Néphroblastome ou Tumeur de Wilms (144c)

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Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
Néphroblastome ou Tumeur de Wilms (144c)
Professeur Dominique PLANTAZ
Janvier 2004 (Mise à jour mai 2005)
Pré-Requis :
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Embryogenèse du rein
Epidémiologie de cancers de l’enfant
Tumeurs de blastème embryonnaire
Résumé :
Le néphroblastome est la tumeur maligne du rein la plus fréquente chez l’enfant. Il s’agit
d’une tumeur embryonnaire qui touche le plus souvent l’enfant de moins de 6 ans. Il
peut se révéler de manière fortuite par la découverte d’une masse abdominale, ou par les
signes fonctionnels de compression ou par une hématurie. Son diagnostic est un
diagnostic d’imagerie en l’absence de marqueur tumoral spécifique. La biopsie est contreindiquée. Le traitement est l’exérèse par néphrectomie totale élargie, mais celle-ci reste
le plus souvent proposée après une chimiothérapie pré-opératoire de réduction tumorale,
permettant également le traitement précoce des micrométastases. Le stade est défini en
post-opératoire et permet de définir le traitement adjuvant post-opératoire nécessaire,
chimiothérapie et éventuellement irradiation. Le pronostic est actuellement excellent
avec plus de 90% de guériso, le plus souvent sans autre séquelle que la néphrectomie.
La surveillance du rein controlatéral et des poumons, siège possible de métastases est
nécessaire.
Mots-clés :
Néphroblastome, tumeur embryonnaire, tumeurs abdominales rétropéritonéales, tumeur
maligne du rein, cancer de l’enfant.
Références :
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"Standards, Options et Recommandations" (SOR). Néphoblastome John Libbey
Eurotext.
Site de la Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre Les Cancers :
http://www.fnclcc.fr/
Liens :
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Site de la Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre les Cancers :
http://www.fnlcc.fr/
Exercices :
1. Introduction et définition
Tumeur maligne du rein du jeune enfant, le néphroblastome est une tumeur de blastème
embryonnaire, reproduisant le tissu embryonnaire dérivé du métanéphrose dont la
différenciation et la prolifération donnent naissance au rein (blastème rénal).
C’est la tumeur rénale la plus fréquente de l’enfant.
Très rapidement évolutive et pouvant réaliser une tumeur atteignant parfois plus de 1000
grammes, c’est une urgence diagnostique et thérapeutique.
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Le traitement est pluridisciplinaire associant variablement chimiothérapie, chirurgie et
radiothérapie.
Son pronostic est actuellement très bon avec environ 90% de guérison dans les formes
standards.
Photo : néphroblastome, aspect macroscopique
(D. Plantaz)
2. Epidémiologie, Génétique
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Représentant 5 à 10 % des affections malignes de l’enfant (soit 1 à 2 cas/an/million
d’habitants) c’est la plus fréquente des tumeurs de l’abdomen de l’enfant.
Age moyen = 3 ans. Fréquence maximale entre 1 et 5 ans.
5 % de formes bilatérales (synchrones ou différées (métachrones).
Certaines malformations congénitales sont associées à un risque accru de survenue
d’un néphroblastome :
o Aniridie (absence congénitale d’iris)
o Hémihypertrophie corporelle.
o Anomalies génito-urinaires (rein en fer à cheval, duplicité)
Cependant, la plupart des néphroblastomes surviennent "de novo" chez des enfants
dénués d'antécédents.
Le développement de cette tumeur est déterminé par des anomalies (au sein des
cellules tumorales) d’une famille de gènes suppresseurs de tumeurs (WT) portés par le
chromosome 11 qui contrôle la différenciation du rein au stade embryonnaire.
3. Diagnostic clinique
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La découverte fortuite (parents) ou systématique (médecin) d’une masse abdominale
est le mode de révélation habituel (80 %) :
o indolore, ferme, lisse.
o volumineuse à développement antérieur, dans l’hypochondre
o rapidement évolutive (l’examen était parfois normal quelques semaines avant)
o fragile et devant être examiner avec précaution car pouvant se rompre
o isolée, chez un enfant en bon état général.
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Photo : masse de l’hypochondre gauche
(D. Plantaz)
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D’autres signes peuvent être plus rarement associés ou révélateurs :
o hématurie, HTA
o syndrome abdominal aigu dominé par la douleur.
4. Les examens complémentaires
4.1. Il n’existe pas de signes biologiques permettant de porter
le diagnostic de néphroblastome
Le dosage des métabolites urinaires des catécholamines, normal, est systématique pour le
diagnostic différentiel du neuroblastome.
