ED 5028 Point des connaissances 3
L'ototoxicité des AA se traduit par des
pertes auditives aux fréquences élevées
(sons aigus) se propageant ensuite vers les
basses fréquences (sons graves) en fonc-
tion de la durée du traitement. C'est sur-
tout l'organe de Corti (Fig. 1) qui est lésé, les
CCEs du premier rang disparaissent les pre-
mières, suivies par celles du second rang,
puis par celles du troisième rang. Les AA
pénètrent dans les liquides de l'oreille
interne (OI) en traversant la barrière
hémato-labyrinthique. Si l'élimination des
AA ne nécessite guère que 8 heures, elle est
plus longue dans les liquides de l’OI. Chez le
rat, par exemple, l’AA peut persister 15 jours.
Par ailleurs, les recherches sur animaux ont
montré que les AA peuvent s’accumuler
dans les cellules ciliées jusqu’à en devenir
toxiques. Les AA sont donc des agents
potentiellement ototoxiques.
Bien entendu, les risques pour l’audition
encourus par les personnes sous traite-
ment sont pris en considération par le
médecin ; il s'agit bien souvent du seul
choix possible compte tenu des patholo-
gies développées par les patients. La perti-
nence du choix de tel ou tel AA ne sera donc
pas discutée ici, nous soulignerons plutôt
les risques encourus par les personnes qui,
au terme de leur convalescence, reprennent
leur travail. En effet, des études chez le
cobaye ont montré qu'il existe une synergie
entre les effets ototoxiques des AA et ceux
du bruit. Fort de ces données expérimen-
tales, il convient d’informer le personnel
ayant subi un traitement des risques
encourus, ou de le protéger (protecteurs
individuels contre le bruit, pauses sous-
trayant au bruit, suivi audiométrique) des
ambiances sonores limites par rapport à
celles recommandées à ce jour par la légis-
lation : 85dB(A) pour 8 heures de travail.
2.2. Diurétiques
Le furosémide, l'acide éthacrynique, le
bumétanide sont trois diurétiques connus
pour leurs effets ototoxiques regrettables
mais temporaires. Trois caractéristiques
essentielles permettent de distinguer l'oto-
toxicité de ces diurétiques de celle des AA :
1 ■la surdité apparaît quelques minutes
seulement après l'administration ou l'inges-
tion du diurétique ;
2 ■à la différence de celle induite par les
AA, la surdité régresse parallèlement à l’éli-
mination des diurétiques et cesse à la dispa-
rition totale du produit ;
3 ■l'ototoxicité des diurétiques n'inté-
resse que la cochlée (Fig. 1); le vestibule
(récepteur neurosensoriel de l’équilibre)
semble être préservé de l'action toxique du
diurétique.
Les diurétiques perturbent les équilibres
ioniques existant entre le sang et les
liquides de l’OI, entraînant ainsi une baisse
de l’acuité auditive. Les personnes sous trai-
La Réglementation
Actions requises selon les niveaux sonores
■
Réduire le bruit au niveau le plus bas raisonnablement possible, compte tenu de l’état des techniques.
■
Maintenir l’exposition sonore à un niveau compatible avec la santé des travailleurs.
■
Établir et mettre en œuvre un programme de mesures techniques et d’organisation du travail afin de
réduire l’exposition sonore ; le présenter au CHSCT dans le programme annuel de prévention des risques
professionnels.
■
Estimer l’exposition sonore des travailleurs et identifier tous les travailleurs exposés.
■
Prévoir le mesurage de l’exposition dans un document soumis pour avis au CHSCT.
■
Mesurer les niveaux d’exposition sonore.
■
Tenir les résultats du mesurage à disposition des travailleurs exposés, du médecin du travail, du CHSCT.
■
Informer et former les travailleurs sur les risques dus à l’exposition sonore et sur les moyens pris pour
les prévenir.
■
Organiser la surveillance médicale incluant le contrôle audiométrique des travailleurs.
■
Fournir des protecteurs individuels aux travailleurs.
■
Prendre toutes les dispositions pour que les protecteurs individuels soient utilisés.
■
Signaler les lieux de travail bruyants.
EXPOSITION DES SALARIÉS
AU BRUIT
Directive 2003/10/CE du parle-
ment européen et du conseil du
6 février 2003.
La réglementation française
concernant l’exposition des
salariés au bruit est issue de
deux directives européennes : la
directive 86/188/CEE du 12 mai
1986 et la directive 89/392/CEE
du 14 juin 1989. Si la première
concerne la protection des tra-
vailleurs contre les risques dus à
l’exposition au bruit, la seconde
concerne les machines et spéci-
fie les exigences à respecter,
notamment en matière de bruit
émis. La réduction des risques
auditifs dus au bruit s’impose
donc non plus seulement aux
employeurs, mais aussi aux
constructeurs de machines ou
d’équipements industriels et
aux concepteurs des locaux de
travail.
La réglementation s’appuie
essentiellement sur deux indi-
cateurs de niveau de risque :
a) le niveau d’exposition sonore
quotidien ou niveau moyen de
bruit (85 dB(A)) auxquels est
exposé un travailleur durant sa
journée de travail (8 heures) ;
b) le niveau de pression acous-
tique de crête qui correspond à
l’intensité maximale, exprimée
en dB, qui ne doit pas être
dépassée sans porter un protec-
teur auditif (135 dB).
En cas de dépassement d’un des
deux niveaux de risque, les dis-
positions précisées dans le
tableau ci-dessous, sont appli-
cables.
TABLEAU DE MALADIE PROFESSIONNELLE
Le tableau 42 du régime général, publié au JO le 28-09-2003, régit les atteintes auditives provoquées par
des bruits lésionnels. Il ne prend en compte que les effets auditifs dus au bruit au cours d'une période
n'excédant pas une année après cessation de l'exposition au bruit professionnel.
tement doivent donc être informées des
risques encourus. De plus, des études expé-
rimentales et des cas cliniques montrent
qu'il existe une synergie entre les effets oto-
toxiques des antibiotiques et ceux des diu-
rétiques. Par ailleurs, une récente étude
révèle la potentialisation des effets oto-
toxiques de certains métaux lourds, comme
le cadmium, par le furosémide. La prescrip-
tion de diurétiques devra donc s’accompa-
gner d’une information non seulement sur
les risques d’hypoacousie contemporains à
la prise du médicament, mais aussi sur les
risques encourus par une prise combinée de
diurétiques avec d’autres médicaments oto-
toxiques.
Comme évoqué précédemment avec les AA,
il conviendra d’apporter une protection par-
ticulière au personnel sous traitement, sur-
tout lorsque les salariés sont soumis à des
ambiances sonores limites par rapport à
celles recommandées par la législation.
2.3. Salicylates
L'acide acétylsalicylique, ou aspirine, est le
médicament le plus couramment
consommé dans les sociétés industrielles
modernes. Si les effets analgésiques, anti-
inflammatoires ou anti-pyrétiques sont les
plus souvent recherchés, certaines per-
sonnes souffrant de maladies cardio-vascu-
laires peuvent également en consommer
pour accentuer la fluidité sanguine. Un
niveau sérique de 10-15 mg pour 100 mL cor-
respond à la dose généralement prise pour
calmer une migraine, un mal de dent, une
fièvre ; il correspond également au traite-
ment préventif des angines de poitrine. À de
telles concentrations, des déficits auditifs
partiels et temporaires peuvent survenir.