L’Église catholique : Sacrement du Christ Homélie du Père Grégoire Cieutat, 17ème Dim. du Tps. Ordinaire, 2012. Il ne faut pas s'y méprendre en faisant une lecture trop humaniste du signe que Jésus accomplit dans l'évangile selon saint Jean avec la multiplication des pains. Jésus n'est pas venu régler à coups de miracles le problème de la faim dans le monde ou organiser une plus juste redistribution des biens. Ce texte évangélique, aussi bien dans sa structure littéraire que dans son contexte, aborde essentiellement le rôle de l'institution que Jésus instaure avec les douze apôtres pour communiquer la vie éternelle au plus grand nombre. Cette institution de droit divin est bien entendu l’Église catholique fondée précisément sur le ministère des douze apôtres. Église catholique qui vit de l'eucharistie dont cette multiplication est le signe par excellence. Ce qui se manifeste sans conteste dans la suite de ce chapitre six de saint Jean avec le discours sur la Pain de vie ; « Je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous en buvez son sang, vous n’avez point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour. » (Jn 6,53-54). Il s'agit donc bien pour Jésus, à travers ce signe, de fortifier la foi des douze dans le pouvoir qu'ils recevront lors de la sainte cène de multiplier le Pain du ciel, la présence réelle de Jésus dans le monde. C'est ainsi que sera ramassé « douze paniers avec les morceaux qui restaient des cinq pains d'orge après le repas ». La conclusion de cet évangile revêt alors un sens profond lié à la présence de l’Église catholique dans le monde. En effet, il est précisé qu'« à la la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C'est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde. » » (Jn 6,14). Ce signe nous est aujourd'hui donné dans toute son originalité et sa vérité par et dans notre Église. Car, elle est « sacrement du Christ dans le monde » selon les mots mêmes du concile Vatican II. Expression extrêmement riche et belle mais qui est encore loin d'être bien comprise en bien des lieux comme nous le constatons à chaque fois que s'expriment, souvent de façon virulente, des oppositions réductrices et caricaturales entre l’Église des pauvres et l’Église hiérarchique, ou entre l’Église de la liturgie et l’Église de la compassion. Comment éduquer les baptisés afin qu'ils comprennent l'Église non pas comme une structure qui leur serait extérieure, mais comme un Corps vivant et organisé où chacun peut tenir sa place et accomplir sa vocation? Que faire pour éviter les comportements et les dysfonctionnements qui empêchent l'Église de vivre vraiment, dans les relations entre ses membres et dans son organisation, dans sa hiérarchie, ce mystère de la foi qui est sa source et sa raison d'être? Comment devons-nous réagir lorsque nous constatons que les structures de l'Église, par leur lourdeur ou leur inertie, entravent le déploiement de la foi et de la charité, ou bien lorsque l'Église est incomprise par l'opinion publique, qui la réduit à ce qu'elle a de plus superficiel? Toutes ces questions trouvent un élément de réponse très significatif dans l'appel de Saint Paul aux Ephésiens que nous venons d'entendre : « ayez beaucoup d'humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez à cœur de garder l'unité dans l'Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il n'y a qu'un seul Corps et un seul Esprit. » (Ep 4,2-5). Force est de constater que la présence d'une réelle confiance, d'une écoute humble et attentive du peuple de Dieu pour sa hiérarchie, elle-même instituée par Dieu avec le Pape et les évêques, donnent une grande vitalité à l’Église ; les communautés paroissiales sont rayonnantes, les prêtres zélés pour l'évangélisation, les séminaires sont pleins, les vocations religieuses fleurissent. Et heureusement, il existe beaucoup de lieux ainsi sur le globe. Il suffit de rappeler que le nombre global de catholiques dans le monde, ainsi que le nombre de prêtres, sont en constantes augmentations. Il s'agit donc de relever la tête et de recevoir avec d'autant plus d'espérance ce Pain du Ciel dont chaque cellule du corps du Christ, chaque baptisé, doit se nourrir pour vivre. L’Église fait l'eucharistie et l'eucharistie fait l’Église. Quel mystère d'humilité que Dieu choisisse la médiation humaine de ministres ordonnés hiérarchiquement pour le bien de tout le Corps du Christ. N'est-ce pas après tout ce signe qui fait scandale aujourd'hui dans un monde qui refuse de plus en plus les médiations de tout genre. Scandale qui n'a pas épargné Jésus lui-même après son discours sur la Pain de vie car « à ces paroles beaucoup le quittèrent. Puis Jésus se tournant vers les 12 leur dit : « Vous aussi, allez-vous me quitter ? » Pierre prit alors la parole et dit ; « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. ». Amen.