4.2. Le diagnostic est porté par l’Imagerie : échographie, ASP,
TDM avec éventuels clichés d’urographie
Photo : très volumineuse tumeur de rein gauche en TDM injecté
(D. Plantaz)
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L’échographie montre une masse tumorale intra rénale, déformant les contours du
rein, pleine, solide (hyperéchogène), souvent hétérogène présentant des plages
hypoéchogènes (remaniements nécrotiques).
Photo : échographie, masse tumoral intra rénale
(D. Plantaz)
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L’ASP confirme l’existence d’un syndrome de masse devant une opacité refoulant les
clartés digestives, et dépourvue de calcifications.
Le scanner, non indispensable au diagnostic confirme les données de l’échographie en
montrant la tumeur intra-rénale hétérogène. Il permet la réalisation de coupes au
niveau pulmonaires qui seront confrontées avec la radiographie standard.
L’injection de produit de contraste permet l’étude des vaisseaux rénaux et de la veine
cave, où peuvent siéger une thrombose tumorale. Des clichés d’urographie réalisés au
décours de la tomodensitométrie avec injection permettent d’objectiver l’opacification
caractéristique des voies urinaires observées dans un néphroblastome, avec
bouleversement de l’architecture normale des cavités pyélocalicielles qui apparaissent
étirées, déformées, amputées.
Photo : urographie
(D. Plantaz)
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L’Imagerie est indispensable en pré-opératoire, pour l’évaluation précise de
l’évolution sous chimiothérapie : l’IRM est alors l’examen de choix.
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Ce bilan radiologique simple est habituellement suffisant pour porter le diagnostic de
néphroblastome, qui permettra de débuter le traitement sans preuve histologique et devra être
confirmé secondairement par l’examen anatomo-pathologique de la pièce d’exérèse.
Un néphroblastome ne doit jamais être biopsié. Dans certains cas, une biopsie à l'aiguille fine
est réalisée dans des formes douteuses, visant surtout à chercher à écarter le diagnostic de
néphroblastome (âge elevé, échostructure inhabituelle…).
4.3. Le bilan d’extension
A la recherche de métastases, comprend :
• L’étude échographique du foie et du rein controlatéral (2ème localisation ou
néphroblastomatose).
• La radiographie de thorax. (les métastases pulmonaires sont les plus fréquentes).
• Le scanner thoracique
5. Diagnostic différentiel
L’échographie permet d’éliminer les masses liquidiennes : malformations kystiques,
hydronéphrose.
Le diagnostic peut se discuter avec les autres masses pleines rétro péritonéales :
• Abcès du rein (syndrome infectieux)
• Localisation rénale d’un lymphome, d’un sarcome
• Tumeur rhabdoïde du rein (pronostic redoutable) (découverte anatomo-pathologique)
• Autres tumeurs du rein bénignes : tumeur de Bolande (néphrome mésoblastique) du
nourrisson imposant l’exérèse de première intention chez l’enfant de moins de 6 mois.
• Autres tumeurs rétro péritonéales extra rénales, en particulier:
o neuroblastomes imposant le dosage des métabolites urinaires des
catécholamines : HVA, VMA, Dopamine
o hépatoblastome et tumeur germinale (tératome) pouvant imposer un dosage de
l'Alpha Foeto-Protéine et de la bêta HCG
6. Les facteurs du pronostic
Ce sont le stade d’extension (macroscopique et histologique) et le type histologique de la
tumeur.
Ces facteurs ne pourront donc être réunis qu’après l’intervention chirurgicale et permettront
de définir le traitement post-opératoire.
Ils permettent d’adapter l’intensité du traitement au risque évolutif tel qu’il a pu être défini
dans les études prospectives antérieures de la SIOP.
6.1. Les stades
Définis par les comptes-rendus chirurgicaux et anatomo-pathologique selon la classification
de la Société Internationale d’Oncologie Pédiatrique (SIOP) :
• Stade I : tumeur limitée au rein, en capsulée, d’exérèse complète.
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Stade II : tumeur franchissant la capsule rénale mais dont l’exérèse a été totale.
Stade III : exérèse incomplète ou tumeur rompue (par traumatisme biopsie) ou
ganglions du hile rénal envahis
Stade IV : métastases hématogènes.
Stade V : néphroblastome bilatéral synchrone.
6.2. La variété histologique
A une importance considérable, avec une distinction pour :
• Les formes d’histologie “standard”, contenant en proportion variable 3 types de tissu :
o du tissu blastémateux, indifférencié, monomorphe,
o du tissu à différenciation épithéliale + ou - poussée (glomérules, tubules)
o et des éléments mésenchymateux (fibroblastiques ou musculaires).
• Les formes d’histologie “défavorables” (10% des cas) en particulier sarcomateuses et
anaplasiques ou blastémateuse prédominante.
7. Traitement
7.1. Principes
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La néphrectomie reste le temps essentiel du traitement.
Elle est toujours précédée d’une chimiothérapie de réduction tumorale, facilitant
grandement l’exérèse, avec un risque de rupture tumorale minime.
