RENCONTRE NATIONALE AVEC LES ASSOCIATIONS DE FEMMES GERANT DES CENTRES
D’ECOUTE ET D’HEBERGEMENT
COMMUNICATION DE MONSIEUR KAMEL CHEKKAT
MEMBRE DE L’ASSOCIAION DES ULEMAS MUSULMANS ALGERIENS
MEMBRE FONDATEUR DE LA LIGUE DES OULEMAS,
IMAMS ET PRECHEURS DES PAYS DU SAHEL
La présente étude a pour sujet l’exégèse du verset 34 de Sourate E’nnissa (Les
femmes) qui dit : « Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs
qu'Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu'ils font de leurs
biens. Les femmes vertueuses sont obéissantes leurs maris), et protègent ce qui doit
être protégé, pendant l'absence de leurs époux, avec la protection d'Allah. Et quant à
celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d'elles dans leurs
lits et frappez-les. Si elles arrivent à vous obéir, alors ne cherchez plus de voie contre
elles, car Allah est certes, Haut et Grand ! »
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Pour beaucoup, battre son épouse est quelque chose de tout à fait admissible, c’est
un domaine le Coran, et plus particulièrement le verset que nous venons de citer, vient
conforter la coutume et les idées reçues ; une coutume qui veut que la femme ne peut, ni ne
doit se réaliser que sous la sacrosainte autorité de son époux. Cet état de fait a même conduit
bon nombre de grands noms de la théologie musulmane à décréter que de par l’acte de
mariage, l’homme s’approprie la femme, il devient son maître et a sur elle les mêmes droits
qu’il pourrait avoir sur un esclave. Beaucoup n’hésitent pas à agrémenter cette thèse par des
hadiths du Prophète PBSL tels que : « Si je devais ordonner à quelqu’un de se prosterner
pour autre qu’Allah, j’aurais ordonné à la femme de se prosterner pour son mari. »1
Mal interprétés, beaucoup de textes du Coran et de la Tradition prophétique (sounna), à
l’exemple de ce hadith ainsi que celui du verset 34 de Sourate E’nnissa, ont fait et font dire à
certains théologiens des choses qui vont à l’encontre de l’esprit du Coran et de la Tradition
prophétique et ont donné lieu à des situations dramatiques.
Il faut bien comprendre que l’exégèse d’un verset ou l’interprétation d’un hadith ne
peut se faire de manière parcellaire : Un verset ne peut prendre son ritable sens que dans
l’ensemble des versets traitant du même sujet. Les savants sont unanimes sur le fait que les
versets du Coran s’expliquent les uns les autres. A côté de cela, d’autres paramètres doivent
être pris en ligne de compte, certains versets ont des causes de révélations (Asbab nouzoul)
qui leur donnent un sens propre à la conjoncture dans laquelle ils ont été révélés et un sens
parfois plus large, qui s’inscrit dans un esprit qui regroupe le Coran et la Tradition
Prophétique. Sans oublier que le Coran et la Tradition Prophétique ne forment qu’un seul
corpus, car quand elle est authentique, il ne peut y avoir de contradiction entre la tradition du
Prophète PBSL et le Coran, ses enseignements sont :
- Soit une confirmation des enseignements coraniques, par exemple les hadiths qui
insistent sur la Proclamation de l’unicité de Dieu, l’obligation de la prière, l’aumône, le
pèlerinage, l’interdiction du crime et du parjure…
- Soit une explication, dans le détail, de certains commandements : Le Coran rend
obligatoires la prière et l’aumône, mais il ne donne aucun détail quant à la manière dont elles
doivent être observées.
- Ou bien, la prescription d’une règle : l’interdiction aux hommes de porter la soie et
l’or, et dans ce cas, le Prophète PBSL peut agir sous l’effet de l’inspiration divine comme il
peut s’agir d’un effort personnel en compatibilité avec l’esprit du Coran.
C’est pour cela qu’il faut un certain nombre de préalables à la compréhension de ce
verset où il est dit concernant les femmes : « frappez-les. »
1 Rapporté par Abou Daoud, E’ttirmidhi, Ibn Maja et Ahmad.
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Tout d’abord, concernant les causes qui ont conduit à la révélation de ce verset,
E’nnassa-i rapporte d’après Ali DAS qu’un ansarite vint voir le Prophète PBSL en compagnie de
sa fille, disant que son mari l’avait frappée au visage. Le Prophète PBSL dit que l’homme en
question était en tort. Dans certaines versions de ce hadith il est dit que le Prophète PBSL
ordonna de procéder au talion en guise de réparation. C’est ainsi que Dieu révéla ce verset et
au Prophète PBSL de dire : « J’ai voulu une chose, mais Dieu en a décidé autrement. »2
Mais avant même de nous intéresser à l’exégèse de ce verset, comment l’Islam
conçoit-il la relation au sein d’un couple ?
