Table des matières

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Cahier pédagogique
relatif à l’exposition
« Alarme et
camouflage »
Février 2002
Dossier rédigé par Olivier Decocq, chargé de projet au Centre de
culture scientifique, pour l’exposition « Alarme et camouflage »
couple de zygènes
le citron
Nous remercions M. Jean-Pierre
Verhaeghe pour son aide et sa relecture
attentive.
la salamandre terrestre
Avec le soutien de :
• la Région wallonne – Ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle
• la Communauté Wallonie-Bruxelles
Table des matières
1 Préambule : ce dont on (ne) parle (pas)
1.1 Notions intuitives
1.2 Définitions scientifiques
1.3 Les communications animales
1.4 Les communications visuelles
1.5 Les couleurs et leur perception
1.6 Les relations prédateurs-proies
1.7 Communications animales et évolution
2 Petit manuel de camouflage
2.1 Premier principe : adopter les couleurs et motifs colorés de son environnement
2.2 Deuxième principe : adopter des formes présentes dans l’environnement
2.3 Troisième principe : surveiller son comportement
2.4 Quatrième principe : utiliser des accessoires
2.5 Cinquième principe : masquer ses ombres
2.6 Sixième principe : casser sa silhouette
2.7 Septième principe : voiler son regard
2.8 Des camouflages convergents
2.9 Conclusion
3 L’alarme
3.1 L’apprentissage chez les prédateurs
3.2 Des couleurs qui frappent
3.3 Mimétisme ou pas mimétisme ?
3.4 Le mimétisme mullérien
3.5 Le mimétisme batésien
3.6 Conclusions
4 Effrayer un prédateur
5 Synthèse
6 De multiples autres mimétismes
6.1 Détourner l’acte de prédation
6.2 Attirer une proie
6.3 Attirer un pollinisateur
6.4 Passer inaperçu chez son hôte
Ce cahier pédagogique a été conçu pour aider l’enseignant qui désire exploiter les
notions abordées dans l’exposition « Alarme & camouflage », réalisée par le Vivarium du
Moulin de Lautenbach-Zell, en collaboration avec le Muséum de Nismes (France), et
présentée au Centre de culture scientifique de l’ULB de février à mai 2002.
Pour
comprendre
de
manière
approfondie comment ces deux types de
communications animales fonctionnent et ont pu se mettre en place, il faut faire appel à pas
mal de notions théoriques qui relèvent aussi bien de la physique (la nature des couleurs, donc
les ondes électromagnétiques…) que des mécanismes de l’évolution biologique (les
mutations, la sélection naturelle…). Nous avons cru bon de rappeler brièvement ces concepts
sous forme d’un préambule, qui permettra de situer le contexte aussi bien que le vocabulaire
utiles pour la suite.
Que cela ne rebute pas l’enseignant du Primaire, par exemple, qui ne peut pas compter
sur de tels prérequis chez ses élèves : beaucoup de ces notions peuvent aussi être abordées de
manière intuitive, ludique, ou expérimentale !
La seconde partie de ce document (points 2 à 4) suit grosso modo la trame de
l’exposition : elle explique et illustre la façon dont les animaux utilisent le camouflage,
d’abord, puis les colorations d’avertissement (l’« alarme ») et les mimétismes qui y sont liés.
Enfin, la troisième et dernière partie du cahier pédagogique sort du cadre de l’alarme
et du camouflage tels que nous les définirons, mais en constitue le prolongement naturel :
nous y présenterons les autres types de mimétismes.
À travers tout le cahier pédagogique, le contenu des sujets abordés est présenté sous
forme d’un texte continu, en page de droite ; des exploitations pédagogiques qui leur
correspondent sont proposées en page de gauche et en plus petits caractères.
En fonction de leur nature, les exploitations pédagogiques sont signalées par un sigle :
v activité de groupe : « jeu », mise en situation…
1 activité basée sur l’observation : comparaison entre deux animaux…
article de revue scientifique qui peut être étudié (sous forme de travail personnel, avec
présentation orale…) par les élèves terminant le cycle Secondaire, où l’enseignant trouvera
des exemples ou pourra approfondir un sujet
site Internet proposant des illustrations, un complément d’informations…
1 PREAMBULE : CE DONT ON (NE) PARLE (PAS)
Le fil conducteur de l’exposition, celui qui unit ses deux thèmes : l’alarme et le
camouflage, c’est la communication animale, et plus particulièrement ici les
communications visuelles (car il existe des signaux d’alarme dans le règne animal qui
utilisent d’autres canaux sensoriels, mais ils ne sont pas traités dans l’exposition).
Autre point commun : ces signaux visuels trouvent tous leur origine dans les
relations qu’entretiennent proies et prédateurs. Ils ont pu se développer grâce au fait
qu’ils apportaient, à l’un ou à l’autre, un bénéfice ; élément déterminant dans le
mécanisme de l’évolution des espèces.
C’est tout ce contexte que nous allons explorer dans ce premier chapitre : en
quoi alarme et camouflage sont-ils des communications ?, comment prédateurs et
proies communiquent-ils ? comment la communication peut-elle évoluer ? Ce sont là
quelques-unes des questions auxquelles nous allons fournir des éléments de réponse.
1.1 Notions intuitives
« Alarme » et « camouflage » : voilà bien deux mots qui évoquent dans l’imaginaire
de l’homme moderne (et notamment de l’élève) de nombreuses réalités de la vie quotidienne.
Il est fondamental de les mettre à plat avant de se lancer dans l’utilisation du même
vocabulaire pour décrire les phénomènes observés dans la nature.
En ce qui concerne le camouflage, les notions intuitives risquent en effet d’entrer en
conflit avec la manière dont ce terme est utilisé dans l’exposition et dans la suite de ce
document, mais aussi au sein du domaine scientifique.
Prenons l’exemple d’un poisson, dont une nageoire s’est transformée pour prendre
l’aspect d’un petit ver, qui gigote, afin d’attirer d’autres poissons, proies du premier.
Dans le langage courant, on pourra dire que ce poisson porte un camouflage « en
ver », car la définition usuelle la plus large du camouflage inclut effectivement toute forme de
« déguisement ». Pour le biologiste par contre, c’est là tout le contraire du camouflage, car il
réserve ce terme aux imitations qui ont pour but de faire passer l’animal incognito dans son
milieu. Or, le leurre du poisson a précisément pour but de capter l’attention d’un autre
poisson et de l’attirer vers lui, soit la stratégie inverse.
D’un animal qui se confond avec son milieu, on dit aussi couramment qu’il est
« mimétique ». Cette notion de mimétisme pose elle aussi un problème de vocabulaire, car
elle a également deux définitions, l’une très large et l’autre beaucoup plus restreinte (et ici, les
scientifiques eux-mêmes ne l’utilisent pas tous dans le même sens).
Au sens large, il désigne toute imitation d’un élément quelconque (objet inanimé ou
autre espèce vivante) par une espèce. Ce mimétisme sensu lato inclut donc le camouflage.
Mais beaucoup de biologistes n’utilisent le terme mimétisme que pour désigner les cas où une
espèce en imite une autre, dans le but d’être prise pour elle, ce qui est une stratégie toute
différente. Le poisson évoqué ci-dessus en est un exemple : son imitation d’un ver est un
mimétisme sensu stricto.
Le camouflage et le mimétisme ayant chacun deux définitions possibles, et celle
utilisée dans le monde scientifique n’étant pas nécessairement celle des dictionnaires
courants, il est donc très important de s’accorder dès le départ sur la terminologie adoptée. On
peut très bien ne pas vouloir adopter un discours scientifique, et se contenter des définitions
usuelles ; mais cela n’enlève rien à la nécessité de définir les termes choisis.
v Notions intuitives
Demandons à chacun d’écrire sur un bout de papier les premiers mots (ou de traduire en quelques
mots les premières images) qui lui viennent à l’esprit lorsqu’on prononce le mot :
A) alarme : alarme incendie, antivol, appel aux secours… sont les notions qui se présenteront
spontanément ;
B) camouflage : on s’attend ici à recueillir essentiellement le vocabulaire lié aux tenues et matériels
militaires, mais aussi les notions de maquillage, de dissimulation, de tromperie…
Après avoir passé en revue toutes les propositions obtenues, on pourra en dégager que :
A) toutes les alarmes sont constituées de signaux destinés à prévenir, à avertir d’un danger,
d’une menace.
B) les camouflages consistent tous à modifier l’apparence (les signaux) d’un individu ou d’un
objet, mais on pourrait y reconnaître deux objectifs bien différents : le fondre dans son
environnement OU le faire passer pour un autre. Ainsi, pour prendre des exemples
militaires : les tenues kakis classiques dans le premier cas, les faux chars irakiens de la
« guerre du Golfe » dans le second.
Recherche au dictionnaire
La consultation de dictionnaire(s) permettra de confirmer que les concepts d’alarme et de camouflage
qui ont été dégagés intuitivement, sont conformes aux définitions usuelles de ces termes.
Petit Robert (1994)
ALARME : (…) signal avertissant d’un danger ; donner l’alarme : lancer des avertissements
quant à des dangers menaçants
CAMOUFLAGE (au figuré) : le fait de cacher en modifiant les apparences ; CAMOUFLER :
déguiser de façon à rendre méconnaissable ou indécelable
Larousse encyclopédique (1994)
ALARME (it. All’arme !: aux armes !) : appareil, dispositif destiné à prévenir d’un danger ;
donner l’alarme : prévenir d’un danger
CAMOUFLAGE : art de dissimuler du matériel de guerre, des troupes à l’observation ennemie ;
dissimulation, déguisement ; CAMOUFLER (ancien français camouflet : fumée) : rendre
quelque chose méconnaissable ou invisible
Quant au dictionnaire des synonymes, il donne comme équivalent à « camouflage » : mimétisme.
Allons donc voir ce que recouvre ce dernier terme :
Petit Robert (1994)
MIMÉTISME : propriété que possèdent certaines espèces animales, pour assurer leur protection,
de se rendre semblables par l’apparence au milieu environnant, à un être de ce milieu, à un
individu d’une espèce mieux protégée ou moins redoutée. Mimétisme des couleurs
(homochromie), des formes. Le mimétisme du caméléon.
Larousse encyclopédique (1994)
MIMÉTISME : particularité de certaines espèces vivantes de se confondre par la forme ou par la
couleur avec l’environnement ou avec les individus d’une autre espèce. Le mimétisme du
caméléon.
Le mimétisme se rencontre chez les animaux et chez les végétaux. Il regroupe, chez
l’animal, toutes les formes d’imitation morphologique ou comportementale. Si le
mimétisme est utilisé par l’animal pour dissimuler sa présence, on parle de camouflage.
1.2 Définitions scientifiques
Nous utiliserons pour notre part uniquement les termes camouflage et mimétisme
dans leur sens le plus strict, à savoir:
-
camouflage : ressemblance entre une espèce et son environnement (ou un élément de
son environnement), tendant à la fondre dans celui-ci
L’imitation porte donc sur des caractéristiques qui sont neutres pour le récepteur (voir plus
bas), prises en général sur un élément inanimé (caillou, ciel…) ou végétal du milieu.
-
mimétisme : imitation, par une espèce, d’une autre espèce animale, tendant à assurer
une confusion avec celle-ci
L’imitation porte donc sur des signaux qui permettent au récepteur de reconnaître l’espèce
imitée, de la distinguer de l’environnement neutre pour lui.
