La mora le Sympathie, utilité, finalité dans la morale de Adam Smith François Dutrait Philopsis : Revue numérique http://www.philopsis.fr Les articles publiés sur Philopsis sont protégés par le droit d'auteur. Toute reproduction intégrale ou partielle doit faire l'objet d'une demande d'autorisation auprès des éditeurs et des auteurs. Vous pouvez citer librement cet article en en mentionnant l’auteur et la provenance. Lorsqu’on évoque le nom d’Adam Smith, c’est d’abord An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations1 (WN) l’ouvrage auquel on pense spontanément, au point que l’on a longtemps oublié son premier livre publié, celui qui nous intéresse ici. Les historiens de l’économie politique ont fait de notre auteur un des fondateurs – sinon le fondateur – de cette « science ». Le concept-clé qui justifierait cette conception serait précisément celui de « main invisible » ; le mécanisme de la main invisible permettrait de rende compte de la meilleure organisation permettant à l’économie de satisfaire au mieux les besoins de ses agents : l’individu ne cherche que son propre gain, mais par son action mue par l’égoïsme, il contribue en fait à l’intérêt général. Cette interprétation2 de la pensée d’Adam Smith a induit un certain nombre de conclusions générales concernant cet auteur : - il est le premier théoricien du libéralisme économique, théorie qui sera achevée par la formalisation et la mathématisation que proposera le courant marginaliste à la fin du XIXe siècle, en particulier par Léon Walras ; - sa pensée peut être rangée dans le courant utilitariste dont J. Bentham est le premier théoricien complet. 1 Cet ouvrage est publié en 1776, la première édition de TMS date de 1759. Voir à ce propos l’article de B. Prévost, « La métaphysique de la main invisible » dans la revue Kairos. L’auteur de cet article critique évidemment cette conception. 2 Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 1 Ces deux conséquences sont d’ailleurs liées, comme l’a très bien montré Elie Halévy dans son ouvrage La formation du radicalisme philosophique3. Le problème que rencontrerait selon lui, toute théorie utilitariste – qui pose comme principe universel un égoïsme et un individualisme fondamentaux de l’être humain – serait de rendre compte de la manière par laquelle les hommes parviennent à « harmoniser leurs intérêts » ; et ce problème lui permet de classer les courants utilitaristes selon deux familles : ceux qui considèrent qu’il existe une « identité naturelle des intérêts » - dès lors la société, l’Etat, devraient intervenir le moins possible dans les questions économiques, politiques et morales ; ceux qui considèrent que les intérêts – nécessairement individuels et égoïstes – ne peuvent être harmonisés que de manière « artificielle » ; dès lors, il faut penser selon cette perspective les rôles de la société, des institutions et de l’Etat. Pourtant la lecture de The Theory of Moral Sentiments oblige à repenser la question de savoir si Adam Smith appartient effectivement au courant utilitariste tel que le décrit Halévy : la notion de sympathie, centrale dans la théorie de la morale développée dans The Theory of Moral Sentiments, est mise en avant par Adam Smith pour contrer explicitement les « systèmes qui déduisent le principe de l’approbation à partir de l’amour de soi »4 ; les auteurs visés sont principalement Hobbes et Mandeville. De ce point de vue, Adam Smith s’inscrit complètement dans les débats de la philosophie morale de son temps : Shaftesbury, Hutcheson et Hume ont réagi, chacun à sa façon, aux théories de ces deux auteurs en les réunissant sous le terme de « théories de l’égoïsme ». Ainsi Hume, dans l’appendice II de son Enquête sur les principes de la morale5, situe sa propre démarche théorique comme opposée à la fois au rationalisme moral et aux doctrines qui prétendent que toute passion – y compris la plus généreuse en apparence – « est une modification de l’amour de soi ». A. Smith s’inscrit complètement dans cette démarche et relève, de ce point de vue, des moralistes que l’on rattache aux « morales du sentiment ». Deux questions se posent dès lors : existe-t-il une contradiction entre les positions théoriques adoptées dans The Theory of Moral Sentiments et celles établies par The Wealth of Nations ? 3 Sur les rapports entre A. Smith et J. Bentham, voir vol. 1, chap. III. On peut lire avec profit la postface de J.-P. Dupuy qui discute en particulier cette thèse soutenue par Halévy selon laquelle « il y a des affinités électives entre l’utilitarisme et l’économie politique » (p. 333). 4 Tel est le titre du chapitre I de la section III de la septième partie de TMS ; Adam Smith entend par principe d’approbation « le pouvoir ou la faculté de l’esprit qui nous fait trouver certains caractères agréables ou désagréables, préférer une ligne de conduite à une autre, nommer la première bonne et l’autre mauvaise, considérer celle-là comme l’objet de l’approbation, de l’honneur et de la récompense, et celle-ci comme l’objet du blâme, de la censure et du châtiment » (P. 419). 