Neurologie de l`action et de la motivation

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Neurologie de l’action et de la motivation :
de l’athymhormie à l’hyperactivité
M. HABIB (1)
INTRODUCTION
La neurologie du comportement a connu, ces dernières
années, une croissance considérable, passant par là
même du statut de branche mineure de la neuropsychologie, à celui de discipline médico-scientifique à part
entière. Dans cette évolution récente, deux figures marquantes de la neurologie du XXe siècle ont indubitablement joué un rôle majeur : Norman Geschwind (32), qui
a en quelque sorte établi les fondements de la discipline
en montrant que des perturbations psychiques profondes
pouvaient être expliquées par une séparation physique,
une déconnexion, entre deux zones cérébrales distinctes,
et Antonio Damasio (18), qui a définitivement fait admettre
le modèle de l’humain cérébro-lésé comme un vecteur privilégié de notre compréhension de l’un des grands mystères du fonctionnement mental de l’Homme : les liens
entre l’intelligence et l’émotion. Mais alors que Damasio
et son école ont ainsi largement contribué à nos connaissances actuelles de la fonction émotionnelle des lobes
frontaux en particulier, nous savons encore relativement
peu de chose sur le rôle des ganglions de la base, si ce
n’est que leur intervention se fait essentiellement en tant
qu’interface entre émotions et action, ce qu’on qualifiera
volontiers de motivation (37). C’est donc à ce sujet que
sera consacrée la première partie de cet article, en rappelant les principales étapes qui ont permis à la neurologie
comportementale de contribuer de manière déterminante
à la problématique du substrat cérébral de la motivation
humaine.
C’est également à Geschwind que l’on doit d’avoir initié
un développement encore plus récent de la discipline,
celui qui concerne la mise en place des systèmes neurocognitifs au cours de la maturation du cerveau, ce que l’on
dénomme volontiers aujourd’hui la neuropsychologie du
développement. Geschwind, par sa grande intuition clinique, avait remarqué que les enfants en difficulté d’apprentissage avaient souvent quelques caractéristiques qui
laissaient penser que le développement du cerveau pouvait se faire chez eux de façon atypique, et a imaginé plusieurs scénarios par lesquels l’évolution avait pu continuer
à sélectionner des individus exceptionnels, soit du fait de
déficits sectorisés de leurs fonctions cognitives, soit au
contraire du fait de talents particuliers les plaçant au-dessus de la moyenne de leurs pairs dans d’autres domaines
du fonctionnement intellectuel. Un représentant exemplaire de ces cerveaux atypiques est certainement l’enfant
hyperactif, qui a par la suite fait l’objet de nombreuses études largement influencées par le fait qu’il s’agit pratiquement de la seule pathologie en neurologie du développement qui soit sensible à l’effet d’une famille de
médicaments, les amphétamines. C’est donc surtout à travers cette approche pharmacologique que la neurologie
s’est jusqu’ici seulement intéressée à la question. La
deuxième partie de cet article nous démontrera qu’une
approche inspirée de la neurologie du comportement, par
analogie avec les connaissances obtenues chez l’adulte
cérébro-lésé, peut s’avérer, ici également, très fructueuse.
ATHYMHORMIE ET GANGLIONS DE LA BASE
Vers la fin des années 80, nous avions été frappés, mon
collègue Michel Poncet et moi-même (38), par les modifications comportementales que nous avions observées
chez deux patients, porteurs de lésions similaires confinées dans la partie antérieure des noyaux gris centraux.
La principale caractéristique de ces lésions, outre leur
nature vasculaire particulière (lacunes cérébrales) que
nous ne discuterons pas ici, était précisément de concerner exclusivement, mais de façon bilatérale, la tête du
noyau caudé et la substance blanche avoisinante, et ce
de façon étonnamment discrète par rapport à l’intensité
des modifications comportementales.
(1) Service de Neurologie Pédiatrique, CHU Timone, 13385 Marseille cedex 5.
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Un « nouveau » syndrome neurologique
En effet, les deux patients, deux hommes dans leur septième décennie, avaient, selon leur entourage, et selon
leurs propres dires, radicalement changés de personnalité, après ce qui s’est avéré être une succession de petites
lacunes, probablement liées à une hypertension ancienne
méconnue. Alors qu’ils étaient tous deux des personnes
très actives, très impliquées dans leur profession comme
dans leur vie familiale, ils étaient devenus, à la suite de
ces lésions, totalement inertes, apathiques, inactifs et
sans plus aucun indice apparent de ce que Dide et Guiraud
(22) dénommaient l’élan vital, sans doute par analogie
avec le concept bergsonnien du début du siècle. Cette
apathie, cette absence d’activité spontanée, se doublait
également de deux aspects qui se sont ensuite imposés
comme des éléments fondamentaux du syndrome : une
apparente indifférence affective, ou du moins une incapacité de l’environnement usuel à provoquer les actions
habituelles soit de recherche du plaisir soit d’évitement
des désagréments, et une absence de pensées spontanées, véritable vide mental, parfois impressionnant par
son intensité. Ainsi un des deux patients, professeur d’université en activité avait pu rester près d’une heure immobile face à son examinateur, lui-même occupé à compulser ses dossiers, sans poser aucune question, sans la
moindre marque d’impatience ni de curiosité face à
l’incongruité de la situation. Au contraire, lorsque après ce
long moment l’examinateur lui demanda comment il se
sentait, il répond « parfaitement bien » et à quoi il avait
pensé pendant toutes ces minutes, « à rien, absolument
à rien ». L’autre patient était resté 24 heures sans s’alimenter, attendant patiemment que son épouse le lui propose, mais mangea ensuite d’un appétit normal le plateau
qu’elle lui amena. D’autres cas similaires de lésions bicaudées ont également été ensuite publiés qui portaient les
mêmes caractères cliniques (48, 75). Kumral et al. (48)
ont ainsi collecté 25 cas de lésions caudées, dont 15 présentaient ce qu’ils appellent une « aboulie », qu’ils définissent comme « decreased spontaneous activity, prolonged latency in responding to questions, fatigue, and an
aversion to any activity ». On voit bien là la nature très spéciale de ce tableau, surtout lorsqu’on réalise que les capacités sous-jacentes sont intactes : les patients ne bougent
pas spontanément, restent des heures dans la même
position, mais si on les incite à se déplacer, ils le font très
facilement, souvent même de manière anormalement
docile. De même si on les interroge sur leurs connaissances, leur mémoire et si on mesure leurs aptitudes intellectuelles, on s’aperçoit que celles-ci sont étonnamment respectées, parfois supérieures, et qu’en tout cas l’on n’a pas
affaire à des personnes souffrant de troubles cognitifs au
sens habituel du terme. Certes, les capacités attentionnelles, l’empan numérique et certaines épreuves exécutives comme le test de Wisconsin peuvent être altérés,
mais globalement, on ne retrouve pas les déficits habituellement retrouvés lors de lésions frontales, surtout celles accompagnées de tels états d’apathie, comme lors de
démence avancée, ou de dégâts traumatiques sévères
des lobes frontaux. Ici, du reste, le cortex frontal est intact
Neurologie de l’action et de la motivation : de l’athymhormie à l’hyperactivité
et même la substance blanche des lobes frontaux est dans
sa majeure partie préservée. Ce tableau nous amena
même à reconsidérer un concept qui était à l’époque très
couru, celui de démence sous-corticale ; certes les lésions
étaient sous-corticales, mais on ne retrouvait pas la distinction alors classique entre fonctions instrumentales
intactes et fonctions basiques ou exécutives altérées : ici,
ni l’attention, ni la mémoire, ni même les apprentissages
procéduraux n’étaient significativement atteints, et du
reste, on ne pouvait pas parler de démence puisque les
tests neuropsychologiques n’étaient pas significativement
déficitaires. Et pourtant le handicap était majeur, faisant
de ces personnes intellectuellement et physiquement
« normales » de grands handicapés dans leur vie quotidienne, totalement dépendants d’autrui pour survivre.
