famille. Je suis une néophyte pour ce genre littéraire. Ce qui suit, ce sont les réactions d’une « fidèle laïque » de base, ne prétendant pas du tout à une analyse critique et objective pure et dure mais laissant aller au contraire sa subjectivité face à cette prose bien particulière. C’est parti ! Tout d’abord, le Pape s’adresse aux croyants chrétiens de l’Eglise Catholique, et non à tous les humains du globe : c’est un texte intracatholique. Dans l’introduction au § 6, il donne ses intentions et le plan du texte. Dans le premier chapitre, « une ouverture inspirée par les Saintes Ecritures, », ce qui m’a interpellé, c’est le lien souligné par le Pape entre le couple humain et la fécondité . Reviennent en boucle les textes de la Genèse, des Evangiles avec en toile de fond, le couple humain, une seule chair, la fécondité, la capacité du couple humain à procréer. S’ensuit tout une sous-chapitre sur les enfants « Tes fils comme des plants d’oliviers », « signe de plénitude de la famille » « C’est une oeuvre artisanale, personnalisée ». Dès le début, nous sommes dans les grands classiques de la réflexion de l’Eglise : Le couple humain est là pour la fécondité « chemin par lequel passe l’histoire du Salut ».C’est déjà un sacré décalage avec nos mentalités, cela m’a mise mal à l’aise. Dans le deuxième chapitre, pour moi le plus intéressant, « il convient de prêter attention à la réalité concrète, » Même si ce chapitre est un peu « fourre-tout », le Pape ne voulant rien oublier, il relativise la visée « fécondité » du chapitre précédent : « En tant que chrétien nous ne pouvons 6 pas renoncer à proposer le mariage pour ne pas contredire la sensibilité actuelle, » §35 « Mais il ne sert à rien non plus d’imposer des normes par la force de l’autorité. » § 35 : « , nous devons être humbles et réalistes, nous avons souvent présenté le mariage de telle manière que , l’appel à grandir dans l’amour et l’idéal de soutien mutuel ont été occultés par un accent quasi exclusif sur le devoir de la procréation. Cette idéalisation excessive, surtout quand nous n’avons pas éveillé la confiance en la grâce, n’a pas rendu le mariage plus désirable et attractif, bien au contraire ! » au §36 Dans la même veine au § 37 et 38 : « Nous sommes appelés à former les consciences, mais non à prétendre nous substituer à elles. » Tout au long de l’exhortation, il oscillera entre les grands principes et l’application des grands principes, nécessairement plus souples, même si en fin de compte, il s’agit de ramener tout le monde dans le giron des bonnes pratiques. La limitation des naissances Il l’aborde § 42 « Le déclin démographique, dû à une mentalité antinataliste une situation où le renouvellement des générations n’est plus assuré » (c’est vrai pour de nombreux pays européens), petit coup de patte aux méthodes anticonceptionnelles :« Le développement des biotechnologies a eu lui aussi un fort impact sur la natalité » MAIS « Il est vrai que la conscience droite des époux, quand ils sont très généreux dans la communication de la vie, peut les orienter vers la décision de limiter le nombre d’enfants pour des raisons sérieuses ; » Cela laisse tout de même songeur : jusqu’où doit aller la générosité des époux pour qu’ils se sentent autorisé à limiter leurs naissances ? Pour le Pape, la contraception reste un mal, et non pas un moyen pour une parentalité responsable des époux. Le § 54 est sympathique pour les femmes dont il souligne « l’égale dignité entre l’homme et la femme » Cela ne fait pas de mal de le rappeler et il finit même par « Même si des formes de féminisme, qu’on ne peut juger adéquates, apparaissent, nous admirons cependant une oeuvre de l’Esprit dans la Bulletin de Liaison / n°321 reconnaissance plus claire de la dignité de la femme et de ses droits. » Dans le § 56, le Pape pourfend « l’idéologie, généralement appelée « gender » : on le sent très à cran. Les troisième et quatrième chapitres sont, selon le Pape, le centre de l’exhortation, consacré à l’amour. Ils sont à mon avis, les chapitres de l’idéologie de l’Eglise sur la famille, le mariage, les enfants. Le chapitre 3 surtout est bien lourd sur nos têtes. Si les citations tirées des textes de l’Église sont belles, elles paraissent bien loin de la réalité vécue par l’immense majorité des couples, si chrétiens soient-ils. Mais le pompon arrive au § 121 du quatrième chapitre : « En effet, Dieu est communion : les trois personnes du Père, du Fils et du Saint Esprit vivent depuis toujours et pour toujours en unité parfaite. Et c’est précisément cela le mystère du mariage : Dieu fait des deux époux une seule existence. » Là, je me suis sentie vraiment écrasée, même si le § 122 amène tout de suite un apaisement à cette outrance d’idéal, comme si le Pape avait tout de suite senti l’outrecuidance de cette « proposition ». On ne nous demande pas d’être à l’image de Dieu, mais à l’égal de Dieu. Certes, à Dieu rien d’impossible, mais tout de même, que de sainteté accumulée sur les époux ! Le sixième chapitre C’est dans ce chapitre « Quelques perspectives pastorales » qu’arrive la question des divorcésremariés, § 241, 242, 243. Je dirais que le Pape « noie le poisson » : Certes, le Pape insiste pour que les personnes divorcées remariées « sentent qu’elles font parties de l’Eglise, qu’elles « ne sont pas excommuniées » », MAIS il ne dit pas qu’elles ne doivent pas être excommuniées. Il ne parle de l’Eucharistie comme nourriture que pour les divorcés familles non remariés. § 242. Mais dans le sous-chapitre « Le discernement des situations dites irrégulières », le Pape insiste sur « la nécessité d’intégrer tout le monde, » Dans le sous-chapitre « les normes et le discernement », au § 304 et 305, il dit, de façon assez gonflée, que « il est possible que, dans une situation objective de péché - - l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Eglise. » « Rappelons-nous qu’ « un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d’importantes difficultés. » Cela fait du bien de le lire, Il y a de la place pour tout le monde dans la maison du Seigneur. Qu’en dire ? Je suis sortie de ce texte un peu saoulée par sa profusion. Le Pape a rappelé toute la doctrine de l’Eglise, sans en changer un iota. Ce qui change, c’est son appel à être humain, tout simplement, à nous humaniser chaque jour davantage, à prendre à bras le corps le monde, à charge pour l’Eglise de l’accepter, de s’en emparer, d’en rendre grâce, de nous faire marcher dans les pas du Christ, mais au rythme de nos pas humains. Même si je pense que ce qui est proposé est au-dessus des nuages, sans grand lien avec la vie au ras des pâquerettes, je peux le considérer comme un chemin de sainteté, avec beaucoup d’hésitations, de questions, de pas de côté. Et puis le Pape François, c’est quand même le Pape que j’ai envie le plus envie d’écouter, tant son amour pour