Efficacité et transparence dans les procédures de spécification sur

Ecacité et transparence dans les procédures
de spécication sur les marchés publics
O. Compteet A. Lambert-Mogiliansky
EtudeRCBréaliséepourlecomptedelaDirectiondela
Prévision, Ministère de l’Economie de Finances et de
L’Industrie.
Novembre 2000
CERAS, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, URA 2036.
CERAS, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, URA 2036 et ALM-Consultants
Paris.
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Résumé
L’objectif de cette étude est de comparer diverses procédures d’allocation
des marchés publics quant à leurs performances en termes de pression con-
currentielle et de risque de favoritisme. Nous trouvons que les procédures
avec sélection sur critère annoncé à l’avance, tendent à induire une pres-
sion concurrentielle plus forte et sont associées à des rentes de favoritisme
moins importantes que les procédures qui consistent à orir aux soumis-
sionaires un cahier de charges avec des clauses techniques précises. Nous
trouvons également que l’incertitude sur le critère peut nuire à l’ecacité et
que cette incertitude à elle seule peut générer des rentes de favoritisme. Enn
nous orons une caractérisation de la variante résultant du favoritisme. Le
favoritisme sélectionne des variantes techniques non-standards ou bien des
critères qui valorisent des caractéristiques spéciques à un petit nombre de
candidats. Un étude de cas sur le marché des fournitures de papier est pro-
posée. L’examen comparé des procédures d’achats dans deux administrations
publiques, nous ore une occasion d’élargir la réexion à d’autres aspects des
procédures. Sur la base de notre analyse nous formulons quelques recomman-
dations pour améliorer l’ecacité et réduire les risques de favoritisme sur les
marchés publics. En particulier, il convient de minimiser le recours aux spé-
cications techniques au prot d’une spécication en termes de performance.
Il est aussi préférable de sélectionner l’entreprise gagnante sur la base d’un
critère d’évaluation (de la performance) plutôt que sur la base d’un objec-
tif minimal de performance. Enn, une dénition transparente des critères
de sélection rendue publique au préalable, est désirable tant du point du
vue de l’accroissement de la concurrence que de la limitation du risque de
favoritisme.
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Prologue: le coût social du favoritisme - un exemple.
L’exemple qui suit est tiré du Rapport de la Cour des comptes (1997),
”La gestion des services publics de l’eau et de l’assainissement”. A Dinard,
la commune avait coné à un cabinet privé l’étude et la construction d’un
barrage. Le marché initial fut sujet à des avenants de 15% au total. De
plus, il s’est avéré que les eaux recueillies n’oraient pas les qualités su-
isantes pour être distribuées sans traitement. L’utilisation du barrage, qui a
couté 30 millions de francs, reste conditionnée à la construction d’une usine
d’épurement, projet qui n’est pas encore programmé par la collectivité. Pour
l’instant, le seul eet de ce marché a été d’augmenter le coût de l’eau de 2.40fr
par m3.Est-il question d’incompétence, de négligence ou bien de favoritisme?
A notre connaissance aucun jugement n’a été prononcé. Cet exemple illus-
tre néanmoins la nécessité d’une réexion approfondie sur les mécanismes
d’allocation des marchés publics.
1Introduction
L’objectif de cette étude est de comparer diverses procédures d’allocation
des marchés publics. Par procédure d’allocation, on entend le processus qui
mène de la décision politique de nancer un nouveau projet à la signature
d’un contrat détaillé entre l’autorité publique et la rme qui réalisera le
projet.
Tout contrat nal doit généralement inclure une spécication précise des
charges et contraintes imposées à l’entreprise sélectionnée. Diérentes procé-
dures sont susceptibles de conduire à diérentes spécications. Notre objectif
est d’apprécier comment se comparent ces procédures quant à la spécication
retenue, la dépense publique, l’adéquation avec les préférences de l’acheteur
public et l’ecacité sociale. On discutera aussi l’eet de ces procédures sur
les risques de favoritisme et de collusion.