Pour beaucoup, même si l’Islam ne fait pas de la femme l’esclave de l’homme, par le
biais du mariage, il la relègue à une position nettement plus inferieure. Ceci est faux ! Car
même si l’Islam exhorte la femme à obéir à son mari, il ne diminue en rien sa position au sein
du couple. Avant le mariage, elle seule a le pouvoir d’accepter ou de refuser le prétendant qui
se présente pour demander sa main. Une jeune femme vint au Messager de Dieu PBSL et lui dit
: « Mon père m’a mariée à son neveu pour rehausser son rang social. » Signifiant que son
père, de condition modeste, cherchait par cette alliance avec son frère, qui devait être riche, à
accéder à un rang social supérieur. Le prophète PBSL lui donna plein pouvoir quant à annuler
l’acte de mariage, elle dit à ce moment, : « J’approuve ce qu’a fait mon père. Je voulais
juste que les femmes sachent que leurs pères n’ont aucun pouvoir en la matière. »3 C’est-
à-dire qu’ils n’ont pas le droit d’imposer à leurs filles un mariage qu’elles refuseraient.
D’autre part, en plus d’être en droit de fixer elle-même sa dote, la femme a le droit de faire
accompagner son acte de mariage de closes, tel que le fait d’exiger de travailler après le
mariage ; si dans pareil cas le mari venait à accepter cette condition, il est dans le devoir de la
respecter selon l’Imam Malik et Ibn Taymiya. Cet esprit, qui confère à la femme une position
égale à celle de l’homme, au sein du couple, et qui fait que l’obéissance à l’homme, à laquelle
exhorte l’Islam, n’est pas absolue, nous le retrouvons dans le verset 232 de Sourate El BAqara
(La vache) qui dit en parlant du sevrage de l’enfant : « Et les mères, qui veulent donner un
allaitement complet, allaiteront leurs bébés deux ans complets. Au père de l'enfant de les
nourrir et vêtir de manière convenable. Nul ne doit supporter plus que ses moyens. La
mère n'a pas à subir de dommage à cause de son enfant, ni le père, à cause de son enfant.
Même obligation pour l'héritier. Et si, après s'être consultés, tous deux tombent
d'accord pour décider le sevrage, nul grief à leur faire. Et si vous voulez mettre vos
enfants en nourrice, nul grief à vous faire non plus, à condition que vous acquittiez la
rétribution convenue, conformément à l'usage. Et craignez Allah, et sachez qu'Allah
observe ce que vous faites. »
2 « Tafsir Ibn Kathir » (Exégèse d’Ibn Kathir), p 22, vol 4. Edition Mou-assassate Qorttoba et Maktabate Awlad
e’cheikh li’tourath. Première édition. 2000.
3 Rapporté par L’Imam Ahmad, E’nnasaai et E’ddaraqottni, d’après Aïcha DAS.
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Ceci, pris en considération, donnera comme traduction à la partie du verset 34 de
Sourate E’nnissa qui dit : « E’rridjalou qawwamouna âla e’nnissa. » ce qui suit : « Les
hommes assument les femmes. » Ceci est la traduction de Jacques Berque. Jean-Louis
Michon dira : « Les hommes ont la charge des femmes. ». Cheikh Boureima Abdou Daouda
dira : « Les hommes sont responsables (protecteurs, pourvoyeurs) des femmes. »
Voyons maintenant l’exégèse du verset 34 de Sourate E’nnissa (Les femmes) chez
certains savants musulmans : « E’rridjalou qawwamouna âla e’nnissa. » Ibn kathir rapporte
dans son exégèse d’après Ibn Abbas DAS que « qawwamoun » signifie que les hommes sont les
commandeurs (oumara) de leurs épouses, et c’est ce qui fera dire à Ibn Kathir : « L’homme
est le « Qayym » de la femme, c’est-à-dire son chef, son supérieur. Il a plein pouvoir sur
elle et il est en droit de la corriger s’il elle dévie (du droit chemin) en raison des faveurs
que Dieu accorde aux hommes sur les femmes. Parce que les hommes sont meilleurs que
les femmes, et c’est pour cela que la prophétie n’a été accordée qu’aux hommes, il en va
de même pour la fonction de juge ainsi que pour la magistrature suprême ; le Prophète
PBSL a dit : « Ne récolterons pas le succès, ceux qui placent leur sort entre les mains d’une
femme. »4
En lisant ces propos, qui sont partagés ne nous voilons pas la face par bon nombre
de théologiens de renom, on ne peut que s’indigner, mais n’oublions pas que ce ne sont, là,
que les propos d’un être humain, passible d’erreur. La seule personne dotée d’infailibilité
(îçma) est notre prophète PBSL, et comme l’a si bien dit l’Imam Malik, s’insurgeant contre des
savants de sa génération qui voulaient iùmposer leur vision : « Toute personne peut se voir
accepter ou refuser ses propos, sauf le propriètaire de cette tombe. » en désignant la tombe du
Prophète PBSL. Ce qui veut dire qu’avec tout le respect que l’on doit à des savants comme Ibn
Kathir, ses avis ne sont pas des paroles coraniques et on peut les rejeter s’ils sont infondés.
