linisateurs, l’enjeu est de taille car la majorité des plantes à eurs, et
donc des productions agricoles, est pollinisée par des insectes (abeilles
domestiques et sauvages, bourdons, syrphes) qui sont actuellement en
net déclin. Pour rendre ce service, les formations arborées doivent ce-
pendant être adaptées : si les lisières et certaines haies sont des guides
aux mouvements des pollinisateurs, ils peuvent aussi être des barrières
(haies hautes et denses) limitant leur passage.
Services environnementaux
Contribuer à réguler les grands cycles
Les milieux semi-naturels arborés jouent un rôle bénéque sur la
qualité des eaux qui se dégrade dans bien des régions agricoles. Leur
premier effet direct est d’éloigner les passages de tracteur (épandage
d’engrais, traitements phytosanitaires) des cours d’eau. Ils favorisent
aussi l’épuration des eaux de ruissellement lorsqu’elles sont char-
gées de molécules dissoutes (nitrates, pesticides) ou de particules de
sol (phosphore, polluants adsorbés) via l’augmentation des temps de
transfert, permettant ainsi leur absorption par la végétation ou leur bio-
dégradation. Lorsque ces milieux sont en interaction avec une nappe,
ils améliorent localement la qualité des eaux souterraines via le prélè-
vement de nutriments tels que les nitrates, jouant ainsi un rôle de ltre
d’épuration qui peut être valorisé par une sylviculture adaptée.
Les arbres dans les systèmes agroforestiers ont aussi des impacts
directs et indirects sur la dynamique de la matière organique du sol et
sur le stockage de carbone, pour trois raisons :
• les apports de carbone au sol par la végétation aérienne et raci-
naire pérenne des arbres sont souvent plus importants que pour
les cultures annuelles ; le carbone apporté est aussi plus lentement
décomposé par les microorganismes du sol ;
• les apports de matière organique via le système racinaire se font sur
l’ensemble de la profondeur d’enracinement des arbres ;
• dans les situations où les arbres ont un rôle contre l’érosion, ils
limitent les exportations de matière organique en dehors du bassin
versant et favorisent le stockage intra-parcellaire.
Cependant, l’évolution et la stabilisation de la matière organique dans
le sol s’établissent sur des temps longs. L’effet favorable des systèmes
arborés sur le stockage de carbone dans les sols est d’autant plus mar-
qué que l’âge des peuplements est élevé et que la densité d’arbres est
élevée. Les modes de gestion des arbres et des cultures avoisinantes,
ainsi que le microclimat généré, peuvent également moduler cet effet.
Conservation de la biodiversité et trame verte
Outre leurs effets sur le microclimat et sur les régulations biologiques
et les grands cycles, les structures ligneuses fournissent habitats,
gîtes et ressources à une diversité d’espèces, qu’il s’agisse d’espèces
ordinaires, patrimoniales ou menacées. Elles contribuent ainsi à la
conservation de la biodiversité. Au-delà de ces fonctions, le maillage
des paysages ruraux par les arbres favorise le déplacement des indi-
vidus de diverses espèces entre populations plus ou moins éloignées.
Cette connectivité entre des habitats fragmentés est recherchée lors de
la mise en place de la Trame Verte car elle est une condition essentielle
pour la conservation de la biodiversité dans ses multiples dimensions.
Les utilisations traditionnelles des arbres poussant en contexte agri-
cole sont déjà multiples : production de bois d’œuvre et de chauffage,
de piquets, utilisation du feuillage comme fourrage, récolte des fruits.
Aujourd’hui la modernisation des techniques de récolte permet la
conception de nouveaux produits issus de ces formations ligneuses.
La plantation d’arbres au sein de parcelles cultivées ou pâturées sur
la base de règles d’assemblage élaborées scientiquement combine, à
différentes échelles de temps, des productions provenant des arbres et
des cultures, grâce aux complémentarités de niche des espèces et de
leur capacité d’adaptation. L’intensication écologique qui en découle
permet de produire sur un hectare agroforestier plus que si les arbres
et les cultures sont séparés, sans apport d’intrants supplémentaires
(encart 2). A l’origine de ce résultat essentiel des processus de complé-
mentarité et de facilitation entre espèces permettent de capter plus de
ressources (minéraux, eau), ou bien de créer les conditions favorables
à la croissance de l’une des espèces (ombrage). Les connaissances
acquises permettent ainsi d’améliorer les itinéraires techniques pour
renforcer ces processus. Outre la productivité biologique, l’efca-
cité économique, évaluée grâce à des simulations, montre que ce type
d’agroforesterie peut être rentable. Sans nécessairement sacrier le
revenu à court terme, le produit des arbres peut en effet augmenter
fortement le revenu, mais ce de manière différée lors de leur exploi-
tation. Pour progresser encore, de nouveaux thèmes de recherche sont
aujourd’hui explorés : l’adaptation, via notamment la sélection variétale,
des cultures à l’ombre, le comportement des parcelles en agroforeste-
rie face au changement climatique, l’impact de la présence des arbres
sur les cycles du carbone, de l’eau et des nutriments, la mise au point
de systèmes agroforestiers à bas niveau d’intrants, etc.