Résurrection d’un ancien concept : l’athymhormie
En fait, la nature du déficit rappelait plutôt celui de certains patients schizophrènes, volontiers qualifiés de déficitaires aujourd’hui, jadis appelés hébéphrènes, et à propos desquels Dide et Guraud (22) avaient créé le terme
d’athymhormie, des deux racines grecques ορµη (hormé),
qui signifie élan, impulsion, et θυµος (thumos), qui signifie
sentiment, humeur [pour une revue exhaustive de l’historique du concept, voir l’excellent papier de Luauté et Saladini (52)]. De fait la ressemblance est troublante entre les
deux types de pathologie, l’une psychiatrique, l’autre neurologique, au point que si l’on n’avait la certitude des
lésions cérébrales, et surtout de la survenue de novo du
trouble à la suite de ces lésions, on pourrait aisément envisager certains diagnostics psychiatriques, la schizophrénie, mais aussi et peut-être surtout la dépression, avec
laquelle l’athymhormie partage beaucoup de points
communs : l’apathie comportementale, un certain degré
d’aboulie, qui caractérise souvent le déprimé, le désintérêt, parfois total et profond ; mais c’est surtout au niveau
des émotions et de la vie psychique en général que se
situe précisément la différence, entre l’athymhormique qui
n’a aucune pensée spontanée, et s’en trouve plutôt bien,
et le déprimé qui ressasse ses pensées négatives, voire
morbides, et qui souffre proportionnellement à l’intensité
de son activité mentale. Du reste, dans une de nos observations publiées par la suite (37), nous rapportions le cas,
illustrant bien cette différence, d’un homme de 35 ans qui
à la suite d’une affection cardiocirculatoire, avait présenté
deux accidents ischémiques, le premier ayant détruit la
tête du noyau caudé gauche, et dont les conséquences
neuropsychologiques avaient été pratiquement inexistantes, hormis une dépression sévère ayant nécessité plusieurs hospitalisations, avant que ne survienne une
deuxième lésion, dans la profondeur de l’hémisphère
droit, dont les conséquences ont été l’apparition d’un
tableau athymhormique typique et sévère et la totale disparition de tout symptôme dépressif, en particulier au
niveau de son vécu douloureux dont sa femme nous rapportait « qu’il avait disparu, comme par enchantement ».
Enfin l’athymhormique rapporte souvent ressentir les
émotions normalement, ce sont ses envies, ses désirs qui
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M. Habib
ont disparu, un élément qui, joint à la notion de vide mental,
apporte un argument décisif au diagnostic (35). C’est
pourquoi le terme d’apathie, parfois employé pour désigner des perturbations proches, surtout rencontrées lors
de syndromes démentiels (53-55) paraît moins approprié
car il insiste seulement sur la composante d’insensibilité
émotionnelle, qui n’est ici qu’apparente, au contraire de
sujets souffrant de lésions bi-amygdaliennes (2).
En définitive, un tableau clinique marqué par deux
contrastes : celui d’un handicap majeur provoqué par des
lésions cérébrales de volume somme toute minime, et
celui d’une altération majeure de la vie mentale, sans
modification notable des fonctions intellectuelles classiques, contrairement à ce que l’on rencontre dans à peu
près toutes les autres localisations lésionnelles en neurologie.
Les nécroses pallidales et le « PAAP »
Pourtant, ce tableau nous a d’emblée évoqué d’autres
observations, publiées quelques années auparavant par
Dominique Laplane et al. (49, 50), à Paris, puis par André
Ali-Chérif et al. (4) à Marseille. Dans cinq observations
similaires, ces auteurs avaient rapporté un syndrome qu’ils
avaient qualifié de « perte de l’autoactivation psychique »
(PAAP), pour souligner le contraste entre l’apparente incapacité à agir spontanément, et une capacité intacte à agir
sur incitation extérieure, comme si un système intact ne
pouvait plus se mettre en action spontanément, et avait
besoin, en quelque sorte, d’une « activation » extérieure.
Cette notion d’activation sera du reste, nous le verrons, au
creux d’un débat particulièrement animé.
Pour le reste, le tableau était très proche de nos observations de lésions caudées, sauf que la lésion était ici le
plus souvent de nature anoxique ou par intoxication à
l’oxyde de carbone et dans une localisation plus ventrale
et postérieure : le pallidum. Chez la plus jeune patiente
d’Ali-Chérif et al., qui avait été revue 7 ans plus tard, une
IRM avait pu être réalisée, montrant clairement que
l’intoxication avait détruit bilatéralement l’extrémité
médiane de ce noyau, le pallidum interne, offrant ici encore
un contraste flagrant entre la petitesse des lésions et
l’intensité du tableau clinique. Cette jeune femme de
19 ans qui, après quelques semaines de convalescence
de son intoxication initiale, avait frappé son entourage par
son intense apathie et sa totale absence d’initiative, même
la plus élémentaire : laissée un matin sur la plage à l’ombre
d’un parasol, elle était restée une journée entière au soleil,
parfaitement éveillée, mais totalement immobile, incapable même de se retourner pour suivre l’ombre du parasol,
de telle sorte qu’elle dut être hospitalisée, le soir venu,
pour des brûlures au second degré. Sept ans plus tard,
l’inertie et l’apathie étaient identiques, mais alors que les
capacités intellectuelles étaient jugées intactes en début
d’évolution, elles s’étaient significativement altérées de
manière globale au bout de 7 ans, avec un effondrement
du QI et des capacités d’apprentissage, sans doute par
absence prolongée de toute activité mentale. En effet, le
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vide mental était, dès le début, total et profond, de sorte
qu’à moins d’être stimulée, elle ne rapportait aucune pensée spontanée, une condition bien singulière dont on peut
penser qu’elle ne favorise pas l’exercice des fonctions
cognitives !
Un débat neurophilosophique
Ces observations posent au neurologue, et au scientifique en général, deux questions cruciales, dont la portée
dépasse certainement la science même, pour atteindre les
confins de la philosophie. La première est celle des liens
entre l’activité motrice, l’action volontaire en général, et
l’activité mentale, cette dernière étant conçue, non comme
la cognition au sens habituel – l’ensemble des mécanismes permettant de traiter une information à un niveau élaboré d’abstraction –, mais, en amont de la cognition, un
mécanisme capable de produire, avant tout traitement
cognitif, une pensée non encore différenciée. À cet égard,
ces observations nous délivrent deux enseignements
majeurs : 1) il existe effectivement un mécanisme en
amont de la cognition, puisque celui-ci peut être spécifiquement altéré à la suite d’une lésion cérébrale, un mécanisme autonome et spontané, ayant pour rôle de produire
une activité mentale indifférenciée, avant même que celleci ne devienne un état mental ou encore une fonction mentale spécifique ; 2) ce mécanisme partage largement ses
origines avec celui qui permet la production d’actions
spontanées, suggérant une nature commune entre la production de pensées spontanées et d’actions spontanées,
et, par là même, obligeant à explorer encore plus en amont
quelle pourrait être cette nature commune, probablement,
proposions-nous, une fonction basique appelée motivation.
La deuxième question, sans doute moins profonde et
plus anecdotique, a toutefois animé les colonnes de
Revue Neurologique pendant plusieurs années, car elle
touche à un point sensible en neurophilosophie, celui de
la spécificité humaine de la pensée. Schématiquement,
le débat peut se résumer en ces termes : le patient
athymhormique a-t-il une pensée propre, intacte, qui ne
peut seulement pas se mettre spontanément en route car
il lui manque un système activateur, probablement souscortical, qui allumerait en quelque sorte un fonctionnement
cortical intact mais inactif ? La pensée humaine garde
alors toute sa spécificité, elle a seulement besoin d’un
« moteur » voire même d’un « démarreur » pour se mettre
en route, un peu comme on conçoit le système réticulaire
activateur ascendant dans son rôle dans la vigilance, responsable de l’éveil quand il est action, et laissant place
au sommeil, lorsque son action cesse. Ou bien n’y a-t-il
pas dans le cerveau, sans doute abrité au sein de ces
structures sous-corticales, un mécanisme spécifique, très
probablement alors commun à tous les vertébrés, largement sous-tendu par la notion archaïque de satisfaction
des besoins élémentaires, qui ramènerait l’homme au
même rang que les autres espèces douées non pas
nécessairement de volonté mais de la simple capacité à
initier spontanément une action ? Cette éventualité ne va
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pas sans rappeler le système hormothymique postulé par
Dide et Guiraud, « représentant le dynamisme d’une tendance à satisfaire les besoins primordiaux » (22, 33). On
conçoit que cette simplification, sans doute excessive, de
l’esprit humain puisse choquer dans la mesure où elle
ramène la spécificité de la pensée humaine et le libre-arbitre à un simple sous-produit évolutif d’une fonction motivationnelle basique et universelle.