Dans son interprétation du mot « qawwamoun », Ibn Kathir s’est appu sur Ibn
Abbas DAS, cousin du Prophète PBSL et référence en matière d’exégèse chez les musulmans.
Mais aussi, même si les avis des grands compagnons du Prophète PBSL peuvent être une
source d’inspiration, en termes de droit canon, l’avis d’un compagnon n’est pas une guidance
absolue. D’autre part, Ibn Kathir dit que les hommes sont préférables aux femmes ou
meilleurs qu’elles, alors que même si le Coran donne une prééminence à l’homme par rapport
à la femme, dans certains domaines, le Coran et la Tradition prophétique sont clairs sur le fait
que la femme est l’égale de l’homme. Le Prophète PBSL a dit : « Les femmes sont les égales
des hommes. » Pour bien signifier l’égalité entre l’homme et la femme, le Messager PBSL a
employé, dans ce hadith, le mot « chaqa-iq » qui est le pluriel de « chaqiqa », feminin de «
chaqiq », et qui se traduit en langue française par : Sœur germaine ou utérine. Beaucoup de
4 Source précédente, p. 20.
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traducteurs, en faisant une traduction intégrale de ce hadith donnent comme résultat : « Les
femmes sont les sœurs des hommes », ce qui diminue de la portée des propos du Prophète
PBSL. En fait, cette phrase a été formulée par le Prophète PBSL suite à une question que lui a
posée un homme concernant l’émission de sperme pendant le sommeil, au cas il ne se
souviendrait ni d’éjaculation ni de rêve érotique qui l’aurait provoquée, et qu’il constate à son
réveil une moiteur ou des traces d’émission, doit-il procéder à une lotion (ghousl) ? Le
Prophète PBSL répondit que oui, et là, une femme pondant au nom d’Oum Souleym DAS lui
dit : « Et si la femme constate la même chose, est-elle dans l’obligation de faire une lotion
? » Il dit : « Oui ! Les femmes sont les égales des hommes. » Si nous plaçons, donc, les
propos du Prophète PBSL dans leur contexte, le mot « Chaqa-iq » veut dire dans ce cas précis
contrairement à ce que l’on peut trouver dans certaines traductions égales ou homologues.
Cette égalité, dont parle le Prophète, est dûment évoquée dans le Coran. Dieu dit dans ce sens
: « Je ne laisse perdre l’œuvre d’aucun bienfaiteur parmi vous, homme ou femme, vous
dérivez les uns des autres. » (3/195). Il dit aussi : « Quiconque a fait bonne œuvre, qu’il
soit homme ou femme, tout en étant croyant, Nous lui assurerons certainement une vie
agréable (dans ce monde) et Nous leur donnerons leur salaire selon le meilleur de ce
qu’ils faisaient. » (16/97). Dieu dit également, pour montrer que l’homme et la femme sont
égaux face à ses commandements : « Celui qui a commis une mauvaise action ne sera
récompensé que de sa pareille et celui ou celle qui a fait une bonne action, tout en étant
croyant, ceux-là entrent au Paradis où on leur accorde des biens sans compter. » (40/40).
Dieu dit aussi : « Il n’appartient nullement à un croyant ou une croyante, une fois que
Dieu et son Messager ont décidé d’une chose, d’avoir encore le choix dans leur façon
d’agir. » (33/36). IL est donc clair, suite aux versets que nous venons d’énoncer que la notion
d’égalité, entre l’homme et la femme, existe bel et bien dans le Coran et la Tradition de son
Messager PBSL.
Revenons à Ibn Kathir, il dit, après avoir déclaré que les hommes étaient supérieurs
aux femmes, que ceci était dû aux « faveurs que Dieu accorde aux hommes sur les femmes.
Parce que les hommes sont meilleurs que les femmes, et c’est pour cela que la prophétie
n’a été accordée qu’aux hommes, il en va de même pour la fonction de juge ainsi que
pour la magistrature suprême ; le Prophète PBSL a dit : « Ne récolterons pas le succès
ceux qui placent leur sort entre les mains d’une femme. » Là aussi, les propos d’Ibn Kathir
se fient beaucoup plus à une coutume qu’aux préceptes de l’Islam. Il est vrai que la prophétie
n’a été accordée qu’aux hommes (mâles) et que, par voie de conséquence, la direction de la
prière en congrégation, par exemple, du fait qu’il s’agisse d’un acte purement cultuel,
devienne un acte réservé exclusivement aux hommes, mais ceci n’enlève aucunement aux
femmes le droit de devenir jurisconsultes, ou de se consacrer à l’étude des sciences
religieuses, sachant que nous détenons le tiers de notre religion de la mère de croyants Aïcha
DAS. Puis quand Ibn Kathir affirme que la femme n’a pas le droit d’exercer la fonction de juge,
en arborant le hadith du Prophète PBSL, il fait abstraction, comme beaucoup de savants, de ce
qui a été fait par le Calife Omar Ibn El Khattab DAS qui a placé E’chifa Bint Abdillah DAS
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