V
Résumé
Le Concile Vatican II présente la relation du Christ et du Saint-Esprit dans l’économie
du salut comme étant une relation d’unité ordonnée qui n’exclut pas une certaine réciprocité.
L’Esprit opérant intérieurement dans les âmes est nommé à plusieurs reprises l’Esprit du
Christ. Il est donné par le Christ, il conduit à Lui et accomplit son œuvre en général dans et
par des éléments humains qui se réfèrent à l’humanité du Christ. Cet enseignement cohérent
de l’unité ordonnée des deux Personnes envoyées dans le monde peut être davantage éclairé
par la vision orthodoxe telle qu’elle apparaît chez un certain nombre de théologiens
contemporains. Pour ces auteurs, l’unité du Christ et de l’Esprit est bien visible dans la source
et la finalité de leur mission. Or, en ce qui concerne le mode d’accomplissement de ce salut,
nos frères orthodoxes semblent rendre compte plus difficilement de l’unité profonde d’action
entre les deux Personnes. Ils préfèrent parler d’un équilibre à garder en permanence entre le
Christ et l’Esprit, mais cet équilibre est toujours fragile, car en accentuant le rôle de l’une des
Personnes, ils craignent de diminuer la place de l’autre. Des documents de Vatican II et de cet
éclairage par contraste que donne la pensée orthodoxe, il ressort à notre avis que le lieu de
cette profonde unité entre l’action de l’Esprit et l’action du Christ se trouve en quelque sorte
dans le mystère de l’humanité du Christ. C’est la notion et la structure de l’instrumentalité,
héritées des Pères grecs, qui s’avèrent particulièrement aptes non pas à expliquer, mais à
rendre compte du rôle propre de l’humanité du Christ dans le don de la grâce aux hommes, et
qui permettent de percevoir l’unité d’action du Christ et de l’Esprit. En effet, si Dieu choisit
un instrument pour atteindre les hommes, cet instrument servira d’une certaine manière pour
toute la Trinité. L’humanité du Christ est donc également au service de l’Esprit qui la remplit
et qu’elle communique ; nous constatons alors un concours harmonieux du Christ et de son
Esprit dans la sanctification des hommes, dans et par l’humanité du Christ. C’est ainsi que
l’action commune mais distincte du Christ et de l’Esprit dans le mystère de l’Eglise, tout en
respectant l’analogie, peut être reformulée à partir de l’action et la présence de l’Esprit dans la
sainte humanité du Christ. Le Corps mystique du Christ est oint de l’Esprit comme le Christ
en son humanité l’a été et la participation de l’Eglise, par l’Esprit, à la mission du Christ va
jusqu’à la participation à la transmission du Saint-Esprit Lui-même par l’Eglise. Il y a une
certaine continuité entre l’humanité du Christ, remplie de son Esprit comme instrument du
salut et l’Eglise, qui par le don de l’Esprit du Christ est sacrement universel du salut. Cette
unité ordonnée entre le Christ et l’Esprit permet de considérer et de vivre dans une harmonie
saine plusieurs aspects de la vie de l’Eglise qui sans cela pourraient être opposés.