Les programmes de CFI :
Médias et entreprise
Médias et entreprise
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I - Contexte général
Les entreprises médiatiques sont des entreprises comme les autres. Les considérer comme telles et les
aider à finir un modèle économique réaliste par rapport à leur environnement est un préalable si l’on
veut les inciter à respecter les principes de pluralisme ou de liberté d’expression. C’est la raison pour
laquelle la dimension économique des médias, qu’il s’agisse de microéconomie et de gestion, ou de
macroéconomie et d’analyse du marché, apparaît comme essentielle et fait l’objet d’un programme
spécifique complémentaire aux trois autres.
Les enjeux économiques des entreprises qui opèrent dans les pays du Sud sont décrits par les instances
internationales de développement (instances onusiennes, coopérations bilatérales, agences de
développement, etc.)1. Alors que l’internationalisation des marchés conduit à une convergence des
pratiques et des conditions commerciales, les acteurs du développement accompagnent la modernisation
des Etats ainsi que la réforme des pratiques de gestion des entreprises.
Les médias font face aux mêmes enjeux et sont exposés aux mêmes pressions internationales que le
tissu des administrations et des entreprises du Sud. L’ouverture des marchés à la concurrence provoque,
dans le secteur des médias comme dans les autres domaines, un besoin de structuration et de mise à
niveau commun, à des degrés divers, à tous les acteurs économiques des pays en développement.
La coopération médias française se concentre plus spécifiquement sur les enjeux économiques des
entreprises du secteur afin d’apporter des réponses adaptées au contexte
Dans les pays du Sud, l’expertise internationale est confrontée à trois formes d’entreprises médiatiques
exposées à des enjeux économiques différents quand il s’agit de planifier leur modernisation :
Les médias publics, télévisions, radios, agences de presse et même presse écrite, qui sont en
général des médias d’Etat, et parfois même des départements d’administration, pour lesquels l’enjeu
est de se transformer en entreprises de service public pour survivre dans des paysages médiatiques
de plus en plus ouverts. La réforme des statuts est souvent un préalable à une démarche de
modernisation pour que les nouvelles entreprises publiques puissent transcender leurs inerties et
trouver une crédibilité face à leurs concurrents.
Les médias privés, télévisions, radios ou presse écrite, qui se sont constitués dès le départ en tant
qu’entreprises, mais qui ont besoin de se moderniser, d’améliorer leur gestion, pour accroître leurs
recettes, faire face à la concurrence et assurer leur développement.
Les « nouveaux » médias nés d’initiatives citoyennes individuelles ou collectives, émanations de la
socié civile, radio communautaires ou médias en ligne, pour lesquels l’enjeu est de passer de
l’engagement militant à la construction d’un modèle économique autosuffisant et pérenne, sans
perdre l’indépendance et l’enthousiasme qui font leur force.
1 Quelques sources : 1/ « Les entreprises africaines dans la globalisation » par le CADE Déc 2010 -
http://www.afrique-demain.org/debat-136-les-entreprises-africaines-dans-la-globalisation-
2/ Enjeux résumés par Hamid Bouchikhi, professeur à l’ESSEC « Les 7C des défis à relever par les entreprises
africaines » - Nov 2014 - http://www.huffpostmaghreb.com/hamid-bouchikhi/les-7-c-des-defis-a-
relev_b_6224768.html?
3/ Rapport 2013 de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le développement : « Le développement
économique en Afrique » http://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/aldcafrica2013_fr.pdf
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II - Les enjeux en matière de développement des entreprises
médias :
1/ Améliorer l’autonomie des médias par une meilleure gestion
Pendant des années, beaucoup de médias du Sud ont retardé la rationalisation de leur organisation en
profitant de l’abri fourni par un secteur fermé, très contrôlé et peu concurrentiel. Les marchés les plus
ouverts (dans certains pays d’Afrique de l’Est ou d’Asie du Sud) ont d’ailleurs engagé leur modernisation
bien avant ceux (dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, dans les pays arabes) où le paysage
médiatique domestique était le plus contrôlé.
Quels que soient leur statut ou leur structure, les entreprises médias sont confrontées à des problèmes
d’organisation et de contrôle (relations avec le pouvoir politique, les actionnaires ou les partenaires
financiers, établissement de stratégies à moyen et long terme, appropriation des orientations par le
management intermédiaire, etc.).
Le premier enjeu économique concerne donc la rationalisation du cadre d’intervention : mandat,
positionnement, objectifs. Une fois cette base posée et comprise de tous, se pose le problème de
l’organisation et l’adéquation entre l’organigramme et la contribution de chacun au management effectif
de l’entreprise. Les dysfonctionnements tels que la faiblesse du management intermédiaire pénalisent
autant les groupes publics qui ont souvent hérité d’effectifs pléthoriques et de faibles structures de
management que les jeunes pousses de l’internet qui, à l’inverse, reposent les seules épaules de leurs
créateurs.