ses semblables est palpable, même dans ce texte indigeste. Ça aussi, c’est une histoire d’amour. Dominique GAUFFRE Dieu joie amour autres personnes vie 7 Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux La joie de l’amour Exhortation apostolique du Pape François, suite aux deux synodes sur la famille d’octobre 2014 et octobre 2015. Elle a été publiée en mars 2016. En avez-vous entendu parler ? L’avez-vous lue ? Comme tout texte émanant de Rome, elle ne se lit pas comme un roman, même si le Pape François est plutôt concret dans son expression. Le cheminement en deux étapes faisait appel aux réponses de tous les chrétiens au questionnaire. Certaines équipes ont travaillé les questions et ont transmis leurs comptes rendus au secrétariat. Nous avons publié en avril 2015 dans le BL 315 p 3 et suivantes le partage d’une équipe de Chalon. D’autres disaient simplement « Il y a tellement de discours à changer ! Sur les mœurs, la place des femmes, la place des laïcs, l’Eglise est complétement à côté de la plaque. Elle n’a absolument pas suivi l‘évolution de la société civile. Mais quelque chose a déjà changé quand même. On sent un vent d’espérance et ce qui compte c’est ce qui va changer en nous, qui sommes l’Eglise ». « Une fois de plus nous disons notre regret que l’Eglise soit souvent plus condamnante qu’aidante en ce qui concerne les divorcés remariés, la contraception, le concubinage des personnes de même sexe… même si on remarque aussi de réelles attitudes de respect de la part de prêtres ou de chrétiens. On regrette que l’Eglise se croie experte dans ces domaines. Hier quelqu’un a parlé d’un prêtre qui avait dit à deux jeunes : « c’est la dernière fois que je vous donne la communion puisque vous vivez ensemble sans être mariés ». En revanche, il y a 50 ans, à un jeune prêtre qui avait donné la communion à un divorcé remarié, son évêque a dit qu’il avait bien fait, sinon il l’aurait désigné publiquement comme pécheur ». En commençant la lecture par la fin, le chapitre 8 « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité » fait une large place à l’accueil des divorcés remariés. C’était la question la plus sensible dans les débats. Le pape demande aux pasteurs une compétence dans le discernement qu’ils n’ont peut-être pas. Sauront-ils, auront-ils l’humilité de le reconnaitre et de faire appel aux professionnels de la relation que le pape cite au paragraphe § 204. La comparaison entre les normes et le discernement au paragraphe 304 peut s’appliquer à toutes les questions et aux questions que nous rencontrons dans d’autres domaines. Les principes généraux existent, ils sont importants mais quand on aborde les situations particulières, les exceptions se multiplient. Le discernement est nécessaire pour voir dans chaque situation où en sont les personnes, l’avancée possible et la régression qu’entrainerait l’application stricte d’une norme morale. Par exemple : Quitter le deuxième conjoint avec lequel on élève des enfants dans la joie et l’équilibre familial. Refuser la sédation terminale à un malade qui souffre au point d’être agressif avec son entourage ou de se suicider. Les comptes-rendus sont à envoyer à : • Jeannine Meyrier, 16 chemin de la Colline, 74940 ANNECY-LE-VIEUX • et au secrétariat de l’ACMSS : [email protected] 8 Bulletin de Liaison / n°321 Dans la vraie vie Catherine OLLIVET dans son intervention du matin du 13 mars 2016 a plusieurs fois opposé les textes officiels à ce qu’elle voit dans la vraie vie. C’est d’une certaine façon ce que propose la publication annotée d’Amoris Laetitia. Nous proposons d’aborder ce texte et de le travailler en équipe à partir d’une démarche semblable. Quelles réflexions entendons-nous autour de nous ? A quelle partie du texte cela nous renvoie-il et quel partage pouvons-nous faire en groupe, en équipe ? C’est ce que propose les textes suivants. Crise dans le couple Olivier a un traitement très contraignant qui bouscule ses rythmes de vie. C’est difficile de partager avec quelqu’un qui souffre et qui exprime colère et douleur. Mais c’est important de verbaliser en couple et en équipe malgré les difficultés. La maladie s’impose dans le couple comme une troisième personne. Il faut se faire aider. Il existe aussi des impossibilités de communication qui sont telles qu’avancer ensemble ne peut se faire. Après la rencontre d’un thérapeute, une avancée est possible malgré les douleurs omniprésentes. Olivier a la sensation que sa vie est rétrécie à cause des contraintes, des douleurs et de la difficulté de communication. Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance (1 Co 12, 26) L’équipe partage sur divers textes bibliques proposés par les Equipes Notre-Dame. Dans la Genèse (2-18, 24) Le Seigneur Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra. » Avec de la terre, le Seigneur Dieu façonna toutes les bêtes des chams et tous les oiseaux du ciel, et il les amena vers l’homme pour voir quels noms il leur donnerait. C’étaient des êtres vivants, et l’homme donna un nom à chacun. L’homme donna donc leur nom à tous les animaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes des champs. Mais il ne trouva aucune aide qui lui corresponde. Alors le Seigneur Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux, et l’homme s’endormit. Le Seigneur Dieu prit de la chair dans son côté puis il le referma. Avec ce qu’il avait pris à l’homme, il forma une femme et il l’amena vers l’homme. L’homme dit alors : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! On l’appellera femme. » A cause de cela l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Dans le Cantique des Cantiques (2–8,16) Voici mon bien- aimé qui vient ! Il escalade les montagnes, il franchit les collines, il accourt comme la gazelle, comme le petit d’une biche. Le voici qui se tient derrière notre mur : il regarde par la fenêtre, il guette à travers le treillage. Mon bien-aimé a parlé ; il m’a dit : « Lève-toi, mon amie, viens, ma toute belle. Ma colombe, blottie dans le rocher, cachée dans la falaise, montre- moi ton visage, fais-moi entendre ta voix, car ta voix est douce et ton visage est beau. » Mon bien-aimé est à moi, et moi je suis à lui. Au paragraphe 137 Se donner du temps, du temps de qualité, qui consiste à écouter avec patience et attention, jusqu’à ce que l’autre ait exprimé tout ce qu’il a sur le cœur, demande l’ascèse de ne pas commencer à parler avant le moment opportun. Au lieu de commencer à donner des avis ou des conseils, il faut s’assurer d’avoir écouté tout ce que l’autre avait besoin d’extérioriser. Cela implique de faire le silence intérieur pour écouter sans bruit dans le cœur, ou dans l’esprit : se défaire de toute hâte, laisser de côté ses propres besoins et ses urgences, faire de la place. Souvent, l’un des conjoints n’a pas besoin d’une solution à ses problèmes, mais il a besoin d’être écouté. Il veut sentir qu’ont été pris en compte sa peine, sa désillusion, sa crainte, sa colère, son espérance, son rêve. Mais ces plaintes sont fréquentes : «Il ne m’écoute pas. Quand il semble le faire, en réalité il pense à autre chose.» «Je lui parle, elle essaye de changer de sujet, ou elle me donne des réponses expéditives pour clore la conversation.» (...) 