L'Origine de la croisade et le discours de Clermont
Université de Sherbrooke (Canada)
Deus lo volt! Deus lo volt!
Le concile de Clermont se termina par le fameux appel aux armes d'Urbain II qui
connut un succès retentissant et donna naissance à la première croisade. L'origine du
mouvement fut attribuée au pape Urbain, mais il exista pendant longtemps une
légende qui imputait l'initiative à Pierre l'ermite. Ce dernier aurait convaincu le pape
de prêcher la croisade. Cette histoire fut propagée par les écrits d'Anne Comnène et
de Guillaume de Tyr. Ce ne fut qu'au XIXe siècle que cette légende fut discréditée par
l'ouvrage d'Hagenmeyer, Peter der Eremite. Pierre n'aurait été qu'un diffuseur du
message pontifical. Par contre, quelques critiques se firent entendre récemment et le
débat est loin d'être clos. Le pape prit ses contemporains par surprise, mais la
croisade fut rapidement acceptée, démontrant que la population était prête. D'abord,
il serait important d'examiner le contexte avant le concile de Clermont.
L'Europe avant Clermont
Pour commencer, l'idée de porter la guerre sainte aux Musulmans n'était pas une
nouveauté. Le pape Grégoire VII avait déjà proposé une force expéditionnaire pour
aider les Byzantins, après leur défaite à Manzikert en 1071, contre les Turcs
seldjoukides. Le basileus Michel VII avait demandé de l'aide au pape, car l'empire était
au prise avec les Turcs seldjoukides à l'est, les Petchenègues dans les Balkans et les
Normands en Italie du sud. À la fin de 1074, le pape pensait lui-même diriger cette
expédition. Par contre, la lutte qui s'engagea avec l'empereur Henri IV (La Querelle
des Investitures) l'en empêcha et il dut se mettre à dos les Byzantins en s'alliant avec
les Normands et Robert Guiscard. Ce dernier entreprenait au moment même une
invasion de la péninsule balkanique. Aussi, Grégoire excommunia Nicéphore III, le
nouvel empereur byzantin. De cette façon, les Byzantins virent Grégoire comme un
pape "normand", donc un ennemi et donnèrent des subsides à Henri IV dans sa lutte
contre la papauté. L'espoir du pape de terminer le Schisme de 1054 s'effondrait.
Grégoire mourut en 1085, ainsi que Guiscard. Suite à Victor III, l'Église eut avec
Urbain II, en 1088, un dirigeant capable de sauver la papauté dans la crise où elle se
retrouvait. En 1089, Urbain commença un rapprochement avec Constantinople, levant
l'excommunication imposée par Grégoire VII. Il assura l'empereur Alexis Comnène que
les Normands n'étaient plus un danger pour l'empire. Ainsi, il obtint sa faveur et
remporta une victoire diplomatique (Byzance appuyait Henri IV). Pour sa part, Alexis
espérait recevoir de l'aide militaire, mais le pape n'avait pas encore assez de prestige
en Occident. Le basileus avait demandé de l'aide fréquemment avant même le concile
de Plaisance; il voulait des mercenaires, non des armées pour une guerre sainte. Par
exemple, il reçut 500 cavaliers flamands du comte Robert I de Flandres, vers 1090.
Après avoir renforcé sa position en Italie, Urbain entra à Rome en 1094 et convoqua le
concile de Plaisance en mars 1095. Ensuite, il commença son voyage en France
méridionale. Pourquoi la France?
La France féodale comprenait un surplus considérable de guerriers. De nombreux
jeunes hommes, cadets de familles nobles, sans héritage et entraînés au métier des
armes, se tournaient vers le brigandage et l'aventure à l'étranger. La Paix de Dieu et
la Trêve de Dieu ne suffisaient pas pour arrêter les guerres privées et les rapines. La
société française fut chanceuse, car de nombreux jeunes guerriers turbulents allèrent
combattre à l'étranger pour des terres ou du butin: en Angleterre, en Espagne, en