Alerte Le Centre canadien Science et médias (www.sciencemedia.ca) porte à votre attention deux développements importants dans le débat sur la toxicité du bisphénol A, un produit plastifiant dont le Canada et la France ont récemment interdit l’usage dans les biberons pour bébés. Le bisphénol A est un puissant oestrogène synthétique qui s’échappe de l’enduit intérieur des boîtes de conserves ou des contenants de plastique en polycarbonate. Il contamine ainsi nos aliments. 1) L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et la FAO diffuseront lundi prochain un communiqué de presse pour révéler les conclusions du comité international d’experts qui siège présentement à huis-clos à l’Hôtel Westin d’Ottawa pour faire un nouveau bilan scientifique de la toxicité du bisphénol A. Ces experts ont rencontré lundi divers groupes de pression désireux d’orienter leurs débats. Les médias n’y étaient pas admis. 2) Pour la première fois, une étude épidémiologique (faire un lien à l’étude) constate que le bisphénol A endommage les spermatozoïdes humains, même à un taux de contamination semblables à celui de la population d’Amérique du Nord. L’article de Fertility and Sterility porte sur 218 travailleurs chinois et conclut que le bisphénol diminue le nombre des spermatozoïdes ainsi que leur vitalité et leur mobilité. Ce risque de dommages est proportionnel à la quantité de bisphénol A présente dans l’urine de chacun et c’était vrai même chez les ouvriers qui n’étaient pas exposés au bisphénol A à leur travail. Le CCSM constate que les experts canadiens du bisphénol A sont divisés par rapport à cette étude : Certains insistent surtout sur les limites de l’étude, estimant que ses résultats ne prouvent pas que le Bisphénol A soit responsable des dommages reproducteurs qu’on a constatés. D’autres insistent plutôt sur le fait que cette étude humaine vient confirmer des effets néfastes et des mécanismes pathologiques démontrés dans de multiples études animales. À leurs yeux, cela montre que ces études animales sont pertinentes pour les humains et cela devrait inciter les Gouvernements à agir pour protéger la population. Dans le premier groupe, il y a Warren Foster, professeur d’obstétrique à l’université McMaster, dont les propos ont été rapportés par la Presse Canadienne (http://www.ctv.ca/CTVNews/Health/20101028/bpa-sperm-101028/) et David Miller, professeur de chimie à l’université Carleton et expert sur des comités internationaux de toxicologie, que le CCSM a interrogé: «Oui, nous devons tenir compte de cette étude parce qu’une recherche sur les êtres humains a plus de poids qu’une étude animale. On ne peut donc pas ignorer cette étude sur les dommages à la qualité du sperme mais elle n’en fournit aucune preuve définitive. Avant de tirer des conclusions aussi importantes, il faudra répéter des études semblables dans d’autres populations. (…) Il est difficile de comparer les décomptes de spermatozoïdes entre les pays (et même à l’intérieur d’un pays). Il y a toutes sortes de facteurs, comme l’âge et la nutrition, qui viennent brouiller les conclusions. C’est ce qui a fait dérailler beaucoup d’études sur le sperme et l’environnement. (…) L’exposition au bisphénol A est un peu plus importante en Chine qu’au Canada et cela peut aussi influencer les résultats. Il est clair qu’une forte exposition au Bisphénol A est nuisible. La décision canadienne sur le bisphénol a été motivée par son accumulation dans notre environnement et c’est un bon principe. L’intervention canadienne en faveur des bébés (que j’appuie aussi) ne venait pas de la toxicité du bisphénol mais plutôt de la trop faible marge de sécurité qui restait quand on tenait compte des différences métaboliques qui POURRAIENT exister entre les individus. Pourtant, ces différences ne sont toujours pas confirmées par la recherche.» Dans l’autre groupe d’experts, ceux qui sont très inquiets du bisphénol A, il y a par exemple la toxicologue Marissa Takser, professeure d’obstétrique à l'université de Sherbrooke. Spécialiste des perturbateurs endocriniens, Mme Takser est membre d’un autre comité international d'experts qui termine présentement un rapport sur la toxicité du bisphénol A, à la demande du Gouvernement français. « Cette recherche sur les travailleurs chinois est un bon article qui ne m’a pas surprise car on a souvent constaté les mêmes effets lors de recherches sur des animaux. Et les taux de bisphénol A qui ont endommagé le sperme de ces travailleurs chinois n’étaient pas vraiment élevés; chacun de nous est exposé tous les jours à des taux du même ordre. Ce qui m’a le plus frappée dans cette étude, ce n’est pas que des travailleurs de l’industrie chimique puissent avoir de tells dommages car ils sont exposés à toutes sortes de produits dangereux. Non, c’est de voir qu’on a trouvé les mêmes dommages et la même relation dose-effet chez les hommes du groupe-témoin, ceux qui n’avaient aucune exposition professionnelle au bisphénol A. Cela illustre un problème auquel je fais face tous les jour dans mes recherches: Nous sommes tellement entourés des plastiques de toutes sortes que tout le monde est contaminé par le bisphénol. Tous les animaux de laboratoire sont contaminés. Il devient presque impossible de trouver des individus sains à titre de comparaison. Le bisphénol A n’est pas seulement un agent plastifiant; c’est aussi un œstrogène synthétique qui agit à des doses infinitésimales, comme nos hormones naturelles. La contamination actuelle par le bisphénol revient à administrer des hormones à tout le monde sans leur demander la permission et sans même le leur dire. Ce produit devrait être contrôlé au même titre que les médicaments! Présentement, il y a si peu de normes qu’on trouve parfois de grandes quantités de bisphénol dans des cosmétiques. C’est dramatique car il s’absorbe à travers la peau comme les patch d’hormones et il passe alors directement dans le sang sans être détoxifié par le foie. Même si les hommes s’inquiètent beaucoup pour la santé de leurs spermatozoïdes, je pense que les effets cancérigènes du bisphénol A sont beaucoup plus graves. Ce produit favorise la croissance de tous les cancers hormono-dépendants: cancer du sein, de l’utérus, de la prostate, du colon… Les toxicologues le savent mais il y a tellement d’inertie dans le système politique que j’ai souvent l’impression de travailler pour rien. »