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Diabète et société
s'absenter. Ces absences engendrent
des "baisses de productivité" puisque
les tâches à effectuer, au bénéfice de
la société, restent parfois inachevées.
Les coûts indirects
d'une maladie
représentent tous
les bénéfices non
récoltés par la
société en raison
de la baisse de la
productivité
qu'engendre cette
maladie.
A long terme, la nécessité de se
rendre à l'hôpital ou dans des
centres de premiers soins ainsi que
la récurrence de problèmes
importants et des effets liés aux
complications du diabète peuvent
entraîner des pertes de production.
Certaines de ces complications
comme la rétinopathie diabétique
peuvent contraindre une personne à
ne plus pouvoir remplir sa fonction.
La personne peut alors se voir
forcée de changer d'emploi ou de
prendre sa retraite anticipée pour
cause d'invalidité. D'autres
complications chroniques comme les
maladies cardiovasculaires peuvent
causer le décès prématuré d'un
patient avant la fin de sa vie
Le diabète : ses coûts indirects
Les coûts liés à la perte de productivité
`Rhys Williams
>>
Quand une personne souffre d'une maladie de courte ou de
longue durée, on pense immédiatement aux difficultés
auxquelles la personne doit faire face tant au niveau de la
douleur physique que des sommes nécessaires à l'achat de
médicaments et autres produits destinés à améliorer sa
condition ou à maintenir la maladie sous contrôle. On peut
également aller jusqu'à y ajouter les coûts financiers pris en
charge par les systèmes nationaux de sécurité sociale. Mais
l'économie des soins de santé ne s'arrête pas là. Plongez-vous
dans l'article ci-dessous pour découvrir pourquoi nous ne
pouvons pas ignorer les "coûts indirects" du diabète.
Quels sont les "coûts
indirects" ?
Selon le jargon utilisé en économie
des soins de santé, les coûts indirects
d'une maladie représentent un
manque à gagner pour la société en
raison de la baisse de la productivité
résultant de cette maladie. Les
membres de la société qui possèdent
un "travail rémunéré" contribuent à
l'économie du pays soit en
produisant des biens (les personnes
travaillant dans les industries de
fabrication manufacturière), soit en
fournissant des services (les
personnes travaillant dans le secteur
de l'éducation, des services
financiers, des transports, etc.). Les
personnes sans travail rémunéré y
contribuent de manière tout aussi
importante, notamment en élevant et
en s'occupant de leurs enfants. Leurs
contributions ne sont cependant pas
prises en compte dans les méthodes
habituelles d'évaluation des coûts
indirects. Nous nous pencherons
néanmoins sur cet aspect un peu
plus loin.
Les effets du diabète peuvent se faire
sentir immédiatement (forme sévère)
ou à long terme (forme chronique).
Dans le premier cas, la présence
d'infections fréquentes, de malaises,
de crises sévères d'hyperglycémie et
la nécessité de poser un diagnostic et
d'arriver à contrôler le métabolisme
poussent généralement la personne à
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professionnelle. La baisse de
productivité de l'entourage des
personnes atteintes de diabète
contraint, par exemple, de
s'absenter de leur travail pour
s'occuper de celles-ci risque
également d'engendrer des coûts
indirects.
Tous ces facteurs peuvent générer
un manque à gagner et donc des
coûts indirects pour la société. Ces
derniers diffèrent des coûts directs
du diabète qui concernent les
dépenses en matière d'insuline, de
médicaments et autres produits
médicaux ainsi que le temps
consacré par les professionnels de
la santé et tout autre élément
directement lié au traitement ou à
la prévention du diabète.
Pourquoi ont-ils de
l'importance ?
Si l'on en croit certaines
informations récentes, les coûts
indirects sont pertinents en raison
des sommes considérables qu'ils
représentent. Ils risquent même
d'être aussi élevés et même
supérieurs aux coûts directs de
cette condition.A titre d'exemple,
dans l'étude réalisée en 1998 par
l'ADA, les coûts directs du diabète
aux États-Unis étaient estimés à 44
milliards de dollars par an par
rapport à 54 milliards de dollars
pour les coûts indirects. Une étude
plus récente effectuée à Manitoba
au Canada a révélé que, sur une
communauté de 30.000 personnes
dont 600 étaient atteintes de
diabète, ces dernières étaient deux
fois plus susceptibles d'être sans
emploi que les personnes non
atteintes de cette condition (Kraut
et al, 2001).