Nous n’entrerons pas plus ici dans ce débat, si ce n’est
pour signaler que la suite des événements, en particulier
l’apport des travaux récents d’imagerie fonctionnelle, ont
largement donné raison à ce dernier point de vue en
démontrant l’existence et le rôle décisif de structures souscorticales organisées en circuits spécifiques à la fonction
de motivation.
L’anatomie de la motivation
Le point le plus intéressant pour notre présent propos,
est la mise en évidence d’une entité anatomo-fonctionnelle individualisable chez l’homme dans une fonction
jusqu’ici probablement sous-explorée, voire sous-estimée, la motivation.
Chez l’animal déjà, une littérature spécifique avait dès
cette époque commencé à explorer les bases neurales de
la motivation, avec comme toile de fond les expériences
d’auto-activation comportementale chez le rongeur.
En plaçant des électrodes à des sites cérébraux stratégiques, les expérimentalistes des années 60 avaient pu
mettre en évidence un circuit sur le trajet duquel des électrodes reliées à une pédale accessible à l’animal donnaient lieu à une tendance de l’animal à s’autostimuler
(63). Ce circuit de l’autostimulation a pu être décrit avec
précision grâce à la découverte de l’importance fondamentale pour son fonctionnement d’un neuromédiateur,
la dopamine, et tout particulièrement le système méso-limbique qui prend son origine dans les neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale, dans la partie
haute du tronc cérébral, traverse l’hypothalamus latéral
avant de se terminer dans les régions pré-optiques et dans
le noyau accumbens. Ce dernier noyau a pris ces dernières années une importance considérable de sorte qu’il est
actuellement considéré comme la plaque tournante des
« systèmes cérébraux de la récompense » (15).
Noyau accumbens et systèmes cérébraux
de la récompense
Le noyau accumbens est une structure sous-corticale
faisant partie du striatum, et plus particulièrement du striatum limbique. Il forme le lit du striatum, d’où son nom, et
se situe chez l’homme à la partie ventrale de la tête du
noyau caudé, qu’il continue par la partie la plus antérieure
du putamen. Il projette ensuite sur une partie ventrale du
pallidum, formant ce qu’on appelle parfois le pallido-striatum ventral ou limbique. Le terme de limbique provient du
fait qu’il reçoit des afférences de toutes les principales por-
Neurologie de l’action et de la motivation : de l’athymhormie à l’hyperactivité
tions du système limbique : le cortex frontal médial et orbitaire, l’amygdale, et l’hippocampe. Il apparaît ainsi comme
la partie du striatum appartenant au système limbique. Il
est divisé en deux sous-régions distinctes (21) : une partie
ancienne, la coque, liée aux structures limbiques primaires, et le cœur, plus récent, relié à des structures plutôt
impliquées dans la cognition et le contrôle moteur. La
coque joue un rôle important dans la motivation et l’affect,
servant de substrat au conditionnement pavlovien, à la
réaction à la nouveauté, au contrôle de l’alimentation (de
la mère envers sa progéniture), et au plaisir gustatif. En
outre, la coque semble être l’impact principal de l’action
renforçatrice de l’abus de drogues (80). C’est le lieu privilégié (56) dans les expériences d’auto-injection de
cocaïne (de même que dans les expériences d’auto-stimulation, il s’agit ici de mettre en place, en lieu et place
des microélectrodes de stimulation, des micropipettes
délivrant de la cocaïne). À l’inverse, le cœur du noyau n’est
pas directement concerné par l’effet des drogues, mais
sert plutôt à l’apprentissage et à l’expression des comportements dirigés par la valeur attractive de récompenses
attendues. En particulier, le cœur de l’accumbens est
essentiel aux comportements adaptatifs, promouvant la
réponse à des récompenses différées (40).
Globalement, on reconnaît au noyau accumbens
comme rôle de réaliser l’interface entre la motivation et
l’action, véritable plaque tournante entre les systèmes en
charge de la perception et de l’intégration des émotions,
et ceux en charge de l’action déclenchée par ces émotions
(59), ces mêmes systèmes étant par ailleurs impliqués à
la fois dans les mécanismes du conditionnement, tout particulièrement dans ses deux dimensions : le renforcement
et l’extinction (40), et dans les mécanismes de l’accoutumance aux drogues et de l’addiction (81).
Au-delà du noyau accumbens lui-même, il semble que
le système de la récompense fonctionne sous la forme
d’une boucle cortico-sous-corticale comportant plusieurs
étapes tout à fait symétriques de celles du reste des ganglions de la base (3, 17). Dès les années 70, une des principales révélations concernant les ganglions de la base a
été la description de ces boucles parallèles, dont le nombre varie selon les descriptions, mais qui fonctionnent toutes selon le même modèle anatomique : une origine dans
une région fonctionnelle précise du lobe frontal, une première étape dans le striatum, une seconde dans le pallidum, une troisième dans le thalamus, puis retour vers le
cortex d’origine. Cette organisation a été d’abord décrite
pour le système moteur, partant du cortex pré-moteur et
y retournant après des relais dans le putamen, le pallidum
externe et le thalamus ventro-postéro-latéral. Une
deuxième boucle, volontiers qualifiée de cognitive prend
son origine dans le cortex frontal dorso-latéral, celui-là
même auquel on attribue traditionnellement les fonctions
« cognitives » du lobe frontal (anticipation, programmation, contrôle attentionnel, mémoire de travail…), incluant
celles appelées fonctions exécutives, et enfin la boucle
dite limbique, originaire des parties limbiques du cortex
frontal, soit le cortex cingulaire et le cortex pré-frontal
médio-orbitaire, et projetant successivement sur le striaS 13
M. Habib
tum ventral, le pallidum ventral (ou limbique) les parties
médianes du thalamus et finalement retournant vers le
cortex paralimbique d’origine.
En fait, des développements plus récents dans la description de cette anatomie amènent à distinguer au sein
du circuit limbique, en fait deux circuits différents
(figure 1) : le circuit cingulaire, qui projette sur le noyau
caudé médian, mais aussi sur le noyau accumbens, et qui
serait plutôt impliqué dans la régulation des actions et de
leur initiation, en particulier dans le choix entre plusieurs
options, et le circuit préfrontal orbitaire médian, qui projette
sur le noyau accumbens, plus particulièrement impliqué
dans l’évaluation du résultat des actions, et en particulier
dans la possibilité de différer la récompense pour pouvoir
en obtenir une plus forte (73).
Contribution de l’imagerie fonctionnelle
Au cours de ces deux dernières années, un nombre
important de travaux d’imagerie fonctionnelle chez
l’homme a été consacré aux mécanismes de la récompense et ont globalement largement confirmé le rôle sin-
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gulier de l’accumbens. Celui-ci est en effet spécifiquement
activé dans de nombreuses expériences impliquant
l’octroi au sujet d’une récompense (ou parfois d’une punition ou d’une non-récompense). En particulier, divers
auteurs ont montré que l’accumbens est activé lorsque le
sujet est averti de l’octroi d’une récompense et à un moindre degré lorsqu’il reçoit la récompense (24, 43, 44, 62).
Une première dissociation a été décrite entre l’anticipation
d’une récompense, qui active seulement l’accumbens, et
l’octroi de la récompense qui active également le cortex
médial frontal (44). Une autre dissociation concerne la prédictibilité ou non de la récompense : pour une récompense
non prédictible, l’activation de l’accumbens est significative, alors qu’elle ne l’est pas lorsque la récompense est
prédictible [un stimulus sur deux, par exemple (10)]. Cette
constatation est à l’origine de l’hypothèse selon laquelle
le rôle du noyau accumbens serait essentiellement d’évaluer l’erreur d’une prédiction de récompense (46). Le
noyau accumbens serait également particulièrement
impliqué dans les phénomènes de sélection lors de choix
entre des actions à haut risque ou à bas risque de perte
(28).
FIG. 1. — Différentes localisations lésionnelles au cours de syndromes athymhormiques : A) lacunes bi-caudées ; B) nécrose
bipallidale (intoxication oxycarbonée) ; C) double lésion ischémique, pallidum à droite, tête du caudé à gauche.