3
Pour illustrer l’eet possible des procédures sur la spécication nale
retenue, considérons une procédure d’allocation au moins disant. Dans une
telle procédure, la rme orant le prix le plus bas est sélectionnée. Claire-
ment, chaque entreprise va proposer la spécication qui minimise son coût,
sans tenir compte des préférences de l’acheteur public, par exemple en matière
de qualité. Ainsi l’adéquation de la spécication retenue avec les préférences
de l’acheteur public a toutes les chances d’être faible.
Pour pallier à ce problème, les procédures utilisées en pratique font appel
à des critères autres que le prix:
1.Spécication ex-ante du projet. L’agent ane la dénition du projet.
Les rmes font leurs ores. L’agent choisit la moins disante parmi les rmes
dont l’ore respecte les contraintes annoncées.
2. “Best value”. L’agent annonce à l’avance une règle d’évaluation ( la
nition de critères et le mode d’aggrégation de ces critères). Les entre-
prises font leurs ores. Puis l’agent se conforme à la règle annoncée pour
sélectionner la rme gagnante.
3. Evaluation ex-post. Les entreprises font leurs ores. L’agent sélec-
tionne une entreprise en prenant en compte d’autres critères que le prix.
L’agent explicite ex-post la manière dont il a pris sa décision. Cette procé-
dure permet à l’agent de prendre en compte d’autres critères que le prix
mais n’exige pas que ces critères soient annoncés à l’avance: une certaine
incertitude sur la règle d’évaluation subsiste.
Les trois types de procédure décrits ci-dessus vont induire des comporte-
ments de la part des rmes. Nous nous intéresserons à la performance de ces
procédures en terme de pression concurrentielle et de risque de favoritisme.
Dans une approche très générale, plusieurs articles (par exemple Laont
et Tirole (1987), Mc Afee et Mc Millan (1987)) ont identiéunmécanisme
de révélation optimal dans un environement similaire au nôtre. La ques-
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tion de la mise en oeuvre pratique de cette solution théorique a été abordée
par Che (1993). Il s’intéresse à la forme du critère de sélection optimal dans
une enchère bi-dimensionnelle. Un résultat particulièrement intéressant pour
notre propos est que le critère optimal qui pondère qualité et prix ne reète
pas naïvement les préférences de l’acheteur. Ce critère discrimine contre la
qualité. LaontetTirole(1991)orent une première exploration du prob-
lème du favoritisme dans les encres. Leur approche en terme de mécanisme
optimal se révèle cependant très laborieuse. Notre approche ici est diérente.
Nous ne sommes pas préoccupés par la dérivation d’une procédure de spéci-
cation optimale. Notre objectif est de mettre en évidence certaines propriétés,
en termes d’ecacité et de risque de favoritisme, an de permettre une com-
paraison entre trois procédures rencontrées dans la pratique. Cette approche
a l’avantage de ne pas faire appel à des calculs très sophistiqués (et peu réal-
istes) sur les coûts espérés des rmes pour des variantes hypothétiques du
projet.1
Nos premiers résultats mettent en évidence l’arbitrage fondamental qui
régit la décision de spécication: l’arbitrage entre pression concurrentielle et
adéquation avec les préférences de l’acheteur public. Réduire la pression con-
currentielle équivaut à favoriser certaines rmes aux dépens des autres. Cette
discrimination se fait au protdesrmes dont le projet plait à l’acheteur
public lorsque l’agent est bénévole mais elle peut être exploitée pour générer
des rentes de favoritisme lorsque l’agent est opportuniste (corrompu). Nous
contrastons la procédure de spécication (technique) ex-ante avec la procé-
dure de sélection sur critère (”best value”), pour établir que cette dernière
peut sélectionner le même projet que la première mais à un coût inférieur. Il
découle de ce résultat que les rentes de favoritisme (lorsque la décision de l’a-
1Mis à part l’hypothèse peu réaliste sur les capacités de l’agent à optimiser, les résultats
dans ce type d’analyses dépendent également des hypothèses particulières faites sur la
structure de l’information (voir Brusco 1997).
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