Ces définitions reposent essentiellement sur la fonction de l’imitation. C’est celle-ci
qu’il faudra chercher à élucider pour discriminer les deux phénomènes ; mais la nature de
l’élément imité peut généralement y aider aussi : minéral ou végétal dans le premier cas,
animal dans le second.
Et l’alarme dans tout cela ? Ce terme n’a pas de signification scientifique particulière,
on peut également le définir par sa fonction : avertir d’un danger, par l’utilisation de
signaux de communication particuliers.
Il ne faut pourtant pas perdre de vue qu’avec ce sens très large, l’alarme recouvre des
communications de nature (acoustique, chimique…) et de significations très différentes (voir
3) ; l’exposition « Alarme & camouflage » n’aborde que quelques cas d’alarme visuelle, en
particulier les colorations d’avertissement et les mimétismes qui y sont liés.
Soulignons donc d’emblée que l’alarme peut faire appel à certaines formes de
mimétisme, mais pas nécessairement ; tandis que le camouflage pas, puisque c’est somme
toute la stratégie inverse du mimétisme (tel que nous l’avons défini).
Le vocabulaire scientifique
Comparer les définitions trouvées précédemment avec les définitions scientifiques des mêmes termes.
Rechercher des exemples d’autres termes qui, en biologie, ont un sens plus restreint que leur sens
usuel : veine, fruit…
Pour la Science dossier hors série janvier/avril 2002
Ce numéro spécial tout récent est entièrement consacré à la communication animale.
1.3 Les communications animales
Quand un animal utilise un signal pour en avertir un autre (l’alarme), quand un animal
supprime les signaux qui permettraient à un autre de le reconnaître et reproduit ceux de son
environnement (le camouflage), on est en plein dans des situations où intervient la
communication.
En effet, toute communication consiste en un transfert d’information, sous forme de
« signal », et fait intervenir au minimum un émetteur et un récepteur : E → R.
Ce dernier doit bien sûr être capable de percevoir le signal ; les possibilités de
communication et la nature des signaux utilisés entre deux espèces dépendent donc très
fortement des capacités sensorielles des récepteurs (mais aussi du milieu fréquenté,
influençant la faculté de dispersion du signal…).
Quant à l’émetteur du signal, il se peut très bien qu’il soit incapable de percevoir luimême les signaux qu’il émet ! Par exemple, il nous est tout à fait possible de communiquer
avec un chien grâce à des ultrasons, en utilisant un sifflet adapté, alors que nous ne sommes
pas sensibles à ces gammes de fréquence. Et on retrouve de telles situations dans la nature
(voir 1.4).
Pour que la communication soit réelle, il faut aussi qu’elle soit codifiée. Chez
l’humain, cela se traduit par le fait que le récepteur « comprend » la signification que
l’émetteur a mise dans le signal. Pour l’animal, par le fait qu’un signal donné :
-
est produit par l’émetteur dans une situation donnée (mais de manière
« probabiliste » : ce n’est pas prévisible à 100% car de nombreux facteurs
interfèrent, notamment son « état motivationnel ») ;
-
modifie de manière prévisible (toujours de manière probabiliste) le comportement
de l’individu récepteur.
Le comportement d’un animal est en partie sous la dépendance de signaux qui lui
viennent de l’extérieur, en partie aussi sous la dépendance de facteurs endogènes (état
hormonal…) qui déterminent son état motivationnel (qui fait par exemple qu’un serpent repu
ne poursuivra pas la proie potentielle qui passe devant lui). Lorsqu’un stimulus externe peut
provoquer une réponse donnée chez un animal, sous forme d’un acte comportemental, on
l’appelle un stimulus déclencheur.
Les signaux de communication sont donc des stimuli déclencheurs, produits par un
individu pour orienter le comportement d’un autre individu.
Un point à ne pas perdre de vue : les communications humaines et la plupart des
communications animales diffèrent par la manière dont elles sont générées.
Ainsi, on s’accorde généralement pour reconnaître à l’humain une intention de
communiquer (ou de falsifier la communication). Par contre, l’éthologiste étudiant les autres
espèces animales ne fera pas appel à cette notion d’intention, car il est très difficile de la
soumettre à l’observation ou à l’expérimentation, bases de l’approche scientifique… même si
on soupçonne son existence dans de rares cas, chez certains primates. Pour le non-humain, ce
sont les mécanismes de l’évolution des espèces qui permettent de comprendre l’existence de
signaux de communication.
Pour pouvoir se développer, ceux-ci doivent présenter une valeur adaptative, soit pour
l’émetteur, soit pour le récepteur, soit pour les deux.
À propos de la notion d’intention : nous rencontrerons dans la suite de nombreux
exemples de termes qui sont couramment utilisés dans le discours scientifique traitant du
comportement, mais qui y portent un sens différent, sur le fond, de leur signification usuelle.
Le fait est qu’il est très difficile d’éviter ces écueils du langage, sous peine de multiplier les
néologismes scientifiques…
Voici les pièges de langage les plus courants relatifs à « l’alarme » et au
« camouflage » = termes qui devraient être dépouillés de leurs connotations d’intention, de
volonté, de conscience… lorsqu’on les applique aux communications non humaines :
- imiter, imitation (= ressemblance façonnée par l’évolution) ;
- signal destiné à, dirigé vers (ils ne le sont pas intentionnellement, comme le
montrera l’exemple des planaires cité plus loin, qui ne peuvent même pas se rendre
compte qu’elles émettent un signal coloré !) ;
- signification ou sens de la communication (correspond à sa valeur adaptative) ;
- choix de l’habitat, d’un support (ce ne sont pas des choix conscients).
Il y a communication quand il y a signal
Les animaux ont développé de nombreuses stratégies pour ne pas « se faire manger » par leurs
prédateurs. Identifier celles qui reposent sur une communication :
Développer des moyens de fuite rapide : longues pattes pour le saut (sauterelles…), course rapide…
9 Vivre en groupe et surveiller à tour de role les alentours (suricates…).
Se cacher sous une pierre (scorpion…), dans un terrier (mulot…), derrière un tronc (écureuil…).
9 « Se cacher » en se déguisant en brindille, en feuille, en caillou…
9 Avoir des armes (épines des épinoches…) et menacer le prédateur en les sortant (épines dressées)
La notion d’intention et le jugement moral sur les animaux
Un bon exercice pour les élèves : traquer dans un texte s’appliquant aux animaux les termes connotés
d’intention ou de valeurs morales, de préférence un texte pseudo-scientifique*. Choisir un texte ancien
pour mettre en évidence le caractère récent de l’étude scientifique des comportements (l’éthologie est
l’une des disciplines biologiques les plus jeunes, même si l’homme a toujours observé l’animal) et de
la prise en compte du darwinisme dans celle-ci, un texte récent mais très anthropomorphique pour
suggérer l’inadéquation de ce mode de langage dans l’étude de la nature (« méchanceté » de la Pie
dénichant les oisillons…).
* Exemple : texte extrait de FINBERT, E.J., 1957.- Les plus belles histoires d’oiseaux. Fayard.
« Pour contrecarrer les attaques des aigles et en général de tous les oiseaux de proie, les oiseaux de moindre
envergure ont acquis des moyens de défense appropriés. Lorsqu'ils voient un aigle croiser au-dessus d'eux, s'ils
ne peuvent se dissimuler dans les arbres, haies, buissons ou bois, on les voit s'assembler en grand nombre et
poursuivre leur ennemi; ils s'exposent ainsi à un danger certain, mais par leur nombre, les changements
perpétuels de direction de leur vol, ils jettent leur assaillant dans une telle confusion qu'il est bien incapable
d'arriver à ses fins, et après avoir usé de toute sa science et de toute son adresse, il est fréquemment contraint
d'abandonner sa chasse.
Cependant, si farouche et cruel qu'il soit, l'aigle montre néanmoins, en de très rares circonstances, une générosité
qu'on a peine à imaginer.
Un aigle africain ne permettait à aucun grand oiseau de vivre à proximité de son aire. Mais il souffrait que les
petits oiseaux résidassent dans son voisinage, et même qu'ils perchassent sur son nid sans commettre à leur égard
aucune violence. Mieux encore, il les protégeait contre les attaques des autres rapaces… »
1 Différentes fonctions de communication
Photocopier sur papier blanc les silhouettes ci-dessous, et les distribuer aux élèves. Elles représentent
en vraie grandeur 3 espèces de papillons très fréquentes chez nous, ailes ouvertes et ailes fermées (on
peut aussi aller les observer en nature, voir conseils ci-dessous).
1° Mise en couleurs (sommaire : pas tous les détails) d’après des illustrations (livres…).
2° Comparaison : les 3 faces inférieures sont de couleurs discrètes, les 3 supérieures vives et
contrastées.
3° Explication : au repos, ces papillons tiennent les ailes fermées ; leurs couleurs disent alors au
prédateur (communication interspécifique) : « je suis une écorce (petite tortue et paon de jour), de
l’herbe (aurore) ». Ailes ouvertes, les couleurs typiques de chaque espèce et bien visibles disent à leurs
congénères (communication intraspécifique) : « je suis un individu de ton espèce, un male en bonne
santé… ».(dessins d’après Walley – 1989).
petite tortue
Aglais urticae
paon de jour
Inachis io
1.4 Les communications visuelles
L’exposition « Alarme et camouflage » n’envisage ces deux types de stratégies que
sous l’angle des signaux visuels.
Il est vrai que le camouflage fait très largement appel à ceux-ci. N’oublions cependant
pas qu’il peut aussi avoir des aspects acoustiques, chimiques, ou vibratoires, par exemple. En
effet, face à un prédateur ou à une proie sensible à certains sons, « odeurs » (molécules
présentes dans l’air ambiant, ou l’eau), ou vibrations mécaniques du support, il peut s’avérer
tout aussi important de ne pas être repérable de cette manière-là. Cependant, pour de tels
canaux sensoriels, le camouflage consiste surtout à masquer ses propres signaux (ne pas
produire de sons, ou en produire qui ne sont pas localisables facilement… ; ne pas produire
d’odeur ou vibration repérable), plutôt qu’à émettre un signal spécifique qui imite un élément
de l’environnement. Nous verrons au point 5 qu’il existe de nombreux exemples d’imitations
de signaux acoustiques, chimiques et vibratoires, mais il s’agit alors de mimétismes (dans le
but d’attirer une proie ; ou pour un commensal, de vivre au sein du nid d’un hôte…) et non de
camouflages au sens donné ici.
Quant à l’« alarme », elle peut faire appel à des signaux visuels, acoustiques,
chimiques… Ce n’est cependant pas le cas dans les situations qui nous occuperont ici, à savoir
les alarmes proie → prédateur (voir 3.1). Ici encore, il y a prépondérance des signaux visuels.
Comme nous l’avons déjà signalé, la nature des communications utilisées entre deux
animaux dépend fortement des capacités sensorielles du récepteur ; une communication
visuelle ne pourra être destinée qu’à une espèce possédant une vision développée. Alors que
l’émetteur du signal peut, lui, en être dépourvu. C’est bien sûr le cas dans la communication
visuelle entre un végétal et un animal. Nous verrons dans le chapitre consacré au camouflage,
et dans celui consacré aux différents types de mimétismes, que de nombreuses plantes
exhibent des signaux basés sur la forme et la couleur, visuels donc, alors qu’elles ne
perçoivent pas elles-mêmes de tels signaux (les plantes sont bien entendu sensibles à la
lumière, mais pas comme élément de communication).
