L`éthique de la prévention, une réflexion permanente pour vivre

L’éthique de la
prévention, une réflexion
permanente pour vivre
avec les risques.
Mot de passe : Sdrh3
La démarche :
Étudiant et travaillant depuis plusieurs années dans le milieu de la sécurité civile, je
suis confronté régulièrement aux affres de la souffrance humaine. Devant chaque tragédie à
laquelle j’ai assisté, une question m’interpelle : comment améliorer la prévention des
accidents ? Et, comme le risque zéro n’existe pas, comment atténuer les conséquences de
leurs survenues ? Privilégiant une approche interdisciplinaire faisant un pont entre la théorie
et la pratique, cet essai mobilise plusieurs angles d’approche : philosophique, historique,
opérationnel et organisationnel. Le postulat est que la pratique d’une réflexion éthique
appliquée à la gestion des risques enrichit leurs préventions. Pour aller au-delà d’un discours
paternaliste imposant des mesures prescriptives de prévention aux victimes potentielles, il
est nécessaire de velopper une culture du risque. Cette connaissance libère et
responsabilise les individus, ils peuvent ainsi exercer un choix en connaissance de cause,
tout en étant en capacité de répondre de manière adaptée aux vicissitudes de la vie.
Résumé :
Le risque peut se définir comme une opportunité de gain liée à une possibilité de perte. Dans
le sens courant, il combine une probabilité d’apparition d’un évènement dangereux avec le
niveau de gravité des dommages qu’il peut causer. Le risque est consubstantiel à la vie :
sans lui, pas d’évolution, aucune innovation. Que cela soit dans la vie professionnelle ou
dans la vie privée, sa présence est permanente. Le risque et sa perception sont inséparables
du concept de valeur, ce à quoi chaque individu attache de l’importance. Il soulève des
enjeux éthiques tout au long du processus visant à le gérer. Malheureusement quand un
drame se joue, il est déjà trop tard. Des questions, teintées de culpabilité apparaissent alors:
Pourquoi ? Pourquoi l’accident n’a pas pu être évité ? Aurions-nous pu nous prémunir des
conséquences négatives et protéger nos proches ? Après avoir défini une compréhension de
l’éthique et posé le contexte de la gestion des risques, cet essai sera l’occasion de
démontrer la pertinence de l’attitude préventive comme une réflexion éthique pour vivre avec
les risques.
Bibliographie indicative :
Frère MARIE-ANGEL, ROUVILLOIS Samuel « Gyrophare éthique pour soldat de crise »
Economica, Paris, 2011, ISBN 978-2-7178-6047-4.
KERMISCH C (2013). « Le concept du risque: De l'épistémologie à l'éthique » Collection
Sciences du risque et du danger. Kluwer Academic, Dordrecht & Boston, 11-53.
LACROIX A (2006). « Éthique appliquée, éthique engagée Réflexion sur une notion ».
Edition Liber.
BRONNER Gérald La planète des hommes. Ré enchanter le risque PUF 2014.
L’éthique: une ouverture de la réflexion parmi les différents modes de
régulations des comportements.
Aux origines de l’éthique.
Étymologiquement, éthique vient du grec éthos qui signifie "les mœurs", les "façons
de vivre et d'agir", le comportement. Elle s’attache aux valeurs et se détermine de manière
relative dans le temps et dans l’espace en fonction de la communauté humaine et la situation
à laquelle elle s’intéresse. Il n’existe aucune société humaine ou l’on s’interdise de juger
moralement. L’éthique est une discipline de la philosophie morale qui réfléchit sur les
conditions de l’agir. Dans les civilisations occidentales, elle s’est développée suivant deux
grands courants. La tradition grecque qui s’est interroe sur les conditions de la vie juste ou
bonne, et l’influence judéo-chrétienne qui, plus prescriptive, a mis l’accent sur le faire ce qu’il
convient de faire. Cette discipline cherche à démontrer la pertinence d’un idéal de vie à
atteindre, des normes encadrant les comportements. Les évolutions socio-culturelles,
l’apparition de nouveaux défis et l’enrichissement des réflexions éthiques ont engendré de
nombreuses approches aux fondements différents. Elles peuvent être fondées sur :
- les règles (le droit, la norme et la déontologie),
- les conséquences des actions,
- la vertu,
- la sollicitude (éthique du soin).