De récentes études sur les pays
d'Amérique latine et des Caraïbes
semblent indiquer que les coûts
indirects peuvent y être cinq fois
plus élevés que les coûts directs,
soit respectivement 54,5 milliards
de dollars par an et 10,7 milliards
de dollars par an pour les 25 pays à
l'étude (Barceló et al, 2002). Si ces
chiffres sont corrects, cela voudrait
dire que le diabète n'est pas
suffisamment traité (ce qui
expliquerait les coûts directs
comparativement faibles) et que ce
phénomène aurait un impact
important sur la productivité de la
société en raison des effets
immédiats et à long terme du
diabète.
Les coûts
indirects du
diabète risquent
d'être supérieurs
à ses coûts directs
Des prévisions effectuées pour
déterminer les catégories d'âge qui
seront touchées par le diabète dans
le futur, notamment dans les pays
développés, permettent de
renforcer l'importance des coûts
indirects.Alors que le diabète
affectera principalement les
personnes d'un certain âge et les
personnes âgées dans les pays
développés, il touchera plutôt les
jeunes adultes et les adultes d'un
certain âge dans les pays en voie de
développement, soit la tranche
d'âge qui contribue le plus à
l'économie du pays tant au niveau
des services que de l'industrie
(King et al, 1998). Depuis la
publication de ces prévisions, on a
réalisé que le diabète de type 2
affectait des personnes de plus en
plus jeunes. Ce changement dans
l'épidémiologie de la condition
conduira à une augmentation
encore plus grande des coûts
indirects. De récentes prévisions
sur l'impact du diabète chez les
Les coûts indirects du
diabète
Il s'agit du manque à gagner généré
par :
Les absences répétées au travail
pour cause de maladie ou de
visites médicales ;
L'inaptitude au travail pour cause
d'invalidité (par exemple, de
graves problèmes de vue) ;
Le départ en retraite anticipée
pour cause d'invalidité ;
Le décès prématuré causé par des
complications sévères ou
chroniques du diabète ;
Les absences au travail de
l'entourage des personnes
atteintes de diabète.
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jeunes adultes et les adultes d'un
certain âge dans les pays en voie de
développement sont illustrées dans
la figure ci-dessus.
Quel est leur mode de
calcul ?
La méthode de calcul standard des
coûts indirects est basée sur
l'approche dite du "capital humain".
Cette méthode, élaborée aux États-
Unis par Rice, part du prédicat que
le montant du travail perdu est égal
aux sommes qui auraient dû être
versées à la personne concernée
pour faire ce travail. Par
conséquent, si une personne payée
100 dollars par jour manque un
jour de travail pour cause de
maladie, le manque à gagner pour la
société s'élèvera à 100 dollars.
L'approche du capital humain a
l'avantage d'être simple. Si l'on
savait exactement ou si l'on pouvait
rechercher le nombre de jours de
travail perdus pour cause de
maladie et si l'on connaissait ou si
l'on pouvait calculer le montant de
la rémunération qui aurait dû être
versée pour faire ce travail, alors
on pourrait estimer la valeur du
manque à gagner. Ce calcul pourrait
inclure la perte de productivité
engendrée par un départ en
retraite anticipée ou un décès
prématuré causé par une de ces
maladies ou conditions. L'approche
du capital humain est la méthode
utilisée pour calculer les prévisions
américaines ci-dessus ainsi que la
plupart des chiffres disponibles à
ce jour.
Le problème avec ce type
d'approche est que, d'une part, la
société ne fonctionne pas de
manière aussi simple et que, d'autre
part, elle ne tient pas compte de la
productivité d'un nombre
important de personnes qui
œuvrent en faveur de la société.
Le premier de ces problèmes est
illustré par l'exemple d'un employé
d'usine qui doit s'absenter pour
cause de maladie. Il se peut que,
pendant un jour ou deux, son poste
reste vacant et donc improductif
mais, si son absence venait à se
prolonger, une autre personne
prendra sa place soit en
provenance d'un poste moins
critique, soit en recrutant un
travailleur supplémentaire,
éventuellement à titre
temporaire. Cette situation est
encore plus probable dans le cas
d'une retraite anticipée ou d'un
décès prématuré où il serait
impensable de laisser un poste de
travail inoccupé ou improductif.
L'approche du capital humain
étant inadéquate, on a élaboré
une autre méthode pour mesurer
les coûts indirects d'une maladie
ou d'une condition, à savoir
l'approche dite des "coûts
frictionnels" (Koopmanschap et al,
1995). Cette méthode ne part pas
du prédicat que le travail reste
non fait mais tente de calculer les
frais de recrutement et de
formation engagés pour assurer le
suivi de la production. Cette
approche requiert des sources
d'information détaillées ainsi que
des calculs sophistiqués.
Le manque à
gagner généré
par certains
membres de la
société qui sont
sans travail n'est
pas pris en
compte.
En conclusion, l'approche du
capital humain est simple mais
risque de surestimer les frais
réels alors que l'approche des
coûts frictionnels est complexe
mais susceptible de donner des
chiffres plus réalistes.