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Un certain nombre de travaux ont été consacrés à déterminer le rôle de différentes parties du striatum dans les
phénomènes de récompense et de punition. Une étude en
IRMf lors d’une épreuve de jeu monétaire du type
« gambling test » (voir plus bas) a montré que le noyau
accumbens et la partie médiane du noyau caudé sont sensibles à l’importance de la récompense (gain d’une certaine
somme d’argent), mais non de la punition (perte d’argent)
où seule l’activité du caudé médian est proportionnelle à
l’importance de la perte (43). Le noyau caudé a également
été retrouvé activé dans un paradigme dit de « contingence
motrice » comparant une situation où l’appui d’un bouton
entraîne la récompense à celle où le sujet ne sait pas lequel
de deux appuis entraîne la récompense (74). Finalement,
le noyau caudé serait plus particulièrement impliqué, en plus
de l’accumbens, lors de la phase d’apprentissage d’un comportement récompensé (39). Enfin, O’Doherty et al. (61) ont
réalisé deux tâches l’une appelée de conditionnement instrumental, l’autre de conditionnement Pavlovien. Dans la
tâche de conditionnement instrumental, il s’agissait pour le
sujet d’apprendre à choisir entre deux stimuli celui qui avait
la plus forte probabilité (60 %) de se voir délivrer une récompense (quantité de jus de fruit ; contre 30 % seulement pour
l’autre stimulus). Dans la tâche de conditionnement pavlovien, les cibles étaient présentes de la même manière, mais
c’était l’ordinateur qui choisissait à la place du sujet. La soustraction entre les deux conditions mit en évidence une activation d’une partie antérieure du noyau caudé gauche, alors
que le striatum ventral était activé dans les deux conditions.
Le conclusion des auteurs est que le striatum dorsal (caudé)
agit comme un « acteur instrumental » qui module les associations entre stimulus-réponse-récompense. Enfin, dans
une tâche d’apprentissage d’une association entre le degré
de prédictibilité d’une récompense et la nature de l’indice
préalable, il a été décrit (19) une décroissance de l’activité
du noyau caudé droit au cours des essais, et un pic précoce
d’autant plus important que l’incertitude est grande. Les
auteurs en concluent que le noyau caudé joue un rôle majeur
dans l’apprentissage de la contingence entre une action et
sa récompense, tout particulièrement dans les premiers
temps de cet apprentissage, le cortex préfrontal prenant probablement le relais par la suite.
Ce rôle du noyau caudé dans la motivation n’a pas
encore été exploré de façon aussi extensive que celui du
noyau accumbens. Pourtant, la majorité de cas
d’athymhormie après lésions du striatum concerne des
lésions du noyau caudé, plutôt que de l’accumbens (du
moins pour autant que l’imagerie cérébrale permet de les
différencier). Une explication possible est que les protocoles d’imagerie fonctionnelle utilisés jusqu’à présent ne
mettent pas à l’épreuve le véritable rôle du noyau caudé
dans la motivation. Delgado et al. (20) ont réalisé l’étude
sans doute la plus proche de ce rôle réel du caudé. Une
carte représentant un point d’interrogation précède l’apparition d’une carte comportant un chiffre de 1 à 9. Les sujets
devaient répondre par un appui sur l’une de deux touches
selon qu’ils pensent que le chiffre sera supérieur ou inférieur à 5. Le résultat numérique apparaît sur une troisième
carte suivie d’une flèche verte signifiant qu’ils reçoivent 4 $
ou rouge signifiant qu’ils perdent 2 $. Cette procédure est
Neurologie de l’action et de la motivation : de l’athymhormie à l’hyperactivité
réalisée dans une partie de l’épreuve, représentant la moitié des essais, dite « high-incentive » c’est-à-dire à haute
valeur motivationnelle. Dans l’autre moitié des essais, dite
« low-incentive », la récompense n’est pas monétaire,
mais seulement informative (le sujet est informé s’il a ou
non trouvé la bonne réponse). Cette procédure a entraîné
une activation spécifique du striatum dorsal (noyau
caudé), et non du striatum ventral (noyau accumbens), de
façon proportionnelle à la qualité motivationnelle du contexte de la tâche. Les auteurs s’interrogent alors sur les
raisons de cette différence fondamentale par rapport aux
autres travaux d’imagerie fonctionnelle ayant utilisé
d’autres protocoles de renforcement monétaire. L’une des
explications envisagées est que la tâche ici comporte un
élément étroitement lié à la réponse motrice, ce qui n’était
pas le cas dans d’autres études. Une autre explication
possible est que dans de nombreux travaux qui retrouvaient une activation seulement de l’accumbens, la
réponse demandée était de nature réactive et non décisionnelle. Il est possible que le rôle propre du striatum dorsal dans ces expériences de renforcement monétaire soit
l’intégration à l’apprentissage d’un choix entre plusieurs
options, véritable acte de décision où le noyau caudé
serait indispensable de par ses connexions avec le cortex
préfrontal dorsolatéral.
Un ensemble de faits convergents
Considérant à la fois ces données anatomo-fonctionnelles chez l’animal et chez l’humain, et les tableaux réalisés par des lésions sous-corticales chez l’homme, nous
avons proposé que le syndrome athymhormique, pathologie spécifique de la motivation chez l’homme, résulte
d’une atteinte bilatérale du circuit limbique, avec comme
conséquence une déconnexion entre le système limbique
et les fonctions cognitives et motrices (37).
À cela, deux arguments principaux : si un même tableau
peut être réalisé par des lésions dans deux régions distinctes du cerveau, il paraît logique de rechercher comment ces deux régions sont connectées entre elles, d’où
l’idée que le substrat supposé soit un réseau de structures
plutôt qu’une structure isolée. Par ailleurs, la notion de
boucle fronto-striato-pallido-thalamique se prête particulièrement bien à ce raisonnement, dans la mesure où on
peut aisément concevoir qu’une interruption de la boucle
à quelque niveau que ce soit puisse provoquer un dysfonctionnement du système dans son ensemble.
Un argument supplémentaire a été ensuite apporté par
diverses publications faisant état de syndrome athymhormique par atteinte de la boucle au-delà du complexe
striato-pallidal. Des atteintes de la substance blanche
intra-hémisphérique interrompant les fibres originaires du
gyrus cingulaire et se dirigeant vers le noyau caudé provoquent classiquement des troubles de la motivation
volontiers considérés comme des formes légères de
mutisme akinétique (comme lors de cingulotomies thérapeutiques, une opération qui se pratique encore parfois
dans certaines indications de psychochirurgie). Dans ces
S 15
M. Habib
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 10-24, cahier 2
cas, cependant, il est difficile de faire la part dans le tableau
neurocomportemental, de ce qui revient à la pathologie
psychiatrique préalable à l’intervention. Des observations
d’atteintes de la région médiane du thalamus, cible de sortie du pallidum ventral, ont été publiées, dans lesquelles
hormis les signes neuropsychologiques habituellement
rencontrés dans cette topographie (troubles attentionnels
et surtout troubles mnésiques pouvant réaliser un véritable syndrome amnésique), il existait également un trouble
de l’action et de la pensée tout à fait superposable à celui
des lésions striatales ou pallidales (14, 25). Dans l’un de
ces cas, les auteurs apportent en outre un argument intéressant venant valider la thèse du « circuit de la motivation » : un examen du débit sanguin par SPECT montrant non seulement l’hypodébit dans la zone thalamique
médiane ischémiée, mais aussi deux zones d’hypodébit
à distance : l’une dans la tête du noyau caudé, l’autre au
niveau du cortex frontal inféro-médian, tout comme si la
petite lésion thalamique avait « suspendu » l’activité dans
les autres étapes du circuit (25).
Malgré cet ensemble convaincant d’arguments, la
thèse d’un circuit spécifique bilatéral de la motivation
nécessitait pour être complètement plausible, la confirmation clinique que la même résultante comportementale
pouvait procéder de lésions bilatérales, mais touchant le
circuit à deux niveaux différents dans l’hémisphère droit
et dans le gauche. Cette confirmation a été apportée de
façon éclatante par une observation de Bellmann et Assal
(9), d’un syndrome athymhormique très typique résultant
d’une double lésion ischémique, de la tête du noyau côté
d’un côté, et du pallidum interne de l’autre.