L’organisation des équipes, les modalités de prise de décision, la remontée d’informations, la
transversalité de certains projets ou même la politique RH d’une entreprise médias constituent autant de
besoins comparables à ceux des principales entreprises de chaque pays.
Les enjeux de gestion concernent également, à un niveau différent, les acteurs issus de la société civile,
les micro-structures encore informelles. Le passage du collectif activiste à la petite entreprise conduit à
poser les bases des grands principes de gestion (partage de responsabilité, prise de décision, etc.) qui
permettront de pérenniser ces initiatives.
L’expertise internationale permet aux médias bénéficiaires de prendre du recul et d’identifier les besoins
de réforme et de réorganisation afin de faire progresser leur organisation et leur gestion.
2/ Des médias mieux financés
Le second enjeu concerne les moyens financiers que les médias doivent réunir pour assurer à la fois le
fonctionnement et les investissements.
Les ressources permettent à la fois d’assurer le fonctionnement et de fixer des perspectives
d’investissement pour gagner en productivité et conserver des niveaux de qualité de production. La
bonne allocation des ressources entre ces deux priorités est devenue un enjeu premier au moment où la
mutation vers le numérique est à la fois obligatoire, porteuse d’immenses bénéfices, mais aussi de
dangers dans la mesure elle s’accompagne d’une ouverture des marchés et d’une concurrence
exacerbée.
La question des ressources conduit également à analyser leur influence, directe ou indirecte, sur la
gestion et l’indépendance de l’entreprise.
Au delà des risques qui peuvent peser sur l’indépendance éditoriale de la rédaction, le manque de
ressources conduit des entreprises médias à des solutions de facilité en cherchant à faire de l’audience
sans investir mais en renonçant également aux recettes. Une des solutions les plus connues, pour les
télévisions des pays du Sud, est le recours au barter2. Les dirigeants peuvent s’adapter aux évolutions
2 Le barter (troc) est une pratique économique d’échange de marchandises entre entreprises. Dans le secteur de la lévision, des
intermédiaires acquièrent, pour plusieurs pays et pour de longues périodes, des catalogues de programmes à forte valeur ajoutée
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des goûts du public en puisant dans une offre pléthorique sans devoir acquérir les droits des programmes
retenus. En perdant la gestion de leurs espaces publicitaires, ils réduisent d’autant le périmètre
économique de leur entreprise et abandonnent toute ambition de maîtrise de leur développement.
Les enjeux financiers ne pèsent pas de la même façon sur les médias en fonction de leur statut.
Pour les médias publics, la ressource publique récurrente et planifiée permet de travailler à moyen et long
termes, dans l’idéal sous la forme de contrats d’objectifs avec l’Etat, alors que le recours systématique à
des moyens exceptionnels pour pallier un sous financement structurel donne aux gouvernants un réel
pouvoir d’ingérence. Les ressources du marché (publicité, partenariats) doivent être envisagées dans le
contexte global du mandat et des grands équilibres du marché : acceptabilité, pratiques des concurrents,
autres options (abonnements), etc.
Pour les médias privés, le financement par de riches mécènes peut poser des problèmes éthiques. La
suspicion, même non fondée peut ternir l’image du média aux yeux du public. Cette pression se combine
avec un contexte concurrentiel de plus en plus agressif dans des pays le paysage médiatique global
s’ouvre rapidement.
L’expertise internationale peut accompagner la flexion stratégique des entreprises médias qui sont
amenées à rester attentives et actives pour optimiser leurs ressources existantes ainsi que pour travailler
au développement de nouvelles recettes.
En télévision, et dans une moindre mesure en radio, cela passe par exemple par :
la valorisation des grilles (et une connaissance objective de la concurrence) pour proposer aux
annonceurs des espaces plus rémunérateurs que les longs tunnels publicitaires qui font fuir le public
l’élaboration des contenus autour de partenariats structurants (financement d’une case, d’une
émission, d’un concept)
le renforcement de l’image d’un média par la couverture (directe ou éditorialisée) de grandes
compétitions sportives mondiales (Coupe du monde de football, Jeux Olympiques, etc.) ou locales
(nationales et régionales).
Les médias de proximité, parfois encore très informels, sont le maillage le plus fin pour toucher les
populations mais leur économie est par nature fragile. Pour travailler à leur pérennisation, il semble
préférable de les ancrer dans leur environnement à travers des financements construits avec des
partenaires locaux qui partagent la même proximité, plutôt que de les rendre dépendants des seuls
financements de bailleurs internationaux ou d’ONG qui les utilisent ponctuellement comme supports de
communication. De tels effets d’aubaine doivent être saisis pour investir et structurer le média mais ne
peuvent remplacer les financements durables sous peine de condamner un tissu d’acteurs à la fin d’une
campagne ou d’un programme.
De façon générale, le financement des médias doit être une préoccupation structurante au même titre
que la ligne éditoriale. Comme pour toutes les entreprises, une bonne idée ne suffit pas pour faire vivre
une entreprise. L’expertise internationale ne doit pas imposer un modèle de financement qui fonctionne
ailleurs mais aider les médias du Sud à inventer leur modèle économique dans un environnement qui leur
est propre.