5 Le titre de l’appendice est significatif : “Of self-love”. Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 2 quel est l’apport original d’Adam Smith au sein de ce que l’on a appelé ces « morales du sentiment » ? Existe-t-il un « problème Adam Smith » ? La question de savoir si la philosophie de Adam Smith est cohérente ou bien si celui-ci développe des idées différentes, voire contradictoires, dans The Theory of Moral Sentiments et dans The Wealth of Nations est déjà soulevée par Halévy 6 : il y aurait un principe explicatif de la morale – la sympathie – et un autre – la main invisible – pour l’économie. Tout en signalant cette dualité, Halévy semble lui-même la minimiser ; il y a une raison à cela : Halévy veut montrer que, dans les deux cas, Adam Smith met en relief un principe qui permet une harmonie naturelle des intérêts et, de ce fait, il semble masquer la contradiction entre la sympathie considérée comme sentiment naturel, caractéristique de l’être humain et, d’autre part l’égoïsme posé comme principe universel de l’action humaine. La position de Halévy n’est pas satisfaisante : ou bien on admet que la philosophie de Adam Smith relève globalement de l’utilitarisme en posant un principe universel d’égoïsme et d’individualisme – mais, dans ce cas, la cohérence avec la théorie morale qui valorise un sentiment naturellement altruiste – la sympathie – ne paraît pas possible à établir ; ou bien on admet une évolution, une transformation fondamentale de la pensée de Adam Smith entre The Theory of Moral Sentiments (1759) et The Wealth of Nations (1776). En fait, ni l’une ni l’autre de ces deux positions n’est entièrement défendable : de nombreux auteurs emploient le terme d’ « utilité » sans pourtant pouvoir être classés dans le courant utilitariste tel que le définit Halévy ; la définition proposée par Halévy est inspirée par la philosophie de J. Bentham (1749-1832) qui peut à juste titre être considérée comme utilitariste au sens strict7. Si on l’admet telle quelle, il est impossible de considérer Adam Smith comme appartenant à cette doctrine, aussi bien dans The Theory of Moral Sentiments que dans The Wealth of Nations. Ainsi on a pu montrer que la 6 E. Halévy, op. cité, I, III : “Et qu’on n’aille pas supposer une transformation de sa pensée, entre le moment où il écrivit les Sentiments moraux et celui où il écrivit la Richesse des nations puisque, dans son cours de Glasgow, qui est de 1763, il recourt alternativement, selon la matière enseignée, à l’hypothèse de l’égoïsme universel pour expliquer le mécanisme de l’échange, et à l’hypothèse de la sympathie, pour expliquer soit l’origine des gouvernements, soit encore l’origine de la notion de peine légale » (p.113). 7 La question de savoir si la définition de l’utilitarisme proposée par Halévy est correcte a été discutée par J.-P. Dupuy dans sa postface au premier volume de La formation du radicalisme philosophique. Mon propos ici n’est pas de discuter les idées de Halévy, mais de savoir comment Adam Smith traite la question de l’égoïsme (et de l’individualisme) en relation avec les idées d’utilité et de sympathie. Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 3 théorie de la main invisible ne décrit pas simplement un mécanisme dont la compréhension reposerait sur la recherche des causes efficientes mais qu’elle repose sur une véritable métaphysique de type stoïcien, voire chrétien, qui suppose la prise en compte de causes finales8. Effectivement le stoïcisme influence profondément la théorie morale de l’ouvrage qui nous intéresse, mais il nous faudra examiner comment cette doctrine rationaliste est compatible avec une position qui attribue une place centrale à un « sentiment » et à l’imagination. La notion de sympathie est centrale dans The Theory of Moral Sentiments ; elle ne se comprend que par référence à Hume avec qui l’auteur engage un dialogue critique et, à travers lui, avec les autre théoriciens de la morale du sentiment. Ces problèmes sont tout à fait perceptibles dans le « style » de la démarche suivie par Adam Smith : les trois sections de la première partie reposent sur une approche anthropologique ; elles « décrivent » le fonctionnement des passions en mettant en avant la « sympathie » qu’elles sont capables de provoquer, et ainsi l’évaluation que cette sympathie permet établit la propriety de l’action, son degré de convenance. Il est tout à fait remarquable que, dans ces deux premières parties, l’auteur s’attache à décrire le plus subtilement possible comment le jugement d’autrui, par le jeu complexe de la sympathie, permet d’apprécier la convenance ou l’inconvenance. Ce n’est que dans la troisième partie que Smith aborde la question des « jugements concernant nos propres sentiments