Si l’on se réfère à présent au rôle présumé de chacune
des boucles, il apparaît évident que le meilleur candidat
est la boucle limbique, mais il est difficile de trancher entre
les deux boucles limbiques, celle prenant son origine dans
le cingulaire antérieur et celle provenant du cortex orbitaire
(figure 2). Anatomiquement, les aires orbitaires médiales
(13a et 14) projettent sur le mur médial du caudé et sur le
noyau accumbens. Quant au cortex cingulaire antérieur,
ses projections sont doubles, d’une part sur le striatum
médio-basal, pour les aires 32, 25 et 24b, et à l’opposé
sur le striatum dorso-latéral pour l’aire 24c (29). En fait,
les descriptions anatomiques les plus récentes conçoivent
le striatum ventral chez le primate comme l’ensemble du
noyau accumbens, de la partie interne du noyau caudé et
même de la partie la plus ventrale et médiale du putamen.
Il est probable que les lésions bicaudées de nos observations touchent à la fois les deux afférences limbiques,
peut-être de manière variable selon les cas, sans que l’on
puisse encore distinguer l’effet propre de chacune.
Vers une modélisation de la motivation humaine
Dans le modèle représenté sur la figure 3, la boucle limbique est au centre du système car c’est elle qui entraîne
les deux autres, tel un système d’engrenage où le moteur
central est représenté par le striato-pallidum limbique et
qui grâce à cette anatomie très particulière comportant un
même nombre de relais pour chaque boucle, va assurer
une interconnexion étroite, multi-niveaux, entre ces différents systèmes. La boucle motrice, en premier lieu, celle
précisément qui est déficitaire dans la maladie de Parkinson, pourrait être impliquée dans les symptômes moteurs
du syndrome athymhormique, l’absence d’actions spontanées. Le tableau est bien différent de celui réalisé dans
la maladie de Parkinson ou dans les autres troubles
moteurs liés à un défaut de la voie dopaminergique nigrostriée. Ici, l’action, lorsqu’elle se réalise, est tout à fait normale, sans akinésie, ni tremblement, ni autre manifestation classique d’altération extra-pyramidale. Mais le
tableau ne peut non plus être assimilé comme le faisait
Miller Fisher (31), à un mutisme akinétique, plutôt actuellement considéré comme une incapacité à initier une
action en relation avec une destruction de l’aire motrice
supplémentaire. En fait, la boucle motrice est ici non pas
dysfonctionnelle comme elle pourrait l’être lors de lésions
du cortex prémoteur ou encore de défaillance du système
nigro-strié, mais plutôt déconnectée des afférences pro-
Cortex cingulaire
antérieur
Cortex orbito-frontal médian
N. caudé &
N. accumbens
N. accumbens
Substance noire
Globus pallidus
Thalamus
(VA)
= GABA
= Glutamate
FIG. 2. — Les deux principales boucles limbiques (66, 73).
S 16
Thalamus
(DM)
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 10-24, cahier 2
Neurologie de l’action et de la motivation : de l’athymhormie à l’hyperactivité
venant de la boucle limbique, elles-mêmes indispensables à son fonctionnement. La nature exacte du lien entre
boucle limbique et boucle motrice ne peut être encore précisée, mais il est probable qu’à chaque étape du circuit, il
existe des interconnexions entre les deux systèmes qui
permettent au contexte motivationnel de fournir une impulsion cruciale permettant l’initiation de l’action puis son
entretien. À cet égard, le modèle sous-entend une véritable dysconnexion entre deux systèmes intacts, dans le
sens où l’entendait Geschwind. Le même raisonnement
peut également s’appliquer à la « boucle cognitive »,
représentée à gauche de la boucle limbique sur la figure 3.
Selon un mécanisme similaire, la déconnexion d’un système fronto-caudé intact de l’impulsion que lui donne normalement le circuit limbique empêche le cortex frontal
dorso-latéral d’assumer son rôle de « planification
cognitive », vidant en quelque sorte la pensée de son activité spontanée habituelle. L’efficience intellectuelle ellemême, au sens psychométrique du terme, peut n’être pas
altérée, ce sont les mécanismes de sa mise en jeu qui sont
déficients, aboutissant au vide mental décrit par ces
patients. Cette interprétation des faits est compatible avec
les quelques rares études d’états de conscience volontairement altérés (méditation), montrant une hyperactivité
des systèmes dopaminergiques dans la partie ventrale
des ganglions de la base (42, 51). À cet égard, il est intéressant de noter que ces états de vide mental volontaire
sont indissociables de la notion de contrôle volontaire des
désirs, le but de ces pratiques étant d’atteindre un état
idéal d’absence de désirs. Enfin, l’interruption de la boucle
limbique elle-même est peut-être responsable des manifestations affectives proprement dites du syndrome
athymhormique, l’apparent abrasement émotionnel et la
grande « patience » de ces sujets, comme si plus rien ne
pouvait les agacer… Ce dernier caractère est très différent
de l’indifférence affective que présentent par exemple des
patients frontaux ou des patients souffrant de lésions
amygdaliennes, où la signification affective des stimuli
semble abolie. Ici, au contraire, les sujets sont capables
de ressentir des affects, mais ceux-ci restent déconnectés
de toute possibilité d’expression motrice ou comportementale. Le tableau est également très différent des
lésions orbito-frontales où la signification affective des stimuli est également bien perçue, mais donne lieu à des
déviances comportementales que Damasio attribue à une
perte des marqueurs somatiques associés aux conséquences affectivo-sociales de nos actes. Lors du fameux
test de gambling de Bechara et al. (8), par exemple, le
patient sait que le tirage de la pile à risque lui sera finalement désavantageux, et pourtant, à l’inverse du témoin
non cérébro-lésé, ou souffrant de lésions dans d’autres
régions du lobe frontal, il continue à tirer dans les piles
désavantageuses. Bien que cet aspect n’ait pas été
exploré chez nos athymhormiques, il est à prévoir que
ceux-ci se comporteraient de manière plus proche des
témoins.
Récompense/punition
Apprentissage
de
l’association
stimulusrenforcement
Hypothalamus/
syst. nerv. autonome
Amygdala
Afférences
Boucle
cognitive
Attribution
d’une valence
affective
(marqueurs
somatiques)
Dopaminergiques
Boucle
imbique
Boucle
motrice
ATHYMHORMIE
Perte d’activité
mentale
spontanée
Abrasement
émotionnel
Apathie
Absence
d’activité motrice
FIG. 3. — Modèle de fonctionnement des 3 principales boucles cortico-striato-corticales et les conséquences de leur
dysfonctionnement, réalisant les différents éléments du syndrome athymhormique (37).
S 17
M. Habib
TROUBLE DE LA MOTIVATION
ET L’HYPERACTIVITÉ DE L’ENFANT
Bien que cela ne paraisse pas couler de source, le
modèle neuroanatomique de la motivation tel que présenté ci-dessus peut également servir de base à une explication nouvelle d’un syndrome fréquent mais encore
imparfaitement compris, le Trouble Déficitaire de l’Attention avec hyperactivité (TDAH), une condition qui touche
6 à 12 % des enfants d’âge scolaire, surtout les garçons,
dont le diagnostic peut se faire avant l’âge de 7 ans et qui
cause un handicap certain, pouvant éventuellement se
prolonger jusqu’à l’âge adulte. Selon la description
aujourd’hui classique, le TDAH se manifeste essentiellement par trois symptômes variablement associés :
l’hyperkinésie, tendance à une agitation motrice excessive et incessante, source d’importante difficulté d’intégration de l’enfant dans son milieu, l’impulsivité, qui se
manifeste par exemple par une tendance à réagir de
manière incontrôlée et immédiate dans des situations qui
demandent pourtant de différer l’action, et enfin le trouble
de l’attention, au sens cognitif du terme, c’est-à-dire la distractibilité, l’incapacité à éviter de tenir compte de stimuli
non pertinents lors de l’exécution d’une tâche. Alors que
l’impulsivité est un élément comportemental existant peu
ou prou dans la quasi-totalité des cas, l’inconstance des
deux autres symptômes fait qu’on distingue volontiers
aujourd’hui trois formes du syndrome : une forme attentionnelle pure, sans la composante motrice, où l’élément
dominant est du domaine de l’attention et de la concentration, et où la prédominance masculine est moins nette ;
une forme purement hyperactive, sans déficit attentionnel
significatif aux tests neuropsychologiques, où le trouble
comportemental est au premier plan, et une forme mixte,
en fait la plus souvent diagnostiquée, où ces deux éléments sont présents à égalité. Un élément important à
prendre en considération pour la compréhension des
mécanismes est la fréquence de comorbidités, c’est-àdire d’autres diagnostics qui sont posés de façon concomitante plus fréquemment que ne le voudrait le seul
hasard. Deux syndromes surviennent isolément ou associés entre eux chez environ 40 % des hyperactifs, une
coïncidence digne d’intérêt et que certains considèrent
même comme un élément constitutif du syndrome de
TDAH :
– le trouble oppositionnel avec provocations, défini
comme un ensemble de comportements répétitifs et persistants de désobéissance, d’opposition, de provocations,
d’hostilité envers les autres ;
– le trouble des conduites, qui se caractérise par un
ensemble de conduites répétitives et persistantes dans
lesquelles les droits fondamentaux d’autrui et les règles
sociales sont bafoués pouvant concerner 1) des agressions physiques envers les personnes et les animaux ;
2) des destructions de biens matériels, en particulier par
le feu, un vandalisme ; 3) des mensonges, vols, escroqueries, racket ; 4) des violations des règles établies :
fugues, école buissonnière, déambulation nocturne.
