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justifiera davantage encore et deviendra même un véritable culte : dès la fin du IVe siècle
avant J.-C., semble-t-il, les disciples élèveront leur maître au rang suprême, au-dessus des
dieux et des hommes.
Faute de pouvoir être dirigé vers sa personne vivante, présente, le culte rendu au
Bienheureux prend d'abord pour objets concrets les restes de son corps, ou supposés tels,
puis les « tumulus » (stupa) censés contenir ces reliques et les endroits où se seraient
produits les principaux événements de sa vie. Ainsi va-t-on se recueillir devant les arbres ou
les bouquets d'arbres à l'ombre desquels le Buddha serait né, aurait atteint l'Éveil, aurait
prononcé son premier sermon, se serait enfin éteint complètement. De là proviennent deux
caractéristiques majeures de la religion bouddhique : le culte des reliques et les pèlerinages
aux lieux saints. Un peu plus tard, la vénération des fidèles s'adressera, en outre, à des
symboles représentant le Bienheureux, qu'on n'ose encore figurer sous forme humaine pour
des raisons fort obscures : empreintes de pieds, trône, figuier de l'Éveil, tumulus. C'est
seulement vers le début de l'ère chrétienne que l'on commencera à sculpter des statues et
des bas-reliefs du Buddha, dans la région de l'actuelle Kaboul et sous l'influence de la
civilisation hellénistique alors encore vivante en ces lieux.
Quel que soit l'objet représentant ou rappelant à l'esprit la personne du Bienheureux -
reliques, tumulus, arbre, symbole ou statue -, le culte est partout le même dans ses grandes
lignes. Il comprend d'abord des gestes et attitudes de vénération : salut des deux mains
jointes élevées à la hauteur du front incliné, prosternation, circumambulation en gardant à sa
droite l'objet vénéré. À cela s'ajoutent des offrandes variées : fleurs, notamment de lotus
divers, encens, onguents et poudres parfumés, parasols, bannières, lampes allumées,
parfois aussi boissons et aliments végétaux, le Buddha ayant proscrit tous les sacrifices
d'êtres vivants. Les chants de louanges au Bienheureux, la récitation de poèmes édifiants et
de textes liturgiques exprimant les résolutions et les souhaits des fidèles, l'exécution d'airs
de musique et parfois aussi de danses complètent les manifestations du culte bouddhique.
Celui-ci s'est inspiré très largement du culte rendu aux divinités brahmaniques, lequel copiait
lui-même celui dont les rois étaient l'objet dans l'Inde ancienne.
Historique
NÉ DANS L'INDE il y a vingt-cinq siècles, le bouddhisme s'est répandu peu à peu sur toute
la partie la plus vaste et la plus peuplée de l'Asie, de l'Afghanistan à l'Indonésie et de Ceylan
au Japon. Il y a prospéré pendant fort longtemps et il est encore florissant dans ces deux
derniers pays ainsi qu'en Thaïlande, en Birmanie et en Corée du Sud, comme il l'était
naguère au Tibet, au Cambodge, au Laos et au Vietnam.
Son influence fut et est demeurée profonde sur les hommes et les civilisations de ce
continent, malgré les différences qui les distinguent et qui se manifestent notamment à
travers les arts et les littératures des divers pays où ce mouvement s'est implanté.
Près de 400 millions de personnes au monde se reconnaissent aujourd'hui comme
bouddhistes. La plupart d'entre elles vivent dans les pays asiatiques, entre l'Himalaya, l'Asie
du Sud-Est et l'Extrême-Orient, mais depuis quelques décennies, il est également présent
en Occident. Serait-ce suffisant pour y voir l'une des grandes religions de l'humanité? S'agit-
il bien, au fond, d'une religion? La question, loin d'être anodine, a longtemps préoccupé les
Occidentaux, qui découvraient dans cette tradition une vision du monde qui possédait certes
des aspects religieux (l'exubérance des rites bouddhiques et les communautés monastiques
ont été relevées par les premiers explorateurs) et qui pourtant ne se référait à aucun Dieu
créateur. Encore plus mystérieuse, son approche de la condition humaine, qui souligne une
« insatisfaction» propre à l'existence, ne pouvait être qu'un pessimisme et une vision nihiliste
de la vie bien éloignés de toute forme de religiosité authentique.
Quelle est la vraie nature du bouddhisme ? Est-ce une religion ou bien une simple
philosophie vécue ? En fait, il est à la fois l'une et l'autre, les parts respectives de ces deux