et notre propre 9 conduite » : il introduit par là la dimension de la conscience morale proprement dite. Cette construction indique à quel point Smith considère que la moralité se constitue grâce aux échanges avec autrui. La sympathie selon Hume et Smith C’est principalement par rapport à l’emploi qu’en fait Hume dans ses écrits sur les passions et sur la morale qu’Adam Smith élabore sa propre conception de la sympathie. Cette démarche, tant chez Hume que chez Smith, s’inscrit dans les discussions philosophiques concernant les principes du jugement et de l’action quand il est question de morale ; ces deux auteurs se rattachent au courant philosophique qui défend l’idée qu’il existe chez l’homme un « sens moral », notion que l’on trouve chez des auteurs 8 Voir article déjà cité de B. Prévost, dans la revue Kairos n°20. Comme l’indique à juste titre la note des traducteurs, op. cité, p. 135. Le chap. II de la section II de la deuxième partie fait exception : il y est question de du jugement que nous portons sur notre propre conduite et, à ce titre, ce chapitre aurait dû figurer dans la troisième partie. Mais, précisément, cette incohérence apparente indique bien les difficultés que rencontre A. S. pour construire un système parfait : dans le cas présent, l’auteur a jugé préférable de poursuivre ses analyses particulières de la vertu de justice plutôt que de respecter la systématicité du plan d’ensemble. 9 Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 4 antérieurs comme Shaftesbury (1671-1713) et Hutcheson (1694-1746) pour ne signaler que les deux principaux. Comme le signale à juste titre Laurent Jaffro 10, la notion de sens moral n’est pas facile à unifier, que ce soit à l’intérieur d’une œuvre comme celle de Shaftesbury ou selon l’emploi qui en est fait par tel ou tel auteur qui pourtant la considère comme pertinente. Pourtant il existe des points communs que l’on retrouve jusque dans la pensée de Smith : sa dimension polémique ; la mise en relief d’une capacité « naturelle » à établir des distinctions morales : il existerait des passions, des sentiments « naturellement » altruistes (contre les théories de l’égoïsme) ; ces distinctions ne supposent donc pas uniquement la capacité de la raison à s’opposer aux passions ou à les maîtriser (contre le rationalisme moral) ; le jugement moral présente des analogies profondes avec le jugement esthétique : « les théories du sens moral sont congénitalement des théories esthétiques et situent d’emblée l’action comme objet d’un spectacle », écrit L. Jaffro 11. Quelle position Smith adopte-t-il par rapport à ces caractéristiques ? Sur la dimension polémique, dès le premières lignes de The Theory of Moral Sentiments, Adam Smith situe sa démarche comme reconnaissant l’existence de sentiments naturellement altruistes ; en cela il s’oppose à Hobbes et à Mandeville12, comme Shaftesbury, Hutcheson et Hume13 l’avaient fait avant lui. Mais dès le premier chapitre, le lecteur a le sentiment qu’Adam Smith cherche à mieux circonscrire que ses prédécesseurs (c’est surtout Hume qui est visé) le rôle de la sympathie : la notion apparaît chez Hume lorsqu’il 10 Cf. « La formation de la doctrine du sens moral : Burnet, Shaftesbury, Hutcheson ». On lira avec profit les analyses rapides mais percutantes que propose l’auteur de cet article concernant le sens moral selon Shaftesbury et Hutcheson. 11 Ibid. « Introduction », p. 9. 12 Pour des raisons évidentes de chronologie, Shaftesbury ne peut pas s’opposer aux idées de Mandeville : Enquête concernant la vertu ou le mérite du premier date de 1711, La Fable des abeilles du second, de 1714. La pensée développée dans cet ouvrage est difficile à résumer, mais ses contemporains en retiennent la vision pessimiste, voire cynique, de la nature humaine et de la société que résume le sous-titre : « Les vices privés font le bien public ». Hutcheson précise dans son sous-titre à Recherche sur l’origine de nos idées de la beauté et de la vertu, que dans cet ouvrage « Les principes du défunt Comte de Shaftesbury sont expliqués et défendus contre l’auteur de la Fable des abeilles ». 13 Il faudrait signaler également l’œuvre de Joseph Butler (1692-1752) : Sermons et A Dissertation upon the Nature of Virtue. Tout en reconnaissant l’existence d’un sens moral, il tend à montrer qu’il n’y a pas de contradiction fondamentale entre l’amour de soi (self-love) et le développement d’une conscience morale ; il critique ainsi Hutcheson en montrant qu’il ne faut pas confondre les motifs psychologiques de l’action avec les principes rationnels d’action. On peut trouver des extraits traduits de son œuvre dans : Catherine Audard, Anthologie historique et critique de l’utilitarisme, 3 vol. PUF, 1999. (Vol. I, p. 89 sq.) Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 5 analyse certaines passions, en particulier l’estime que nous portons aux riches et aux puissants. « Nous pouvons remarquer en général que les esprits des hommes sont des miroirs les uns pour les autres, non seulement parce que chacun d’eux réfléchit les émotions des autres, mais aussi parce que ces rayons de passions, de sentiments et d’opinions peuvent être renvoyés plusieurs fois et s’atténuer par degrés insensibles » 14. C’est parce que les hommes se ressemblent, qu’ils peuvent éprouver des sentiments semblables. Ce sentiment devient, dans le livre III du Taité de la nature humaine, consacré à la morale, « la source principales des distinctions morales »15. Il revient à Hume d’avoir « humanisé » une notion empruntée au stoïcisme : dans cette doctrine, elle concerne l’harmonie de l’ensemble de l’univers et peut aussi prendre une dimension musicale en désignant la capacité d’une corde d’instrument à entrer en résonance avec une autre : Shaftesbury, Hutcheson ainsi que Hume ne se privent pas d’user de cette métaphore pour traiter de la sympathie comme une qualité que possède la nature humaine qui permet la communication des sentiments16. Smith corrige passablement cette conception en insistant sur la dimension imaginaire de la sympathie : il insiste sur le fait que les sentiments éprouvés par sympathie, tout en ressemblant aux originaux, en diffèrent par leur degré d’intensité. Pour que celle-ci se produise, le « spectateur » doit grâce à son imagination, « se mettre à la place » de la personne « principalement concernée » et de ce fait il doit prendre en considération la situation dans laquelle celle-ci se trouve. De ce fait, la sympathie va dépendre de l’adéquation des sentiments manifestés originellement avec cette situation – c’est ce que Smith nomme propriety. On peut remarquer qu’il y a là une sorte de « cercle » inévitable : d’une part la « convenance » ou l’inconvenance des sentiments d’une personne ont une influence sur la sympathie que le « spectateur » éprouve ; mais, en retour, c’est grâce au degré et à la qualité de la sympathie qu’il éprouve, qu’il peut estimer le degré d’adéquation des sentiments du premier ; ce « cercle » n’en est pas vraiment un car il rend possible un processus que décrivent méticuleusement les deux premières parties de The Theory of Moral Sentiments : la constitution du « spectateur impartial ». La sympathie prend donc chez Smith une dimension imaginaire, voire illusoire, comme l’explique la fin du chapitre I : une mère sympathise avec les souffrances d’un nourrisson en ajoutant à celles-ci ses propres « terreurs devant les conséquences inconnues de la maladie », dont le principal intéressé ne peut pas avoir conscience, et c’est selon ce même processus que nous « sympathisons avec les morts ». Dès les premier chapitres de son ouvrage, Smith indique l’ « utilité » sociale de ce processus : c’est grâce à cette « sympathie illusoire » que se développe la crainte de la mort qui « est le grand poison du bonheur, mais aussi ce grand frein à l’injustice dans le genre humain », comme il l’écrit à la fin du premier chapitre de The Theory 14 Hume, Traité de la nature humaine, livre II, p. 213. Hume, op. cit., livre III , p.249. 16 Hume, op. cit., livre II, I, XI, p. 155. 15 Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 6 of Moral Sentiments. Cette idée est reprise à la fin du chapitre II de la section I de la seconde partie pour expliquer « l’approbation immédiate et instinctive de la loi sacrée et nécessaire de la vengeance » en ce qui concerne certains meurtres volontaires. Dans Lectures on Jurisprudence, ouvrage posthume de Adam Smith consistant en deux cahiers de notes de cours des années 17621764, l’auteur prolonge sa réflexion sur le rôle de cette sympathie illusoire qui nous pousse à respecter les volontés d’un mourant et qui permet de justifier la peine de mort 17. Dans The Theory of Moral Sentiments, comme dans l’œuvre de Hume, la sympathie est évoquée dans un chapitre où il est question « de notre estime pour les riches et les puissants18 ». Mais Smith accomplit un pas supplémentaire : selon lui, la sympathie constitue ce qui rend possible la distinction des rangs et des ordres de la société, et par suite, elle motive l’ambition. Ces remarques permettent de comprendre à quel point la sympathie prend un sens différent chez Hume et chez Smith : dans l’œuvre de ce dernier, elle n’est ni un sentiment ni une qualité originelle de l’humanité : elle joue le rôle d’une sorte d’opérateur capable de produire des échanges entre des êtres humains qui possèdent des caractères communs, certes, mais aussi de nombreuses caractéristiques individuelles. Le spectateur impartial C’est ainsi que du point de vue moral, le jeu complexe de la sympathie, de l’appréciation de la convenance (ou de l’inconvenance) de l’action produit le « spectateur impartial ». Pour rendre compte de ce processus, l’auteur met en œuvre des descriptions fines des échanges passionnels qui dépendent des circonstances, de la réaction