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obstacle à la clarté de l’analyse. D’autre part, s’il est indéniable que certains
aspects de la politique d’expansion du territoire et de la sphère d’inuence
des États-Unis au e siècle peuvent s’apparenter à une volonté impériale,
il est hasardeux de dire que la politique étrangère américaine contempo-
raine est fondée sur l’intention manifeste de s’imposer globalement par
la force. La prépondérance de la puissance militaire et économique des
États-Unis ne signie pas qu’ils peuvent s’imposer par la force ou la
menace partout à la fois. Il est clair, par exemple, qu’il leur serait impos-
sible de mener simultanément deux opérations de l’ampleur de l’inter-
vention actuelle en Irak. Donc, si les États-Unis ne sont pas, à proprement
parler, un « empire », le concept d’empire et celui, plus limité, de stratégie
impériale peuvent être utiles pour comprendre la position structurelle
des États-Unis et, dans une certaine mesure, sa fragilité.
Au sens strict, le terme d’empire se rapporte à l’expansion ou au
maintien de la zone d’inuence d’un État à des peuples diérents par le
biais de la force militaire ou toute autre forme de contrainte. On peut
aussi étendre la portée du terme à toute domination structurelle du
système international, au risque d’en diluer le sens. De l’Antiquité à
aujourd’hui, historiens et politologues ont noté une tendance récurrente
des États dominants à chercher l’expansion pour assurer leur sécurité ou
leur prospérité, pour ensuite chercher à maintenir cette zone d’inuence
même lorsque les coûts de ce maintien viennent à surpasser les bénéces.
C’est la dynamique décrite, entre autres, par Paul Kennedy dans son
ouvrage classique, Naissance et déclin des grandes puissances. Une contri-
bution marquante de la science politique à la compréhension de cette
récurrence historique est celle de Robert Gilpin, avec War and Change
in World Politics. Selon Gilpin, la tendance à l’expansion inhérente à la
logique impériale entraîne une augmentation des coûts de contrôle, qui
nissent presque inévitablement par dépasser les bénéces qu’une puis-
sance dominante tire de son statut. Le maintien de la domination impé-
riale devient donc un fardeau qui mine les ressources internes du cœur
de l’empire et peut mener, au mieux, à la marginalisation de la grande
puissance déchue ou, au pire, à l’eondrement pur et simple de l’État
aaibli.
Ces auteurs, comme bien d’autres avant eux, donnent une tournure
très pessimiste à leurs prédictions. Ils notent en eet que, à chaque fois
où le déclin d’une grande puissance a occasionné un changement majeur
Politique en questions 2.Mep.in50 50 8/4/09 3:59:15 PM