15 octobre 2015 - Sainte Thérèse d`Avila « Solo Dios basta

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15 octobre 2015 - Sainte Thérèse d’Avila
« Solo Dios basta ! »
Sainte Thérèse d’Avila est la sainte de l’absolu, rien en dehors de Dieu, de son amour, de son
service.
Elle est semblable à la femme de Samarie qui, elle aussi, dans la vie qui était la sienne, n’a su
que se tromper avant que le Seigneur ne vienne à elle.
Il s’agit donc de conformer sa volonté à celle de Dieu ; si l’homme se laisse à sa volonté propre,
il reste enfermé en lui-même. Même les pratiques extérieures, si belles soient-elles, peuvent
devenir trompeuses :
« L’affaire n’est pas de porter ou non un habit religieux – écrit Thérèse – mais de soumettre en
toutes choses notre volonté à celle de Dieu et de conformer notre vie à ce que Sa Majesté
dispose » 3ème Demeure 2, 6.
Il faut porter un habit, oui, mais il s’agit de se « revêtir du Christ », en abandonnant le vêtement
de la toute-puissance ; il faut donc accepter le vêtement du serviteur, de celui qui s’en remet
totalement à l’autre qu’est son Père.
La première pierre de l’édifice, c’est l’intention droite, laquelle s’exprime dans le choix de
consulter des personnes instruites pour traiter des affaires de l’âme, c’est-à-dire ces personnes
qui discernent l’obstacle mis au désir de Dieu dans une âme.
Si ce repérage du mensonge n’a pas lieu, on ne pourra faire reposer le château intérieur sur le
roc.
Or, Thérèse est une « fondatrice », elle fonde des monastères, et elle fonde ce monastère
invisible que doit être notre âme.
Pour elle, « tout l’édifice repose sur la prière. Pour que la maison soit solide, il convient que
l’oraison se développe à la lumière de la ‘’science’’. Autrement, tout l’édifice porte à faux et
ceux qui l’habitent demeurent dans la nuit. »
Le chemin de la perfection, pour Thérèse, est chemin de prière et aussi chemin d’humilité, et
finalement c’est la même chose : la prière et l’humilité font sortir de soi ; la prière nous tourne
vers Dieu, l’humilité nous fait nous en remettre à Dieu.
A l’opposé de cela, il y a cette toute-puissance de l’homme, ou bien son emprisonnement en
lui-même.
Ecoutons encore Thérèse :
« Un jour où je me demandais pour quelle raison Notre Seigneur aime tant cette vertu
d’humilité, sans réflexion préalable ce me semble, ceci, soudain, me parut évident : Dieu est la
suprême Vérité, et l’humilité, c’est être dans la vérité ; en voici une fort grande : nous n’avons
de nous-mêmes rien de bon, nous ne sommes que misère, et néant ; quiconque ne comprend pas
cela vit dans le mensonge. Plus on le comprend, plus on est agréable à la suprême Vérité, car
on vit en elle. Plaise à Dieu, mes sœurs, de nous faire la grâce de ne jamais nous écarter de cette
connaissance de nous-mêmes. » (6ème Demeure, 10, 7).
Et puis, l’humilité, c’est le contraire du sentiment de dépréciation de soi qui est enfanté par
l’orgueil, cette illusion que nous pourrions nous connaître par nous-même.
« L’amour de Dieu ne consiste pas dans les larmes, ni dans les saveurs et tendresses que nous
désirons souvent pour notre consolation, mais c’est servir Dieu avec justice, force d’âme et
humilité » Autobiographie 11, 13.
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La prière et l’humilité, ce sont aussi les deux conditions que mettait le pape François au premier
jour du synode qui est en ce moment célébré à Rome, conditions pour que ce synode soit mené
dans l’écoute de l’Esprit.
Je cite le pape François :
« Le synode demande l’humilité évangélique et la prière confiante.
L’humilité évangélique qui sait se vider de ses propres conventions et préjugés pour écouter ses
frères évêques et se remplir de Dieu. L’humilité qui conduit à ne pas montrer du doigt les autres
pour les juger, mais à leur tendre la main pour les relever sans jamais se sentir supérieurs à eux.
La prière confiante est l’action du cœur quand il s’ouvre à Dieu, quand on fait taire toutes nos
humeurs pour écouter la voix douce de Dieu qui parle dans le silence.
Sans écouter Dieu, toutes nos paroles ne seront que des « mots » qui ne rassasient pas et ne
servent pas. Sans nous laisser guider par l’Esprit, toutes nos décisions ne seront que des «
décorations » qui, au lieu d’exalter l’Evangile, le dissimulent et le cachent. »
A la fin de son Autobiographie, Thérèse, qui peut être forte de son œuvre, riche de la réforme
de l’Ordre, riche des fondations qui fleurissent, cherche toujours à ne pas risquer de faire son
œuvre, mais à être dans la seule dépendance du Maître, tourne autour de ces questions : En
quoi met-elle sa complaisance ? En elle-même ? En ses relations ? En ses œuvres ? En Dieu ?