9 Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux Homosexualité Jacqueline, assistante sociale retraitée, vit depuis plus de 20 ans avec Marta, d’origine allemande. Elles sont l’une et l’autre très engagées dans l’accueil des migrants et des réfugiés dans la grande ville où elles vivent. Catherine et Monique se sont mariées il y a déjà deux ans pour la plus grande joie de Chloé, la fille de Monique. Elle est reconnue comme la « vraie sœur des enfants de Catherine. Ces deux femmes vivent ensemble après l’échec douloureux de leur premier couple hétérosexuel. En Israël, à Tel Aviv, on appelle famille alternative, celles composées de couples homosexuel ou transgenre. Dans l’exhortation, le Pape aborde peu la question de l’homosexualité sauf dans deux paragraphes. § 250 L’Eglise fait sienne l’attitude du Seigneur Jésus qui, dans un amour sans limite, s’est offert pour chaque personne sans exceptions… C’est pourquoi, nous désirons d’abord et avant tout réaffirmer que chaque personne, indépendamment de sa tendance sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et accueillie avec respect, avec le soin d’éviter toute marque de discrimination injuste et particulièrement toute forme d’agression et de violence… § 251 Au cours des débats sur la dignité et la mission de la famille, les Pères synodaux ont fait remarquer qu’en ce qui concerne le projet d’assimiler au mariage les unions entre personnes homosexuelles, il n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessin de Dieu sur le mariage et la famille… Ambiguïté dans l’Eglise Un prêtre ouvrier s’est entendu dire par ses camarades de travail marxistes : «Ton Eglise est toujours liée aux puissances d’argent, déphasée devant les découvertes scientifiques, hypocrite face aux problèmes du mariage et de la sexualité, 10 sans prise sur les forces vives de l’humanité qui n’éprouvent plus le besoin de Dieu, ni d’être sauvées.» § 200 Les Pères synodaux ont insisté sur le fait que les familles chrétiennes, par la grâce du sacrement de mariage, sont les principaux acteurs de la pastorale familiale, surtout en portant «le témoignage joyeux des époux et des familles, Eglises domestiques». Voilà pourquoi ils ont fait remarquer qu’»il s’agit de faire en sorte que les personnes puissent expérimenter que l’Evangile de la famille est une joie qui «remplit le cœur et la vie tout entière», car dans le Christ nous sommes «libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement» (Evangelii gaudium, n. 1). A la lumière de la parabole du semeur (cf. Mt 13, 3-9), notre devoir est de coopérer pour les semailles : le reste, c’est l’œuvre de Dieu. Il ne faut pas oublier non plus que l’Eglise qui prêche sur la famille est un signe de contradiction» ; mais les couples sont reconnaissants aux Pasteurs de leur offrir des motivations pour le pari courageux d’un amour fort, solide, durable, capable de tout affronter sur son chemin. L’Eglise voudrait se rapprocher des familles avec une humble compréhension, et son désir est «d’accompagner toutes les familles et chacune d’elles afin qu’elles découvrent la meilleure voie pour surmonter les difficultés qu’elles rencontrent sur leur route». Il ne suffit pas d’intégrer une préoccupation générique pour la famille dans les grands projets pastoraux. Pour que les familles puissent être toujours davantage des sujets actifs de la pastorale familiale, il faut «un effort d’évangélisation et de catéchisme» envers la famille, qui l’oriente dans ce sens. Quel mariage ? Philippe et Madeleine sont veufs et retraités. Ils vivent ensemble depuis plus de vingt ans et ne sont pas mariés. Pourquoi ? Le mariage civil obligatoire avant tout mariage religieux n’est guère compatible avec les droits de leurs nombreux enfants. Douze enfants à eux deux avec les conjoints, leurs enfants, cela fait bien trop de monde à mettre d’accord pour la succession. Mathieu est présenté à la communauté le jour de Bulletin de Liaison / n°321 son baptême. Sans hésitation, son père demande que pour son premier enfant l’accueil dans l’Eglise au nom de sa compagne et de lui-même. Dans l’Eglise et dans notre société, on entend répéter des règles morales : l’amour, mais, dans le mariage, un papa et une maman, c’est indispensable pour accueillir un enfant, mais, dans la vraie vie, que voyons-nous ? Mme X a refusé les examens permettant de confirmer le diagnostic de malformation incompatible avec la vie pour l’enfant qu’elle attend. Est-ce de l’inconscience ou le signe de l’accueil inconditionnel de l’enfant tel qu’il est ? René demande à Camille, 25 ans, si il est possible d’être à la fois moderne (cela veut dire de cohabiter) et d’être une chrétienne. La réponse de Camille est rapide et directe : c’est OUI. Le mariage est-ce signer un contrat ou s’engager à s’aimer toute la vie même dans les épreuves ? dit Marie-Thérèse. § 204 Les réponses aux questionnaires font également état, avec insistance, de la nécessité de la formation des agents laïcs de la pastorale familiale grâce à l’aide de psychopédagogues, de médecins de famille, de médecins communautaires, d’assistants sociaux, d’avocats de mineurs et de famille, ainsi que de l’ouverture d’esprit pour recevoir les apports de la psychologie, de la sociologie, de la sexologie, y compris du counseling. Les professionnels, surtout ceux qui ont l’expérience de l’accompagnement, aident à concrétiser les directives pastorales dans les situations réelles et dans les inquiétudes concrètes des familles… §205 Les pères synodaux ont signalé de diverses manières que nous avons besoin d’aider les jeunes à découvrir la valeur et la richesse du mariage. Ceux-ci doivent pouvoir percevoir l’attrait d’une union plénière qui élève et perfectionne la dimension sociale de l’existence, donne à la sexualité son sens entier, et qui en même temps promeut le bien des enfants et leur offre le meilleur environnement possible pour leur maturation ainsi que pour leur éducation. § 219 …La maturation de l’amour implique aussi d’apprendre à « négocier ». Ce n’est pas une attitude intéressée ou un jeu de type commercial, mais en définitive un exercice de l’amour mutuel, car cette négociation est un mélange d’offrandes réciproques et de renoncements pour le bien de la famille… § 234 Pour affronter une crise il faut être présent. C’est difficile car parfois les personnes s’isolent pour ne pas exposer ce qu’elles sentent, elles s’enferment dans un silence mesquin et trompeur. En ces moments, il est nécessaire de créer des espaces pour communiquer cœur à cœur. Le problème est qu’il devient plus difficile de communiquer de cette façon durant une crise si on n’avait jamais appris à le faire… La Joie de l’amour, éditions Fidélité - Lessius, présenté et annoté sous la direction du Service National Famille et Société (CEF), et de la Faculté de théologie du Centre Sèvres. 