séance de séminaire : « le maintien de l`hospitalité, de l

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SÉANCE DE SÉMINAIRE :
« LE MAINTIEN DE L’HOSPITALITÉ, DE L’HÔPITAL JUSQU’AU
DOMICILE, DANS DES SITUATIONS DE GRANDE VULNÉRABILITÉ ».
Hospitalité en secteur de consultation de neurologie : interface
domicile-séjour hospitalier
Véronique BRUNAUD-DANEL - neurologue- CHRU de Lille
Audrey BENIEST- cadre de santé-CHRU de Lille
Le secteur de consultation, interface incontournable « ville-hôpital » est un « moment », un
« temps », un arrêt du quotidien qui marque un retour à l’hôpital, un retour sur l’existence d’une
maladie, de sa maladie, comme un espace temps intermédiaire.
Nous exerçons en Service de Neurologie et accueillons des patients atteints de maladies neurodégénératives handicapantes chroniques, avec parfois aussi des troubles du comportement et des
troubles cognitifs, des troubles dépressifs, des troubles anxieux, ou un mal-être. Ils arrivent seuls, ou
accompagnés et leur aidant peut être accablé par les conséquences de la maladie chronique.
La phrase thématique « Maintenir l’Hospitalité de l’hôpital au domicile, dans une situation de grande
vulnérabilité », nous évoque les champs de réflexions suivants : offrons nous en consultation
l’hospitalité aux patients et leurs proches ? Quels sont les enjeux d’une architecture inhospitalière ?
Quelles perspectives d’amélioration ?
L’hôpital se doit de respecter les droits des personnes en situation de handicap. Or avec l’évolution
de l’activité et des modes d’hospitalisation, de plus en plus de patients peuvent bénéficier de prises
en charge à domicile associée à des prises en charge en hôpital de jours et en service de consultation.
Ainsi, les services n’accueillant il y a quelques années que des usagers valides ou ayant des
handicapes modérés pour un avis diagnostique ou thérapeutique ponctuel, accueillent aussi de nos
jours des patients présentant des maladies graves évoluées, voire une grande dépendance. De plus
en plus de soins, diagnostiques et thérapeutiques, sans oublier de participation à la recherche, sont
proposés en secteur ambulatoire, dont la consultation externe.
Mais hôpital n’a pas évolué au plan architectural et ne propose pas les infrastructures permettant de
répondre aux besoins fondamentaux des usagers et à l’augmentation du recours de ceux-ci à la
consultation externe spécialisée. Le constat peut être sévère. Nous en témoignons ici.
S’agissant du seul handicap physique, on ne trouve pas facilement les toilettes adaptées à la mobilité
réduite, ni de fauteuil roulant. Souvent le malade est transporté en VSL sans place pour son propre
fauteuil. Un patient qui arrive par ambulance, transporté en brancard, y reste en salle d’attente et il
ne peut pas être isolé s’il a en le besoin (uriner). Qui peut aider un patient qui arrive tout seul mais a
besoin d’aide (changer de position, boire, se déplacer aux toilettes) ? Cela est un enjeu majeur de
l’Hospitalité à l’hôpital car un manque de moyens structurels et matériels aggrave la situation de
handicap alors, qu’au domicile, le malade a adapté son environnement.
Dès l’arrivée à la porte de l’hôpital, il peut y avoir des faits d’inhospitalité. Certains de nos malades
sont insuffisants respiratoires et se plaignent de la fumée de tabac des fumeurs qui se protègent de
L’hôpital comme milieu -Hospitalité et vulnérabilité partagées- mars 2016
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la pluie sous la porte d’entrée car le local fumeur est loin et y aller les expose à se mouiller et avoir
froid. Les malades disent aussi combien il est difficile de trouver son chemin « on regarde, on
cherche sa direction, on est stressé ». Leur regard se perd dans la masse d’informations affichées
mais non toujours adaptées aux difficultés de compréhension que l’on a en situation de stress :
fléchage mal visible, lecture difficile. Alors imaginez lorsque vous avez des troubles cognitifs ou des
troubles de la vue ! Le personnel hospitalier n’ayant pas la mission d’accompagner les personnes qui
nécessitent un guide humain, le chemin entre la voiture garée au parking visiteur et le secteur de
consultation peut devenir un parcours du combattant pour certains malades et leurs familles. Le
trajet long (et pentu) peut accentuer une douleur ou une dyspnée. Dans ce cas, aucun secours n’est
possible nous apprend un malade sauf à accepter le transfert réglementaire aux urgences alors qu’un
seul fauteuil roulant disponible sur place et quelques mains secourables suffisent.
A l’arrivée dans la salle d’attente de consultation, les usagers expriment avoir eu du mal « à trouver »
même avec le secours d’un soignant rencontré sur le chemin. Ils ont parcouru un labyrinthe sur des
indications telles « vous prenez à gauche puis à droite puis deuxième à droite puis tout droit ». Elles
ne sont pas adaptées à des cerveaux malades ou fatigués ou perturbés : Cela ne serait-il pas plus
simple de suivre une ligne colorée bien visible au sol et sur les murs ?
A l’arrivée dans la salle d’attente de consultation, deux hôtesses sont présentes. Leurs capacités
d’accueil sont impactées par l’environnement souvent bruyant de travaux d’entretien, perturbées
par l’arrivée de plusieurs brancards dans un lieu trop exigu, et compliquées par l’affluence des
entrées administratives au guichet, un seul dans ce secteur où de nombreux médecins consultent en
même temps. « Ce n’est pas toujours simple d’arriver pour « sa » consultation de neurologie », nous
disent les usagers.
Le « regard » est aussi un élément important à prendre en compte. Le séjour en consultations
impose une proximité avec les autres patients qui attendent déjà. L’attente… « On regarde autour de
soi. On croise le regard d’autrui, de personnes plus malades, plus handicapées. Et là, on pense : « ce
que je serai… peut être ». Alors que nous prenons en charge des patients atteints de maladies neurodégénératives et qui présentent divers handicap plus ou moins importants, il est impossible
d’organiser les consultations de telle sorte que chaque malade puisse se protéger de voir d’autres
malades s’il en ressent la nécessité. Plusieurs s’en sont plaints, parfois avec souffrance (« vous voyez
ce que vous faites aux malades, on est des légumes pour vous! » crie un malade choqué par l’état
d’un malade en salle d’attente). La salle de consultation confronte parfois durement un usager à la
vulnérabilité de la condition humaine et à la réalité des maladies neurodégénératives. Certains
peuvent mal réagir.
L’hospitalité à l’hôpital c’est apporter un service. Et ce service passe par toutes les formes possibles
de l’accueil, l’aide, l’accompagnement et le soutien, y compris architecturales. Cela passe par la
capacité des professionnels à comprendre et à anticiper les besoins des patients : l’architecture doit
être pensée aussi pour aider les professionnels.
Maintenir l’Hospitalité à l’hôpital nécessitera que l’architecture réponde aux évolutions des activités
et des profils patients accueillis, dans le respect inconditionnel de leur état de santé, leurs
incapacités et de leurs vulnérabilités.
L’hôpital comme milieu -Hospitalité et vulnérabilité partagées- mars 2016
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