L’éthique s’actualise et se renforce en mobilisant plusieurs champs des sciences humaines
(sociologie, psychologie sociale, l’anthropologie, l’épistémologie, le droit) mais aussi des
sciences dures telle que la neurobiologie.
Une clarification sémantique nécessaire.
Les confusions sémantiques autour de l’éthique nécessitent de clarifier les termes souvent
considérées comme synonymes.
La morale intervient comme cadre usuel de contrôle social. Une autorité transcendantale
qu’elle soit divine, étatique ou organisationnelle prescrit ce qui est bien ou mal de faire. Cette
standardisation des conduites s’impose comme un impératif absolu Kantien
1
fournissant un
ensemble de normes pour distinguer instantanément et de façon binaire le juste de l’injuste.
La finalité est de permettre la maîtrise et la cohésion d’un collectif pour en assurer sa
pérennité. L’intériorisation de ce mode de régulation s’inscrit dans la croyance envers le bien
fondée d’une discrimination de la valeur des actions pour le vivre ensemble, ainsi que dans
la peur de la punition en cas de déviance.
À la différence de la morale qui est énoncée (par des chartres de bonnes conduites, des
textes religieux…), les mœurs sont implicites. Traditions, us et coutumes d’un collectif, elles
correspondent aux schèmes
2
mentaux et comportementaux d’une communauté.
Consubstantielle à la composition d’une société humaine, leurs élaborations découlent des
instances de socialisation (famille, école, travail, associations…). téro-régulatrice par
1
L’impératif absolu est un principe qui s’impose de lui-même, qui ne nécessite pas de justification.
2
Ensemble de concepts permettant de se faire une image de la réalité.
nature, elles ont une importance forte car la conformité d’un individu aux mœurs d’un groupe
résulte d’un désir d’appartenance et de reconnaissance au sein de ce groupe. Les mœurs
sont le reflet de la culture d’une organisation dans toutes les facettes de son fonctionnement
quotidien.
Le droit correspond à l’ensemble des prescriptions réglementaires issues de la loi qui
régissent les rapports des membres d’une même société. S’appuyant sur de nombreuses
sources, sa production et son contrôle sont principalement étatique. Dans les sociétés
démocratiques, le droit contemporain s’édicte par des processus délibératifs complexes
émanant des représentants des citoyens. Garantissant la protection de droits fondamentaux,
il engage par l’obligation de remplir des devoirs. De cette manière il agit à la fois dans une
perspective hétéro et autorégulatrice.
La déontologie est l’ensemble des règles morales qui régissent l’exercice d’un métier ainsi
que les rapports sociaux entre ses membres. Formulée par une autorité supérieure à
l’individu, elle énonce les obligations spécifiques des membres d’une communauté disposant
d’une expertise. Cette expertise, introduisant un pouvoir devant la méconnaissance du
profane, est contrebalancée par des obligations. Ces prescriptions de portée restreinte
s’écrivent également dans le champ du droit (code de déontologie médicale inscrit dans le
code de la santé publique, code de déontologie de la police et de la gendarmerie inscrit dans
le code de la sécurité intérieure…).
L’éthique appliquée est une version contemporaine de la philosophie morale, qui s’est
dévelopdans la seconde moitié du 20éme siècle, particulièrement dans les pays anglo-
saxons sous la forme de diverses éthiques sectorielles ; conduite des affaires, techno
éthique, bioéthique, gestionElle correspond à une pratique de délibération permettant une
évaluation des différentes options comportementales à adopter devant une situation
particulière. C’est une aide à la réflexion collective sur la validité et la priorisation des valeurs
au nom de l’autonomie de l’individu. Elle mobilise la discussion et la compréhension pour
contribuer à la résolution de problèmes inédits. Sa spécificité réside en son adaptation à la
complexité de certaines situations où les systèmes normatifs traditionnels sont mis en
défauts. Selon Edgard Morin «La morale non complexe obéit à un code binaire : bien/mal
juste/injuste. Léthique complexe conçoit que le bien puisse contenir un mal, le mal un bien,
le juste de linjuste et l’injuste du juste ». L’éthique appliquée pourrait correspondre à une
sagesse pratique et pragmatique, lié au jugement en situation. Éthique de la conviction et de
la responsabili
3
s’y entrecroisent dans une approche compréhensive de l’altérité. C’est en
ce sens que ce type de régulation comportementale permet une évaluation des actes en
opération.