Figure:Nombre de personnes atteintes de diabète de type 2 dans les pays développés
et en voie de développement par tranche d'âge (prévisions de l'année 2000)
Source : World Health Organization. Global Burden of Disease. Geneva:WHO, 2000 (in press)
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44
Un exemple de l'application de
cette méthode au diabète est
fourni par l'étude de van Os et al
(2000) qui se base sur des
informations recueillies aux Pays-
Bas. Ceux-ci calculèrent qu'en 1994
le coût total du diabète pour la
société s'élevait à 758 millions
d'euros avec une variation probable
située entre 703 à 848 millions
d'euros. Le coût de l'absentéisme
(calculé par la méthode des coûts
frictionnels) représentait 91
millions d'euros, soit 12 % du total.
Cette méthode n'a pas encore été
mise en oeuvre dans d'autres pays.
Comme indiqué ci-dessus, certaines
personnes n'ont pas un travail
rémunéré parce qu'elles s'occupent
de leurs enfants, travaillent à la
maison ou sont à la retraite. Leur
contribution dans la société en
termes économiques n'est prise en
compte par aucune des méthodes
précitées. Le même problème se
pose pour l'absentéisme
scolaire. Il reste donc encore
beaucoup à faire dans la
recherche de méthodes aptes à
évaluer ces coûts indirects.
Quand un des parents est
malade ou invalide, il convient
de trouver quelqu'un pour
s'occuper des enfants et
accomplir les tâches ménagères
à sa place. Il arrive que la
famille emploie quelqu'un à
cette fin mais, dans bien des
cas, c'est souvent l'entourage
du malade qui s'en charge. Cela
n'est malheureusement pas
toujours possible.
Les retraités participent
également à la productivité de
la société en aidant leur famille,
notamment en s'occupant des
enfants quand les parents
travaillent. Leur sagesse et leur
expérience contribuent aussi
aux décisions prises par la
société à tous les niveaux.
Comment les réduire ?
Comme pour les coûts directs, la
réduction des coûts indirects du
diabète passe avant tout par la
prévention. Celle-ci s'articule
autour de la prévention primaire
et de la prévention secondaire.
La réduction
des coûts
indirects du
diabète passe
avant tout par
la prévention.
Grâce à cette dernière qui
consiste en un meilleur contrôle
de la glycémie et de la tension
artérielle, un processus
d'éducation, une autogestion
assidue et des contacts réguliers
avec les services de santé, il est
Mesures pour réduire les coûts indirects
Prévention primaire – éviter le développement du diabète chez les
sujets à risque (par exemple, en cas d'altération de la tolérance au
glucose) par :
une réduction pondérale ;
une augmentation de l'activité physique; et/ou
un traitement à la metformine ou à l'acarbose.
Prévention secondaire – éviter le développement de
complications chez les personnes atteintes de diabète par un
meilleur contrôle :
de la glycémie ;
de la tension artérielle ; et
des lipides sanguins.
Et par :
l'éducation ;
une autogestion assidue ; et
des contacts réguliers avec les services de santé.
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possible d'éliminer les effets
immédiats du diabète et d'éviter ou
de retarder les complications à
long terme. Il se peut donc que la
prévention contribue à une baisse
plus importante et plus efficace des
coûts indirects qu'à une réduction
des coûts directs.
Si la prévention primaire du diabète
peut être mise en oeuvre dans la
communauté, il est probable qu'elle
donne lieu à une réduction des
coûts tant directs qu'indirects.
Plusieurs études randomisées ont
démontré que la réduction
pondérale et/ou une activité
physique accrue permettent
d'éviter ou de retarder le passage
de l'altération de la tolérance au
glucose (IGT) au diabète de type 2.
Cela s'est révélé efficace en Chine
(Pan et al, 1997), en Finlande
(Tuomilehto et al, 2001) et aux
États-Unis (Diabetes Prevention
Program Research Group, 2002).Au
cas où les modifications apportées
au style de vie ne suffiraient pas, un
traitement par metformine ou
acarbose peut être prescrit.
Le défi actuel consiste à
déterminer si ces interventions
peuvent être mises en pratique
dans la communauté à la différence
des études randomisées. Dans
l'affirmative, cela pourrait conduire
à une réduction des coûts du
diabète et profiter aux particuliers,
aux services de santé et à la
société en général par le biais d'une
productivité retrouvée.
`Rhys Williams
Le Professeur Rhys Williams est
actuellement médecin consultant
auprès du Service de gestion des
maladies non transmissible
(Department of Noncommunicable
Disease Management) de
l'Organisation Mondiale de la Santé
à Genève, Suisse. Il est également
Vice-président de la FID.
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