Musique contemporaine : nouveaux langages Les années 1950-1960 La musique contemporaine recouvre les différents courants apparus après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Suprématie du système tonal dans la musique occidentale Toute la musique occidentale jusqu’au début du XXe siècle repose sur un système de composition fondé sur le principe de tension/détente. L’élément de base est la gamme*, explorée par les compositeurs dans toutes ses combinaisons possibles. On parle de MUSIQUE TONALE. *La gamme : c’est une succession ascendante ou descendante de huit notes conjointes hiérarchisées. Proposition d’écoute : 9ème symphonie, Beethoven, 1824 Des systèmes nouveaux Parvenus aux confins de l’exploration du système classique, les compositeurs du début du XXe siècle ont essayé de s’en détacher. Ils explorent des langages musicaux soutenus par des théories nouvelles ou redécouvertes : La modalité1 (Debussy) ou le dodécaphonisme2 (Schoenberg) qui aboutit au courant de musique sérielle3 (Berg, Webern) puis au sérialisme intégral4 (Boulez, Stockhausen). On parle de MUSIQUE ATONALE. 1 La modalité : organisation hiérarchique des hauteurs de sons, différente du système de gamme tonale majeure / mineur. 2 Le dodécaphonisme : Système basé sur une succession de douze sons d’égale importance. 3 Musique sérielle : musique dont le principe de construction se fonde sur une succession rigoureusement préétablie et invariable de sons appelée série. 4 Sérialisme intégral : généralisation de la technique sérielle aux autres paramètres (autres que la hauteur) : timbres, durées, intensités. Proposition d’écoute : Concerto à la mémoire d’un ange, Alban Berg, 1935 Le Marteau sans maître, Pierre Boulez, 1954 . Anne Foucher, [email protected] Des réactions Certains compositeurs réagissent à l’écriture très stricte imposée par le sérialisme intégral, ils cherchent à laisser une certaine liberté à l’interprète. C’est ce que l’on appelle l’œuvre ouverte. L’interprète choisit au moment de l’exécution de l’œuvre, l’ordre dans lequel il souhaite interpréter les « cellules » musicales qui lui sont proposées par la partition. Proposition d’écoute : 3ème sonate pour piano de Pierre Boulez, 1957 Klavierstück XI de K. Stockhausen, 1957 La musique aléatoire, fondée sur le hasard et l’indétermination laisse à l’interprète le soin de décider lui-même de l’acte musical. On ne parle plus alors de partition mais de processus. Proposition d’écoute : 4’33’’ de John Cage, 1952 Concerto pour piano et orchestre de John Cage, 1957-1958 . Parallèlement, certains musiciens reviennent au système classique, on parle de néoclassicisme, en utilisant une forme plus libre de tonalité* : la polytonalité (Stravinsky, Hindemith, Chostakovitch). *Tonalité : couleur sonore déterminée par une note de base. Proposition d’écoute : The Rake’s progress, Stravinsky, 1951 Gloria, Francis Poulenc, 1959 Révolution technologique La musique concrète, apparue vers 1948, est liée aux recherches sonores effectuées par les studios radiophoniques. Au départ d’un matériau enregistré, le son est retravaillé et combiné pour donner un nouvel “objet” sonore. Les pionniers de ce type de musique sont Pierre Schaeffer et Pierre Henry. Proposition d’écoute : Variations pour une porte et un soupir, Pierre Henry, 1963 Anne Foucher, [email protected] Grâce à de nouvelles sources sonores électroniques (générateurs de fréquences), il est désormais possible de travailler sur le phénomène sonore. Ceci ouvre des perspectives illimitées dans un courant de musique électronique (Stockhausen). Proposition d’écoute : Gesang der Jünglinge (le chant des adolescents), K.Stockhausen, 19551956 Dans son œuvre Déserts de 1952, Edgar Varèse associe des instruments acoustiques à l’électronique, alternant sons de synthèse et sons directs amplifiés ou retravaillés au moment de l’exécution, aboutissant à ce que l’on a appelé « la musique électronique vivante ». La musique électroacoustique (Parmegiani) associe librement deux sources sonores : des sons enregistrés et des sons électroniques. Proposition d’écoute : Alternance de Bernard Parmegiani, 1961 J’ai été coupé de Luc Ferrari, 1969 D’autres procédés de composition Par un procédé d’agrégats de notes, Olivier Messiaen restitue le timbre d’un oiseau. Il n’y a pas d’harmonie, pas de fonction tonale ou modale, mais une vision acoustique du son. « Dans mon Catalogue d’Oiseaux, disait Messiaen, on pourrait relever un grand nombre d’innovations, parce que la reproduction du timbre des oiseaux m’a contraint à des constantes inventions d’accords, de sonorités, de combinaisons de sons et de complexes de sons qui aboutissent à un piano qui ne sonne pas « harmoniquement » comme les autres pianos. Proposition d’écoute : Catalogue d’oiseaux de Messiaen, 1956 Par un procédé de collage, issu des possibilités de manipulations offertes par la musique électronique et les studios radiophoniques, le compositeur emprunte son matériau sonore à des sources antérieures et replace ces fragments dans un contexte neuf, leur donnant ainsi de nouvelles perspectives (Berio, Cage). Proposition d’écoute : Imaginary landscape n°5 de John Cage (repiquage de disques de jazz), 1952 Sinfonia de Luciano Berio, 1968 Anne Foucher, [email protected] Dans le minimalisme et la musique répétitive (cage, Riley, Reich), le compositeur réduit le matériau musical à l’extrême, jouant sur le phénomène de la répétition d’un élément produisant des variations imperceptibles par la juxtaposition du même élément ou d’un élément dérivé. La musique devient un processus graduel dans une durée. Proposition d’écoute : Piano Phase de Steve Reich, 1967 In C de Terry Riley, 1964 La micro polyphonie (Ligeti) est la juxtaposition de lignes mélodiques indépendantes élaborant un tissu polyphonique dense au point de créer un “tapis” sonore dont on ne perçoit que les fluctuations provoquées par les variations se produisant au sein de lignes mélodiques internes. Proposition d’écoute : Atmosphères de György Ligeti, 1961 Lux Aeterna de György Ligeti, 1966 La musique stochastique de Xenakis est fondée sur des principes mathématiques. Dans toutes ses compositions, il tente d'établir des liaisons entre la composition musicale et les concepts de la physique, de l'architecture et, surtout, des mathématiques. Proposition d’écoute : Pithoprakta de Xenakis, 1956 Persephassa de Xenakis, 1969 En conclusion La musique des années 1950-60 est dominée par le sérialisme intégral et l’avantgarde européenne autour de Pierre Boulez, Luciano Berio, Karlheinz Stockhausen. Les compositeurs expérimentent les nouvelles technologies de l’électronique. Aux Etats-Unis, c’est la figure de John Cage qui domine, dans une approche essentiellement conceptuelle. La multitude des expériences musicales est caractéristique des mutations qui ont traversé le siècle : langage musical en crise (indétermination d’un côté, sérialisme généralisé de l’autre) et des recherches qui développent de nouvelles formes d’expression (musique électronique, mixte…), pour aboutir à de nouveaux concepts (notions fondamentales d’acoustique, notions d’objets sonores et musicaux). Anne Foucher, [email protected]