Pour citer un exemple dans le règne animal, examinons le cas de planaires
(Plathelminthes turbellariés) des mers tropicales, qui exhibent des couleurs très vives comme
la combinaison rose / blanc par exemple. Dépourvues d’yeux (elles ne disposent que de taches
oculaires très simples leur permettant de distinguer les différences d’intensité lumineuse :
alternance jour - nuit…), elles ne voient pas elles-mêmes leurs couleurs. Cette communication
est en fait dirigée vers d’autres espèces (elle est interspécifique) : c’est une « alarme »
avertissant les prédateurs éventuels (Poissons, Crustacés?, ceux-ci discriminent en tout
cas les couleurs) de la toxicité de ces planaires.
L’espèce humaine, elle, présente des capacités visuelles étendues : nous distinguons les
formes, les mouvements, les couleurs… de l’environnement et des animaux. Caractéristiques
grâce auxquelles certains nous apparaissent être remarquablement camouflés, et d’autres
particulièrement visibles.
Méfions-nous de cette interprétation. Les vrais récepteurs de ces présumés signaux de
communication, ce n’est pas nous ! Mais bien les espèces qui ont permis l’évolution de ce
système : les prédateurs ou les proies de l’animal en question. Et ceux-ci peuvent avoir des
perceptions visuelles bien différentes des nôtres…
Attirer et observer les papillons
Parmi les papillons restant communs partout, même en ville, bien des espèces montrent l’un ou
l’autre camouflage. Pour les attirer, on peut planter dans un endroit abrité du vent des plantes
nectarifères, à floraison abondante et bien étalée dans le temps, comme le buddléa ou arbre aux
papillons (Buddleja davidii, originaire de Chine), arbuste peu exigeant quant au type de sol mais
affectionnant le soleil (il abonde dans les friches et les talus de voies ferrées) ou le centranthe rouge
(Centranthus ruber), une annuelle qui se ressème spontanément mais exige chaleur et
ensoleillement maximum (pied de mur exposé S…). Estivale, leur floraison se prolonge jusqu’en
octobre ; les observations en période scolaire sont donc possibles.
Laisser se développer un talus, par exemple, en « coin sauvage » avec une végétation herbacée
diversifiée, permettra d’observer durant toute la bonne saison de nombreux papillons et leurs
chenilles.
Si l’on tient à les capturer pour une observation détaillée, tenir compte des points suivants pour ne
pas abîmer leurs ailes très fragiles :
-
ne jamais toucher les papillons avec les doigts (les écailles de leurs ailes se détachent) ;
-
la capture au filet est efficace mais celui-ci doit avoir une ouverture de grand diamètre, une
poche profonde (pour éviter la fuite de l’animal et faciliter son transfert dans un récipient) et
souple ;
-
éviter qu’ils puissent voler dans le récipient d’observation et ainsi abîmer leurs ailes sur les
parois. L’idéal est de transférer le papillon, ailes fermées, du filet à une boite de Pétri adaptée à
sa taille. Même s’il y semble coincé, c’est la meilleure façon de ne pas le blesser, et cela permet
d’étudier à l’aise la face inférieure des ailes, celle qui assure le camouflage quand le papillon
« de jour » est en position de repos.
quelques fleurs de chez nous
émettant des signaux colorés,
sous forme de taches ou lignes,
à destination des insectes
butineurs
primevères
violettes
digitale pourpre
1.5 Les couleurs et leur perception
Nous détaillerons spécialement le cas des couleurs, car elles interviennent beaucoup
dans l’ « alarme » dont il est question ici, et dans le camouflage — spécialement dans le risque
d’anthropocentrisme quand on désire étudier celui-ci.
Demandons-nous d’abord ce qu’est la couleur. Fruit de la combinaison entre une
excitation de la rétine, et l’interprétation qu’en fait le cerveau, la couleur est avant tout une
sensation, et non une propriété physique de l’objet observé. Cette notion n’a donc de sens que
pour l’espèce humaine (et encore deux individus différents ne sont-ils jamais sûrs de désigner
exactement de la même chose quand ils parlent « du bleu » ou « du vert ») ; d’abord parce
qu’elle dépend du nombre de récepteurs rétiniens différents et de leur sensibilité aux longueurs
d’ondes, facteurs très variables au sein du règne animal (et loin d’être parfaitement connus),
ensuite parce qu’interfère le cerveau et qu’ici, nous ne pouvons apprécier les sensations
générées chez d’autres espèces.
On sait d’ailleurs que la majorité des mammifères, contrairement à nous, n’ont pas
accès à ce genre de sensations car leur rétine ne comporte qu’un seul type de pigments
récepteurs (pour 3 types principaux chez Homo sapiens). Ils ne voient donc pas « en
couleurs », mais perçoivent visuellement l’environnement comme s’il était composé de
différentes nuances de gris.
Les oiseaux, et certains reptiles au moins, semblent avoir une vision des couleurs
proche de la nôtre : ils ont également 3 types de pigments rétiniens, dont la sensibilité aux
longueurs d’onde est voisine des nôtres. Parmi les poissons, les Téléostéens (soit la majorité)
ont également une vision « en couleurs ». Les crustacés aussi, mais probablement très
différente de la nôtre puisque 10 types de récepteurs ont été mis en évidence chez eux !
Parmi les insectes, c’est l’abeille domestique qui a de loin été la mieux étudiée. Elle
dispose de 3 pigments rétiniens principaux. Son spectre visuel est cependant différent du notre,
par rapport auquel il est décalé vers les courtes
longueurs d’onde : de 300 à 700 nanomètres
environ pour l’abeille, pour 400 à 750 nm
environ dans l’espèce humaine. Elle perçoit
donc des radiations qui nous sont invisibles,
dans
les
ultraviolets,
tandis
qu’elle
est
incapable de distinguer ce que nous appelons le rouge (qui lui apparaît comme gris foncé ou
noir). L’U.V. est donc pour cet insecte une « couleur » particulière, et c’est même celle qu’elle
perçoit le mieux : c’est la plus claire et la plus éclatante de son spectre. À l’autre bout de son
spectre, sa discrimination des couleurs est beaucoup moins bonne : le rouge-orangé, le jaune et
le vert se ressemblent bien plus pour l’abeille que pour nous. Ses 3 couleurs fondamentales
correspondent au jaune (588 nm), au bleu (440 nm) et à l’U.V. (360 nm) ; comme pour nos
couleurs fondamentales (rouge 700 nm, vert 546 nm, bleu-violet 436 nm), leur mélange donne
un blanc. Comme chez l’homme également, le mélange de deux radiations situées à l’extrême
du spectre génère une couleur nouvelle (homme : violet + rouge = pourpre ; abeille : UV+
jaune = « pourpre des abeilles », que nous ne connaissons pas).
La vision des couleurs de l’abeille repose donc sur les mêmes principes que la nôtre,
mais diffère dans les gammes perçues ; par contre sa vision des formes (beaucoup moins
précise que la nôtre) et des mouvements (auxquels elle est très sensible) est différente de nos
perceptions, même dans son principe. Ce qui vient d’être dit pour l’abeille est vrai, dans les
grandes lignes, pour beaucoup d’insectes ; mais peut varier dans le détail (certains perçoivent
bien le rouge…).
L’abeille voit donc le monde d’un autre œil que nous ; et inversement nous ne sommes
pas capables de percevoir toute un série de choses auxquelles elle est sensible. Par exemple,
certains signaux de communication que les plantes entomogames (dont la pollinisation est
assurée par les insectes) émettent, vers les abeilles et autres pollinisateurs. Il s’agit notamment
de taches et de lignes, qui guident les insectes vers la source de nectar au sein de la fleur ;
certains sont visibles pour nos yeux humains (mais différemment de la façon dont l’abeille les
voit ; par exemple, les taches oranges à la base des pétales jaunes de la primevère acaule
Primula acaulis), d’autres pas du tout car ils réfléchissent les U.V. auxquels nous sommes
insensibles. Ainsi, les pétales de l’onagre (Oenothera biennis) ont pour nous une coloration
jaune tout à fait uniforme, tandis que l’abeille y voit des lignes très marquées partant de la
base, et une tache à celle-ci.
On voit donc combien il est important, quand on étudie un système de communication,
de faire fi de tout anthropocentrisme et de tenir compte des perceptions sensorielles des
espèces qu’on peut soupçonner être les récepteurs du signal !
1 La couleur est une sensation qui dépend de l’équipement sensoriel
Distribuer des lunettes de soleil et des verres teintés à quelques élèves, avant de montrer à l’ensemble
du groupe un même animal coloré. En demandant à chacun de nommer les couleurs qu’il voit, on
obtiendra des réponses différentes, alors que l’objet observé est strictement identique. Ou : Utiliser un
appareil photographique muni de filtres interchangeables.
Un élève daltonien pourra confirmer que la couleur est une notion subjective.
1 L’abeille perçoit des sensations colorées (différentes des nôtres)
Expériences « de dressage » des abeilles inspirées de celles que Karl Von Frisch a menées pour étudier
la discrimination des couleurs chez l’abeille.
Première expérience très simple, réalisable et compréhensible dès l’école primaire.
Matériel : du miel ; des carrés de papier de couleur, tous de dimensions identiques ; un jaune et deux
bleus
1° Lors d’une journée ensoleillée et calme, habituer pendant quelques heures au moins des abeilles à
venir se nourrir sur le papier bleu, en déposant sur celui-ci des gouttes de miel, toujours à la même
place (endroit abrité mais au soleil) ; refermer le pot de miel et le retirer pour qu’il n’interfère pas
2° Choisir un moment où aucune abeille n’est présente ; ôter le papier bleu portant du miel, nettoyer
la surface où il se trouvait (pour éliminer les odeurs) et disposer de part et d’autre de l’endroit où il
était un papier jaune et un papier bleu, exempts de toute trace de miel
3° Observer le comportement des abeilles qui se présentent.
On peut conclure de façon simpliste que, si les abeilles viennent survoler uniquement le papier bleu,
c’est parce qu’elles distinguent le bleu du jaune grâce au fait qu’elles voient les couleurs. On s’en
tiendra là avec les élèves les plus jeunes.
Avec les plus âgés, discuter ce résultat : il se pourrait tout aussi bien que l’abeille ait reconnu le carré
bleu à son intensité lumineuse et non à sa couleur (surtout si le bleu est foncé) ; si elle voyait en noir
et blanc, elle serait quand même capable de discriminer les différentes nuances de gris. On peut donc
transformer l’expérience pour tenir compte de ces différences d’intensité ; la question devient alors :
l’abeille est-elle capable d’identifier un bleu parmi toute la gamme des gris ?
