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rain, à l’unité de la fin vers laquelle doit aspirer tout pouvoir. La distinction entre le
droit naturel et le droit positif divin est désormais claire, le premier reposant sur la loi
humaine issue de la volonté du législateur, le second étant fondé sur la loi divine émanée
de la volonté de Dieu. L’un est alors rationnel, l’autre volontaire. En cela, F.!Todescan
indique comment l’emblématique etiamsi daremus débouche sur une sorte de rationa-
lisme juridique et sur une sécularisation méthodique par la distinction conceptuelle du
droit divin et du droit naturel à partir du problème religieux, pour aboutir paradoxalement
à une laïcisation de la sphère sacrée et à une juridicisation de l’État souverain.
Mais le problème de détermination de l’état de nature, état qui opère par attraction,
par fusion, reste non résolu. Cet état est-il simplement idéal et juste ou bien inégal et
injuste!? La doctrine jusnaturaliste du XVIIe!siècle, sur l’instigation de Grotius, se livre
à une critique explicite de la conception théologique du droit naturel et de l’état de nature,
alors conçu non plus comme un ordre divin, mais comme asocial, historique et hy-
pothétique. Pour les uns, cet état de nature est un état de parfaite égalité entre les
hommes, mais il nécessite le dépassement d’un état de conflit de tous contre tous. L’état
de nature est alors l’effet relatif d’une contractualisation, d’un contrat social (Hobbes –
Locke). Pour les autres, l’état de nature a une base ontologique (Pufendorf) et il repré-
sente une entité morale correspondant à toute la vie éthique et fruit d’un renversement
expérimental. Pour d’autres encore, il s’agit d’une fusion paradoxale entre l’état de nature
et l’état civil, mêlant une approche anthropologique et ontologique (Spinoza). Ces
définitions discordantes de la notion d’état de nature font perdre à la notion toute son
unité doctrinale, mais elles prouvent cependant que, paradoxalement, s’il y a de telles er-
rances doctrinales, l’état de nature n’en est pas moins le point central, voire la clé de sol,
de tout l’univers juridique et politique.
Que serait l’état de nature sans un droit naturel, unitaire ou plural!? Le trouble est
jeté par l’essor du positivisme juridique et du nominalisme mettant l’accent sur les
visées anthropologiques et individuelles, sur le volontarisme du singulier contre le ratio-
nalisme qui permet de connaître le droit naturel, sur le pouvoir divin absolu contre
l’ordre naturel crée par Dieu. De là une distinction plus affinée entre objectivité du droit
et subjectivité du droit, entre cause juste et cause subjective. Et l’on retrouve mais
déformée la distinction médiévale entre droit naturel et loi naturelle dans la philosophie
de Hobbes, dissociant droit positif divin et droit positif humain. La volonté individuelle
devient le principe logique et chronologique de l’historicité de l’état de nature. Cette
position volontariste est, selon l’auteur italien, intéressante, car elle est sans doute la
plus radicale du positivisme juridique. Des droits «!micro-absolus!» coexisteraient para-
doxalement dans l’état de nature, alors même que l’absolu est par définition unitaire. De
là, des conflits et une insécurité juridique qui nécessitent un dépassement. Ce dépas-
sement se fait selon la conception hobbésienne par le contrat social qui engendre l’État
politique souverain et qui s’affirme comme unique titulaire du droit pour tous. La
détermination du contenu de la loi dépend de l’arbitraire du souverain, seule volonté
légiférante. La place réservée au volontarisme, dans un rapport dual et distribué entre la
raison et la nature, provoque le développement du contractualisme et de l’État stricte-
ment «!politique!», un clivage entre droit subjectif et droit objectif.
Or le clivage qui se manifeste à propos du droit vise sa qualification et non son ori-
gine, une technique juridique mais qui s’éloigne à proprement parler de la culture juri-