11 Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux Croire Le 13 mars 2016, les trois mouvements de Professionnels dans la Santé (AFPC – Association Française des Pharmaciens Catholiques -, ACMSS – Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux – et CCMF – Centre Catholique des Médecins Français -) se sont retrouvés pour une journée de formation commune ayant pour titre : OSONS L’ALLIANCE. Comme annoncé, vous trouverez dans ces pages la fin des interventions que nous avons pu enregistrer. En présentant la démarche de la journée Bertrand Galichon, président de la CCAPDS (Conférence Chrétienne des Associations de Professionnels Dans la Santé) et du CCMF a parlé de trois verbes qu’il a mis en perspective : savoir, connaitre et croire. Nous ne nous répétons pas. Un nouveau verbe est à l’œuvre aujourd’hui, le verbe CROIRE. Nous voulons le mettre en avant. Je sais que 1 + 1 = 2. C’est indépendant de ma petite personne. Je sais aussi que le Dr Machin est installé au 52 de l’avenue de Breteuil. Je ne connais pas ce médecin, je ne l’ai jamais rencontré. Par contre, connaître est synonyme de fréquenter. Si je connais le Dr Machin, c’est que je l’ai contacté à un titre ou à un autre. Croire va un peu plus loin. Cette relation qui a eu lieu avec le Dr Machin a été empreinte de confiance, une confiance réciproque. Donc je crois au Dr Machin, je me suis confié à lui, pour moi-même ou pour un patient. Il y a une alliance qui s’est créée avec le Dr Machin. Dans nos exercices professionnels, nous vivons une grande difficulté aujourd’hui. Nous sommes dans une société qui veut contraindre nos exercices professionnels par le verbe savoir, le savoir scientifique, le savoir économique, le savoir administratif. Une certaine normalisation de nos relations professionnelles veut nous contraindre au seul contrat. Finalement, est-ce que la confiance ou la croyance en l’autre sont nécessaires à partir du moment où il y a simple exécution d’un contrat ? Ici, nous sommes convaincus que nos exercices professionnels dépassent le simple contrat, non seulement avec la personne qui est prise en charge, mais aussi avec les personnes avec lesquelles nous la prenons en charge, qu’ils soient professionnels, ou que ce soit les familles, les accompagnants. Osons l’alliance intervention de Catherine OLLIVET Catherine Ollivet est Présidente de France Alzheimer de Seine-Saint-Denis. Elle est très impliquée dans la représentation des patients et usagers dans les institutions de santé, quel que soit leur statut. Catherine Ollivet nous a partagé deux grandes réflexions : 1) le regard du patient sur son entourage et les relations qu’il peut avoir avec tous les professionnels, 2) le regard sur les relations entre professionnels et éventuellement les conséquences que cela peut avoir. Je 12 vais essayer de vous conduire dans ce monde nouveau qui est la consécration du droit des usagers, juste pour vous poser le cadre des enjeux de cet « OSONS L’ALLIANCE ». Premier enjeu C’est l’alliance avec le patient lui-même. La loi de mars 2002 a consacré le droit des usagers au sein des établissements sanitaires, quel que soit leur statut. Cela a posé le cadre d’une alliance indispensable et formalisée avec les patients. Après cela sont venues toutes les lois, j’utilise le mot loi au sens général du terme : recommandations des sociétés savantes, recommandations de la HAS, toutes les démarches Bulletin de Liaison / n°321 de certification des hôpitaux, toutes les obligations légales, protocolaires, rédigées sur le papier, les obligations de traçabilité, c’est-à-dire tout ce poids papier – souvent informatisé – avec parfois le patient au cœur du processus, parfois le patient posé sur un cercle dans lequel sont les autres… On est entré au cours des années au cœur d’une très grande rigidité, j’appelle cela « rigidité formaliste », ou même « rigidité cadavérique », qui porte sur le papier l’ensemble des démarches qui ont pour fonction, pour idée première, l’intérêt du patient. Nul ne doute que, sur le papier, la volonté est bien l’intérêt du patient. Est-ce qu’on en est arrivé à la capacité de : osons écouter le patient ? Si sur le papier cela doit se faire, il est vrai que toutes ces lois, protocoles, recommandations, sont arrivés sans éducation pour aller avec, sans information de masse des usagers, sans information sur notre système de santé, sans information ni éclairage pour les professionnels de l’hôpital, de ville, de spécialités, ou infirmières libérales, qui sont les acteurs de terrain. C’est arrivé aussi à un moment où le politique n’avait pas encore mesuré l’explosion de l’accès aux informations extérieures, internet, les sites de santé, les réseaux sociaux. C’est arrivé en même temps, ce qui fait que le savoir en même temps que le tout-pouvoir étaient contestés. L’obligation légale sur le papier d’entrer en communication avec un patient qui, jusqu’à présent, était un patient silencieux, arrivait en même temps que la contestation du savoir : Dr Machin, vous pouvez me raconter ce que vous voulez, mais moi j’ai lu sur internet, dans mon réseau social facebook d’amis, on m’a déjà dit que… Donc tout ça a généré, une très grande complication supplémentaire pour cet osons le partage, osons l’écoute de l’autre, osons travailler ensemble. On s’est retrouvé instantanément plongé dans un chaudron bouillonnant d’interférences multiples que personne n’avait prévues, ou tout au moins que les décisionnaires n’avaient pas voulu entendre. Autre phénomène L’autre détail qui était parfaitement connu aussi en termes de projection, mais qu’aucune structure soignante n’avait voulu voir, était le vieillissement généralisé de la population. Aujourd’hui, on ne parle que de ça. Et lorsque toutes ces décisions et organisations formalistes se sont prises, on n’en parlait pas. Les médecins hospitaliers croyaient encore soigner des patients, alors qu’ils n’avaient pas mesuré qu’ils soignaient déjà des vieux. Au Contraintes économiques Droits des usagers Exigences institutionnelles OSONS L’ALLIANCE Usagers et professionnels dans la santé et le social, dimanche 9h-17h 13 mars 2016 ques de Conférence des Evê France Véronique DESJARDINS, Directrice du Centre Hospitalier de Versailles Catherine OLLIVET, Présidente de France Alzheimer Seine Saint Denis P. Jean-Marie ONFRAY, Responsable national de la Pastorale de la Santé Jean Guilhem XERRI, auteur de «A quoi sert un chrétien ?», Ed. du Cerf uil 58 avenue de BrMete Duroc 75007 PARIS Contact et inscription Anne-Claire Dumont