Deuxième expérience
Matériel : comme précédemment, plus un papier noir, un blanc, et un assortiment de gris de différentes
intensités, avec un maximum d’intermédiaires possibles
1°idem
2° idem, en disposant autour du carré bleu tous les gris, au hasard
3° observer le comportement de la première abeille qui se présente
4° après son départ, changer la position du papier bleu parmi les gris
5° observer
6° recommencer tout le processus, à un autre endroit, avec le papier jaune au lieu du bleu
Variantes
- Par exemple, mener en parallèle avec 3 groupes d’élèves, placés en 3 endroits éloignés (qui seront
visités par des abeilles différentes), une expérience sur la couleur bleue, une sur le jaune et une sur le
rouge. Dans ce dernier cas, les abeilles viennent aussi survoler le gris foncé ou le noir.
- Il vaut mieux utiliser de l’eau sucrée, qui n’a pas l’odeur forte du miel, le comportement de recherche
de nourriture des abeilles étant fortement influencé par les « odeurs ».
- Placer sur tous les carrés un verre de montre, avec ou sans eau sucrée.
pétale de l’onagre vu par :
- à gauche : l’œil humain
- à droite : l’œil de l’abeille
Dessins d’après
Lhonoré (1986)
Pour la Science n° 261, juillet 1999
Les couleurs pigmentaires et les couleurs structurales chez quelques oiseaux (article bien détaillé et
illustré mais assez complexe).
Pour la Science n° 221, mars 1996
Les différentes fonctions des couleurs des oiseaux (camouflage et attirance d’un partenaire sexuel) et
les rapports entre couleurs et habitat / choix du support (courte synthèse).
1.6 Les relations prédateurs-proies
Cette exposition aurait pu être sous-titrée : « Comment les proies se jouent de leurs
prédateurs… et inversement ! ». Les mécanismes qu’elle présente sont effectivement tous
destinés à influencer l’efficacité de la prédation : soit à l’augmenter, au bénéfice du prédateur,
soit à la réduire, au bénéfice des proies. Et c’est la prédation elle-même, puissant facteur de
sélection naturelle, qui constitue un moteur essentiel de leur évolution.
Dans les interactions prédateurs-proies, un point important à souligner est qu’au sein
d’un écosystème, les espèces sont impliquées dans des réseaux trophiques (ensembles de
« chaînes alimentaires ») complexes, et qu’il peut être très réducteur de considérer une espèce
X uniquement comme « un prédateur » ou uniquement comme « une proie ».
Rappelons qu’on peut distinguer de manière élémentaire différents niveaux
trophiques : les producteurs (P : végétaux chlorophylliens), les consommateurs de 1er ordre
(C1 : animaux phytophages : se nourrissant de végétaux vivants), les consommateurs de 2e
ordre (C2 : animaux prédateurs de phytophages), de 3e ordre (et C>3 ; prédateurs de
prédateurs), les décomposeurs (D : se nourrissant de matière organique morte)… À tous ces
niveaux, on peut trouver des animaux porteurs d’alarme ou porteurs de camouflage, car on est
en effet toujours au moins la proie potentielle de quelqu’un ! Mais vers quels récepteurs seront
dirigés les signaux de camouflage ? (Ne nous posons pas la question pour l’alarme, car
l’exposition n’envisage que les alarmes proie → prédateur ; tous les récepteurs sont dans ce
cas des C>1).
Il n’y a que pour les P, les C1 et les D que les choses sont simples : leurs signaux de
camouflage sont toujours dirigés vers les C>1. Les plantes et les décomposeurs parce qu’ils
n’ont pas de « proies » vivantes (sauf les plantes carnivores ; mais celles-ci doivent attirer
leurs proies et non se cacher d’elles : elles utilisent donc beaucoup le mimétisme, et non le
camouflage !), les phytophages parce que leurs « proies », les végétaux, ne sont pas sensibles
aux communications visuelles (ils ne doivent donc pas se cacher d’elles).
Par contre, pour tous les niveaux trophiques supérieurs aux C1, autrement dit pour tous
les prédateurs, il faudra toujours se poser la question de savoir si les signaux de camouflage
s’adressent à (certaines de) leurs proies ou à (certains de) leurs prédateurs, ou aux deux. Alors
seulement on pourra émettre des hypothèses quant à sa fonction, sa valeur adaptative, et
comprendre comment il a pu évoluer.
Des recherches en ce sens ont été menées sur le camouflage des femelles de plusieurs
espèces d’araignées appartenant toutes à la famille des araignées-crabes, les Thomisidae,
et qui ont en commun leur méthode de chasse : elles se tiennent à l’affût dans les fleurs,
immobiles, et attendent qu’un insecte butineur les frôlent pour s’y attaquer.
Sur les fleurs qu’elles choisissent préférentiellement, elles apparaissent pour nous très
bien camouflées par leur couleur : rose pour Thomisus onustus qui se tient dans les fleurs
roses des bruyères, blanc à jaune (possibilité de changer de couleur en quelques jours)
pour Misumena vatia qu’on trouve beaucoup sur les composées et ombellifères de ces
couleurs.
Pour la première espèce, une étude récente (Nature du 10.01.2002) du spectre de
longueurs d’onde renvoyé par l’araignée et par ses supports, et une modélisation de sa
représentation dans les systèmes visuels des insectes et des oiseaux, a montré que ce
camouflage pouvait effectivement fonctionner à la fois vis-à-vis de ses proies et de ses
prédateurs. Des travaux plus anciens avaient montré que d’autres araignées-crabes,
blanches pour nous, étaient par contre très visibles sur des fleurs blanches par les
abeilles.
Il faut donc étudier le camouflage au cas par cas, le replacer dans le contexte des
relations prédateurs-proies : dans la nature, de quoi se nourrit l’espèce considérée, et qui s’en
nourrit ? Et quelles sont les perceptions sensorielles de chacun, en se méfiant de tout
anthropocentrisme.
Les alarmes et les camouflages vont utiliser des signaux, ou masquer des signaux, qui
sont des stimuli déclencheurs intervenant dans les relations prédateurs-proies :
-
pour le camouflage proie → prédateur : les stimuli qui attirent un prédateur vers
un élément particulier et lui permettent de l’identifier comme une proie
potentielle ;
-
pour le camouflage prédateur → proie : les stimuli qui provoquent la fuite d’une
proie ;
-
pour l’alarme proie → prédateur : les stimuli qui poussent un prédateur à éviter
une proie potentielle.
Ces stimuli peuvent être très différents d’un groupe taxonomique à l’autre, toujours en
fonction de leur arsenal sensoriel. On peut retenir comme grande tendance que le mouvement
a beaucoup d’importance chez les invertébrés, dont la vision des formes est peu précise (la
mouche ne craint pas une main immobile, mais s’enfuit dès qu’elle bouge), que les
mammifères utilisent beaucoup leur odorat, par exemple.
Chez les invertébrés, ils ont une forte composante innée ; chez de nombreux vertébrés,
ils ont une base innée mais peuvent être modulés par l’expérience, des apprentissages…
Examinons, par exemple, un type de comportement de recherche de nourriture qu’on retrouve
chez un oiseau plutôt omnivore, comme le geai (Garrulus glandarius).
Durant une première phase, exploratoire, l’oiseau parcourt le milieu au hasard.
Imaginons (et des observations de ce type ont été effectuées, dans de grandes cages où le
milieu avait été reconstitué, avec des oiseaux à jeun…) qu’en circulant dans le feuillage, le
geai passe à proximité d’une chenille camouflée en rameau. Si elle ne bouge pas, elle
n’évoque rien d’intéressant pour lui et il continue son chemin : elle fait partie d’un
environnement neutre, qui ne présente pas de stimuli déclencheur de son comportement de
prédation.
Si, dérangée par le passage de l’oiseau, la chenille se déplace, ses mouvements
peuvent focaliser l’attention du geai, qui va la fixer du regard un instant puis la tester du bec,
et enfin l’avaler éventuellement. Cette nourriture lui convenant, il peut poursuivre son
exploration et inspecter minutieusement les rameaux alentour à la recherche d’un élément
ressemblant à cette chenille, éventuellement même tester du bec les branchettes qui ont même
aspect.
On dit qu’il s’est forgé une « image spécifique de recherche » de la chenille : il a
associé l’aspect de celle-ci avec la notion de proie convenable. Ceci ne fonctionne que si cette
dessins d’après Lhonoré (1986)
proie est, à ce moment, intéressante pour lui : si le rapport coût/bénéfice de sa recherche est
avantageux. Si, dans le même temps, les glands sont nombreux, faciles d’accès et fournissent
une nourriture plus riche, le geai ne recherchera pas spécifiquement ces chenilles difficiles à
trouver.
Ce phénomène d’apprentissage de l’aspect d’une proie, et de focalisation sur elle,
n’existe pas chez tous les prédateurs mais a, par exemple, été observé aussi chez des rapaces
diurnes et nocturnes… Il augmente l’efficacité de la prédation (le temps mis par le prédateur
pour trouver un individu proie du type appris diminue)… et diminue d’autant celle du
camouflage !
Quelques perceptions sensorielles étrangères à l’homme
L’émission et la perception des ultrasons par les chiroptères (chauves-souris)
Scientific american March 1982
La perception des infra-rouges par certains serpents
Pour la Science n° 225, juillet 1996
Réception et analyse des signaux électriques chez les mormyres ou poissons-éléphants (courte
synthèse).
1.7 Communications animales et évolution
Ce qui frappe l’observateur des phénomènes de camouflage et de mimétismes, c’est la
perfection atteinte par de nombreuses imitations : lorsqu’un papillon reproduit exactement la
forme d’une feuille par ses ailes, ainsi que toutes ses nuances de coloration, et des détails
aussi subtils que les traces laissées sur les feuilles par les attaques de chenilles ou de
champignons ; sans compter les comportements du papillon suspendu aux branches de la
même manière qu’une feuille… Comment la nature a-t-elle pu en arriver là ?
Pour le comprendre, nous ferons appel uniquement à la théorie néo-darwinienne de
l’évolution (sans justifier ici ce choix, car cela nous emmènerait trop loin). On peut tenter
d’en résumer les grands principes comme suit.
Tout d’abord, l’évolution fonctionne grâce aux caractères transmissibles d’une
génération à l’autre. Ce sont essentiellement ceux qui ont une base génétique (caractères
anatomiques et physiologiques, les formes, les couleurs, beaucoup de comportements). Un
individu donné peut avoir hérité d’un de ces caractères, sans modification, de sa parentèle ;
un caractère nouveau pour l’espèce peut aussi être apparu chez lui par le hasard des mutations
et recombinaisons chromosomiques, généralement à partir d’une structure ou d’un
comportement qui existait déjà mais qui a subi une modification.
Le néo-darwinisme repose sur l’idée qu’un tel caractère nouveau ne pourra se
développer au sein de l’espèce que s’il procure un bénéfice aux individus qui le portent.
Ceux-ci auront alors en moyenne une descendance plus nombreuse que les autres individus
(parce que leur probabilité de participer à la reproduction est supérieure, ou leur fertilité
meilleure…), entraînant du même coup, au fil des générations successives, une augmentation
de la fréquence de ce caractère dans la population de l’espèce considérée.
C’est donc le hasard qui est à l’origine d’un caractère nouveau ; s’il apporte un
bénéfice plus élevé que son coût, il pourra être conservé (même s’il est neutre) et se répandre.
Dans ce rapport coûts / bénéfices, on retrouve la notion de sélection naturelle que
Charles Darwin avait mise en évidence. Ce sont les animaux « les plus aptes » à s’adapter aux
conditions du milieu, à trouver de la nourriture, à échapper à leurs prédateurs et parasites, à se
reproduire… qui auront le plus de chances de transmettre leurs gènes à la génération suivante
(on parle d’« aptitude darwinienne »).
