complexe de cette langue ne facilite pas sa dénomination. Certains parlent d’ «arabe algérien», tandis que
d’autres préfèrent «algérien» tout court rechignant à y accoler «arabe».
«Sur le plan linguistique, on parle généralement en Algérie de continuum de langue arabe. Un continuum
constitué d’un mélange d’arabe classique, moderne, parlé et des dialectes régionaux», explique le linguiste
Farouk Bouhadiba qui continue de développer sa pensée. «Au sein de ce continuum, une nouvelle forme
d’arabe est même en train de se construire : l’arabe médian, lougha al oustaâ, qui est un mélange entre
l’arabe officiel et le dialecte. L’arabe dialectal se rehausse alors avec des mots d’arabe classique pour
atteindre un niveau de langue plus soutenu».
L’ «arabe algérien» est un terme que réfute totalement Kamel Daoud qui a procédé à de nombreuses
recherches sur le sujet. «L’algérien n’est ni de l’arabe ni un dérivé de l’arabe. Bien sûr des mots arabes
existent mais ça n’en fait pas un dérivé de l’arabe. Il y a également des mots de français, d’espagnol ou de
berbère. Le propre d’une langue vivante est d’absorber des éléments des autres langues. Ce fut le cas du
français par exemple. Ce n’est pas un dérivé du latin, même s’il s’est constitué avec des mots provenant du
latin», explique l’écrivain et essayiste.
Le linguiste Farouk Bouhadiba s’accorde sur le fait que l’algérien est une langue mixte, avec des influences
extérieures nombreuses. «C’est un fort dosage d’arabe et des emprunts au français, au berbère, à l’espagnol,
car c’est une langue receveuse qui n’est pas fermée sur elle-même», précise-t-il. Mais, selon lui, cela
n’empêche pas l’algérien d’être une langue arabe. «Quand les gens disent que l’arabe algérien n’est pas de
l’arabe c’est parce qu’ils prennent pour référence l’arabe classique du Coran, or personne ne parle cet arabe
car ce n’est pas un arabe oral», estime-t-il.
Une langue non-officielle mais une langue nationale
L’algérien, ou arabe algérien, n’est pas reconnu en tant que langue officielle de l’Algérie. Il n’a même pas
été officiellement érigé au rang de langue nationale. Titre qu’a pourtant reçu le tamazight il y a plusieurs
années. Néanmoins, dans les faits, «qu’on le veuille ou non, cette langue algérienne est nationale», assure
l’universitaire Ouardia Aci.
La non-institutionnaliste de l’algérien est imputable à «une confusion ‘lexicale’ -bien entretenue-» qui
«assimile l’arabe au maghribi [autre nom donné à l’algérien] ; ce qui dispense d’émanciper juridiquement
cette langue vernaculaire, pourtant très largement majoritaire». C’est en tout cas ce qu’affirme Abdou
Elimam dans son essai intitulé Du Punique au Maghribi.
«Le jour où on créera une académie de l’algérien, on guérira la honte de soi, de notre langue. Il faudra par
contre un pouvoir politique assez courageux pour le faire», estime Kamel Daoud. Mais une telle académie
ne pourra se faire sans un travail préalable de la société civile, des écrivains, des intellectuels, des artistes.
Le chercheur Farouk Bouhadiba se rend compte des manques en la matière. «Nous les linguistes, nous
devrions préparer le terrain en créant des dictionnaires, des méthodes de langue de l’arabe algérien. Il faut
réfléchir, trouver une plate-forme de discussions entre gens spécialisés pour déterminer cet arabe algérien au
niveau linguistique», espère-t-il.
Politique, linguistique, commercial ou culturel, l’institutionnalisation peut venir de divers déclencheurs. «La
langue égyptienne s’est imposée à travers la production culturelle et a été principalement véhiculée par le
cinéma», se souvient Kamel Daoud. En Algérie ça arrive petit à petit. «Le raï, par exemple, est une
expression artistique qui a essayé de donner ses lettres de noblesse à l’algérien. On observe aussi une