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maquette :
Viviane Vuilleumier
imprimé sur les presses de
PETRUZZI - Città di Castello, Italie
La révérence au maître disparu
La création culturelle est toujours affaire de processus. Au cours de
ce long cheminement, l’effort et la pensée dictent sans relâche les
conditions d’existence auxquelles tout artiste, lettré ou penseur se
plie fondamentalement afin que l’œuvre vienne au jour.
Mais de quelle encre est donc tracée la ligne d’un penseur ou artiste d’au-
jourd’hui, si ce n’est d’une relation primordiale, originelle et originale, un
fondement ontologique, une rencontre essentielle avec un maître ? Ce maître,
professeur, appelons-le comme bon nous semble (mais de grâce, surtout pas
« compreneur » ou n’importe quelle autre déclinaison de la même engeance
chtonienne !), représente le moment d’une rupture entre l’état d’ignorance ou
de doute et celui de la connaissance tout entière tournée vers la réflexion et sa
digestion. Cette confrontation – souvent unique pour toute la vie du penseur
ou de l’artiste – fera disparaître alors les frontières du monde clos, corseté, tel
qu’il était en mesure de seulement le concevoir jusque-là.
Ainsi, le maître aura dévoilé, le temps de la relation intellectuelle et ami-
cale, de la jeunesse souvent, les traces de la cartographie du réel, les chemins
escarpés de la raison, ainsi que les voies de l’accès à la connaissance.
Cependant cette relation reste, doit rester éphémère, puisque la démarche doit
être accomplie individuellement, une fois que l’on s’est justement dépris du
maître. Dans cet exil, le penseur n’est pas seul en son royaume, au contraire,
puisqu’il place ses pas dans les pas de son professeur, la route a en effet été
cherchée, du moins ses prémices, auprès de l’ancien, elle luit donc de la
sagesse de celui qui guide. Le disciple forge dès lors ses réflexions non plus
comme le maître, mais à partir de lui, à partir de cette matière qu’il lui a
léguée pour toujours. La raison débutant en effet, lorsque le temps de la repro-
duction s’achève, laissant sa place à l’autonomie du sujet. Mais il faut pour
que ce processus puisse s’opérer une exceptionnelle rigueur intellectuelle de
la part de l’enseignant ainsi que des qualités que l’on ne rencontre que trop
rarement, un mélange de générosité et d’éthique.
Au temps de l’Egypte ancienne, il existait une divinité tutélaire des val-
lées désertiques, dangereuses et peuplées d’animaux venimeux. Ce dieu-
chien portait un nom symbolique de cette relation filiale, faite d’héritage, de
courage, d’ouverture et de protection, laquelle lie à jamais un maître à son dis-
ciple : “L’ouvreur de chemin“.
En ce sens et à quelques trente années d’écart, l’historien genevois décé-
dé le dimanche 24 mars, Jean-Claude Favez, a été plus qu’un bon maître. Pour
beaucoup d’entre nous. CR/FF/SCENES MAGAZINE
Au moment du bouclage de ce numéro nous apprenons la nouvelle de deux disparitions : la cinéas-
te Jacqueline Veuve et le comédien en dramaturge Bernard Liègme : triste printemps pour la vie cultu-
relle romande !
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