3/ Les médias, démultiplicateurs puissants de l’économie de leur pays
La problématique du financement doit être analysée dans le contexte plus global du marché du (ou des)
pays l’entreprise opère. Les médias sont en effet, selon le sens même de leur étymologie latine, des
intermédiaires entre des acteurs de la société et leur public. Plus l’économie nationale est dynamique,
plus les médias peuvent élargir leur assiette de financement. Loin d’être seulement des acteurs passifs
qui profitent de leur environnement, les médias contribuent au développement de leur pays en permettant
à plusieurs secteurs de démultiplier leur impact économique grâce à leur exposition médiatique.
La presse écrite, dans un premier temps, puis la radio, la télévision et aujourd’hui les médias en ligne ont
tous contribué à renforcer l’impact des acteurs économiques qui fournissent des contenus attendus par le
(série ou films américains) ou bon marc (séries brésiliennes ou mexicaines). Après négociation avec des annonceurs, les
sociétés de bartering proposent aux chaînes de programmer certaines de leurs meilleures cases sans risque ni bénéfice financier.
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public. Plusieurs secteurs sont ainsi directement ou indirectement redimensionnés par leur exposition
médiatique :
La publicité : Les médias constituent le vecteur privilégié par les annonceurs et les campagnes hors
médias ne passent jamais plus de 25% du marché global de la publicité. La publiciprend son
essor en même temps que l’offre médias s’étoffe et touche à des degrés divers la plupart des
segments de la population. La corrélation est particulièrement forte avec la croissance de la
consommation nationale.
Le marché du sport est encore plus dépendant des médias tant son développement récent est lié à
l’explosion du prix des droits d’exploitation télé. Le concept apparu aux jeux olympiques de Rome en
1960 finance aujourd’hui près de 90% des fédérations sportives. Dans les pays du Sud, il reste de
nombreuses étapes à franchir pour que ces programmes très populaires profitent aux médias
diffuseurs, en termes de revenus comme d’image.
La création artistique (musicale, audiovisuelle, littéraire) trouve un débouché et un effet amplificateur
dans les médias, sous la forme d’espaces de diffusion, de promotion ou de vulgarisation. Cette mise
en valeur médiatique renforce directement l’adhésion à une identité culturelle nationale autour
d’artistes et de créateurs locaux. Cependant, elle est trop rarement accompagnée d’une forte création
de valeur dans les pays du Sud, que ce soit en faveur des créateurs comme des diffuseurs.
Enfin, l’impact sur le marché environnant concerne également les médias dans une logique de
complémentarité et de mutualisation de contenus. Par exemple, une émission de plateau en direct à la
télévision est contrainte par son format. L’association avec une radio ou un site internet permet de
poursuivre les échanges et de demander aux mêmes invités de pondre aux questions du public. Les
coûts de production sont mutualisés et le cross-média assure une promotion démultiple à chaque
partenaire. A une époque les cross-médias impose de nouvelles habitudes de consultation, certains
acteurs peuvent favoriser la déclinaison des contenus afin de toucher un plus grand nombre de
personnes.
4/ Les médias, face à la mondialisation
Les contraintes économiques qui pèsent sur les médias des pays du Sud sont doublées d’une pression
internationale qui s’exerce à plusieurs niveaux :
La concurrence des médias extérieurs : la révolution numérique démultiplie les possibilités d’accès
aux médias des pays voisins, souvent proches d’une partie du public pour des raisons linguistiques et
culturelles. Cette concurrence extérieure de proximité est extrêmement efficace puisque dans des
bassins culturels homogènes souvent seulement séparés par des frontières politiques, des
productions du pays voisin peuvent facilement répondre aux besoins des populations et drainer les
financements publicitaires.
L’exposition aux puissantes offres internationales constitue, d’autre part, une forme de plus en plus
agressive de concurrence d’autant que les réseaux sociaux et autres sites internet reprennent les
contenus d’actualité à chaque grand événement.
La mondialisation du secteur redessine le périmètre des paysages médiatiques nationaux et oblige
les entreprises médias du Sud à réagir pour répondre aux nouvelles habitudes de consommation des
populations.
Le risque d’être cantonnés à un rôle de sous-traitants passifs : l’intérêt grandissant pour plus de
contenus du Sud conduit bon nombre d’acteurs du Nord à se diversifier et à s’associer avec des
entreprises des pays en développement.
L’effet d’aubaine que constitue cette demande soudaine ne doit pas conduire les acteurs du Sud à
devenir de simples sous-traitants. Ces opportunités doivent au contraire permettre d’améliorer les
standards de production, de promouvoir une génération de professionnels plus qualifiés et de
stimuler la concurrence par le biais de financements venus de marchés plus matures.
La maîtrise des techniques de production et de couverture des directs : les plus grands événements
sportifs, culturels ou politiques qui se passent dans les pays du Sud sont, encore aujourd’hui, produits
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