Ces enfants ne ressentent souvent ni culpabilité, ni
remords. Ils ont fréquemment une faible tolérance à la
S 18
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 10-24, cahier 2
frustration, une irascibilité, des accès de colère et une
prise de risque excessive les mettant en danger de
manière répétée. Ces troubles comportementaux dits
« extériorisants » seraient plus fréquents dans les formes
hyperactives ou mixtes de TDAH, alors que les formes
dysattentionnelles seraient plutôt associées à des manifestations « intériorisantes » à type d’anxiété et de manque de confiance.
Les modèles explicatifs classiques du TDAH
L’explication la plus largement admise pour rendre
compte des différents éléments du syndrome TDAH fait
appel à un défaut d’inhibition : tel est par exemple le
modèle proposé par Barkley sous l’appellation de « unified
theory of ADHD » (7) dans laquelle les symptômes sont
considérés comme la conséquence d’une perturbation
des systèmes de contrôle neurocognitifs, largement soustendus par un ensemble de fonctions regroupées sous le
terme de « fonctions exécutives ». La notion de fonctions
exécutives réfère ici à des processus cognitifs de haut
niveau, qui permettent le maintien d’un état attentionnel
constant et le passage (« shift ») d’un niveau attentionnel
à un autre si le décours de la tâche l’exige, assurant la
flexibilité indispensable à la poursuite et la réalisation de
divers objectifs (60). Les tâches connues pour explorer
ces fonctions sont souvent déficitaires chez les enfants
hyperactifs, ce qui a pour principales conséquences un
défaut d’attention sélective, avec, en particulier dans les
tâches incluant un conflit comportemental (comme le test
de Stroop), une difficulté à inhiber la réponse prévalente
(ici le mot écrit qui vient parasiter la dénomination de la
couleur), un défaut de flexibilité avec une tendance à la
persévération sur la tâche ou la consigne précédente
(comme par exemple dans le test de Wisconsin) et enfin
un déficit de la mémoire de travail, qui se manifeste typiquement par un affaiblissement de l’empan de chiffres
répétés à l’envers (57).
Ainsi, pour Barkley, l’ensemble des déficits cognitifs et
comportementaux du TDAH, incluant les difficultés d’autocontrôle et d’auto-régulation, qui sont pour lui des éléments primordiaux du déficit, sont attribuables à un défaut
élémentaire d’inhibition de la réponse « prépotente », aux
dépens d’une réponse qui serait plus appropriée. L’un des
éléments clés de ce modèle est évidemment l’impulsivité,
si caractéristique de ces patients, et qui a fait l’objet d’études spécifiques cherchant à en approcher les mécanismes neurobiologiques (80). À cet égard, le paradigme de
choix qui a été largement utilisé dans la littérature récente
en imagerie fonctionnelle dans l’hyperactivité, est représenté par les expériences dites « go-no go », où l’on va
mesurer le rapport des erreurs entre les essais où le sujet
doit réaliser la tâche (appuyer sur un bouton lors de l’apparition d’une cible X par exemple) avec les essais où il doit
ne pas appuyer (lors de l’apparition d’une autre cible, ou
la non-apparition de la cible X). La mesure des temps de
réaction fournit également un indice de défaut d’inhibition.
Globalement les épreuves de type go-no-go activent dans
le cerveau un réseau assez large incluant le striatum, le
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 10-24, cahier 2
gyrus cingulaire et une partie du cortex frontal dorso-latéral.
Plus récemment est né un nouveau courant théorique
qui met l’accent non plus sur l’inhibition de la réponse,
mais sur l’intolérance au délai (delay aversion) qui caractérise beaucoup des enfants hyperactifs. C’est ainsi que
Sonuga-Barke et al. (70, 71) proposent que les comportements de l’hyperactif soient non pas la conséquence
d’un défaut d’inhibition comportementale mais « l’expression fonctionnelle d’un style motivationnel sous-jacent »
qui les amènent à chercher à « fuir le délai » ce qui est
capable de provoquer chez eux tant l’hyperactivité, l’inattention que l’impulsivité. Le modèle prédit que lorsqu’ils
sont face à un choix entre une récompense faible mais
immédiate et une forte mais plus lointaine dans le temps,
les hyperactifs vont choisir l’immédiateté et quand il n’y a
pas de choix disponible, ils vont agir sur leur environnement pour réduire la perception du temps pendant le délai
en créant ou en se focalisant sur des aspects de l’environnement qui soient indépendants du temps. Dans ce
modèle, les troubles cognitifs dysexécutifs, en particulier
ceux de la mémoire de travail et de la planification à court
et long terme, apparaissent comme la conséquence d’une
attitude générale particulière par rapport au déroulement
temporel que l’auteur appelle « protection du temps ».
C’est ainsi que face à tout questionnement sur le substrat biologique du problème, les orientations données aux
recherches différeront radicalement selon qu’on suit
l’hypothèse maintenant classique du défaut d’inhibition,
se focalisant principalement sur des structures frontales
corticales, ou si l’on explore l’hypothèse de l’aversion pour
le délai, où les structures clés sont les éléments sous-corticaux impliqués dans l’association entre l’action présente
et l’apparition future d’une récompense.
Selon une ligne théorique peu différente de celle de
Sonuga-Barke et al., une équipe norvégienne menée par
T. Sagvolden (66) a proposé que l’intolérance au délai
chez l’hyperactif soit le témoin de la dysfonction d’un système, probablement sous le contrôle de mécanismes
dopaminergiques, impliqué dans le phénomène de renforcement et d’extinction. Pour ces auteurs, l’enfant hyperactif a besoin de renforcements plus immédiats et plus
répétés pour mener à terme son action, ce qui se matérialise par une courbe dite de gradient de délai : chez tous
les individus, plus le délai entre le stimulus et la récompense s’allonge, plus la réponse sera faible, définissant
un « gradient de délai de renforcement ». Chez l’hyperactif, ce gradient est plus rapide, déterminant une courbe
plus abrupte (6) : une même réponse sera obtenue pour
des délais plus brefs, ce qui définit typiquement l’impulsivité, élément central du modèle. Du reste, c’est en se
basant sur ce modèle que les auteurs proposent le principe de base de la thérapie chez ces enfants, consistant
à fournir des renforcements répétés, survenant à chaque
fois avant que la courbe du gradient n’ait atteint son
plancher.
