L`Autonomie de l`IDE à travers la Prescription - SIDERAL

L’Autonomie de l’IDE à travers
la Prescription Infirmière
Intervention lors du 30ème congrès du SNIIL à La Réunion – Novembre 2003
A - Introduction
Nous allons parler d’autonomie… Avant de rentrer dans des détails sémantiques ou
législatifs, nous devons expliquer le contexte dans lequel nous évoluerons.
D’un point de vue sociologique, l’accession à l’autonomie peut être ramenée à une
prise de pouvoir. Et toute prise de pouvoir se traduit par trois étapes consécutives :
1- l’analyse de la situation, c'est-à-dire l’acquisition des règles du jeu et des
contraintes d’un système. Dans notre cas, il s’agit de maîtriser les différentes
législations qui nous encadrent : Code de la Sécurité Sociale, Code de la
Santé Publique, Décret de Compétences, Convention, Règles
Déontologiques, Nomenclature Générale des Actes Professionnels, etc…
2- l’identification de zones d’incertitudes au sein desquelles nous pouvons
éventuellement agir. En effet, si les textes sont nombreux, ils se contredisent
parfois, ou restent muets sur certains points de notre exercice.
3- l’accession au pouvoir proprement dit, en gardant à l’esprit que le pouvoir
recherché ici a le sens du verbe et pas celui du nom. Le pouvoir que nous
revendiquons n’est alors que la possibilité de faire certains choix, donc d’agir
sur des contraintes préalablement identifiées.
Ainsi, pour « pouvoir », il faut « vouloir », donc ne pas se contenter d’un exercice
figé, mais faire preuve de créativité au cours des actes de notre quotidien…
B – Explication de termes
1- Autonomie Indépendance
Les dictionnaires ne nous aident pas beaucoup dans cette explication : la définition
de l’autonomie est « indépendance », et vice-versa… Le serpent se mord la queue !
Dans mes recherches, je suis tombé sur une citation de Kant que je trouve très
éclairante : « Il existe une forme supérieure de la faculté de désirer qui se caractérise
par son autonomie, c'est-à-dire par le pouvoir de se donner à elle-même sa propre
loi ». Ainsi, on retrouve dans l’autonomie la notion de pouvoir, mais aussi celle de loi.
Que peut-on en déduire ?
En bref, deux éléments différencient l’autonomie et l’indépendance.
La première est le champs d’activité, partiel dans l’autonomie, total dans
l’indépendance. Pour l’exemple, les provinces basques espagnoles, autonomes
depuis 1936, revendiquent encore aujourd’hui leur indépendance, c'est-à-dire la
disparition de tout lien avec l’autorité centrale madrilène.
Le second élément est le lien de subordination qui n’existe pas dans le cas de
l’indépendance. On pourra me répondre que les nations politiquement
indépendantes évoluent dans un système mondial qui ne leur laisse pas forcément
beaucoup de choix. Je raisonne dans l’absolu…
L’autonomie serait donc la définition de champs d’activité au sein desquels existe la
liberté de faire des choix et de prendre des initiatives pour soi-même.
2- Prescription – Ordonnance
La prescription, au sens médical du terme, se définit comme une « recommandation
expresse », c'est-à-dire exprimée, donc traçable. L’ordonnance n’est alors que le
support de cette recommandation. Pour autant, il ne faut pas sous-estimer
l’importance de cette formalisation par l’écriture. Nous verrons plus tard que l’écriture
est un enjeu de taille pour notre exercice futur.
De fait, l’ordonnance matérialise un contrat civil de type tacite entre le médecin et
son patient. Ce contrat implique des engagements réciproques :
- pour le médecin, prodiguer des soins consciencieux, attentifs et conformes
aux données actuelles de la science, informer le patient de façon à obtenir son
consentement « éclairé ». A noter que le devoir d’information est
considérablement renforcé depuis l’adoption de la Loi du 04 Mars 2002. Parmi
les engagements, on peut également citer l’obligation de mettre le patient au
centre du projet médical et des objectifs de soins, ainsi que l’obligation de se
former tout au long de sa carrière.
- pour le patient, l’engagement se limite au respect de la prescription du
médecin, en sachant que ce patient peut mettre fin au contrat à tout moment
et de manière unilatérale. C’est le principe du « libre choix ».
Sans rentrer dans des détails techniques rébarbatifs, il faut savoir que le principe de
la prescription médicale est fixé par différents arrêtés dont les plus anciens
remontent à 1960 et 1962. Ces différents textes indiquaient la nature des actes
exécutables par les médecins et ceux relevant des paramédicaux.
