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Notons enfin que Deleuze revendique dans le Pli de façon explicite d’une part une réhabilitation de
la catégorie historique esthétique de Baroque
1
(cf : « On assista alors à une restriction du Baroque à un
seul genre (l’architecture), ou bien à une détermination des périodes et des lieux de plus en plus
restrictive, ou encore à une dénégation radicale : le Baroque n’avait pas existé. Il est pourtant étrange
de nier l’existence du Baroque comme on nie les licornes ou les éléphants roses. Car dans ce cas le
concept est donné, tandis que dans le cas du Baroque il s’agit de savoir si l’on peut inventer un
concept capable ( ou non) de lui donner l’existence. Les perles irrégulières existent, mais le Baroque
n’a aucune raison d’exister sans un concept qui forme cette raison même. Il est facile de rendre le
Baroque inexistant, il suffit de ne pas en proposer le concept. » p.47 Le Pli, G.Deleuze) et d’autre part
une défense de l’intérêt théorique de l’œuvre de Leibniz : « Nous restons leibniziens » p. 189, ibid.
Pour pouvoir donc comprendre de quoi il retourne, nous allons donc uniquement chercher à
synthétiser la réponse donnée par Deleuze à la question : Qu’est ce qui est Baroque ?
*
G.Deleuze définit le Baroque selon des traits matériels, une fonction opératoire et une série de
traits métaphysiques ce qui implique que le Baroque tel que Deleuze le conçoit n’est pas contenu en
une période historique stricte et qu’il est possible de lui affecter une extension historique ( antérieure
ou postérieure) donnée, sous réserve de satisfaction des caractéristiques mentionnées ci-dessus, à
savoir, traits matériels et métaphysiques et fonction opératoire propre au Baroque tel que le précise
Deleuze: « Le critère ou le concept opératoire du Baroque est le Pli. Si l’on peut étendre le Baroque
hors de limites historiques précises, il nous semble que c’est toujours en vertu de ce critère. » p.47,
ibid. et plus loin : « Ce sont les même traits pris dans leur rigueur qui doivent rendre compte de
l’extrême spécificité du Baroque, et de la possibilité de l’étendre hors de ses limites historiques, sans
extension arbitraire » p. 48, ibid.
Autrement dit, le Baroque a une extension esthétique étendue à tous les arts et à la philosophie et
une extension historique indéfinie. S’agissant de l’extension esthétique étendue du Baroque Deleuze
parle d’un art total baroque, en effet : « Si le Baroque a instauré un art total ou une unité des arts, c’est
d’abord en extension, chaque art tendant à se prolonger et même à se réaliser dans l’art suivant qui le
déborde. » p.166, Le Pli. Et Deleuze poursuit : « Cette unité extensive des arts forme un théâtre
universel qui porte l’air et la terre, et même le feu et l’eau. Les sculptures y sont de véritables
personnages, et la ville, un décor, dont les spectateurs sont eux-même des images peintes ou des
sculptures. L’art tout entier devient Socius, espace social public, peuplé de danseurs baroques. » p.168,
ibid. Ayant présenté l’art Baroque comme un art total, c’est-à-dire dont l’extension esthétique est
optimale, est étendue à tous les arts, il reste à Deleuze à faire valoir que l’extension donnée à la notion
de Baroque déborde la discipline des arts pour atteindre la philosophie.
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1
:
Dans Baroque et classisisme, Victor-Lucien Tapié atteste des préjugés esthétiques envers le baroque :
« L’art auquel on doit la Rome de Bernin et de Borromini, les fêtes de l’Ile enchantée, des aspects de Versailles,
les églises de Fischer von Erlach et de Dientzenhofer ne mérite pas d’être appelé une décadence ou une altération
de la Renaissance. » p.435 et « On peut même dire qu’en s’adressant aux imaginations et aux sensibilités, en
cherchant à provoquer l’émotion plutôt qu’à satisfaire la raison et la logique, le Baroque s’est mis au service de
forces diffuses et troubles de la nature humaine et qui ne favorisent pas le progrès humain. De là provient, sans
doute cette confusion par laquelle on a prêté au style baroque en général un caractère de faiblesse et de féminité,
une tendance au désordre. » p.436