Cette chimiothérapie est débutée sur des arguments cliniques et radiologiques, et sans
preuve histologique.
La confirmation anatomo-pathologique du diagnostic sur la pièce d’exérèse et
l’établissement du stade permettent de déterminer le traitement post-opératoire qui
repose sur la chimiothérapie et dans certains cas sur la radiothérapie.
7.2. Méthodes
7.2.1. Chirurgie
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C’est une chirurgie programmée et réglée, faite après une chimiothérapie néoadjuvante
Abord large transpéritonéal
Néphrectomie totale élargie avec ligature première du pédicule vasculaire et résection
basse de l’uretère, en passant au large de la tumeur
Avec exérèse des ganglions du hile et de tous les ganglions régionaux suspects et
examen soigneux de la cavité péritonéale et du rein controlatéral
La néphrectomie partielle est réservée aux formes plurifocales.
7.2.2. Chimiothérapie
Le néphroblastome est très chimio-sensible.
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Les principales drogues actives et utilisées sont :
o la VINCRISTINE.
o l’ACTINOMYCINE D.
o l’ADRIAMYCINE (Toxicité cardiaque)
Les intérêts de la chimiothérapie sont :
o la réduction tumorale préopératoire (souvent rapide et importante pouvant
atteindre 50 % du volume initial et faciliter grandement la chirurgie).
o la destruction des métastases (micrométastases ou avérées) et des cellules
résiduelles post-opératoires.
7.2.3. Radiothérapie
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Le néphroblastome est très radio sensible et même radio curable.
Utilisation des radiations de hautes énergies (Cobalt ou photons des accélérateurs)
selon des protocoles extrêmement précis avec une grande efficacité pour des doses
assez faibles (15 à 30 grays).
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L’intérêt de la radiothérapie est :
o le traitement post-opératoire des cellules tumorales résiduelles du lit
opératoire.
o le traitement des métastases.
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La toxicité importante de la radiothérapie chez le jeune enfant a amené à privilégier
dans tous les cas possibles l’usage de la chimiothérapie.
o toxicité à court terme : en particulier digestive.
o toxicité à long terme : ralentissement de la croissance osseuse avecrisque de
scoliose.
7.3. Indications
Les indications précises sont définies selon le protocole international de traitement
des néphroblastomes de la SIOP. Tous les cas sont enregistrés de manière prospective
et traités dans le cadre de recommandations extrèmement rigoureuse, aussi bien dans les
domaines diagnostiques (imagerie, ana-path) que thérapeutiques, avec des protocoles précis
pour la chimiothérapie, la procédure chirurgicale et l’éventuelle radiothérapie.
7.3.1. Dans tous les cas
Chimiothérapie préopératoire et néphrectomie.
7.3.2. Selon le stade local
Défini en post-opératoire :
• Stade I : chimiothérapie post-op à 2 drogues (vincristine - actiD)
• Stade II: chimiothérapie post-op à 3 drogues (vincristine - actiD -adria)
• Stade III : radiothérapie post-op et chimio post-op à 3 drogues.
7.3.3. Stade IV
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Chimiothérapie pré et post-opératoire à 3 drogues.
Exérèse ou irradiation des métastases en cas de régression incomplète.
7.3.4. Stade V
Néphrectomie partielle bilatérale et traitement selon le stade local de chaque côté.
Histologie défavorable : renforcement de la chimiothérapie par les autres drogues actives
(mais plus toxiques) : Carboplatine, Ifosfamide, Vépéside.
8. Evolution. Surveillance. Résultats
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La guérison est obtenue dans 90 % des cas et peut-être quasi-affirmée après 2 ans.
La survenue de métastases ou d’une récidive locale dans les 2 premières années après
le diagnostic est possible essentiellement dans les stades III et les histologies
défavorables et doivent être dépistées par une surveillance trimestrielle comprenant
un examen clinique, une radio pulmonaire et une écho abdominale
o pronostic des stades III = environ 70 % de guérison
o pronostic des histologies défavorables = environ 50 % de guérison.
La surveillance doit être ensuite menée jusqu’à l’âge adulte pour le diagnostic et le
traitement des séquelles tardives éventuelles.
9. Conclusion
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Les formes favorables du néphroblastome (stade I et II) représentent 80 % des cas et
guérissent dans plus de 90 % des cas.
Le nombre d’enfants recevant une radiothérapie est devenu faible (20 à 30%).
Mais il ne faut pas sous-estimer le risque de cette tumeur cancéreuse potentiellement
létale et banaliser son traitement qui doit rester très rigoureux dans le cadre d’études
multicentriques prospectives car il reste encore des questions posées et des problèmes
à résoudre.
Photo : vue opératoire d’une tumeur rénale polaire supérieure gauche
(D. Plantaz)
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