Deux dates importantes jalonnent notre histoire :
- 1978 : création du « rôle propre ». C’est le début de notre autonomie…
- 2000 : suppression dans la définition de la prescription médicale des termes
« qualitative et quantitative ». Ainsi, le détail d’une prescription n’appartient
plus au seul médecin. Nous verrons avec la DSI en quoi cette modification est
majeure pour notre exercice.
A noter que ce « Rôle qui nous est Propre » est fixé par décret, donc juridiquement
supérieur à un arrêté. Pour l’anecdote, la prise de la TA est toujours mentionnée
dans l’arrêté de 1962 comme étant un acte strictement médical.
3- Métier – Profession
Il est intéressant de reprendre l’exemple des médecins et d’essayer de comprendre
pourquoi leur pouvoir est aussi étendu. Pour cela, nous devons nous interroger sur la
notion de professionnalisation dont ils sont l’exemple le plus abouti.
Le processus de professionnalisation est un processus d’autonomisation qui
s’exprime sur trois niveaux :
- Définir un territoire spécifique de pratique, avec ses spécificités (monopole) et
ses limites. Découlent de ce point la notion d’exercice illégal, mais aussi celle
de responsabilisation et de comptes à rendre. Les limites sont posées par
notre Décret de Compétence (qui différencie Rôle Propre et Rôle Prescrit),
mais aussi par notre NGAP. Nous verrons plus tard en quoi la non
concordance de ces deux textes de référence peut être problématique.
Par ailleurs, nous sommes les éléments d’un système de santé
particulièrement complexe à gérer. Notre individualisme nous a trop
longtemps fait oublier que nous n’étions pas seuls dans ce système. On peut
donc considérer comme légitime le fait de fonctionner dans ce système et non
pas dans sa marge. A ce titre, le fait de rendre des compte ne me parait pas
incongru. D’autant que nous restons pour le moment maîtres de la forme. Qu’il
s’agisse du dossier patient ou de l’utilisation des transmissions ciblées, il nous
appartient de les utiliser comme des outils vecteurs de qualité. Ils ne sont pas
une fin en soi.
- Développer une culture commune. C'est d’abord l’élaboration d’un jargon,
langage universel élaboré par des sociétés savantes et seulement
compréhensible par les membres d’une même communauté. Ce jargon, pour
ce qui nous concerne, est essentiellement fondé sur les diagnostics infirmiers.
C’est ensuite l’accès à l’information et le partage de cette l’information. La
formation continue, conventionnelle ou non, en est l’un des supports. Mais il
n’est pas le seul. L’accès aux publications en est un autre. Et les sources sont
nombreuses. Citons entre autres l’ARSI, le CREDES, les ORS, la CNAM,
l’INSEE, le HCSP, l’INPES, etc…
- Démontrer son utilité sociale, c'est-à-dire être capable de produire du savoir
scientifique, mais aussi pouvoir s’évaluer d’un point de vue socio-économique.
En effet, il ne suffit pas de dire que nous sommes les moins chers pour
revendiquer des augmentations, encore faut-il pouvoir le prouver au regard du
système dans sa globalité. C’est tout le problème posé par le paiement à
l’acte : si l’acte n’est pas cher en soi, il est toujours un acte de plus qui doit
être payé, donc retranché du budget alloué.
La recherche infirmière (ARSI), les référentiels de bonnes pratiques (ANAES,
CCLIN, CNAM), ou la protocolisation des démarches (DSI), sont autant de
facteurs qu’il nous faut intégrer si nous voulons être en capacité de négocier
notre rémunération, donc la valeur que nous donnons à notre utilité sociale.
C – Brefs rappels sur notre Décret de Compétences
Ce texte est donc un décret publié au Journal Officiel. A ce titre, il a force de loi, et
nous confère un monopole en protégeant notre exercice. Il peut schématiquement se
décrire en trois points :
- Rôle Propre : soins liées aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et
visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution
d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes (Articles 3, 4 et 5).
- Rôle prescrit : actes exécutables hors présence d’un médecin (article 6 et 7),
en présence d’un médecin pouvant intervenir à tout moment (article 8), actes
relevant de l’aide au médecin (article 9), actes de spécialités infirmières
(IADE= article 10, PUER = article 11, IBODE = article12), urgences (article
13).
- Santé Publique : actions de santé publique, éducation, formation, aide
humanitaire.
Nous allons plus spécifiquement raisonner sur le Rôle Propre, en posant comme
point de départ que les actes du Rôle Propre sont facturables en AIS. Ainsi, je défini
les Actes Infirmiers de Soins comme des actes permettant d’aider les personnes ou
les groupes de personnes à adopter des comportements évitant la prise de risque en
matière de santé et facilitant leur vie en présence d’une infirmité ou d’une maladie.
En ce sens, je positionne ces actes comme des facteurs d’autonomisation des
patients leur permettant de faire des choix en matière de santé.