Neurologie de l’action et de la motivation : de l’athymhormie à l’hyperactivité
Neurobiologie du TDAH : un bref état des lieux
Ces dernières années ont vu une accumulation impressionnante de travaux cherchant à définir un profil neurofonctionnel de l’hyperactivité. Ces travaux ont d’emblée
été influencés par l’effet remarquable, actuellement bien
établi, sur ces enfants de certaines molécules dont le
mode action, bien qu’encore imparfaitement élucidé, peut
être rapporté à une altération fonctionnelle du système
dopaminergique. Que ce soit en effet le méthylphénidate,
ou la d-amphétamine, les deux molécules les plus utilisées, leur effet sur certains cas est tel qu’on peut parler
de guérison dès la première prise du médicament ! C’est
pourquoi, parmi les premières études sur le sujet, on
trouve plusieurs travaux consacrés à l’effet de ces substances sur le cerveau des enfants hyperactifs, avec deux
principaux résultats : une diminution d’activité dans les
ganglions de la base chez les hyperactifs, et une normalisation de l’activité après traitement spécifique (41, 76,
78). Une donnée quelque peu surprenante, mais robuste,
à cet égard, est que l’administration de ces molécules au
sujet sain est aussi efficace tant sur le plan comportemental que du point de vue des modifications neurofonctionnelles mises en évidence en imagerie fonctionnelle. Toutefois (76), il semblerait que l’effet sur les ganglions de la
base soit inverse (désactivation) chez les témoins que
chez les hyperactifs (réactivation des zones sous-activées).
Après ces premières études, les travaux ont divergé en
deux principaux groupes, des études d’imagerie morphologique, utilisant diverses techniques morphométriques,
et les travaux utilisant l’imagerie fonctionnelle dans des
protocoles d’activation neuropsychologiques. Les travaux
neuromorphologiques ont essentiellement apporté deux
résultats significatifs (30, 64, 72) : 1) une tendance chez
l’enfant et l’adulte hyperactif à un certain degré d’atrophie
corticale et sous-corticale, surtout frontale, apparemment
indépendante de l’ancienneté de la maladie et de la présence ou non d’un traitement au long cours ; 2) une atrophie de structures sous-corticales dont la cible principale
semble être le noyau caudé et à un moindre degré du cervelet. C’est ainsi que Castellanos et al. (15), lors d’une
étude souvent citée en raison du nombre considérable de
sujets analysés (152 enfants et adolescents hyperactifs et
139 témoins) ont suivi longitudinalement l’évolution anatomique de sujets hyperactifs et ont observé une réduction
significative du volume cérébral et du volume cérébelleux,
constante avec l’âge, et une réduction significative du
volume caudé, se normalisant autour de l’adolescence,
normalisation que les auteurs rapprochent de l’amélioration observée à cet âge des symptômes comportementaux du TDAH.
L’avènement de l’IRM fonctionnelle a donné lieu à diverses publications cherchant à mettre en évidence les modifications d’activité cérébrale lors de tâches, essentiellement de type go-no go, chez des enfants ou adultes
hyperactifs par rapport à des témoins (23, 65, 69). Les
résultats, généralement en faveur d’une sous-activation
de régions corticales et striatales, n’apportent pas vraiment d’éléments déterminants à la problématique.
S 19
M. Habib
Plus intéressants sans doute pour notre propos sont les
résultats d’une étude utilisant encore une tâche de type
go-no go, mais chez des adolescents (67, 68) et où les
faits observés ont été assez diamétralement opposés à
ceux des études chez les enfants plus jeunes : les auteurs
retrouvèrent en effet une augmentation d’activité lors de
cette tâche dans des régions corticales toutes apparentées au système limbique : le cortex cingulaire antérieur,
le cortex frontal médian et le cortex fronto-orbitaire. L’interprétation des auteurs est que cette hyperactivation témoignerait peut-être de la mise en jeu compensatoire, avec
l’âge, de mécanismes faisant intervenir les zones corticales associées, par l’entremise des boucles limbiques
décrites plus haut, à des structures sous-corticales déficientes, sans doute le striatum ventral et le caudé.
Une autre étude digne d’intérêt est celle de Ernst et al.
(27) qui ont proposé à des adultes hyperactifs et à des
témoins une tâche très similaire à l’épreuve de gambling
de Bechara, durant l’enregistrement de l’activité cérébrale en IRMf. Les hyperactifs, contrairement au travail
précédent, ont présenté une hypo-activation lors de la
tâche de gambling par rapport aux témoins dans diverses
aires paralimbiques (cingulaire antérieur et région orbitaire).
Finalement, on se trouve devant le paradoxe suivant :
dans une tâche de type go-no go, donc reposant spécifiquement sur les structures en charge des fonctions exécutives, les hyperactifs suractivent des régions limbiques
non a priori impliquées dans ce type de tâche, comme pour
compenser un déficit d’inhibition lié au dysfonctionnement
du couple cingulaire antérieur/cortex dorso-latéral. À
l’inverse, lors d’un paradigme de type gambling, où l’activation est attendue au niveau du cortex orbitaire et de ses
connexions sous-corticales, on décrit une sous-activation
de ces mêmes zones chez l’hyperactif (adulte). Il faut noter
que dans ce dernier travail, les auteurs ne retrouvent pas
de différence de performance entre leurs patients et leurs
témoins, alors qu’ils signalent que dans une autre population plus vaste, il existe un déficit significatif à l’épreuve
du gambling (26). Par ailleurs, cette dernière épreuve est
réputée, d’après les données lésionnelles chez l’adulte,
sensible à la dysfonction fronto-orbitaire et amygdalienne,
à l’exclusion de toute autre topographie lésionnelle. Des
adultes ayant un profil psychopathique ont également un
déficit significatif et spécifique à cette épreuve (58, 77).
L’épreuve de gambling diffère en fait d’autres épreuves
impliquant un raisonnement et une prédiction (tel le test
de Wisconsin, par exemple) par le fait que contrairement
à ces dernières, elle implique une composante de choix
décisionnel donnant lieu à une sanction soit positive
(récompense, en l’occurrence gain d’argent) soit négative
(punition, perte d’argent). L’épreuve est ainsi faite que l’on
puisse mesurer exactement l’évolution dans le temps des
réponses et donc l’adaptation progressive du sujet à la
règle du jeu. Selon ses auteurs, cette adaptation se ferait
de manière non consciente et implicite, par l’entremise des
marqueurs somatiques (voir plus haut). Cette épreuve est
considérée, parmi la panoplie des tests neuropsychologiques, la plus à même de tester les mécanismes selon lesS 20
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 10-24, cahier 2
quels la récompense et son anticipation influencent la
prise de décision et l’orientation des comportements.
Mise à l’épreuve du système de récompense
chez l’enfant hyperactif
Nous avons nous-mêmes réalisé une étude utilisant la
tâche de gambling chez 23 enfants hyperactifs de 9 à
12 ans par comparaison à un groupe témoin, en incluant
une dimension complémentaire : la présence ou non de
traits répondant aux critères DSM IV (5) de troubles des
conduites. Les résultats sont éloquents (figure 4) : alors
que les jeunes témoins, comme cela est décrit dans la littérature, ont tendance à apprendre le comportement le
plus avantageux et à éviter les piles désavantageuses,
pour les hyperactifs, il n’en est rien, ils continuent, même
en fin d’épreuve, à piocher dans les deux piles désavantageuses, tout en sachant pertinemment qu’ils courent à
leur perte, exactement comme Bechara et Damasio le
décrivent chez leurs patients avec lésion orbito-frontale ou
amygdalienne. Un élément supplémentaire apporté par
cette étude est l’absence totale de corrélation entre la performance au gambling et celle obtenue, tant par les
patients que les témoins, à deux épreuves comportant une
condition d’interférence de type Stroop. Pour chacune de
ces deux épreuves, les hyperactifs sont significativement
déficitaires, mais les plus déficitaires ne sont pas ceux qui
sont les plus en difficulté au gambling. Enfin, le degré
d’hyperactivité comportementale, tel qu’évalué par le
score de Conners, est proportionnel au défaut de résistance à l’interférence au Stroop, mais pas au degré de
comportement désavantageux au gambling. Ainsi, il apparaît une dissociation, du moins dans cette population
d’hyperactifs, entre d’une part une épreuve réputée évaluer les systèmes de la récompense, et d’autre part les
performances exécutives et le degré d’hyperactivité
mesuré par une échelle comportementale. Cela suggère
évidemment des mécanismes sous-jacents au moins en
partie distincts.
Enfin, la présence de traits de troubles des conduites
dans cette population (12 patients) est largement plus fréquente que dans la population générale, confirmant donc
la fréquence de la comorbidité de ce trouble avec le TDAH,
mais n’est pas corrélée à la performance au gambling.