des personnes intéressées, de leur caractère, ainsi que du caractère du spectateur. Ce n’est donc pas la sympathie qui est un sentiment moral : c’est elle qui rend possible les échanges de sentiments qui produisent l’appréciation morale ainsi que la capacité du sujet à obtenir la maîtrise de soi et le sens du devoir, sujets dont il est question principalement dans la troisième partie de The Theory of Moral Sentiments. Cette introduction du « spectateur impartial » vérifie l’analogie profonde entre les sentiments moraux et les sentiments esthétiques – et, en premier lieu par l’importance accordée au regard, au spectacle19. En effet, 17 Les dates que nous indiquons ici indiquent à quel point il existe une continuité dans la pensée de l’auteur qui considère TMS comme une étape dans une recherche beaucoup plus vaste concernant la justice, la politique et l’économie. 18 Hume, TNH, II, II V, op. cit., p. 211. 19 On sait que Adam Smith appréciait particulièrement un écrivain comme Henry Fielding qui propose dans ses romans (par exemple le célèbre Tom Jones, publié à Londres en 1749) des tableaux de relations sociales et de « caractères » de divers personnages ainsi que du jeu des passions provoqués par la rencontre de ces données. On peut penser également à un peintre comme Hogarth qui a peint de Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 7 pour que le sentiment moral apparaisse, il faut un spectateur des comportements du sujet ; ce spectateur, d’abord individuel ou particulier, et l’échange sympathique qui se déclenche entre lui et l’agent (« la personne principalement concernée »), vont tendre vers la constitution d’un « spectateur impartial ». Ce concept est d’abord destiné à établir comment on passe d’une sympathie toujours vécue de manière singulière et particulière, à une appréciation générale objective : le spectateur impartial est celui qui apprécie correctement la convenance de l’action. Il est idéalement capable d’une objectivité qui se construit dans un jeu d’échanges, rendu possible par la sympathie ; ce jeu rend possible un effet de modération et de tempérance20 des passions qui se « stabilisent » autour d’une moyenne, d’un « juste milieu », d’une « médiocrité » (mediocrity) plus proche de la « médiété21 » aristotélicienne que de la conception stoïcienne de la vertu. Ainsi un comportement paraît « raisonnable » et peut être apprécié de manière générale – et pas seulement selon un sentiment sympathique particulier – lorsque l’on tient compte d’une part de l’adéquation « de l’affection du coeur d’où procède toute action » avec sa cause (sa convenance) et, d’autre part, du rapport de cette affection avec ses effets ; l’évaluation de ce rapport permet d’établir le mérite ou le démérite d’une action, par quoi elle peut « prétendre à la récompense ou mériter le châtiment » 22 : cette évaluation repose sur « la sympathie indirecte avec la gratitude de la personne sur laquelle, si je peux dire, l’agent agit » ; « notre sens du démérite naît d’une sympathie indirecte avec le ressentiment de la personne qui souffre »23 ; il existe donc une sympathie ou une antipathie directes qui permettent d’évaluer la convenance ou l’inconvenance d’une conduite à sa cause et, d’autre part, une sympathie ou antipathie indirectes avec la gratitude ou le ressentiment éprouvés par celui qui subit les effets de l’action de l’agent. Le jeu complexe des échanges sympathiques permet ainsi d’établir une sorte de mesure – dans tous les sens que peut prendre ce terme : être moral, c’est savoir conformer ses sentiments à ceux de ce « spectateur impartial ». La troisième partie de The Theory of Moral Sentiments introduit la notion de conscience morale qui résulte en quelque sorte et pour employer un vocabulaire de la psychologie contemporaine, d’une intériorisation des sentiments du spectateur impartial. L’homme vertueux n’a plus besoin des véritables « scènes de mœurs » ou bien des portraits qui reflètent le « caractère » du modèle. Il est plusieurs fois fait référence à Hogarth dans le roman de Fielding. 20 On retrouve à ce propos la connotation musicale de la notion de sympathie. 21 C’est ainsi que J. Tricot traduit le mot mesotês, Ethique à Nicomaque, II, 5 1106 a 36. 22 La section II de TMS introduit cette notion de mérite par une analyse très fine des passions de gratitude et d’amour (passions sociales) d’une part et de ressentiment et de haine (passions asociales), d’autre part. Les premiers chapitres de cette section introduisent une complexification du « jeu sympathique », capable de générer les sentiments moraux ; Adam Smith remarque au passage que le sens du démérite combine sympathie directe avec antipathie indirecte. 23 II, I V, (TMS en anglais, op. cité p. 105 sq.). Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 8 échanges sympathiques rendus possibles par les relations avec autrui. Ainsi les systèmes philosophiques qui prétendent déduire la morale des sentiments égoïstes sont réfutés : « les illusions naturelles de l’amour de soi ne peuvent être corrigées que par l’œil de ce spectateur impartial » (p. 200 de la traduction) : l’homme vertueux est capable de se juger lui-même et de maîtriser ses passions grâce à ce regard intériorisé. L’utilité L’analogie de la morale avec l’appréciation esthétique repose évidemment sur ce rôle du regard ; mais il y a un point supplémentaire et peut-être plus important qui rapproche ces deux domaines : la prise en compte de l’utilité. Comme nous l’avons déjà dit, les théories du sens moral établissent une sorte d’analogie entre le sens moral, à l’origine de l’appréciation morale, et le sens de la beauté ; dans l’œuvre de Hume en particulier, l’appréciation esthétique et l’appréciation morale sont liées à la prise en considération de l’utilité de l’objet ou de l’action dont il est question. Adam Smith, comme Hume, se sert de l’appréciation esthétique pour préciser sa conception de l’utilité : dans Enquête sur les principes de la morale, Hume remarque que la prise en considération de l’adaptation d’un objet à la fin pour laquelle il a été conçu est déterminante dans l’appréciation esthétique que l’on formule à son sujet et l’emporte sur le plaisir que l’on peut éprouver à la vue « de la régularité et de l’élégance des parties qui le composent » 24. Hume introduit par là le lien entre moralité et utilité sociale : nous approuvons un comportement qui paraît utile à la société. Et, pour expliquer que cette approbation ne repose pas uniquement sur la prise en considération de notre intérêt personnel – ce qui justifierait les morales « de l’égoïsme » et du calcul d’intérêt - il montre qu’il existe un sentiment naturel (la sympathie ou la bienveillance) qui nous rend sensibles aux intérêts « de ceux qui sont servis par le caractère ou l’action approuvés », même si les intérêts de ces personnes sont très éloignés des nôtres. Autrement dit, pour qu’un objet nous plaise, pour qu’un comportement ou le caractère d’une personne soient approuvés moralement, il faut prendre en considération la finalité de cet objet ou la sympathie que nous éprouvons pour les conséquences sociales des actions. Nous avons déjà indiqué des différences notoires entre les conceptions de Hume et de Adam Smith concernant la sympathie ; dans l’œuvre du premier, celle-ci joue bien le rôle de sentiment moral, c’est elle qui permet de comprendre comment nous pouvons être conduits à prendre en considération les intérêts d’autrui. Chez le second, la sympathie est un processus, certes lié à la notion d’utilité, mais de manière tout à fait différente. Le chapitre III de la section III de la première partie de The Theory of Moral Sentiments indique même que la disposition à admirer les 24 Hume, Enquête sur les principes de la morale, section V, p. 119-120) Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 9 riches et les grands et à mépriser les pauvres peut entraîner une « corruption des sentiments moraux » ; or, le « jeu sympathique » qui est à l’origine de ces sentiments permet de maintenir l’ordre social. Un peu plus bas dans son œuvre, Adam Smith analyse ce qu’il nomme « l’irrégularité des sentiments » (II, III) : du point de vue du jugement moral, nous devrions considérer l’intention avant les conséquences, or, pour des raisons que l’auteur examine avec minutie, ce sont la plupart du temps les conséquences de l’action qui sont à l’origine « de notre sens du mérite ou du démérite de l’intention » de l’agent (p.164 de la traduction). Voilà donc deux cas où le jeu « sympathique » ne dirige pas « automatiquement » ceux qui l’éprouvent vers des appréciations morales : l’utilité sociale ne découle pas d’un sentiment naturel, propre à l’humanité ; il peut même exister une sorte de contradiction entre ce qu’exige le sens moral et ce qu’exige l’ordre social. Et on peut penser qu’Adam Smith fait ici une concession à Mandeville selon qui « les vices privés font le bien public ». En fait, ce qui fait la différence, tant avec Mandeville qu’avec Hume, c’est sa conception de l’utilité en relation avec une autre conception de la finalité : les explications sont développées principalement en II, II, III et en II, III, III. Ces paragraphes développent des considérations téléologiques et introduisent la notion de cause finale : l’homme est fait pour vivre en société et c’est pour cela que la Nature a fait que la société peut subsister même lorsqu’il n’existe pas « d’amour et d’affection réciproques ente les membres de la société » : « la bienfaisance est l’ornement qui embellit et non la fondation qui supporte le bâtiment […]. Au contraire la justice est le pilier principal qui soutient toute la construction » (p.141). On comprend dès lors, que la philosophie de Smith se soit développée dans deux directions principales complémentaires des recherches morales : les Leçons