1. Pentateuque-Hugo (version Torah) Verte au commencement il

REMONTE-PENTE
1.
Pentateuque-Hugo (version Torah)
Verte au commencement
il fallait lire, égrainer mot à mot, lettre à lettre l-a-p-e-n-t-e-d-e-l-a-r-ê-v-e-r-i-e-h-u-g-o, ou
alors à lenvers, oui cest ça, la remonter à lenvers, cette pente : e-i-r-e-v-ê-r-a-l-e-d-e-t-n-e-p-
a-l ou peut-être même la pencher, la faire devenir pentateuque. À vrai dire, et je vous dois
bien la vérité, on ne sait plus trop on en est, avant que les oiseaux, la terre, la mer, les
côtes, et le reste
Pour commencer on se demandait bien si on pouvait encore faire des dérapages nouveaux
sssshhhhhh ceux dont on est coutumier sssshhhhhh ouh là, ça oui, on avait l’habitude
sssshhhhhh on sétait déjà heurté à des obstacles semblables pam ! des rochers pam ! le
drame dans la phrase on avait amorcé un dérapage contrôlé, surfant comme un dieu sur les
pistes les plus sauvages on avait crié woooo hoooo puis on avait buté sur les bosses aïe
on avait tapé dans les conifères boinf et on avait cru quon ne parviendrait jamais paf
indemne au bas de la piste paf elle semblait pourtant assez verte. Vert, on avait trop
appris que cétait la couleur de lespoir. Ne disait-on pas : la vallée est toujours plus verte
ailleurs ? daccord, il y avait le vert.
Au commencement, il y avait la couleur, le vert, par exemple, il disait des choses
symboliques, il appelait ça des noms, quil ne connaissait pas, il disait : dans le désert, la
lumière fut toujours plus noire, il navait jamais vu autant de choses, cétait peut-être un
miracle, cest comme cela quil faudrait lappeler : mirage dans les diverses formes du noir.
Puisquau commencement était le verbe, in the beginning was the word, quoi, on se laisserait
guider par les mots, même si le verbe nest pas les mots, on glisserait insensiblement de mot
en mot, car pourquoi pas ? on s’était laissé prendre par le langage au contact de la pente… fallait
voir les contusions et si le lecteur et la lectrice se demandent « pourquoi », tout court, peut-
être seront-ils portés à se refaire un corps apte au commencement ssshhhhh à se retaper
ssshhhhh à ressouder leurs côtes cassées ssshhhhh un bris de verre paf ! si le lecteur et
la lectrice sont un peu perdus quant à leur accident, sils narrivent plus à surfer, ils referont
un balayage complet de leur corps danimal : la tête, oui elle est là, le cou, oui il est là, les
épaules, elles sont bien là, oui oui, les bras aussi, les deux, les mains, je peux me toucher,
écrire, la poitrine, oui, le ventre, oui, je le sens, je mange, le sexe, oui oui, il est toujours là, je
suis soulagé, les fesses, les cuisses, les jambes, oui oui, les chevilles, ah et les genoux, bien
sûr, les pieds, oui, deux fois sur terre, cest bien, on croit bien quon est là, alors, presque
indemne pas besoin de se remonter le poumon d’un autre il faut commencer,
recommencer, on sest un peu cassé les dents sur cette piste, mais on va recommencer. Oui,
oui.
Bleue les noms
Il avait disposé toutes ces appellations, il les avait montées comme des bris de verre-miroir.
Rouge et il appela
Gervasius Tilberiensis, Paris*, La Seine, Amérique, Alpes, Etnas, Romes, Babylones**, Les
Carthages, Les Tyrs, Les Thèbes, Les Sions, Cybèle, Orphée***, Évandre, Babel
Noire dans le désert
Donc ça parlait de cassure, de blessés, ça chuchotait, ça psalmodiait, ça revenait de temps
historiques très confus / on ne parlait que de cela, de voyages obscurs, de mondes invisibles,
peut-être dindicible enfin dineffable, lineffable en quoi on ne croit pas, ça parlait damis, ça
parlait de pensée en rêves… mais lesquels ?
Jaunes choses
Un bois dAmérique ou des ruches dabeilles
Matelots dispersés sur locéan
2.
Mes pentes naturelles
Piste verte : charpente / charpie
Amis, ne creusez pas vos chères rêveries ;
Ne fouillez pas le sol de vos plaines fleuries ;
Et quand soffre à vos yeux un océan qui dort,
Nagez à la surface ou jouez sur le bord ;
Car la pensée est sombre ! Une pente insensible
Va du monde réel à la sphère invisible ;
La spirale est profonde, et quand on y descend,
Sans cesse se prolonge et va sélargissant,
Et pour avoir touché quelque énigme fatale,
De ce voyage obscur souvent on revient pâle !
Piste bleue : arpenter / lapprenti
Gervasius Tilberiensis, Paris, La Seine, Amérique, Alpes, Etnas, Romes, Babylones, Les
Carthages, Les Tyrs, Les Thèbes, Les Sions, Cybèle, Orphée, Évandre, Babel
Piste rouge : parapente / parapharmacie
Foule sans nom = fools anon = simples ânonnés
Matelots dispersés = mates all dissipated = copains tous dissipés ou métal dessapé ?
Ineffable = in a fable = sans effet
Cette Babel du monde = cidatel demands = … et cetera
Piste noire : remonte-pente
Javais levé le store
En dehors du domaine de la rêverie du verbe
Vincent Broqua
28 mai 2016
Notes didactiques hors-piste
* Il y avait eu dans cette ville, un événement terrible qui sétait produit dans tant dautres villes du
monde, on avait voulu oublier, rêver, partir à la neige.
** On dit que cest à Babylone quont été rédigés les livres de la Torah, en hébreu ces livres sont
désignés par leur premier mot (Commencement, Noms, Et il appela, Dans le désert, Choses). En
français, on fait référence à leurs titres, qui résument le contenu des livres : Genèse, Exode, Lévitique,
Nombres, Deutéronome.
*** Démembrement dun homme, « car un homme ne doit pas être pénétré » (Virginie Despentes,
King Kong Théorie, p. 29).
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