Ainsi, le diagnostic d’hyperactivité et non celui de troubles
des conduites est associé à une tendance à faire les mauvais choix à l’épreuve du gambling. Le fait que des psychopathes adultes, population proche des troubles des
conduites, soient, eux, déficitaires à cette tâche s’explique
peut-être par l’insuffisance des critères DSM IV que nous
avons utilisés, ou encore par le développement ultérieur,
probablement au cours de l’adolescence, de tendances
psychopathiques chez une partie des enfants hyperactifs.
En tout état de cause, ces résultats incitent à chercher à
approfondir les liens complexes existant entre TDAH,
troubles des conduites de l’enfant et psychopathie de
l’adulte.
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 10-24, cahier 2
Neurologie de l’action et de la motivation : de l’athymhormie à l’hyperactivité
0
– 0,5
–1
– 1,5
–2
– 2,5
–3
– 3,5
–4
Bloc 1
Bloc 2
Bloc 3
Bloc 4
Bloc 5
Moyenne 1
Moyenne 2
5
4
3
2
1
0
–1
– 25
Bloc 1
Bloc 2
Bloc 3
Bloc 4
Bloc 5
Moyenne 1
Moyenne 2
FIG. 4. — Gambling test ou test du jeu de Poker. Performance
de 23 enfants TDAH (en haut) et de 15 témoins indemnes
(en bas) lors de deux passations successives des 5 blocs de
20 cartes. Chaque point représente, à un moment du test, la
soustraction nombre de tirages de piles avantageuses moins
nombre de tirages de piles désavantageuses. Lors de la
première passation, les témoins ont une performance
relativement homogène au cours des blocs, alors que les
hyperactifs continuent à tirer préférentiellement des piles
désavantageuses. Lors de la deuxième passation, les témoins
améliorent notablement leur performance alors que les
hyperactifs restent dans le négatif. La différence entre les deux
groupes est très significative (p = 0,0001).
Proposition d’un modèle anatomo-fonctionnel
de trouble déficitaire d’attention avec hyperactivité
Il existe à notre avis une convergence d’arguments permettant de penser que les deux grands mécanismes
jusqu’ici proposés sont insuffisants, pris séparément, pour
rendre compte de la totalité des faits. L’analyse de la littérature en imagerie fonctionnelle, telle que résumée cidessus, apporte essentiellement des éléments en faveur
d’une dysfonction de systèmes moteurs et cognitifs, impliqués dans l’inhibition de l’action. Quelques données, bien
plus éparses, attirent au contraire l’attention sur des structures limbiques, à mettre plutôt en lien avec la thèse d’un
déficit de la motivation, tel que postulé dans les modèles
d’aversion pour le délai. Notre proposition est que le
modèle neuro-anatomique de la motivation, schématisé
sur la figure 3, peut parfaitement servir de base à une
réflexion concernant le TDAH, et fournir un cadre plausible
pour intégrer l’ensemble des données. Le déficit principal,
à l’instar de ce que nous avons décrit pour l’athymhormie,
résiderait dans les mécanismes d’anticipation et de correction de la récompense sous-tendus par la partie limbique du système (boucle limbique) et centrée sur le fonctionnement du noyau accumbens, de ses extensions dans
le noyau caudé et de ses connexions avec le reste du système limbique. Mais à l’inverse de l’athymhormie où ce
système est anatomiquement détruit, ici il serait intact
mais dysfonctionnel, non sans analogie avec la différence
qui existe entre une aphasie survenant sur un cerveau
adulte, et une dysphasie liée à une aire du langage anatomiquement intacte mais génétiquement dysplasique
(36). La nature exacte de cette dysfonction ne peut encore
être affirmée, mais il est probable qu’elle implique un jeu
complexe de dysrégulation entre les composantes tonique et phasique de la sécrétion de dopamine au niveau
des terminaisons du système méso-limbique (66). À l'instar du modèle lésionnel, la dysfonction primaire de la boucle limbique retentit à la fois sur les deux autres circuits :
le circuit cognitif, originaire du cortex frontal dorso-latéral,
responsable des déficits neuropsychologiques constatés
dans le domaine des fonctions exécutives, et le circuit
moteur, avec comme conséquence principale l’incapacité
à inhiber l’activité motrice spontanée, celle-là même qui
fait si typiquement défaut chez le patient athymhormique.
La figure 5 résume ainsi la situation telle que postulée par
le modèle. Elle permet de comprendre, entre autres, pourquoi, selon les cas, on pourra rencontrer divers sous-types
de TDAH, en particulier quant à la prédominance du trouble attentionnel ou de l’hyperactivité comportementale,
selon la manière dont la dysfonction de la boucle limbique
va retentir sur les autres systèmes, peut-être sous
l’influence de divers facteurs anatomiques, neurochimiques, ou liés à l’interaction de l’individu, à divers moment
de son développement, avec son environnement, parental, éducatif et social. En outre, nous proposons de compléter le modèle par une troisième dimension, correspondant à la dysfonction de la boucle limbique elle-même, se
traduisant par un ensemble de symptômes se situant sur
un continuum depuis la simple impulsivité jusqu’aux formes complètes de troubles des conduites. Cela nous
amène à concevoir le trouble des conduites, non comme
une forme associée ou une comorbidité du TDAH, mais
bel et bien comme une autre forme symptomatique, au
même titre que la forme dysattentive et les formes hyperactive ou mixte. L’incapacité à différer la récompense, le
besoin de satisfaction immédiate des désirs, sont des éléments constants du tableau de trouble des conduites, également retrouvés chez les adolescents aux tendances
psychopathiques (1). À un degré de plus, ce trouble de
l’immédiateté, commun à l’hyperactif et au psychopathe,
va se doubler d’un défaut d’empathie, véritable trouble de
la détection d’émotions chez autrui (12), qui va en quelque
sorte justifier, « autoriser » le sujet à passer à l’acte.
D’après les modèles neuropsychologiques actuels des
S 21
M. Habib
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 10-24, cahier 2
Récompense/punition
Apprentissage
de
l’association
stimulusrenforcement
Hypothalamus/
syst. nerv. autonome
Amygdala
Afférences
Boucle
cognitive
Attribution
d’une valence
affective
(marqueurs
somatiques)
Dopaminergiques
Boucle
motrice
Boucle
imbique
TDAH
Syndrome
dysexécutif
défaut
d’inhibition
Aversion pour
délai, impulsivité,
trouble des
conduites
Hyperactivité
FIG. 5. — Le modèle des trois boucles appliqué au trouble déficitaire d’attention avec hyperactivité. Comme sur la figure 3, le rôle
central est ici donné à la boucle limbique qui, grâce à un mécanisme au mieux symbolisés par une succession d’engrenages, est
capable d’« entraîner » les circuits moteur et cognitif qui lui sont solidaires. En cas de TDAH, la dysfonction de la boucle limbique
détermine une perturbation de la globalité du système, selon des modalités variables cependant, expliquant les différentes formes
cliniques de l’affection (inattentive, hyperactive, mixte, ou avec trouble des conduites).
troubles des conduites chez l’enfant (47) et de la psychopathie de l’adulte (11, 13), il apparaît plausible que le seul
défaut du système de récompense soit insuffisant pour
provoquer un tableau complet de psychopathie, expliquant la possibilité de TDAH même sévère sans évolution
comportementale péjorative, mais que la survenue d’une
psychopathie proprement dite nécessite une dysfonction
amygdalienne associée, responsable de la composante
émotionnelle. Ainsi, si l’on se réfère à nouveau à
l’athymhormie de l’adulte cérébro-lésé, la nature du ressenti émotionnel, dont on a vu qu’il est probablement intact
chez l’athymhormique, l’est probablement aussi chez
l’hyperactif, voire même à l’inverse exagéré. Mais contrairement à l’adulte athymhormique dont le système est fixé,
l’enfant hyperactif continue à modifier les interactions
entre les différents circuits impliqués dans cette construction complexe, et entre ces circuits et les multiples facteurs
d’environnement pouvant influer sur leur développement.
C’est dire l’importance dans tous les cas d’une évaluation
précise des facteurs de risque et d’une prise en charge
précoce des différentes facettes d’une pathologie qui n’a,
à l’évidence, pas encore dévoilé tous ses mystères.
S 22
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