sur la jurisprudence traient les questions de justice, la Richesse des Nations traite des questions d’échanges économiques. La notion d’utilité chez Smith est donc très complexe : il faut distinguer l’appréciation que les hommes peuvent en faire le plus couramment et l’analyse que peut proposer le philosophe, capable de mettre au jour une finalité supérieure. Dans ce domaine, l’analogie avec l’appréciation esthétique est significative : contrairement à ce que soutenait Hume, la beauté d’une maison 25 ne se mesure pas seulement à sa commodité ; l’esprit humain s’attache également à l’ajustement des moyens, indépendamment de la fin poursuivie : la quatrième partie de The Theory of Moral Sentiments analyse pourquoi nous attachons du prix à l’ordre intérieur d’une pièce, à une montre qui indique l’heure à la minute près ou pourquoi nous sommes capables de dépenser des sommes importantes, voire de nous ruiner dans l’achat « de bibelots d’utilité frivole » (p. 263 du texte anglais et p. 256 de la traduction). Dans tous ces cas, la prise en considération de la finalité est inexistante ou négligeable. Comme dans le cas de la corruption des sentiments moraux par une sympathie excessive vis à vis des riches et des puissants, entre en jeu un goût du système bien agencé, un jeu de 25 TNH III, III, I, op.cité, p.198. Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 10 l’imagination qui repose sur une sympathie illusoire. Mais, soutient Smith, « il est heureux que la nature nous abuse de cette manière. C’est cette illusion qui suscite et entretient le mouvement perpétuel de l’industrie du genre humain ». C’est d’ailleurs dans ce chapitre que Adam Smith introduit la notion de « main invisible » qui sera développée dans son ouvrage d’économie. Conclusion L’unité de la philosophie de Smith : Nous pouvons d’ores et déjà indiquer par là qu’il n’y a en aucun cas rupture mais continuité dans le « système » philosophique de Smith. Les hommes possèdent des caractéristiques générales communes : la capacité d’échanger est celle qui l’emporte sur les autres. La sympathie est une sorte d’opérateur qui rend possible certains types d’échanges, étant entendu que les rapports humains développent en retour cette capacité à échanger. C’est elle qui permet de rendre compte de la genèse des sentiments moraux. Mais comme cette sympathie demande la prise en considérations des circonstances (causes, motifs, caractères des agents et des spectateurs, finalité et conséquences), les qualités morales peuvent être variables : dans certains cas, il est préférable de faire preuve de vertus aimables, dans d’autres, de grandeur morale et de vertus respectables. Pour autant, la morale d’Adam Smith ne tient pas seulement d’une approche psychosociologique descriptive de la genèse et de la variation des sentiments moraux (ou des règles de justice26) : nous avons indiqué à ce propos le rôle du « spectateur impartial qui peut être tenu pour le « représentant de la personne morale » : c’est lui qui permet d’établir la prééminence de la valeur sur le fait 27. Utilité et finalité : peut-on parler d’une métaphysique, d’une téléologie, d’une théologie dans la philosophie de A. Smith ? La lecture de The Theory of Moral Sentiments permet de nuancer le propos de l’article de B. Prévost cité en début de cette étude : certes, il est bon de souligner cette prise en considération d’une finalité de la Nature, voire d’une finalité divine pour justifier certains aspects troublants du fonctionnement de la sympathie ou de la main invisible ; cela permet de montrer que la philosophe de Smith n’est pas purement et simplement mécaniste et utilitariste et qu’en particulier sa morale n’est pas purement et simplement conséquentialiste : la morale et les rapports sociaux ne reposent pas seulement sur un calcul d’intérêts égoïstes ni sur un mécanisme aveugle qui réglerait automatiquement les intérêts personnels. La prise en considération d’un ordre naturel voulu et régenté par une intelligence supérieure ne peut pourtant pas fonder la morale, pas plus que la justice ni même les rapports marchands : il me semble qu’il ne s’agit que 26 27 Voir à ce propos les cinquième et sixième parties de TMS. Voir à ce propos l’article de Annik Jaulin in Kairos n° 20, op. cit.,, p. 7-18. Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 11 d’un horizon, capable d’indiquer que certaines fins échappent à l’être humain et le dépassent lorsqu’il entre dans des relations particulières avec ses semblables : la « sympathie » et le goût que nous éprouvons pour les systèmes achevés et bien ordonnés ne doit pas nous abuser : le risque de cette sympathie illusoire, c’est de simplifier les explications des phénomènes complexes. Smith reproche aux théories morales reposant sur l’égoïsme de procéder ainsi ; ne simplifions pas la pensée de Smith en la réduisant à une sorte de providentialisme de type stoïcien ou chrétien. Le point de vue philosophique diffère du point de vue de l’être humain aux prises avec son caractère et avec les circonstances28 : ce point de vue permet à Smith d’établir une sorte de cadre général de type stoïcien ; mais le philosophe doit savoir décrire la situation effective des êtres humains et comment se constituent les valeurs et les comportements moraux en faisant émerger des caractéristiques générales de ce processus. Aucun « système » philosophique n’est capable de rendre compte de la complexité du jeu des sentiments humains, surtout si l’on tient compte de la diversité des circonstances, des caractères, des motifs, des buts ; mais le philosophe doit s’efforcer d’établir des constantes, des généralités caractéristiques des comportements humains : dans la pensée de Smith, ce qui fait l’unité de sa démarche, et sans doute son originalité, au moins à son époque, c’est cette mise en avant de cette capacité universelle de l’être humain à échanger avec ses semblables. Dans le cas des sentiments moraux, cette capacité repose sur la sympathie et se manifeste grâce à elle. Dans la mise en place de cette genèse, il est possible de tenir compte des apports stoïciens (l’idée de conformité, de convenance, de maîtrise de soi…), des apports aristotéliciens (la métriopathie) ; tout en dialoguant avec ses contemporains ou en s’opposant à eux (Butler29, Shaftesbury, Mandeville, Hutcheson, Hume), Adam Smith leur emprunte ce qui lui semble valable pour son propre « système », sans pour autant tomber dans une sorte d’éclectisme : l’ordre philosophique doit rendre compte de la complexité de la réalité ; la réalité n’a pas à se plier à l’ordre philosophique, même dans le domaine moral où il est question de ce qui doit être ou de ce qui devrait être. Dans ce cas, le rôle de la philosophie consiste à décrire comment se constitue la moralité : le jugement moral, le sens moral, la conscience morale, car c’est un fait que les hommes en sont capables. 28 Le chapitre concernant la corruption des sentiments moraux (I, III, III) est exemplaire à ce titre : l’auteur avait prévu un chapitre critiquant la morale stoïcienne comme « hors de portée pour la nature humaine » ; il le remplace dès la sixième édition par le chapitre actuel et il reporte sa critique du stoïcisme dans la septième partie. 29 Butler, dans ses Sermons ainsi que dans Dissertation on Virtue, défend l’idée selon laquelle il est impossible de rendre compte de la moralité si l’on ne tient pas compte du rôle de la conscience. Cette idée est évidemment une pierre d’achoppement pour tout utilitarisme au sens strict. Le dernier des « utilitaristes classiques », Sidgwick, s’efforcera d’en tirer toutes les conséquences dans The Methods of Ethics, 1874. Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 12 BIBLIOGRAPHIE Adam Smith, • • • • • • • • • The Theory of Moral Sentiments, Prometheus Books, 2000. The Theory of Moral Sentiments, Edited by D. D. Raphael and A. L. Macfie, Oxford University Press. Pour l’appareil critique. An Inquiry into the Nature and causes of Wealth of Nations, Oxford Clarendon Press, 1976. Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, 4 vol. PUF, 1995. Essays on Philosophical Subjects, Oxford Clarendon Press, 1980. Essais esthétiques, Vrin, 1997. Lectures on Jurisprudence, Oxford, Clarendon Press, 1978. Lectures on Rhetoric and Belles Lettres, Oxford, Clarendon Press, 1983. Correspondence of Adam Smith, Oxford, Clarendon Press, 1977. David Hume, • • A Treatise of Human Nature, Oxford, Clarendon Press, 1990. Les livres II et III de ce traité sont importants. On les trouve en traduction. Le livre II : Les passions (contient également la Dissertation sur les passions), GF-Flammarion, 1991 ; le livre III : La morale, GF-Flammarion, 1993. An Enquiry concerning the Principles of Morals, Oxford, Clarendon Press, 1990. Traduction : Enquête sur les principes de la morale, GF-Flammarion,1991. Francis Hutcheson, • Recherche sur l’origine de nos idées de la beauté et de la vertu, Vrin, 1991. Shaftesbury, • • Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times, Cambridge University Press, 2000. Il existe une traduction partielle célèbre : celle de Diderot : Diderot et Shaftesbury, Essai sur le mérite et la vertu, édition bilingue, éditions Alive, 1996. Mandeville, • La fable des abeilles, I et II, Vrin, 1990, 1991. Commentaires en français : • • • • • La revue Kairos n° 20, 2002, Presses Universitaires du Mirail, « Adam Smith ». Jean-Pierre Dupuy, Libéralisme et justice sociale, coll. Pluriel, Hachette Littératures, 1997. Le chapitre III est consacré à Adam Smith. E. Halévy, La formation du radicalisme philosophique, 3 vol. PUF, 1995. Laurent Jaffro (coordonné par), Le sens moral, une histoire de la philosophie morale de Locke à Kant, PUF, 2000. Louis Dumont, Homo Aequalis, I, NRF-Gallimard, 1977. Morale - Smith - Dutrait.doc © Philopsis 2008, François Dutrait 13