Nous avons laissé de côté jusqu’ici les cas d’évolution culturelle. Ils n’entrent pas en
contradiction avec les principes énoncés. Ils naissent par hasard : par exemple, une mésange
en quête de nourriture découvre qu’elle peut percer les capsules des bouteilles de lait et que
de la nourriture se trouve dessous (la crème). D’autres mésanges imitent ce comportement.
Comme il est avantageux (nourriture riche trouvée sans consommer beaucoup de temps ni
d’énergie), rien ne s’oppose à ce qu’il se répande dans la population de mésanges. C’est ce
qui s’est passé en Grande-Bretagne – où les laitiers déposent chaque matin des bouteilles de
lait frais sur le seuil des maisons – il y a quelques années. Mais cela ne veut pas dire pour
autant que ce comportement est passé dans les gènes de l’oiseau ! La transmission se fait ici
uniquement par apprentissage imitatif.
2 Petit manuel de camouflage
Rappelons la finalité du camouflage : ne plus ressembler à un animal mais se fondre
dans le décor qui n’intéresse pas un prédateur ou une proie donnée.
Cryptisme est le terme que nous utiliserons ici comme synonyme de camouflage ; il
est bien défini scientifiquement mais aussi connu des dictionnaires courants.
Larousse encyclopédique (1994)
CRYPTIQUE : qui a pour effet de dissimuler un animal lorsqu’il est dans son milieu habituel
On parle aussi de mimèse, terme trop peu usité et que nous ne retiendrons donc pas.
Réflexions sur l’étude du camouflage dans le contexte scolaire
D’un point de vue pédagogique, on privilégiera autant que possible l’étude des animaux dans leur
milieu. Le camouflage n’a en effet de sens que dans l’habitat naturel , dont les caractéristiques ont
conditionné le développement de telle ou telle homochromie, homomorphie ou coloration disruptive…
L’élevage d’animaux captifs est de peu d’utilité pour étudier ce lien ; le terrarium est un décor,
construit par l’homme dans le but de démontrer le camouflage (ce qui s’éloigne fortement d’une
démarche scientifique !), et il correspond rarement aux caractéristiques du milieu naturel : les espèces
végétales utilisées dans le terrarium sont-elles vraiment présentes dans la région d’origine de
l’animal ?, l’éclairage du terrarium est tout différent… Pour les espèces issues de contrées lointaines,
il est en outre très difficile d’obtenir des renseignements précis sur leur habitat.
On peut émettre des réserves du même ordre concernant les photographies : beaucoup sont prises hors
nature, l’utilisation généralisée de flashes gomme certains camouflages (dégradés de teintes pour
contrer l’ombrage…), et des instantanés ne permettent pas une étude détaillée des comportements !
Les phasmes, phyllies, mantes… qu’on ne trouve pas chez nous, conservent cependant un intérêt
majeur : leur grande taille. Cela rend ces insectes plus attractifs pour l’élève que la majorité de nos
espèces. Pour motiver la classe ou pour présenter le thème du camouflage, on pourra donc réaliser un
petit élevage de phasmes d’une espèce très courante chez les éleveurs et peu exigeante, comme les
Carausius qu’on nourrit avec des feuilles de ronces notamment. On peut s’en procurer facilement en
passant une annonce au sein de l’école, ou dans le commerce, et ils se reproduisent aisément. Nous
déconseillons par contre fortement les élevages de batraciens, reptiles… (voir annexe).
Nous donnerons l’adresse de quelques sites Internet où se trouvent de belles photographies et des
conseils d’élevage d’animaux camouflés : phasmes, mantes.
Mais il n’est pas fondamentalement plus difficile ou plus coûteux en temps de réussir une sortie sur le
terrain, que de réussir un tel élevage ! Et cela apportera une somme d’observations bien plus
considérable, tout en permettant de rencontrer d’autres objectifs pédagogiques importants, tels que la
mise en évidence de la biodiversité existant à nos portes. Il est en effet fondamental de sensibiliser les
élèves à celle-ci, en premier lieu, car ils peuvent agir plus facilement et plus directement sur elle
(plantation de haie…) que sur la déforestation en régions tropicales.
Nous présentons donc ci-contre une méthode de récolte simple : le « battage de branches », permettant
l’observation en nature de nombreuses espèces diversement camouflées.
Une technique de récolte simple et efficace : le battage de branches
Dans le feuillage des arbres et des arbustes, sur les rameaux et les branches… vivent
camouflés de nombreux arthropodes. Le battage de branches permet d’en récolter un grand nombre en
peu de temps, jusqu’au cœur des villes, et de les observer vivants tout en connaissant précisément
l’espèce végétale sur laquelle ils se tenaient. Cela peut se faire tout au long de l’année, même pendant
la période hivernale (se concentrer alors sur les conifères, les arbres couverts de lierre, les jeunes
chênes dont les feuilles mortes ne tombent pas…).
On bricole très simplement pour cela un « parapluie japonais » :
2 croisillons délimitant une surface de moins d’un mètre carré, terminés
par un système permettant d’accrocher à volonté les 4 coins d’une toile
claire (style drap blanc mais pas trop lumineux), de surface légèrement
supérieure (en place sur le cadre, elle ne peut pas être tendue).
dessin d’après Hubert 1979
Sur le terrain, on place avec précaution ce « parapluie inversé »
sous une branche d’arbre ou un buisson (sans le toucher) qu’on bat
ensuite fermement avec un long bâton.
Les animaux qui se laissent tomber (technique de fuite)
ou qu’on fait tomber (pour obtenir un maximum d’espèces,
battre pendant plusieurs secondes car beaucoup d’animaux
camouflés s’agrippent à leur support) atterrissent sur la toile. Il
faudra alors être à la fois rapide et très attentif, car certaines
dessin d’après
espèces cherchent à fuir à toute jambe, tandis que d’autres
Baugnée et
Branquart (2000)
s’immobilisent instantanément parmi les débris, feuilles mortes,
et sont alors… très bien camouflées ! On peut donc déjà faire de
nombreuses observations d’homotypie et de comportements
cryptiques sur le parapluie japonais lui-même. Certaines espèces ne sortent de leur immobilité
qu’après plusieurs minutes, et apparaissent alors « comme par enchantement ». On peut isoler les
espèces intéressantes dans des tubes en verre, des boîtes pour film photo, etc., ou leur fournir
directement un support (brindille, feuille) pour voir d’autres comportements.
Dans la suite, nous présenterons plusieurs espèces très fréquemment capturables par cette
méthode ; elles seront indiquées par le sigle Il s’agit d’insectes et d’araignées ; les ouvrages suivants peuvent être conseillés au néophyte
pour apprendre à les identifier :
araignées :
ROBERTS, M.J., 1999. Spinnengids. Tirion Natuur. Très complet concernant l’écologie des espèces
et le plus correct, illustré de magnifiques dessins en couleurs ; en néerlandais (très abordable)
JONES, D., 1991. Guide des araignées et opilions de France et d’Europe. Delachaux & Niestlé.
Intéressant notamment par ses très nombreuses photographies en couleurs
insectes :
CHINERY, M. 1988. Insectes d’Europe occidentale. Arthaud, Paris. 320 p. ISBN 2-7003-0636-8
Guide de terrain très richement illustré
CHINERY, M., 1981. Les insectes d’Europe en couleurs. Bordas, Paris. 380 p. ISBN 2-04-012575-2.
Plus de textes que d’illustrations, très bonne introduction à l’entomologie
2.1 Premier principe : adopter les couleurs et motifs colorés de son environnement
La ressemblance de coloration entre un animal et son milieu, ou un élément de celuici, est appelée l’homochromie ; on parle encore de colorations cryptiques (mais celles-ci
comprennent aussi les motifs disruptifs, voir 2.7).
La forme la plus simple d’homochromie est présente chez les animaux dont la couleur
générale rappelle simplement la coloration dominante de leur environnement habituel. C’est
le cas pour de nombreuses espèces généralistes, dont les exigences en termes d’habitat sont
réduites et qui, au sein d’un écosystème donné, peuvent occuper des supports variés.
Certaines d’entre elles sont capables d’adapter dans une certaine mesure,
individuellement, leur couleur à celle de leur support du moment ; elles conservent ainsi une
amplitude d’habitat et de choix du support assez large, tout en améliorant potentiellement
l’efficacité de leur camouflage.
Les exemples les plus célèbres d’animaux capables de changer de couleurs restent les
caméléons, et on ne pourra évoquer la question sans parler d’eux. Une occasion à ne pas rater
d’ailleurs, car elle permettra notamment d’aborder les autres fonctions que peuvent remplir les
colorations dans le règne animal. En effet, les caméléons utilisent également des changements
rapides de couleurs dans le cadre de communications intraspécifiques : pour signaler leurs
« changements d’humeur » à d’autres individus de la même espèce.
Cette faculté est présente chez pas mal d’autres espèces, comme des poissons plats
vivant sur le fond de la mer (sole, plie), des araignées, des insectes, des crustacés, des
céphalopodes… mais vitesse (en quelques heures à quelques jours) et ampleur des variations
de couleur sont très variables.
Si les changements de couleurs évoqués ci-dessus apparaissent en réponse à un
changement d’habitat ou de support choisi par l’animal, il en est d’autres qui constituent des
adaptations aux modifications intrinsèques de l’environnement : ceux qui sont liés aux
rythmes nycthéméraux (sur une période de 24 h) et saisonniers de la luminosité ou des
couleurs.
exemples : le pelage de la face supérieure de l’Hermine Mustela erminea est brun à la
belle saison, mais peut être blanc en hiver (chez de rares individus sous nos latitudes,
mais chez tous les individus dans les régions plus nordiques…) ; certains phasmes
s’assombrissent la nuit et s’éclaircissent le jour, etc.
À côté de tous les cas d’homochromie évoqués jusqu’ici, qui reposent sur une
ressemblance de couleurs assez grossière entre l’animal et son environnement, d’autres
espèces animales ont développé une stratégie de camouflage dont la sophistication repose sur
la précision du détail. Ils présentent des motifs colorés complexes leur permettant de
ressembler étonnamment à certains éléments bien précis de leur environnement. Il s’agit alors
d’espèces présentant des exigences d’habitat plus strictes et occupant, dans un écosystème
donné, un seul type de « microhabitat » ou de support dont elles s’écartent peu. C’est par
exemple le cas de nombreux animaux phytophages qui ressemblent étroitement à certaines
parties des végétaux qu’ils consomment. Mais ce type de camouflage concerne aussi des
espèces prédatrices ; par exemple, certaines araignées ont une coloration qui imite
parfaitement les motifs des lichens parmi lesquels elles vivent.
On voit donc que l’homochromie, si elle présente des avantages certains, peut aussi
avoir un coût pour l’animal : il est contraint de rechercher les supports adéquats, et de s’y
cantonner.
Homochromie n’est pas nécessairement synonyme de colorations ternes : se camoufler
dans un environnement végétal ou dans un récif corallien peut parfois consister à prendre des
couleurs très vives !
