
2
Résumé
Le récit dominant, à propos du développement
économique et social en Afrique, est celui d’un
continent en transformation rapide dont la
performance est mitigée mais généralement positive.
Bien que cette tonalité positive soit justiée, elle doit
être modérée par la prise de conscience des tendances
préoccupantes et des lacunes persistantes qui
menacent la poursuite des progrès.
Avec l’augmentation des revenus et la
diversication des régimes alimentaires au cours
de la transformation structurelle, l’évolution
générale va dans le sens d’une diminution de
la demande de produits alimentaires de base
et d’une augmentation de celle de produits
de l’horticulture et de l’élevage, avec pour
conséquence une évolution de la structure
d’ensemble de la production agricole. Toutefois,
les données de fait recueillies en Afrique
permettent de penser que cette évolution, bien
réelle dans certains pays, n’est pas encore la norme
dans tout le continent. L’agriculture manifeste une
croissance vigoureuse, en termes de production
comme de productivité, mais la gamme des
produits n’a pas beaucoup été diversiée. Le
tableau qui émerge est celui d’un secteur agricole
en expansion, mais dont les fondamentaux sont
faibles et font obstacle à une réduction généralisée
de la pauvreté et de l’inégalité.
Les zones rurales de l’Afrique sont néanmoins
en voie de transformation profonde et rapide.
On ne dispose pas encore de données détaillées,
mais les éléments qui ressortent de l’étude de cas
mettent en évidence d’importants changements
en cours dans la structure et le fonctionnement
de ses systèmes alimentaires. Accompagnée d’une
évolution rapide des habitudes de consommation,
l’urbanisation a provoqué une modication
radicale des régimes alimentaires dans lesquels
les céréales cèdent la place à d’autres aliments,
comme les produits laitiers, le poisson, la viande,
les légumes, les fruits et les tubercules, et dans
lesquels une part très importante revient aux
aliments transformés. Malgré la persistance d’une
sévère pauvreté, les revenus moyens ont augmenté
et une classe moyenne est apparue, accentuant
encore la diversication de la demande.
On observe aussi de profonds changements
dans l’économie rurale non agricole de l’Afrique.
Le contexte économique rural non agricole
présente de nombreuses difcultés, notamment le
manque d’infrastructures de base, la faiblesse des
marchés du crédit et de l’assurance, l’insufsante
sécurité de jouissance des terres, et les disparités
entre les groupes ethniques et entre les sexes.
Le secteur rural non agricole commence à naître
en Afrique et, pour qu’il puisse offrir une échelle
permettant de passer du sous-emploi dans les
exploitations agricoles à un emploi indépendant
mieux rémunéré et à un emploi salarié régulier
dans l’économie locale, il doit également devenir
une source plus able de liquidité régulière.
Les pays africains sont, pour la plupart,
confrontés à trois grands dés du point de vue de
l’inclusion: faire face à l’explosion démographique
des jeunes (observée uniquement en Afrique);
prendre des mesures concernant des secteurs
manufacturiers de petite taille et en déclin;
et surmonter les obstacles, profondément
enracinés, à la mobilité des facteurs. Un élément
est commun à ces trois dés: l’urgente nécessité, en
Afrique, d’emplois ruraux stables et rémunérateurs.
L’importance de l’agriculture va bien au-delà de
la production primaire, et il est probable qu’elle
augmentera parallèlement à la poursuite de la
transformation des systèmes alimentaires et à
la faible croissance du secteur manufacturier.
Quel que soit le scénario, l’agriculture continuera
à jouer un rôle plus important que dans d’autres
transformations, parce que les proportions des
facteurs et l’avantage comparatif y sont favorables.
Les données recueillies conrment que
la plupart des pays africains ayant enregistré,
au cours des deux dernières décennies, des
taux relativement élevés de transformation
structurelle et de transformation du monde
rural ont réussi à réduire rapidement la
pauvreté, tandis que très peu de pays où la
transformation a été plus lente y sont parvenus.
La réduction de la pauvreté a néanmoins été
lente dans un nombre signicatif de pays où
la transformation a été plutôt rapide. Ces pays
ont pour caractéristique commune la faiblesse
du dynamisme technique dans le secteur de
l’agriculture (tel que mesuré par la croissance de
la productivité totale des facteurs).
Bien que la rapidité et les schémas de
transformation structurelle et de transformation
du monde rural diffèrent d’une partie à l’autre
du continent, les analogies dans les proportions
des facteurs et l’avantage compétitif donnent à
penser que la transformation inclusive prend
principalement sa source dans l’agriculture
et dans le secteur rural non agricole.