relativisme des valeurs, en particulier en Europe. Les enquêtes européennes des valeurs
manifestent dans tous les pays que la première valeur est la famille conçue en son sens
traditionnel : homme / femme avec enfants dans le désir de la durée. Et la majorité des
jeunes qui s’engagent dans le mariage désirent sincèrement que cela dure, que cela dure
toujours. De ce point de vue, la société n’est pas aussi relativiste qu’on le dit ou le pense,
entre autres dans certains milieux d’Église. Mais il faut alors s’interroger pourquoi les
couples sont si fragiles. Il y a bien sûr la faiblesse humaine qui est de toujours. Mais il y
a aussi et surtout sans doute le contexte socioculturel.
Il reste qu’on peut et doit se demander pourquoi certaines situations typiquement
occidentales
et somme toute très limitées quantitativement ont pris une telle importance
et quels en sont les enjeux. Ce sont ces questions que cherche à rencontrer cet article. Je
suis profondément convaincu que la réponse à l’appel du pape François à la miséricorde,
s’il veut réellement rencontrer un certain nombre de personnes et de situations, ne peut
prendre corps dans l’Église sans changement de la doctrine
. C’est cette conviction que
je cherche à argumenter ici.
1. Le contexte ecclésial : de Vatican II au Synode sur la famille
Au 19e s., le développement des sciences historiques appliquées au texte biblique, la
théorie darwinienne de l’évolution, l’émergence de la démocratie libérale ont conduit
l’Église catholique à se crisper sur les doctrines les plus traditionnelles, en condamnant
toutes ces nouveautés, ou erreurs du présent. Le Syllabus de Pie IX (1864) en est
l’expression, de même que le serment dit antimoderniste imposé en 1910 par Pie X à tout
responsable ecclésial (prêtre avant d’avoir le pouvoir de prêcher ou confesser, à tout
supérieur religieux, à tout enseignant de théologie, etc.), par le Motu proprio, Sacrorum
antistitum. Ce serment a été supprimé par Paul VI en 1967 seulement. Il commençait par
ces mots : « Moi, N..., j’embrasse et reçois fermement toutes et chacune des vérités qui
ont été définies, affirmées et déclarées par le magistère infaillible de l’Église,
principalement les chapitres de doctrine qui sont directement opposés aux erreurs de ce
temps. » L’expression suggère que les condamnations romaines des libertés modernes
relèvent de l’infaillibilité. Toute recherche et expression théologiques un peu critiques
étaient dès lors exclues et objet de répression.
Vatican II a promu un nouvel esprit et une nouvelle dynamique au sein de l’Église. Dans
Lumen Gentium, le concile a rompu avec le schéma qui avait été préparé par la curie
romaine dans l’esprit de la théologie dominante. Ce schéma présentait l’Église comme
société parfaite pensée à partir du pape, – le chef visible de l’Église, le Christ en étant le
Les questions concernant les divorcés remariés ou l’homosexualité ne concernent cependant pas seulement
l’Europe, comme semblaient le reprocher certains évêques africains : en Amérique du Nord ou dans nombre
de pays d’Amérique latine, la question est aussi très présente. Pour l’Afrique, le synode a touché la question
de la polygamie, mais peut-être s’en est-il tenu à une approche purement pastorale sans pointer le fait qu’il
y est peut-être aussi question de doctrine, entre autres en lien avec l’eucharistie, dans un contexte culturel
tout différent.
Quand il est question de doctrine dans cette étude, il s’agit de la doctrine officielle du magistère, ou de
l’enseignement de l’Église clairement identifié à cette doctrine par les deux rapports du synode.