Toutes les colorations cryptiques envisagées jusqu’ici consistaient en une
ressemblance entre l’animal et son environnement proche ou un élément de celui-ci ; d’autres
animaux, qui occupent une position plus exposée dans leur milieu, ont des couleurs qui leur
permettent de se confondre non pas avec leur milieu proprement dit, mais avec le « fond » ou
l’horizon sur lequel ils risquent de se découper. C’est le principe qu’on a appelé la contretonalité, consistant à renvoyer vers les récepteurs potentiels du signal la tonalité du fond se
trouvant derrière l’animal, par rapport à eux.
Exemples d’homochromie
-
Classe des Insectes Ordre des Orthoptères
Les deux orthoptères de nos régions qu’on récolte le plus fréquemment par battage sont la sauterelle
ponctuée Leptophyes punctatissima (sur les buissons) et la sauterelle « des chênes » Meconema
thalassinum (qu’on trouve en fait sur de nombreux feuillus différents). Exemples d’homochromie
« simple » : coloration verte rappelant la couleur dominante du milieu. En battant des arbres d’espèces
différentes, on pourra constater que ces espèces sont généralistes (ce sont des prédateurs, non liés à
une espèce végétale particulière).
Pour la Science n° 154, août 1990
Cas bien documenté des antennaires ou crapauds de mer, qui nous offrent un exemple de couleurs
changeantes en fonction du substrat : suivant que l’individu est tapi à l’affût sur un fond sableux, ou
parmi des éponges… sa couleur peut varier dans une gamme très large. Ce sont dans certains cas des
couleurs vives (orange, etc.).
Article bien illustré et d’approche facile par des élèves du Secondaire supérieur ; intéressant
pédagogiquement puisque ces animaux combinent le cryptisme (homochromie notamment) avec du
mimétisme « vrai » : utilisation de leurres pour attirer leurs proies (mimétisme peckhanien, voir
annexe). Demander aux élèves de faire un relevé des différentes stratégies utilisées par les antennaires,
et de les classifier : mimétisme / cryptisme, dirigés vers les proies / vers les prédateurs.
http://www.starfish.ch/frogfish/Frogfish.html
Un site Internet de plongeur sous-marin accro aux antennaires passe en revue de façon approfondie la
biologie de ces poissons, présente de nombreux clichés très parlants concernant leurs mimétismes et
leur homochromie, les dessins de l’article ci-dessus… À conseiller mais en anglais (très abordable).
http://www.lesphasmes.free.fr/arthropodia
et www.earthlife.net/insects/phasmids.html
Sites consacrés aux phasmes, phyllies, mantes… conseils d’élevage, illustrations, biologie
1 Poissons, homochromie et contre-tonalité
Comparons les couleurs de poissons occupant des habitats / niches écologiques différents.
Sélectionner quelques espèces de poissons, les unes étant des poissons de fond / les autres de pleine
eau ; par exemple : sole et turbot / hareng et maquereau pour le milieu marin (disponibles à l’étal du
poissonnier), chabot et loche / truite et gardon (voir poster « Poissons de Wallonie » disponible à la
Région wallonne ; ou à l’occasion d’une activité de terrain : pêche au filet troubleau…) pour les
rivières.
1° Demander aux élèves de les ranger dans ces deux catégories, en fonction de leurs adaptations
morphologiques (poissons de fond aplatis dorso-ventralement / poissons de pleine eau aplatis
latéralement pour la nage)
2° Rechercher quels éléments de leur coloration pourraient constituer une homochromie.
L’homochromie la plus facile à deviner est celle du dos des poissons de fond : un mélange de brun et
beige (chabot, loche : homochromie avec les fonds caillouteux et sableux) ou un fond variable avec
des points foncés (sole, plie : camouflage sur fonds sableux et vaseux, avec possibilité de changer de
teinte).
Autres homochromies possibles :
- la couleur claire du ventre des poissons de pleine eau (truite, hareng…) serait une « contre-tonalité »
vis-à-vis des prédateurs se trouvant en-dessous d’eux, pour leur permettre de se confondre mieux avec
la clarté du ciel ;
- la couleur sombre du dos de certains poissons de pleine eau (hareng…) serait une contre-tonalité
évitant qu’ils se découpent sur la masse d’eau sombre qui se trouve sous eux ;
- la couleur grise à reflets argentés du dos de nombreux poissons nageant en pleine eau dans les
rivières (gardon…) pourrait permettre leur camouflage vis-à-vis de prédateurs situés hors de l’eau et
chassant à vue (martin-pêcheur…), en confondant le poisson avec les reflets du soleil dans les remous
de la surface de l’eau.
Par contre, le ventre dépigmenté des poissons de fond n’a besoin d’aucun camouflage, puisqu’il n’est
jamais exposé à la lumière…
Chabot
Cottus gobio
Loche franche
Noemacheilus barbatula
Gardon
Rutilus rutilus
dessins d’après Tercafs (s.d.)
La Recherche n° 242, avril 1992
Le « contre-éclairage » est une des fonctions de la bioluminescence chez certains poissons : ils
s’éclairent par le dessous pour être confondus avec la luminosité du ciel, par rapport à des prédateurs
se trouvant dans la masse d’eau sous eux.
2.2 Deuxième principe : adopter des formes présentes dans l’environnement
La ressemblance entre la forme d’un animal et celle d’un élément de son milieu
habituel est appelée homomorphie ; quand homochromie et homomorphie se combinent chez
un même animal, on parle d’homotypie.
Si la gamme d’objets imitables par le règne animal est vaste, il n’est évidemment pas
question pour un insecte de prendre la forme d’un arbre entier. Mais à part cette limite de
taille, on constate que l’évolution a su faire preuve d’une imagination débordante pour donner
à telle ou telle espèce l’aspect d’un élément végétal ou minéral. Tout dépend bien entendu de
l’habitat occupé par l’espèce. Le camouflage dans un désert de sable n’est pas le camouflage
dans un désert de pierres !
Ce sont les feuilles vertes, feuilles mortes, rameaux et brindilles, épines de plantes…
qui constituent, dans la majorité des écosystèmes terrestres, les modèles les plus fréquemment
imités. L’exosquelette chitineux des insectes constitue assurément un avantage pour imiter de
telles structures : il permet de construire des expansions de forme très complexe ; mais on
constate que l’abdomen des araignées, dont le tégument est pourtant habituellement beaucoup
plus mou, est lui aussi capable de s’allonger en pointe, de s’étendre en lobes divers, etc..
L’homotypie peut aussi exister dans le règne végétal, donnons-en l’exemple le plus
célèbre : les Lithops, des plantes typiques de zones rocheuses arides, ont pris une forme (et
aussi des motifs colorés) en caillou arrondi, similaire à celle des pierres érodées qui dominent
leur environnement. Ceci probablement sous la pression sélective des mammifères qui les
recherchent particulièrement pour leur richesse en eau.
Plus curieuse encore à nos yeux humains est l’homotypie (combinant homomorphie,
homochromie et comportement cryptique) consistant à ressembler à… une fiente d’oiseau.
Elle est partagée par d’assez nombreux insectes et araignées se tenant sur le feuillage.
Exemples d’homomorphie, d’homotypie
- Classe des Insectes Ordre des Lépidoptères
Le parapluie japonais permet de récolter de nombreuses chenilles, présentant des
techniques de camouflage très diverses (tandis que d’autres exhibent au contraire
des colorations d’avertissement ; voir alarme).
Celles des phalènes (Geometridae) comptent parmi les plus remarquables ; on
les reconnaît aisément à leur mode de locomotion : ce sont des chenilles
dessin d’après
Severa (1983)
« arpenteuses ». Certaines, comme celles des Ennomos, combinent homochromie
et homomorphie très sophistiquées avec un comportement cryptique (se tiennent figées obliquement
en s’accrochant par leur extrémité postérieure) qui les confondent merveilleusement bien avec les fins
rameaux.
Pour la Science n°256, février 1999
Les « dragons de mer » sont des hippocampes présentant des expansions du corps foliacées très
semblables à des fragments d’algues ; leur comportement est également très cryptique. Cette
homotypie serait dirigée vers les proies (petits crustacés) aussi bien que vers les prédateurs.
http:// www. ixpres.com/phasmids/
De nombreuses photos de phasmes et mantes de l’auteur (reproduction sur autorisation), ainsi que des
informations écologiques sur ceux-ci et des conseils d’élevage (en anglais).
- Le camouflage « en rameau »
1) Dans le bois ou au parc, récolter avec les élèves des rameaux de plusieurs espèces
d’arbres bien différentes : les bouleaux, les chênes, des conifères… que les élèves
devront apprendre à identifier.
2) Pour chaque espèce, imaginer quels éléments typiques du rameau, ou des aiguilles des
conifères, un animal devrait imiter s’il veut se confondre avec le végétal :
– bouleaux : forme fine et aspect lisse, couleur vineuse avec points clairs…
– chênes : forme épaisse et aspect rugueux, cicatrices des bourgeons,couleur claire…
– conifères : aiguilles étroites, vert foncé avec ou sans ligne jaune…
3) Utiliser le parapluie japonais sur chacune de ces espèces d’arbres pour rechercher des animaux
présentant ces homotypies. C’est parmi les chenilles qu’on trouvera les exemples les plus typiques.
On peut aussi comparer les résultats obtenus avec les homotypies que présentent les chenilles vivant
dans les graminées (on en récoltera en fauchant les hautes herbes à l’aide d’un filet solide).
2.3 Troisième principe : surveiller son comportement
L’homotypie, ressemblance morphologique avec le milieu, n’aurait qu’une valeur
adaptative limitée si l’animal ainsi camouflé se trahissait aux yeux du prédateur ou de la proie
par un comportement le mettant en évidence dans cet environnement. Les deux aspects ont en
réalité évolué de concert.
Pour se fondre visuellement dans le minéral ou dans le végétal, l’immobilité peut
évidemment constituer un avantage majeur, beaucoup de prédateurs repérant leurs proies en
premier lieu grâce aux mouvements de celles-ci.
À ce propos, n’oublions pas que nombre d’espèces animales ont opté pour une activité
locomotrice (liée à la nutrition, à la reproduction…) exclusivement crépusculaire ou nocturne
– pas uniquement d’ailleurs pour éviter les prédateurs chassant à vue, mais aussi par exemple
pour limiter leurs pertes en eau (nombreux batraciens, myriapodes, gastéropodes et crustacés
terrestres…). C’est donc durant leur période d’inactivité qu’elles se trouvent exposées à la
prédation à vue, diurne (à de très rares exceptions près : en milieu marin, certains poissons
seraient capables d’utiliser leur bioluminescence pour éclairer et ainsi repérer leurs proies !).
Les espèces actives la nuit et homotypiques ne fuient pas nécessairement la lumière
durant la journée…
Les exemples sont nombreux parmi les insectes : papillons « de nuit » posés sur les
troncs… mais il en existe aussi dans la gent avienne : le hibou moyen-duc et
l’engoulevent, moins connu, n’hésitent pas à s’exposer en plein soleil.
… mais elles disposent de comportements cryptiques qui vont donner au camouflage
toute son efficacité.
Premièrement, la position adoptée sur le support, et particulièrement l’orientation de
l’animal par rapport à celui-ci, revêt souvent un rôle capital. Si couleur et forme d’un animal
lui permettent d’être assimilé visuellement au rameau qui les porte ou à une épine de celui-ci,
c’est vrai uniquement lorsqu’il se tient dans l’axe de celui-ci ; perpendiculairement, il devient
très visible.