Service Famille et Société 58 avenue de Breteuil 75007 PARIS une proposition de la Conférence Chrétienne des Associations de Professionnels Dans la Santé jour d’aujourd’hui, dans tous les hôpitaux, hors statistiques de maternité et pédiatrie, la moyenne d’âge des hospitalisations de plus de 72 heures est supérieure à 70 ans. Tous les spécialistes hospitaliers soignent déjà des vieux, tous polypathologiques, et ils ne le savent pas. Certains ne souhaitent pas le savoir. Tout cela pour vous dire que c’est un vrai bouleversement, un vrai cataclysme pour les organisations. J’ajouterai que c’est arrivé conjointement, que tout cela s’est fait en très peu d’années, donc s’est empilé avec la gestion « entreprise » de l’hôpital, c’est-à-dire une gestion financière. A la lumière aussi – il faut le dire – de deux contraintes : l’appauvrissement, le « trou » de la Sécu, dont les vieux qui ont des cheveux blancs comme moi entendent parler depuis très longtemps, enfin un trou qui était devenu abyssal. Une autre contrainte, il faut le dire, ce sont les dérives parfois ahurissantes de gestion financière de certains directeurs, avec des directeurs d’hôpitaux qui se sont livrés, comme les politiques, à des emprunts toxiques. Tout le monde fait semblant de l’ignorer… Mon département de Seine-SaintDenis en est un des départements emblématiques. 13 Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux C’est un sujet que j’ai bien suivi, mais les hôpitaux en ont fait autant. Quelques directeurs d’hôpitaux complètement mégalo qui ont fait des reconstructions, des agrandissements, d’immenses navires amiraux, poussés parfois par des chefs de service de spécialités complètement mégalo aussi. Alors un directeur mégalo et un chef de service mégalo emblématique et médiatisé, réunissent internet, le pouvoir politique, le pouvoir médiatique, la une du 20 heures…, enfin un chaudron magique dans lequel « Osons l’alliance » n’a plus aucune place parce qu’on est en plein délire. Ceci, pour vous planter le décor. Autre décor J’aimerais vous planter très concrètement un autre décor, mon témoignage. J’existais sur le terrain des hôpitaux avant la loi HPST. Certains directeurs d’hôpitaux avaient établi, bien avant cette loi, en particulier dans le cadre des enfants et du vieillissement, qu’on ne pouvait ignorer que ces enfants et ces vieux avaient une famille. Que 9 fois sur 10, c’était la famille qui faisait vivre au quotidien l’enfant ou le vieux malade. Que donc cette famille devait avoir sa place et sa parole. Depuis longtemps, les hôpitaux de gériatrie, en particulier ceux de l’APHP, dont Madame Desjardins a été une directrice emblématique, m’ont fait intervenir avec le titre de personne qualifiée, car il n’y avait pas de structure officielle de la représentation. On pensait qu’avec ma casquette Alzheimer – maladie emblématique du cumul des vulnérabilités : physique, psychique, décisionnelle, affective, familiale, – c’était une magnifique pathologie pour servir de raisonnement dans une équipe, et du soin, et de la vie d’un malade dans un parcours de vie, et non pas pris au temps 1 et relâché sur le trottoir de l’hôpital au temps 2. Ceci pour vous dire que j’ai un certain vécu. Depuis que la démocratie en santé a pris une place complète, officielle, revendiquée parfois avec les mêmes excès, je me livre à des expérimentations absolument extraordinaires qui s’appellent l’audit observationnel. J’ai toujours l’accord du directeur, pour ne pas aller comme ça au feu. On a une grille d’analyse, on se tait et on se contente d’observer les choses en fonction de cette grille. Je me dois de témoigner que, par exemple, sur un lieu emblématique dont les médias aiment beaucoup s’emparer, mais les médecins et les patients aussi, qui sont les urgences, j’ai fait beaucoup d’audit observationnel. Et mon créneau horaire est 21 h – 14 minuit. Tous les urgentistes adorent vous présenter rodéo-urgence comme on voit à la télé. C’est l’heure où tout se vit, tous les cabinets de généralistes sont fermés. J’ai découvert beaucoup de services d’urgence avec zéro minute d’attente. Et je me dois de témoigner que j’ai vu le meilleur et le pire. Le meilleur et le pire J’ai vu une infirmière, un certain soir de janvier, accueillir un SDF avec des doigts de pied gelés. Une infirmière, non seulement d’une grande humanité, mais de la juste place. Ni la virago autoritaire : « Mais, mon pauvre monsieur, quand on est dans la rue et qu’on a les doigts de pied tout noirs, on doit faire quelque chose… », ni dans la fuite : « Il est sale, il sent mauvais, je ne peux pas le toucher… ». Un niveau de professionnalisme et d’humanité admirable. Le même soir, et c’est ce qui m’a interpellé, à l’autre extrémité, j’avais une porte grande ouverte sur un couloir où tout le monde passait. Une femme seule, abandonnée, en position gynécologique, tournée vers la porte grande ouverte. Quelle angoisse ? J’ai vu la consultation d’une femme qui était là pour des douleurs abdominales. Cette femme avait une grande anxiété, elle avait un enfant handicapé d’une douzaine d’années, donc son mari était venu avec l’enfant handicapé qu’on ne pouvait laisser seul. Le niveau d’anxiété de cette femme, c’était son anxiété de mère, ce n’était pas : « Pourquoi j’ai mal au ventre ? » mais « Qu’est-ce-qui va se passer pour mon enfant qui est dans le couloir, et qu’est-ce que cela va donner ? » C’était une angoisse de mère. Je vous jure que chaque mot que je vous dis est authentique, elle était auscultée, par une ravissante, jeune interne, qui savait malheureusement qu’elle était très belle. Elle consultait la blouse ouverte sur un décolleté aussi sublissime que son visage, et je n’avais jamais vu arriver autant d’internes qui entraient dans cette consultation sans se présenter, sans saluer la patiente, sans lui présenter leurs excuses : « Madame, j’ai quelque chose… », qui venaient parler d’un sujet totalement ésotérique à la jeune interne, et qui ne ressortaient pas. C’est sûr qu’il y avait zéro minute d’attente ce soir-là, mais il y avait une concentration d’internes incroyable, qui s’accumulaient au fur et à mesure des minutes, et pas un seul n’a répondu à la question de cette mère angoissée « Qu’est-ce que vous allez faire Bulletin de Liaison / n°321 comme examens ? Combien de temps allez-vous me garder ? Mon petit garçon dans le couloir est affolé. » C’est authentique et c’est mon témoignage du meilleur et du pire. Témoignage personnel En janvier j’ai accompagné mon mari dans les trois dernières semaines de sa vie. Il souffrait d’insuffisance respiratoire gravissime. C’était sa deuxième décompensation et nous savions, lui comme moi, qu’il n’y avait plus rien à faire. Je peux vous témoigner là aussi du meilleur et du pire, du pire raisonnable. Il y a longtemps que j’ai appris que nous ne sommes pas égaux devant la maladie. Mon mari