médiévales. Dans ce contexte, les sous-systèmes deviennent inégaux et surtout cloisonnés : il y a peu
ou pas de communication entre systèmes situés en bas de l’échelle et ceux d’en haut. Néanmoins, à
l’intérieur même de chaque sous-système, les individus ont de manière égale la chance de voir leurs
communications acceptées par le destinataire. Cela explique par exemple les mécanismes de
solidarité propres à chaque ordre dans l’Ancien Régime. Par contre, il est inconcevable qu’un noble
puisse se préoccuper du sort d’un membre du Tiers-Etat. A l’image des systèmes sociaux
segmentaires, les systèmes sociaux stratifiés agissent par et pour l’instance supra-systémique
(royauté/tradition) en place, contribuant ainsi à la reproduire.
Ensuite, l’entrée dans la modernité est caractérisée selon Luhmann par l’émergence d’une
différenciation fonctionnelle, c’est-à-dire que les systèmes sociaux se différencient par la fonction
qu’ils tiennent à remplir dans la société. Ces systèmes fonctionnellement différenciés sont
autonomes dans la mesure où ils sont autoréférentiels : ils identifient leurs actions comme leur étant
propres et distinguées de leur environnement. Et même s’ils observent aussi l’environnement pour
se différencier, ils n’y voient plus d’instance supra-systémique à reproduire. C’est là toute la
différence entre systèmes segmentaires ou stratifiés d’un côté et systèmes fonctionnels : les sociétés
modernes sont dénuées d’instance supra-systémique mais d’une multiplicité de systèmes qui
assurent leur fonction et se différencient en ne comptant que sur eux-mêmes.
I- C) Classification et hiérarchie des systèmes sociaux dans les sociétés modernes
La théorie de Luhmann se concentre donc sur les systèmes sociaux [qui ont en commun la
caractéristique de communiquer, c’est l’essence du social). Luhmann établit une hiérarchie de
l’environnement social (la société) composée de trois types de systèmes, situés à des échelles
différente : les systèmes d’échelle sociétale, les systèmes d’échelle organisationnelle et les systèmes
d’échelle interactionnelle.
Les systèmes d’échelle sociétale (ou systèmes sociétaux) se différencient par leur fonction qui est
de répondre à un problème que rencontre la société. On trouve par exemple le système économique
(chargé de l’allocation des ressources par la production et la répartition de biens et de services), le
système politique (chargé de prendre des décisions) ou encore le système scientifique (chargé de
produire des savoirs). Chaque système sociétal est donc un sous-système de la société.
Ensuite, les systèmes sociétaux sont eux-mêmes subdivisés en une multiplicité de sous-systèmes
organisationnels. Par exemple, dans le système économique capitaliste, ces organisations sont les
entreprises. Ces organisations sont selon Luhmann éphémères (ex : le capitalisme existe depuis des
siècles alors que les entreprises apparaissent et disparaissent) et peu différenciées (la répartition de
la valeur ajoutée fonctionne de la même manière pour toutes les entreprises capitalistes). Les
organisations garantissent le fonctionnement des systèmes sociétaux (support de leur reproduction)
mais ont réciproquement besoin des systèmes sociétaux pour fonctionner. Ainsi, une entreprise se
finance par le système économique (banque, marché financier) et est régulée par le système
juridique. De plus, ces organisations réunissent des membres, à ne pas confondre avec des individus
comme le précise Luhmann dans la mesure où les conditions d’appartenance à une organisation ne
prennent pas en compte des éléments comme la personnalité. Par ailleurs, les organisations agissent
comme des acteurs : elles sont clairement identifiables et localisables (adresse, siège social)
contrairement aux systèmes sociétaux, plus abstraits.