À côté des produits ligneux traditionnels, apparaissent de nouveaux
usages prometteurs. Par exemple, le bois raméal fragmenté (BRF, broyat
non composté de jeunes branches et rameaux frais) peut être utilisé en
couverture du sol ou en amendement en plein champ. Il en va de même
avec les copeaux de bois utilisés comme substituts au paillage en plas-
tique dans les opérations de plantation, comme litière pour les animaux
d’élevage an de limiter les achats de paille. En outre, l’utilisation du
Biochar (amendement sous forme de poudre de charbon de bois) pour-
rait contribuer à améliorer signicativement l’état physique, chimique
et biologique de certains sols agricoles. Enn, les produits non ligneux
associés à l’arbre (champignons, plantes médicinales et aromatiques,
petits fruits, châtaignes, noix, noisettes, etc.) peuvent aussi être sources
de revenus additionnels et au-delà être facteurs de solidarités terri-
toriales renouvelées ; il s’agit alors d’organiser leur valorisation, par
une cueillette organisée, par une forme spécique de mise en culture
impliquant un entretien et des pratiques particulières (encart 3).
Au-delà des produits ligneux et non ligneux, les milieux naturels et
cultivés fournissent divers services utiles à l’agriculture et à la société,
dits services écosystémiques. L’agroécologie porte une attention par-
ticulière aux services rendus à l’agriculture, ou “services intrants” qui
permettent de réduire le recours aux intrants industriels. Le concept de
service écosystémique (encart 4) invite ainsi à reconsidérer les termes
des interactions entre les activités humaines et la nature au sens large,
soulignant les interdépendances et fournissant de nouveaux leviers
d’actions.
Des services intrants pour renforcer l’autonomie
des systèmes agricoles
Rendre le microclimat plus favorable aux cultures
Plantés en alignement ou en haies, les arbres inuencent les compo-
santes du microclimat aux échelles de la parcelle mais aussi du pay-
sage. Les arbres jouent sur deux éléments essentiels du bilan d’énergie
qui contrôlent le microclimat : le rayonnement et l’écoulement d’air. Ce
sont les effets de l’un ou de l’autre facteur qui prédominent selon les
caractéristiques du climat local et selon les espèces d’arbres, leur den-
sité d’implantation et leur localisation dans le paysage.
Lorsque la ressource en eau du sol n’est pas limitante - en climat tem-
péré humide, ou au voisinage des cours d’eau ou d’une nappe phréa-
tique - l’arbre isolé est un système qui évapore plus d’eau qu’un arbre
en forêt ou qu’un couvert herbacé. Cet effet a des implications sur les
mouvements de l’eau dans le sol et le sous-sol, et la présence d’arbres
favorise l’inltration de l’eau et son drainage. Par contre, dans les zones
où la ressource en eau du sol est limitante et où la température est
élevée, ils peuvent entrer en compétition pour l’eau avec la culture à
proximité. Mais les arbres ont aussi un effet d’ombrage pouvant induire
une réduction de l’évapotranspiration dans leur voisinage ou bien jouer
le rôle « d’ascenseur hydraulique » dans les sols profonds, et ainsi
accroître la disponibilité en eau dans les horizons de surface du sol. Au
niveau de l’écosystème dans son ensemble, les arbres ont une action
de régulation hydraulique : des structures comme les haies jouent le
rôle de barrières physiques qui ralentissent le ruissellement superciel
des eaux de pluie vers les cours d’eau et favorisent l’inltration de l’eau
dans le sol. La présence d’arbres peut aussi limiter les crues de faible
intensité.
De part leur rôle sur les vents et les transferts d’eau, les arbres ont
des effets favorables sur la conservation des sols par la limitation de
l’érosion éolienne et hydrique. Dans les paysages bocagers anciens par
exemple, les haies ont un rôle facilement observable : on constate une
accumulation de sol en amont des haies (pouvant atteindre plus d’1m),
et une érosion immédiatement en aval. Ainsi les versants plantés de
haies présentent globalement moins de pertes absolues de sol vers
les cours d’eau, les particules étant en grande partie retenues avant
d’atteindre les bas de versant.
