
PRÉSENTATION DES DONNÉES 17
(16ac) Pis Marin était parti / pis i était loin / ça fait que le lendemain matin / i
a retourné « back » / […] i s’avait mis un casse par-dessus la tête / quantt i a
rentré / i a pas louté son casse (INF 2)
Ervenir apparaît une seule fois, chez le locuteur 2 dans l’exemple (17) ci-dessous, sans
particularité sémantique évidente par rapport à revenir. Ervenir peut donner l’impression
d’une métathèse de par l’inversion des phonèmes / r / et / v / en contact (la voyelle médiane
ne se prononçant pas) mais en réalité il s’agit sans doute non pas d’une inversion mais de
l’ajout d’une voyelle prosthétique (épenthèse à l’initiale) an d’éviter l’agrégat conso-
nantique, autrement dit d’une syllabication du / r / , ce qu’on retrouve sur d’autres mots
dans la production de ce locuteur, cf. exemple (18) :
(17ac) A dit / pognez-moi / je vas timbe / i pognont la reine / al évanouissait / pis i i
avont goroché un sceau d’eau dans a face / pis al a ervenu (INF 2) 8
(18ac) A pensait à quoi c’est qu’i ersemblait (INF 2)
L’acadien présente aussi des spécicités sur certains verbes dans leur forme partici-
piale puisque mourir et aller connaissent, à côté de mort et allé, respectivement mouri
et gone. Sur mouri et gone se superpose, au sein des formes verbales composées, une
spécicité sémantique que n’ont ni mort ni allé, comme nous le verrons dans la partie3.2.
Auxiliaires contractés en anglais : ’s de has (AVOIR) ou ’s de is (ÊTRE) ?
En anglais, une évaluation du nombre de verbes acceptant ÊTRE (be) peut, à l’oral
comme à l’écrit, être malaisée. Non pas du fait de l’ellipse de cet auxiliaire comme on a
pu le voir en acadien 9 mais du fait de sa possible contraction, à même au perfect de créer
à la troisième personne et notamment dans les parties dialoguées une ambivalence. La
contraction ’s, en effet, neutralise toute distinction entre has (have c’est-à-dire AVOIR)
et is (be c’est-à-dire ÊTRE), par exemple he’s gone 10.
8. Pogner correspond à empoigner ou prendre en français de France, garocher à lancer des roches ou
lancer quel que soit l’objet.
9. L’ellipse de be se trouve dans le cadre de be + –ING, en particulier en Black American English : he
walking (GACHELIN, 1997, p. 34), mais pas dans le cadre d’un parfait ou d’un plus-que-parfait en
anglais standard.
10. Avec l’anglais, le corse est la seule des langues abordées ici à connaître des auxiliaires contractés. Ils
apparaissent sur AVOIR conjugué au présent (par exemple au parfait ou au futur en avè da + innitif)
des 1re et 2e personnes du pluriel normalement trisyllabiques, et réduites alors à des dissyllabiques
dépourvues de la première syllabe inaccentuée : avemu / emu (nous avons) et aveti / eti (vous avez), mais
sans ambivalence avec ÊTRE (emu / semu, eti / seti). Mais alors que l’anglais peut réduire have qu’il
soit auxiliaire (I’ve got to go) ou verbe (I’ve something I’ve been meaning to say to you), pourvu qu’il
ne soit ni en n de groupe verbal (*yes I’ve) ni en début (*’ve you been to the hut ?) (COTTE, 1997,
p. 46), la contraction de avè en corse n’est possible que pour l’auxiliaire, qui se distingue donc ainsi
du verbe, qui a une forme toujours pleine. Belle illustration du principe guillaumien de subduction du
signié en parallèle à la réduction phonétique du signiant.
[« Les auxiliaires Être et Avoir », Pierre-Don Giancarli]
[ISBN 978-2-7535-1370-9 Presses universitaires de Rennes, 2011, www.pur-editions.fr]