C’est ainsi que l’engoulevent, contrairement à la grande majorité des oiseaux, se tient
dans l’axe de la branche sur laquelle il se trouve. Il est alors quasiment invisible.
Le hibou moyen-duc par contre se perche perpendiculairement aux branches, mais
souvent contre le tronc de l’arbre, pour se confondre avec lui ou avec une grosse branche
qui en partirait.
À l’approche d’un danger, le hibou moyen-duc va chercher à parfaire encore son
camouflage « en branche » par un étirement vertical de son corps et en collant au maximum
son plumage à son corps. Le butor étoilé (Botaurus stellaris), petit héron habitant les vastes
roselières, pointe dans de pareilles circonstances son bec vers le ciel, cou tendu et le corps
raide comme un piquet ; cherche-t-il à se confondre avec une hampe sèche de roseau, dont il
a la couleur ? Cette question peut sembler absurde à qui ne l’a jamais observé : qu’un insecte
se camoufle en plante, soit ! Mais comment un oiseau de la taille du butor pourrait-il être pris
pour une tige d’un centimètre de diamètre au maximum ? Et pourtant, foi d’ornithologue, cela
fonctionne ! D’autant que certains hérons peuvent se mettre à balancer légèrement de gauche
à droite, pareil aux roseaux alentours que le vent fait onduler…
Cette tactique du balancement « au gré du vent », on la retrouve d’ailleurs chez
quelques insectes cryptiques aussi : mante déguisée en fleur, certains phasmes brindilles.
Faire un inventaire exhaustif des comportements cryptiques serait chose difficile : en
fonction de son homotypie, chaque espèce peut avoir développé ses propres astuces (voir
aussi plus bas le « masquage des ombres » par le maintien du corps au plus près du support,
que de nombreux insectes partagent).
Revenons juste encore un peu sur l’immobilité, pour signaler que les prédateurs, même
ceux qui chassent à l’approche et non à l’affût, utilisent aussi cette forme de camouflage visà-vis de leurs proies.
Qui n’a vu un chat tomber en arrêt au cours de son approche d’un oiseau, dès qu’il se sent repéré ?
L’immobilité, comportement cryptique
Les activités de découverte de la faune de la mare, de l’étang ou du ruisseau remportent toujours un vif
succès auprès des élèves, de tout niveau. Ce sont les écosystèmes privilégiés pour aborder les relations
trophiques (« chaînes alimentaires ») dans un cadre scolaire : étudiables toute l’année, diversité
taxonomique pas trop élevée, nombreuses clés de détermination simplifiées disponibles ainsi que
renseignements sur le régime alimentaire des principaux groupes…
Ne manquez pas d’en profiter pour parler du camouflage, notamment si vous rencontrez une de ces
punaises (Hétéroptères) aquatiques très faciles à reconnaître :
-
-
la ranâtre : impressionante par sa grande taille mais inoffensive (se nourrit de très
petits animaux : daphnies, cyclopes, etc.), se tient immobile, verticalement, dans la végétation
aquatique immergée ;
les hydromètres : lui ressemblent par la forme allongée, mais beaucoup plus petites
et se déplacent avec une extrême lenteur sur la surface de l’eau ;
la nèpe ou « scorpion d’eau » : tapie sur le fond de l’eau (comportement cryptique),
homochromie et homomorphie (corps aplati, tégument granuleux)
la ranâtre
hydromètres
Ranatra
la nèpe ou
à des
linearis et les
Hydrometra spp.
scorpion d’eau
ressemblent
phasmes
Nepa cinerea
dessin d’après
Micha & Noiset
(1984)
Le positionnement sur le support comme comportement cryptique
-
Classe des Arachnides
Ordre des Araignées
Les tétragnathes (Famille des Tetragnathidae) : communes partout,
aisément reconnaissables à l’abdomen long et étroit et aux pattes très
allongées (1e, 2e et 4e paires).
Beaux exemples de comportements cryptiques associés à leur homotypie : se collent
longitudinalement contre les rameaux (et les montants du parapluie japonais) ; aux individus tombés
dans le parapluie, fournir un rameau : ils s’y immobiliseront rapidement en position cryptique.
La lenteur comme comportement cryptique de prédation
Pour la Science n° 97, novembre 1985
Intéressant article concernant l’araignée australienne Portia fimbriata, capable de chasser d’autres
araignées à vue excellente en les approchant très lentement, avec de fréquents arrêts… À faire analyser
par les élèves (> 3e Secondaire) car on pourra leur demander de retrouver et de classer (camouflage vs
mimétisme vrai) les différentes tactiques que combine cette espèce : homochromie et homomorphie,
utilisation d’accessoires (feuilles mortes)… mais aussi attirance d’autres araignées sur leurs propres
toiles par imitation des signaux vibratoires de leurs proies (=mimétsime peckhanien).
Même tactique chez une petite araignée couleur crème à dessins noirs de nos maisons : l’araignée
cracheuse Scytodes thoracica, qui fréquente couramment mais discrètement les
salles de bains par exemple (on peut la maintenir facilement quelques jours dans
une boîte de Pétri avec un peu de papier humide ; ne lui proposer une proie qu’au
moment où on est prêt à réaliser les observations : si elle est repue, elle ne
chassera plus !). Ses mouvements d’approche des proies sont d’une lenteur
extrême, ce qui lui permet d’approcher jusqu’à 1 cm de mouches dont la vue est
pourtant très bonne ; elle projette alors (grâce aux chélicères transformées) une
sorte de glu qui scotche littéralement la mouche sur le support.
2.4 Quatrième principe : utiliser des accessoires
L’utilisation active d’objets constitue un autre comportement cryptique assez répandu.
Il comporte deux types de stratégies :
-
des animaux dépourvus d’homotypie anatomique peuvent recouvrir leur corps ou
partie de celui-ci avec des éléments qui les rendront méconnaissables et non attractifs
visuellement pour leurs prédateurs (cas des larves de chrysopes), et éventuellement mais pas
toujours, très semblables à leur environnement (cas des larves de Trichoptères) ;
Il ne s’agit donc pas ici uniquement de se cacher, au sens de l’animal se réfugiant
sous une pierre, mais aussi de se travestir en quelque chose de neutre pour un
prédateur ; c’est donc bien du camouflage.
- des espèces homotypiques peuvent rassembler autour d’elles, parfois après
construction de structures particulières, les objets auxquels elles ressemblent – et pas
simplement se placer parmi eux. Par exemple, de nombreuses araignées ajoutent dans leur
toile des éléments, comme des feuilles mortes, au milieu desquelles elles passent facilement
inaperçues .
Accessoires de cryptisme
-
Classe des Arachnides
Ordre des Araignées
La cyclose conique (Cyclosa conica, Fam. Araneidae) : homochromie
et homomorphie (grand tubercule sur l’abdomen) la font ressembler à
un élément végétal quand elle s’immobilise, pattes repliées au dessus
du céphalothorax.
Se tient à l’affût au milieu de sa toile, en utilisant comme accessoires
de cryptisme des restes de proies alignés dans sa toile, au milieu
↑ de profil, l’abdomen de la desquels elle passe inaperçue. Rechercher ces toiles dans les
cyclose montre bien son
branches basses à proximité de l’endroit où un individu a été
grand tubercule
trouvé par battage. Commune en forêt.
-
Classe des Insectes Ordre des Planipennes
Les larves de chrysopes (Fam. Chrysopidae) accumulent sur leur dos les dépouilles vidées de leurs
victimes (ce sont notamment des pucerons) et ne ressemblent plus alors à un animal.
-
Classe des Insectes Ordre des Lépidoptères
Les chenilles des petits psychés (Psychidae) vivent dans un fourreau fait d’aiguilles… (protection et
accessoires de cryptisme).
Pour la Science n° 132, octobre 1988
La perception visuelle de la profondeur ou comment notre cerveau interprète les dégradés.
2.5 Cinquième principe : masquer ses ombres
L’ombre qu’un objet induit sur son support facilite la perception de son contour et
donc de sa forme, qu’elle souligne fortement ; les ombrages sont aussi déterminants dans la
perception du volume d’un objet.
Pour un animal désirant être camouflé sur une surface bidimensionnelle comme une
écorce, ou désirant qu’on le confonde avec un élément presque plan, comme une feuille
d’arbre, le masquage des ombres est donc fondamental.
L’ombrage porté autour de l’animal posé, et qui souligne son contour, est réduit ou
annulé quand l’animal applique son corps au plus près du support. On observe facilement sur
un papillon de nuit ou une cigale, en position de repos sur un tronc, que les pattes ne sont pas
tendues mais maintiennent en effet le corps tout contre l’écorce… Ce type de masquage des
ombres est donc une adaptation comportementale, une forme simple de comportement
cryptique. Un aplatissement dorso-ventral du corps le rend encore plus efficace.
Plus complexe est le masquage des ombres portées sur le corps de l’animal lui-même,
et qui soulignent son caractère tridimensionnel.
1 Imaginons un animal quelconque (ou un bouchon de liège piqué de 4 cure-dents en
guise de pattes), coloré uniformément avec la même teinte, et vivant sur le sol en position
« habituelle », le ventre tourné vers le bas et le dos vers le haut.
Eclairons notre animal par le haut uniquement. Cette lumière frappe la partie supérieure
de son corps tout en assombrissant du même coup ses parties inférieures par ombrage (et
par contraste avec le dessus plus lumineux). Son volume apparaît alors très clairement à
cause de ce dégradé d’intensité lumineuse.
Gardons le même animal, dans la même position et éclairé de la même manière, mais
peignons-le cette fois en dégradé, dans la même couleur que précédemment : claire sur le
ventre, mais s’assombrissant progressivement vers le dos. Ce dégradé, inversé par rapport
à celui que génère l’éclairage, estompe l’effet de celui-ci, et le volume de l’animal
apparaît moins net.
Ce type de masquage du volume a été bien mis en évidence chez une série de
chenilles, de Sphingidae notamment, prenant par leur homotypie diverses caractéristiques des
feuilles d’arbres (couleur verte, simulation de nervures et d’un pétiole) parmi lesquelles elles
vivent, cramponnées aux rameaux. Leur corps reste néanmoins cylindrique comme celui des
autres chenilles, ce qui s’éloigne bien entendu très fortement de la platitude des feuilles… On
constate que certaines de ces espèces présentent dans leur coloration un dégradé de teintes ;
mais que ce dégradé va du ventre foncé vers le dos clair (à l’opposé de ce qui se rencontre,
par exemple, chez beaucoup d’antilopes de la savane).
Ce mystère s’éclaircit lorsqu’on examine la position et l’orientation que prennent
naturellement ces chenilles au repos : elles s’agrippent par l’extrémité postérieure du corps
sous les rameaux, et présentent leur ventre à la lumière.
← En position naturelle, cette
chenille de sphinx est bien
camouflée.
Si elle est artificiellement inversée,
l’impression de volume qu’elle
donne apparaît renforcée →
dessins in Tinbergen 1965
1 Ombres, dégradés et perception du volume
Observez les figures ci-dessous : malgré qu’elles soient en deux dimensions, nous ressentons une
sensation de volume : notre cerveau interprète les ombres et dégradés.
http://www.ulb.ac.be/psycho/fr/docs/museum/page.html
Musée virtuel de la perception (ULB, Faculté de Psychologie), pour d’autres explications et illustrations.