Améliorer les régulations biologiques des ravageurs
des cultures et la pollinisation
Certains organismes vivants peuvent fournir des services écosysté-
miques dits de régulation (encart 4) : le contrôle biologique des rava-
geurs des cultures par des ennemis naturels (aussi appelés auxiliaires)
et la pollinisation. La présence de milieux semi-naturels, comme les
structures ligneuses mais aussi les prairies et bords de champs, ont un
impact favorable sur ces animaux à différents moments de leur cycle
de vie. Par exemple, les larves de syrphes consomment les pucerons
dans les parcelles, les adultes se nourrissant de pollen dans les élé-
ments semi-naturels et pouvant hiverner en lisières de bois. Quant
aux pollinisateurs, ils bénécient aussi de la proximité des structures
ligneuses leur fournissant un gîte et des ressources (pollen, nectar)
complémentaires et alternatives à celles qu’ils trouvent dans les ver-
gers ou les parcelles agricoles. Cela leur permet de se nourrir lorsque
les plantes cultivées ne sont plus en eurs. En proposant aux auxiliaires
et pollinisateurs ces éléments semis-naturels à proximité des cultures,
on obtient une meilleure régulation biologique et une meilleure pollini-
sation grâce à leur plus grande abondance et diversité (encart 5). Ainsi
les syrphes, qui hivernent sur place, peuvent assurer une protection
des cultures précoce plus tôt au printemps et plus tard en automne,
permettant ainsi de réduire les utilisations de produits phytosanitaires.
Mais les formations arborées peuvent aussi être favorables aux rava-
geurs des cultures. Cependant, il a été démontré, indépendamment des
ressources trophiques très variables selon les contextes, que ces der-
niers sont en règle générale moins favorisés par des situations micro-
climatiques tamponnées que les auxiliaires des cultures, plus sensibles
aux extrêmes thermiques et hygrométriques notamment. Pour les pol-
Encart 5
DES HAIES POUR LES CULTURES
Jacques Hicter, céréalier sur 300 ha dans l’Aisne, décide dans les années 1980 de réinstaller des haies,
fourrés et bandes herbacées pour faire revenir le gibier sur son exploitation, fortement remembrée dans
les années 1960. Ses parcelles restent grandes mais peu larges, séparées par ces nouveaux habitats à
faune. Rapidement le gibier revient, et les ennemis naturels des ravageurs des cultures aussi. Il n’utilise
plus aujourd’hui d’anti-limaces et très exceptionnellement des insecticides contre les pucerons. Pour
en savoir plus : Le Roux et al. (2008). Agriculture et biodiversité – Valoriser les synergies. Expertise
Scientique Collective INRA, Paris, France www6.paris.inra.fr/depe/Projets/Agriculture-et-biodiversite
Les produits de l’arbre :
diversier et mieux valoriser
les produits et les usages
Les services écosystèmiques
rendus par les arbres
Encart 2
LES EXPÉRIMENTATIONS
AGROFORESTIÈRES À L’INRA
(UMR SYSTEM À MONTPELLIER)
Depuis 20 ans, l’Inra développe
des expérimentations sur
la conception de nouvelles
parcelles agroforestières
où l’arbre a « les racines
dans les cultures » et les
« cultures se glissent dans
l’ombre mouvante des
arbres ». Si les premières
parcelles expérimentales
étaient monospéciques
avec de fortes densités
d’arbres, les plus récentes
sont plurispéciques avec
des densités d’arbres plus
faibles. Il a été montré que
l’association permet de
produire autant de biomasse
que sur 1,2 à 1,5 hectare dans
le cas où les cultures sont
séparées.
Encart 4
Outre les services de production, trois grands types de
services écosystémiques peuvent être distingués :
• les « services intrants » permettent de réduire, voire de
supprimer certains intrants (azote, phosphore, certains
pesticides) tout en conservant un niveau de production
acceptable. Ils correspondent à la fourniture de
ressources (par exemple la xation symbiotique de l’azote
atmosphérique par les légumineuses) et au développement
de régulations biologiques (par exemple l’utilisation des
auxiliaires des cultures pour réduire la pression des
bioagresseurs) ;
• les services environnementaux (par exemple la régulation
du climat par le stockage du carbone) et culturels (par
exemple la qualité des paysages) constituent des biens
publics produits par les agriculteurs et dont la société
est bénéciaire. Certains de ces services s’évaluent
localement (esthétique des paysages), d’autres au
minimum au niveau régional.
Encart 3
Mécanisation
de la taille
des haies pour
produire du BRF