n’était pas un malade lambda, c’était le mari de madame Ollivet, bien connue dans l’hôpital : pistonné ! Où est l’équité ? L’infirmier s’est accroupi au pied du lit pour être sous le regard du mourant, ne pas le dominer de sa stature, sous son regard, un geste absolument extraordinaire. J’ai vu entrer une interne disant : « Monsieur Ollivet, on vous emmène pour un scanner. – Je vous ai déjà dit que j’exigeais de savoir pourquoi. – Pour voir si vous n’auriez pas de métastases au cerveau – M’avez-vous demandé mon avis ? - Le brancardier est dans le couloir, vous avez de la chance d’avoir un scanner très vite. » Faire alliance Voilà le vrai, dans une relation humaine qui ne fait plus l’alliance, qui sait comment la faire, qui sait que cela ne prend pas plus de temps de faire l’alliance, qu’on y gagne beaucoup de temps après, mais qui a perdu de vue que l’alliance est une vertu humaine. Aucun d’entre nous, même le plus grand professeur, n’est indépendant. Nous vivons tous dans une interdépendance. A ma connaissance, vous ne mettez pas une vache dans votre jardin pour tailler vos biftecks et vous n’avez pas de mouton pour filer la laine et tricoter votre pull-over. Nous vivons tous dans une société totalement inter-dépendante et qui ne vivra que de la richesse de l’échange. Progrès possible Donc, ces témoignages concrets me disent qu’il y a une marge de progrès, mais que cela dépend aussi beaucoup des valeurs individuelles. On parle du développement des valeurs professionnelles, des valeurs déontologiques, éthiques, philosophiques ou éventuellement religieuses On voit bien qu’on est dans un conflit de valeurs, et dans cette alliance je voudrais juste, pour terminer, vous transmettre mes interrogations. Catherine OLLIVET Temps d’écoute En terme de progrès, de ce qui devrait en être, mais qui ne se traduit pas par des progrès, par exemple, beaucoup de médecins, de médecins de ville comme de médecins hospitaliers, pensent qu’ils se sont rendus accessibles en donnant leur numéro de portable à leurs patients, ou tout au moins à ceux qui ont une pathologie complexe. Que disent les usagers ? Que leur médecin, au cours d’une consultation qui doit durer un quart d’heure maximum parce que le temps est compté, est interrompu trois fois. On vient de sortir une étude, je cite juste des grandes lignes, des symboles-clefs, pas des chiffres exacts. Je crois que le temps consacré, au cours d’une consultation, en moyenne, à l’écoute de ce que le patient a à dire, c’est 22 secondes… Cela fait mal de l’entendre… Cela avait été mesuré il n’y a pas très longtemps pour les infirmières en gériatrie. Elles s’adressaient directement au patient dans son lit une minute par vingt-quatre heures, on lui parlait, à lui, et non pas à la troisième personne. Aujourd’hui, avec cette immense convivialité planétaire, grâce à internet,… où en est-on de cette écoute et du partage de cette écoute ? Transmissions On a formalisé les transmissions, il y a des protocoles, des transmissions ciblées, des exigences de traçabilité. Moi, que vois-je dans ma vraie vie d’observatrice silencieuse, je vois des transmissions où 50 % du personnel a déjà une main sous la table 15 Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux et est en train de faire ses SMS sur son portable. Ce n’est pas comme ça, les vraies transmissions. Avant, il n’y avait pas d’écran et de saisie informatique avec la traçabilité, mais il n’y avait pas le portable ! Donc les gens s’écoutaient et se regardaient dans les yeux. Aujourd’hui, la moitié des yeux sont baissés. Donc mon interrogation, c’est : modernité, outil convivial, collégialité, l’écoute du médecin quand il a donné son n° de portable. Pour moi, être proche d’un patient, ce n’est pas être à l’écoute lorsque vous avez donné votre n° de portable. Donnez-le et réservez un créneau horaire. « S’il y a un souci, appelez-moi, entre telle et telle heure. » Mais le patient qui est en consultation chez le cardiologue qui est interrompu quatre fois, c’est invivable. Il n’y a plus de dialogue, il n’y a plus de compréhension, il n’y a plus de collaboration, il n’y a plus de possibilité d’échange pour éventuellement apporter au patient les étapes de l’éducation thérapeutique. Collégialité Quelle est la qualité de la transmission quand les outils de la modernité font qu’on ne se regarde plus dans les yeux. Ce n’est pas anecdotique - j’ai beaucoup investi dans les obligations règlementaires. Dans les hôpitaux, lorsqu’il y a une réclamation, on doit organiser une médiation. Lors de cette médiation, éventuellement médicale, le patient dit qui il veut rencontrer, médiateur médical, médiateur non médical, cela peut être les deux, cela peut être le médecin impliqué dans la prise en charge, cela peut être le chef de service (vous savez que, dans la loi, au bout du compte, c’est toujours le chef de service qui est responsable), et un représentant des usagers. 16 J’en profite pour tordre le cou au mensonge : les patients deviennent de plus en plus procéduriers. C’est totalement faux, il n’y a pas de judiciarisation. Le pouvoir médical, le pouvoir des grands patrons, n’a pas du tout disparu. On voit des cadres de santé, des infirmières, qui se tortillent, ne sachant comment dire que la plainte du patient est parfaitement justifiée, alors que le chef de service, qui est là, tranche. Cela n’est pas possible. En conclusion La collégialité me préoccupe beaucoup sur le plan éthique, parce qu’elle est devenue emblématique, en particulier dans le cadre des travaux sur l’euthanasie. C’est là que le mot collégialité a explosé dans les médias. Je m’interroge sur la valeur ajoutée de la collégialité. Les deux pièges à mes yeux, les deux dangers, c’est qu’au bout du compte elle ne s’exprime pas parce que c’est la parole médicale qui domine, pour certains chefs dominants. Dans ce cas la collégialité est biaisée par l’autorité dominante qui ne laisse pas la place à la parole des autres. L’autre grand danger, qui m’inquiète le plus, c’est une collégialité qui cherche l’unanimité et donc la déresponsabilisation. Mal pensée, elle va ouvrir la porte à un grand délire de « c’est pas moi, c’est l’autre », ou de « c’est pas moi, c’est nous. » Et donc plus personne n’assumera, en tant qu’homme, et en tant que professionnel, ses responsabilités d’homme. Bulletin de Liaison / n°321 C’est maintenant le moment favorable Laudato Si l’affirmait. En décembre 2015, la signature de l’accord final de la COP 21 a été une étape importante dans la lutte contre le réchauffement climatique. D’autres étapes ont été franchies depuis. En avril la signature solennelle à l’ONU de tous les états et en septembre, avant le G 20, l’engagement des deux plus gros pollueurs, la Chine et les USA. Depuis peu, la signature à Kigali au Rwanda de l’accord sur les HFC (hydrofluorocarbure) très nocifs pour le climat. Ces signatures