Elle rapporte alors cette anecdote :
« Quelqu’un me pria un jour de supplier Dieu de lui faire entendre s’il devait accepter un
évêché, dans le but de le servir. Le Seigneur me dit après la communion : ‘’Quand il aura
compris en toute vérité et clarté que la vraie grandeur est de ne rien posséder, il pourra
l’accepter’’ ; il faisait comprendre ainsi que ceux qui accèdent aux prélatures doivent être bien
éloignés de les désirer et de les vouloir ou du moins de les rechercher » Autobiographie 40, 16.
C’est quand l’homme comprend que la vraie grandeur est de ne rien posséder du don de l’Esprit,
qu’il est prêt à l’accepter et à en vivre dans l’action de grâce et dans la louange.
C’est parce que l’on ne cherche pas à la posséder, qu’on a quelque espérance de vivre de la vie
de Dieu.
Pour demeurer vrai, le désir doit alors accepter la souffrance de la séparation. Doit accepter de
ne pas tenir Dieu, de connaître son silence, son absence, l’absence de signes tangibles de sa
part.
Ainsi s’exprime Thérèse dans une sorte d’hymne au désir :
« Hélas, hélas, Seigneur ! Qu’il est long, cet exil où l’on purge la lourde peine de désirer mon
Dieu ! Seigneur ! Que peut faire l’âme enfermée dans cette prison ? O Jésus, qu’elle est longue,
la vie de l’homme qu’on dit brève ! Elle est brève, mon Dieu, pour gagner une vie qui n’aura
pas de fin, mais elle est très longue pour l’âme qui désire voir son Dieu.
Quel remède donnez-vous à cette souffrance ? Il n’y en a pas, si ce n’est de souffrir pour Vous.
O mon suave repos, repos des amants de mon Dieu ! Ne faites pas défaut à celui qui vous aime,
car c’est par Vous que doit grandir et s’adoucir le tourment que cause l’Aimé à l’âme qui le
désire. Je désire, Seigneur, vous contenter ; mais mon propre contentement, je sais bien qu’il
n’est en aucun mortel. Ainsi, Vous n’incriminerez pas mon désir. Vous me voyez devant Vous,
Seigneur : s’il m’est nécessaire de vivre pour Vous servir, je ne refuse aucune de toutes les
épreuves qui peuvent m’être imposées sur terre, comme le disait notre aimant saint Martin.
Mais hélas, douleur ! Hélas, quelle douleur j’éprouve, mon Seigneur, car il avait des œuvres et
je n’ai que des mots. Je ne sers à rien d’autre. Tenez compte de mes désirs, mon Dieu, de ma
soumission à votre divinité. Ne regardez pas mon peu de mérite. Puissions-nous tous mériter de
Vous aimer, Seigneur. Puisqu’il faut vivre, vivons pour vous, trêve de nos désirs personnels. (
... )
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Mes services sont misérables, même si j’en rendais de nombreux à mon Dieu. Pourquoi dois-je
donc vivre dans cette misérable misère ? Pour que s’accomplisse la volonté du Seigneur.
Considère que plus tu lutteras, plus tu montreras ton amour pour ton Dieu et plus tu jouiras de
ton Aimé dans une joie et des délices qui ne peuvent finir » (Excl., XV, 1569).
Certainement que dans ces paroles, Thérèse nous signifie la difficulté du chemin que nous
suivons, un chemin où, parfois, des lumières, des appels, seront exprimés, pour nous aider, nous
éclairer, nous fortifier.
Mais un chemin où, le plus souvent, nous avancerons dans la pénombre, si ce n’est dans la nuit,
en tout cas dans l’absence de consolations.
N’oublions alors pas cette parole de saint François de Sales qui appelle à « préférer le Dieu des
consolations aux consolations de Dieu ».
Sans cesse alors il faut s’en remettre à Dieu, encore une fois par l’humilité et par la prière.
« Sa Majesté – écrit sainte Thérèse – sait mieux que nous ce qui nous convient ; nous n’avons
pas à lui conseiller ce qu’Elle doit nous donner, elle peut nous dire avec raison que nous ne
savons pas ce que nous demandons » 2ème Demeure, 1, 8.
Mgr Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers
Pour le 5ème centenaire de la naissance de Ste Thérèse d’Avila
Dimanche 18 octobre 2015 – Carmel de Migné-Auxances
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