A partir du Décret de Compétences, et en particulier de son article 5 qui définit les
actes relevant de notre Rôle Propre, nous pouvons dès lors définir quatre champs au
sein desquels pourrait s’exprimer notre autonomie et la prescription qui en découle.
D - Champ N°1 : Les Pansements
La dernière version de notre Décret de Compétence a fait passer dans le champ de
notre Rôle Propre les pansements d’escarres et d’ulcères. Plus précisément, nous
sommes désormais habilités à effectuer dans le cadre de notre Rôle Propre :
- la réalisation, la surveillance et le renouvellement des pansements non
médicamenteux
- la réalisation et la surveillance des pansements et des bandages autre que
ceux visés à l’article 6 (qui sont les pansements médicamenteux et les
bandages de contention)
- la prévention et les soins d’escarres
- les soins et la surveillance des ulcères cutanés chroniques
Voilà pour notre autonomie. Mais qu’en est-il de la prescription ?
Il faut remonter au rapport Brocas (1998) pour trouver la trace de la possibilité de
prescription infirmière : « Sauf indication expresse du médecin, le paramédical
prescrit les matériels, produits et petits matériels requis pour les soins qu’il dispense
(tels sonde, pansement, appareils de contention, pommade…) ». Ce rapport est
également intéressant par le fait qu’il pointe du doigt les faiblesses de la prescription
médicale. En effet, madame Brocas relève que les prescriptions médicales
« …indiquent mal le partage des rôles entre médecins et paramédicaux… » et qu’il
serait souhaitable que « … la prescription médicale décide de l’intervention du
paramédical…, mais non de la nature des actes. ».
En ce sens, on prépare dans ce rapport la redéfinition de la prescription médicale
telle qu’expliquée plus haut.
Pour mieux comprendre la possibilité de prescription des pansements, il faut
également éclaircir la définition du médicament et introduire la notion de dispositif
médical.
Ainsi, selon l’article L 5111-1 du Code de la Santé Publique, est considéré comme
médicament « … toute substance ou composition présentée comme possédant des
propriétés curatives ou préventives… ». Or, les pansements sont eux soumis à
l’article L 665-3 du même code, qui dans la Loi du 18 Janvier 1994 définit le dispositif
médical comme « … tout instrument, appareil, équipement, matière, produit,… ou
autre article utilisé seul ou en association,… destiné par le fabriquant à être utilisé
chez l’homme à des fins médicales et dont l’action principale voulue n’est pas
obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme,
mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. ».
En deux mots, lorsque nous utilisons des hydrocolloïdes ou des hydrocellulaires,
nous restons dans le cadre du dispositif médical, et serions donc habilité à
prescrire…
Définissons maintenant les arguments en faveur de cette prescription :
- formation continue sur le processus de cicatrisation dirigée (EPU, DU,
informations par les labos)
- possibilité d’utiliser les échantillons fournis par les laboratoires (accès aux
dernières technologies)
- possibilité de mutualiser les échantillons et les surplus de matériels dans le
cadre d’un cabinet ou d’une association (réactivité à J+1 en cas de nécessité
de modification de protocole, et économie car pas d’obligation de prescrire à
chaque fois)
- rôle de conseil auprès du médecin (puisque dans la plupart des cas, nous
orientons déjà sa prescription)
Ainsi, en terme d’évaluation médico-économique, nous prouvons là notre efficience,
la qualité au meilleur coût. Force est de constater que notre NGAP n’est pas en
correspondance avec notre Rôle propre…
E - Champ N°2 : L’Education
L’éducation peut se définir à plusieurs niveaux :
- éducation pour la santé, concernant l’individu sous un éclairage de santé
publique
- promotion de la santé, intéressant une population
Education thérapeutique et éducation nutritionnelle feront l’objet d’un chapitre
spécifique, celui concernant le champ N°4.
On retrouve la justification des actes d’éducation dans les articles 1, 2-1, 3, 5 et 14
de notre Décret de Compétences. C’est dire leur importance.
Ainsi, l’article 5 met au rang du rôle propre l’aide à la prise des médicaments
présentés sous forme non injectable, la vérification de leur prise et de leurs effets, et
« l’éducation des patients », ce qui limite ici la portée du texte à l’éducation
thérapeutique. En contrepartie, l’article 14 ouvre de façon très intéressante les
possibilités d’actions éducatives:
« Selon le secteur d’activité où il exerce, y compris dans le cadre des réseaux de
soins, et en fonction des besoins de santé identifiés, l’infirmier propose des actions,
les organise ou y participe dans les domaines suivants :
- […]
- formation, éducation, prévention et dépistage, notamment dans le domaine
des soins de santé primaires et communautaires
- dépistage, prévention, éducation en matière d’hygiène, de santé individuelle et
collective et de sécurité
- […]
- éducation à la sexualité
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