sont importantes, l’accord de la COP 21 ne pourra entrer en vigueur que s’il est signé par 55 états représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La huitaine de pays ayant ratifié l’accord n’est pas encore suffisante, mais le ralliement des USA et de la Chine permet d’attendre les 55% nécessaires à la mise en œuvre de l’accord. Il reste la mise en place des actions concrètes qui nous concernent en tant que citoyens. Où en sommes de la transition énergétique ? Au 2ème trimestre de cette année, 26% de notre consommation électrique a été fournie par des énergies renouvelables. Mais la construction d’éoliennes est freinée par leur coût, et aussi par l’opposition des riverains. La chaleur de l’été 2016 nous fait-elle éteindre plus longtemps le chauffage, ou bien a-t-elle fait tourner à fond les climatiseurs ? Les poubelles sont-elles moins pleines aujourd’hui ? Les éboueurs refusent toujours certaines d’entre elles pour des erreurs de tri. Où en sommes-nous, chacun d’entre nous, dans nos gestes quotidiens à la maison et au travail ? Il ne suffit pas de limiter l’usage du papier. Internet et les e-mails sont aussi de gros consommateurs d’énergie (électrique et cérébrale). Affirmer que le gaspillage c’est fini nous incite à vérifier nos gestes quotidiens sans pour autant oublier les engagements collectifs. 17 Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux A lire... La puissance de la modération de Pierre RAHBI, Hozhoni Editions, 2015 Encore un livre de Pierre Rahbi, direz-vous, et quelque peu déroutant. C’est un recueil de pensées courtes extraites de ses écrits ou de ses conférences. La lecture continue ne s’impose pas. On peut glaner à travers les différents chapitres qui ont pour titre deux mots, qui s’opposent ou se complètent. Par exemple : Nature, Respect ; Compétition, Croissance ; Aberration, Modernité ; Peur, Insécurité... Pour ma part, j’ai retenu quelques-unes de ces formules que je vous propose. - La modération est puissante en ce qu’elle nous permet de reconquérir notre légitimité : plus nous sommes modérés, plus nous pouvons répondre par nousmêmes à nos besoins fondamentaux et nous garder de l’aliénation. - Le drame du monde actuel est d’avoir permis à l’argent de légitimer de véritables hold-up sur le bien commun. Une minorité a légalisé son droit à piller ce qui est nécessaire à la survie de tous. La démesure des uns provoque la ruine et l’indigence des autres. - Cultiver un potager, ce n’est pas seulement produire ses légumes, c’est apprendre à s’émerveiller du mystère de la vie. - Se mettre dans une attitude de recevoir les dons et les beautés de la vie, et donc de la nature, avec humilité, gratitude et jubilation, ne serait-ce pas là la plénitude ? - En souillant, dissipant, gaspillant l’eau pourvoyeuse de vie, les humains profanent la vie et ne sont plus dans l’ordre de la vie. En asservissant au lucre cette substance sacrée, les humains se font usurpateurs d’un bien légitime à toutes les créatures consacré. - Jamais la liberté ne pourra être instaurée de par le monde si nous ne sommes pas nous-mêmes libres intérieurement. - Face à un système qui confisque le droit des peuples à se nourrir par eux-mêmes, cultiver son jardin est un acte politique de légitime résistance. - Le temps n’est plus aux discriminations, aux cloisonnements sociaux, aux antagonismes de caste, mais à la fédération de toutes les consciences pour mettre ensemble tous les talents et les moyens matériels afin de construire d’urgence et ensemble un monde viable pour tous. - La violence est fille de la peur. Cette dernière réflexion m’a particulièrement interpellée durant cet été où nous avons connu l’attentat de Nice et l’assassinat du père Jacques Hamel. Ce sont les évènements dramatiques qui nous ont frappés chez nous alors que les conflits et les attentats au Moyen-Orient font chaque semaine des centaines de victimes. Marie-Mad COINCHOT 18 Bulletin de Liaison / n°320 Qu’est-ce qu’on attend ? film de Marie-Monique ROBIN, en salle le 23 novembre2016 Cette journaliste, écrivain et réalisatrice a inspiré le documentaire « Demain ». Après avoir parcouru le monde pour ses films et livres d’investigations. Elle est interpellée au cours d’une conférence par un habitant d’Alsace qui lui dit : « tout ce que vous montrez là, on le fait déjà chez nous ». Elle se rend à Ungersheim qui est une ville en transition. A l’initiative de son maire, cette commune de 2200 habitants a mis en œuvre depuis plusieurs années des actions concrètes : autonomie alimentaire, écohabitat, économies énergétiques (parc photovoltaïque, transport scolaire à cheval….) avec à la clé la création de 100 emplois non délocalisables. C’est un film optimiste quant aux valeurs humaines : solidarité, sens de l’enjeu collectif, bonheur d’agir ensemble, désir d’un mieux vivre ensemble toutes générations confondues. C’est une invitation à faire des « petits possibles », mis bout à bout, ils auront une répercussion sur l’avenir ; sauvons notre planète, repérons et soutenons les initiatives locales ! Marie-Claude Pour en savoir plus : http://www.mairie-ungersheim.fr/village-en-transition/ http://www.transitionfrance.fr/2016/06/19/un-prix-pour-marie-monique-robin-et-quest-ce-quon-attend/ « Un style de vie sobre nous fait du bien et nous permet de mieux partager avec celui qui est dans le besoin. » Pape François (Tweeter) Ca suffit le gâchis ! « J’utilise mon sac ou mon cabas », « j’achète à la coupe ou en vrac », « j’achète la juste quantité d’aliments », « j’accommode les restes », « je fais du compost »… L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) est généreuse en multiples conseils de bons sens pour lutter quotidiennement contre le gaspillage. www.casuffitlegachis.fr 19 Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux De l’empathie à la compassion En feuilletant chez des amis la revue « Le Point » du 8 sept 2016, je suis tombé sur un article qui m’a intéressé et qui, me semble-t-il, nous interpelle comme praticiens de santé et comme chrétiens. Depuis plusieurs années, déjà, nous remarquons la présence de plus en plus importante sur le devant de la scène médiatique de comportements traditionnellement initiés et transmis par la sphère religieuse, jeûne et méditation notamment. Une présence qui s’est émancipée de ses attaches traditionnelles en se vidant de son sens religieux et réinvestie d’un contenu de santé. Dans ce cadre là ils sont devenus des objets d’étude recevant une caution scientifique qui renouvèle leur intérêt. C’est cette actualité que je trouve reprise dans cet article du Point avec pour titre : « Et si l’altruisme était inné ? – Nous ne naissons pas égoïstes. La preuve par les neurosciences. » Cet article rend compte de la différence que les neurosciences ont mises en évidence entre empathie et bienveillance-compassion. L’empathie est décisive dans