Pour exemple, lors du tremblement de terre de 2010 en Haïti où le bilan fut extrêmement
lourd (plus de 250000 morts et 300000 blessés), les équipes médicales françaises ont
faire face à de nombreux dilemmes éthiques
4
. Le code de déontologie médicale auquel
doivent se conformer les médecins et chirurgiens ne peut plus s’appliquer entièrement en
médecine de catastrophe. Des choix discriminants seront forcément faits :
- Comment assurer une équité de traitement quand les moyens manquent
cruellement ?
3
Distinction opérée par Max Weber dans Le savant et le politique (1919).
4
Situations où les valeurs et les principes entrent en opposition et rendent les décisions difficiles.
- Comment assurer un consentement libre et éclairé du patient quand celui n’est pas
en état de communiquer et que ses proches ne sont pas présents ?
- Comment respecter les règles d’hygiène et de prescriptions quand, pour pallier à la
pénurie de pansements, des chiffons les remplacent et des médicaments périmés
sont utilisés ?
Dans ces conditions extrêmes, comment décider qui doit avoir une chance de vivre ? Ces
décisions critiques sont murement réfléchies en amont
5
. Les praticiens les prennent en leurs
âmes et consciences après s’être prévenus des choix qu’ils auraient à faire et de leurs
conséquences par une réflexion éthique appliquée à la médecine de catastrophe.
Aux risques de l’éthique appliquée.
Cette présentation succincte des différents modes de régulations des comportements n’a
pas pour fonction de présupposer que l’un d’eux est meilleur que les autres. Ils interagissent
ensemble en permanence pour guider les individus et les collectifs dans leurs manières
d’être et d’agir au monde.
Néanmoins ces corpus de sens rencontrent les mutations sociétales : l’érosion des
systèmes traditionnels de production de signification (religions, état, armée, famille), la
mondialisation des échanges... Cette postmodernité se caractérise par une revendication de
l’autonomie personnelle. L’individu s’autodétermine dans des identités multiples et
changeantes suivant le contexte spatio-temporel dans lequel il s’inscrit. De plus, le
multiculturalisme des membres des organisations multiplie la diversité des conceptions
comportementales, ce qui augmente les conflits de normativité. L’enjeu est de savoir
comment partager et faire vivre les valeurs organisationnelles pour vivre ensemble, avec les
risques. Mais l’éthique appliquée peut fait peur, c’est une interrogation déstabilisante qui
requiert un effort cognitif, une certaine introspection honnête sur ses propres biais et défauts.
Elle n’est pas tranchée, joue avec l’incertitude et ouvre à la remise en cause, pour se laver
les yeux entre chaque regard. Ceci demande de l’empathie émotionnelle et une capacité
d’écoute active. Qu’est ce qui est important pour moi ? Pour les autres ? À quoi j’attache de
la valeur ? Ces questionnements trouvent leurs échos dans la gestion des risques. Que
souhaitons-nous protéger ? À quel prix ? Comment réussir à concilier des intérêts voire des
finalités divergentes ?
La gestion des risques, un enjeu éthique
6
.
Le risque et son évolution.
La devise du 1er RPIMA
7
« Qui ose gagne » associe l’audace, la capacité à risquer, à une
réussite. Ce pari est un des moteurs de l’action. Pourtant, souvent considéré comme un
élément négatif porteur de péril, le risque est déprécié. Malgré des appels à le -enchanter,
il reste une dimension honnie des sociétés humaines. Le risque est un construit social
inhérent à notre présence au monde, il se caractérise par plusieurs facteurs :
5
« Éthique et urgences » Réflexions et recommandations de la Société Francophone de la Médecine
d’Urgence. Journal Européen des Urgences janvier 2003.
6
On parle d’enjeux éthiques quand plusieurs valeurs sont mises en jeu dans un domaine.
7
Régiment de parachutistes d’infanterie de marine, forces spéciales de l’armée de terre française.
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