les rapports interhumains puisqu’elle recouvre notre capacité émotionnelle à nous mettre au diapason de l’autre, des sentiments de l’autre. Si cette capacité est décisive dans nos métiers de soignants, l’empathie peut aussi déboucher sur une détresse empathique, comme la nomment les scientifiques. Ils ont d’ailleurs observé, selon une étude américaine, « que 60% du personnel soignant souffre de burn-out à un moment donné de sa carrière ». Mais ce qui est passionnant dans l’affaire c’est que ce burn-out a son antidote, un antidote non médicamenteux : la compassion. C’est l’observation du cerveau par Mathieu Ricard qui a permis à la fois de différencier empathie et compassion et de mettre en évidence la fragilité de l’empathie et son remède. Il y a là, me semble-t-il, de quoi réinterroger les nouveaux impératifs adressés aux surbookés de l’empathie : “faut s’occuper de soi“. Il y a là souvent une importation dévoyée des philosophies orientales, en particulier le bouddhisme, qui au lieu de réorienter le sujet vers le soi, l’enkyste dans un moi, pris pour le soi, décomplexé et déculpabilisé. Pourtant c’est bien d’une réorientation vers le soi dont 20 il s’agît en lui dégageant un espace de respiration à travers une méditation tournée vers la compassion. “En inhibant volontairement cette compassion alors qu’il était témoin, dans le cadre de ses recherches, de terribles souffrances chez des enfants, Mathieu Ricard a vécu un crash émotionnel en vidéo. Mais, précise-t-il, « à peine j’eus fait basculer l’orientation de ma méditation vers l’amour et la compassion que mon paysage mental se transforma du tout au tout. Je ressentais à présent un profond courage lié à un amour sans limite envers ces enfants. » “ Mais précise la chercheuse à l’origine de toutes ces expériences « ces capacités sont plastiques autant que le cerveau ». Autant dire que prévenir l’épuisement professionnel et soigner “la névrose chrétienne“ qui pourrait y conduire peut se faire en prescrivant l’intégration à une équipe d’ACMSS où la rencontre des autres et le souci d’inscrire notre vie dans le rapport à l’évangile ne peut que participer à entretenir la plasticité du cerveau en augmentant notre capacité de compassion. Plus sérieusement, bien que…, ces recherches viennent nous réinterroger individuellement et collectivement sur notre rapport à ces différences établies entre contagion émotionnelle et empathie. Un bébé qui pleure parce qu’il entend un autre bébé pleurer est le prototype de la contagion émotionnelle. L’empathie viendra plus tard lorsqu’il sera capable de faire la différence entre soi et l’autre. Empathie et compassion qui, bien que non séparables, doivent être distinguées. Aujourd’hui on entend critiquer la dérive compassionnelle de la politique. Si mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde, il y a là matière à stimuler notre réflexion sur tous les plans, à la fois individuel et collectif, professionnel, existentiel, spirituel. On peut se demander si collectivement, nous ne sommes pas davantage dans la contagion émotionnelle, une dérive empathique avec les instrumentalisations conséquentes, plutôt que dans la compassion dont le fruit est d’accroître notre volonté de fraternité et de solidarité en entretenant et restaurant nos aptitudes d’action. Réinterroger l’évangile dans ces perspectives-là pourrait également nous aider à Bulletin de Liaison / n°320 éclairer nos positionnements et à les approfondir. Et en cette année de la miséricorde quel rapport entre compassion et miséricorde ? + + Jean-François COSTES Agenda Prochaines réunions de l’ENA • 3-4 décembre 2016 • 30 janvier 2017 • 11 et 12 mars 2017 • 24 et 25 juin 2017 A noter • 28 janvier Assemblée Générale ACMSS • 29 janvier Journée de formation en commun avec l’AFPC Abonnement au BULLETIN DE LIAISON de l’ACMSS de janvier à décembre 2017 Nom : Prénom : Profession : Adresse : Téléphone(s) : e-mail : s’abonne (ou se réabonne) au B.L. et verse le montant de l’abonnement : 20 € adhère à l’ACMSS chèque à l’ordre de : ACMSS à renvoyer à : ACMSS, 33 rue du Général Leclerc, 92132 Issy-les-Moulineaux cedex 21 Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux Assemblée Générale de l’ACMSS samedi 28 janvier 2017 14h : temps statutaire (rapports d’activités, moral et financier), orientations du Mouvement + formation et échange sur « le sens politique » au début d’une année électorale où nous seront appelés à voter quatre fois. Journée de formation dimanche 29 janvier 2017 Les personnes en souffrance psychique : mieux les connaître, mieux les accueillir programme 9h : accueil 9h30 : Présentation de la journée Vidéo et témoignages de malades et de leur famille Témoignages des membres des Mouvements Echanges en carrefours 12h30 : Repas 14h : Reprise à deux voix et échanges avec l’ensemble des participants 16h : Célébration eucharistique Vous pouvez inviter largement des personnes de vos relations. Renseignements pratiques : La journée se déroulera au Centre Internationnal de Séjour Paris. CISP, 17 boulevard Kellermann, 75013 PARIS Vous pourrez loger au CISP en vous adressant directement et rapidement au service de réservation. Tél : 01 43 58 96 00 / e-mail : [email protected] (draps et serviettes sont fournis). + Il vous est également proposé de découvir les nouveaux locaux de l’ACMSS. Rendez-vous le samedi 28 janvier à partir de 10 h à Issy-les-Moulineaux (déjeuner possible au centre Kellermann près de la porte d’Italie ; soirée touristique avec les « Parisiens »). Après votre inscription, vous recevrez à titre de confirmation un programme détaillé et les indications de transport pour vous rendre à Issy-les-Moulineaux et au CISP, boulevard Kellermann. en partenariat et en commun avec l’Association Française des Pharmaciens Catholiques 22 Bulletin de Liaison / n°321 INSCRIPTION inscrive z-v mainte ous nant Assemblée Générale de l’ACMSS du 28 janvier 2017 Journée de formation du 29 janvier 2017 Nom : Prénom : Adresse : Téléphone : e-mail : participera à l’Assemblée Générale de l’ACMSS le samedi 28 janvier 2017 au CISP (Paris 13e) - inscription et repas : 35 € Merci de préciser votre heure d’arrivée : ................. participera à la Journée de formation du dimanche 29 janvier 2017 au CISP (Paris 13e) - inscription et repas : 40 € Merci de préciser votre heure d’arrivée : ................. Merci de joindre à votre inscription un chèque unique et de nous les retourner à : AFPC, 5 avenue de l’Observatoire, 75006 PARIS (chèque à l’ordre de « ACMSS ») 23 PRIERE de Saint Grégoire de Narek Tu n’es pas un juge qui condamne, mais un Sauveur. Tu ne perds pas, mais tu trouves. Tu ne tues pas, mais tu donnes la vie. Tu n’exiles pas, mais tu ramènes. Tu ne noies pas, mais tu sauves. Tu ne pousses pas, mais tu relèves. Tu ne maudis pas, mais tu bénis. Le Christ, Rembrandt Tu ne venges pas, mais tu pardonnes.