1 Les fausses ombres
On peut réaliser facilement à l’aide de l’ordinateur (dans Word par exemple), comme ci-dessous, deux
rectangles de mêmes dimensions mais l’un porteur d’un dégradé et l’autre d’une teinte uniforme (dans
la même couleur ) . Les découper en laissant une bandelette blanche et encoller celle-ci ; les enrouler
pour faire deux cylindres, les plus réguliers possible, de mêmes dimensions.
Eteindre les néons de la classe (il ne peut y avoir qu’une seule source de lumière !), tenir les cylindres
verticalement à hauteur des yeux près d’une fenêtre et comparer les contrastes lumineux.
bandelette d’encollage
bandelette d’encollage
2.6 Sixième principe : casser sa silhouette
La dernière stratégie de camouflage que nous présenterons s’écarte des autres par le
fait qu’elle ne fait appel à aucune ressemblance. C’est ce que l’on appelle les colorations
disruptives, qui n’ont plus pour but d’imiter un élément de l’environnement, mais toujours
bien de fondre l’animal dans celui-ci en abusant les perceptions visuelles des prédateurs.
Elles consistent à rompre l’unité visuelle du corps, et aussi sa symétrie. En effet, les
contours réguliers d’un animal, sa symétrie bilatérale et sa forme équilibrée, homogène, ne
s’accordent pas avec les irrégularités de supports végétaux comme les écorces, ou des rochers,
ou du sol…
Deux types de motifs permettent de contrer ces caractéristiques des animaux, car ils
rendent les contours de l’animal plus difficiles à cerner, rompent sa silhouette pour qu’il ne
soit plus perçu comme un tout mais comme des éléments séparés et désorganisés :
- des taches irrégulières et disposées sans ordre, aux contours bien définis (sombres sur fond
clair…), rendent à une certaine distance la forme globale du corps moins perceptible.
C’est sur le même principe que reposent les tenues de camouflage « para-commandos »
de nombreuses armées.
De nombreux batraciens par exemple portent ce genre de motifs (la crapaud vert Bufo
viridis, absent en Belgique…) ; les taches dispersées du léopard et de nombreux autres
félins comme l’ocelot fonctionnent à peu près de la même manière.
Leur efficacité peut encore être renforcée quand des taches de couleurs vives se mêlent
à ces motifs irréguliers, car elles attirent l’œil de l’observateur qui néglige alors la forme
générale de l’animal.
- une alternance de bandes ou rayures contrastées, alternant le clair et le sombre ; dans la
pénombre (sous-bois…), seules les rayures claires sont bien perçues, mais ne trahissent pas la
forme du corps, à l’inverse dans un environnement lumineux ce sont les parties claires qui se
confondent avec le milieu.
De telles zébrures sont portées par des centaines d’espèces de poissons, de nombreux
insectes, par le tigre… par contre, de nombreuses autres hypothèses ont été formulées au
sujet du pelage des zèbres.
Avec ces motifs disruptifs, apparaît toute l’importance d’aller étudier l’animal dans
son milieu naturel : dans un zoo ou sur une photo, ces motifs colorés sembleraient plutôt
rendre l’animal très visible, alors que dans son environnement habituel (où les conditions de
luminosité sont très importantes à considérer) elles le camouflent.
2.7 Septième principe : voiler son regard
Nous terminerons ce survol des techniques de camouflage, non exhaustif !, en
évoquant une première fois l’importance des yeux. Ceux-ci constituent une caractéristique
très typique des animaux, un « détail » très voyant qui forme un stimulus reconnu par nombre
de prédateurs.
Nombre de vertébrés qui utilisent le cryptisme les masquent donc… tout en les gardant
ouverts, pour pouvoir continuer à surveiller les alentours ! Ce qui est réalisé en les incluant
dans une large bande ou tache sombre, où ils sont littéralement noyés. On trouvera de très
nombreux exemples de ceci chez les poissons notamment.
2.8 Des camouflages convergents
Lorsque deux espèces occupent le même habitat et une niche écologique voisine (se
nourrissent sur la même plante, sont diurnes, ont le même genre de prédateurs…), il se peut
qu’elles aient développé des camouflages voisins sous certains aspects, et donc qu’elles se
ressemblent. Il ne faut pas confondre cette situation avec le mimétisme vrai (une espèce imite
l’autre).
D’une façon générale, la ressemblance entre deux espèces vivantes peut avoir
plusieurs origines qu’il faut bien distinguer :
•
elle peut être le fruit d’un pur hasard ;
•
elle peut traduire une parenté : les deux espèces ont un ancêtre commun, dont ils
ont conservé certaines caractéristiques ;
•
elle peut être la conséquence d’un mimétisme : l’une des espèces imite l’autre, ou
les deux s’imitent mutuellement ;
•
elle peut être le fruit d’une convergence évolutive : non apparentées, ces espèces
ont développé indépendamment des adaptations similaires à une même pression de
sélection.
2.9 Conclusion
Le camouflage est le résultat d’une évolution de chaque espèce, dépendante du milieu
où elle vit et de son mode de vie. Il assure un avantage dans les relations prédateurs-proies,
mais uniquement vis-à-vis de certaines espèces. Le choix de cette stratégie entraîne aussi des
contraintes : la nécessité de se cantonner à un support adapté, une mobilité réduite durant la
journée…
1 Convergence de camouflages
Comparer les caractéristiques de 3 oiseaux nocturnes (si possible d’après des exemplaires empaillés,
pour les détails) : chouette effraie (= effraie des clochers Tyto alba), moyen-duc et engoulevent.
Effraie des clochers
Plumage
- couleur de fond blanc
- dessins
taches et mouchetures
diverses
Bec
Doigts
Face
crochu
transformés en serres
plate, forme un « visage »
Hibou moyen-duc
brun à gris
mouchetures sombres
crochu
transformés en serres
plate, forme un « visage »
Engoulevent
gris à roux
mouchetures sombres,
quelques taches
blanches
non crochu, très large
courts, normaux
normale
La similitude de plumage entre engoulevent et moyen-duc est frappante ; les autres caractéristiques
montrent qu’ils ne sont pas de proches parents (l’engoulevent ne partage pas les caractéristiques des
rapaces nocturnes : serres, bec crochu… qui permettent de réunir hiboux et chouettes dans l’Ordre de
Strigiformes ; l’engoulevent est apparenté aux martinets, Ordre des Caprimulgiformes).
Mais tous deux sont nocturnes ; inactifs durant la journée, ils ne fuient pas particulièrement la lumière
mais se posent sur les branches d’arbres ou au sol. Ils sont alors exposés aux prédateurs diurnes
(renard, martre, rapaces diurnes…) et au « harcèlement » par les passereaux. Une pression de sélection
similaire a sans doute agi sur eux, résultant en une convergence, qui est ici le camouflage en branche.
v Camouflage et choix du support
Reprenons les silhouettes de papillons à colorier (page VI) et ajoutons-y les deux espèces ci-dessous.
Comme précédemment, les élèves doivent les colorier aux couleurs des papillons ; puis les découper
suivant le contour. Mettons alors à leur disposition un « décor naturel » comprenant entre autres : des
feuilles mortes recroquevillées, des feuilles vertes de différentes formes, des écorces de différentes
couleurs (bouleau blanc et noir, chêne brun-gris, merisier très sombre…), ou emmenons les élèves
dans un parc où de tels éléments sont réunis.
Le « jeu » consiste alors à rechercher sur quel support chaque papillon sera le mieux camouflé.
On constatera vite que, les ailes ouvertes, ils restent tous très visibles : couleurs et formes qu’ils
exhibent lorsqu’ils sont actifs ne sont pas des camouflages. Ailes fermées par contre, le Citron se
confond très bien avec des feuilles vertes (par sa couleur, les nervures très saillantes des ailes, la
pointe de celles-ci…), le Robert-le-Diable avec des feuilles mortes (bord découpé des ailes et
couleur) ; pour se camoufler, Paon du jour et Petite tortue doivent se poser ailes fermées dans des
recoins sombres ou contre du bois mort, l’aurore dans l’herbe…
On voit donc que le camouflage impose des contraintes aux animaux, dans le choix de leurs supports.
le citron Gonepteryx rhamni
le Robert-le-Diable Polygonia c-album
3 L’ALARME
Le camouflage ne constitue certes pas la seule stratégie utilisable par les proies pour
limiter l’impact de la prédation ; certaines ont développé, entre autres : une carapace
protectrice ou des moyens de défense active (épines… éventuellement associés à des
comportements de « menace ») ;des techniques de fuite : course rapide, repli dans un terrier…
Lorsque l’animal n’est pas solitaire, cette fuite est souvent combinée avec un message
d’alarme, destiné à d’autres individus de la même espèce, dont la signification peut être
traduite par « attention, danger imminent ».
De telles alarmes intraspécifiques ne sont pas abordées dans l’exposition, ni ailleurs
dans ce document, car elles font surtout appel à des communications non visuelles :
acoustiques (cris d’alarme chez les oiseaux p. ex.) et/ou chimiques (phéromones d’alarme chez
les insectes sociaux par exemple). Plusieurs facteurs permettent de comprendre pourquoi les
signaux visuels sont rarement utilisés ici :
- l’exhibition d’un signal visuel met son émetteur fortement en danger, car il permet aussi au
prédateur qui le verrait de localiser cette proie précisément ; ce qui n’est pas nécessairement le
cas avec des signaux acoustiques ou chimiques ;
Les cris d’alarme des oiseaux ont été bien étudiés de ce point de vue. Ceux émis à
l’approche d’un prédateur terrestre (chat…), courts et terminés brusquement, diffèrent
de ceux produits vis-à-vis d’une menace aérienne (rapace…), longs et s’atténuant
progressivement.
Leurs caractéristiques de fréquence, de tonalité… sont en réalité celles qui minimisent
les possibilités de localisation de la source du cri dans l’espace.
- un signal visuel est peu efficace lorsqu’il s’agit de transmettre un message en un minimum
de temps à plusieurs individus, car il nécessite que tous les récepteurs regardent vers
l’émetteur à ce moment précis.
Il existe quand même quelques exemples de signaux visuels utilisés dans un contexte
d’alarme ; notamment :
•
Une antilope s’enfuyant devant un prédateur exhibe un « miroir » de poils blancs très
lumineux situés sur son arrière-train. Ce cas est controversé : s’agit-il d’une alarme dirigée
vers les autres antilopes (« danger ! »), ou vers le prédateur (« vous êtes repéré ! ») ?
•
Les attitudes d’inquiétude des individus « sentinelles » d’un groupe, de suricates par
exemple, peuvent attirer l’attention des congénères qui se mettent à leur tour à surveiller
les alentours ; mais le signal d’alarme proprement dit, celui qui provoque la fuite ou le
repli dans un abri… est alors plutôt un cri.
Ces alarmes proie → proie peuvent même éventuellement être interspécifiques : le message
peut être compris par une espèce différente et induire une réponse comportementale analogue.
Hors période de nidification, on observe souvent dans nos régions que les bandes
d’étourneaux sansonnets (Sturnus vulgaris) se mêlent à celles des vanneaux huppés
(Vanellus vanellus) stationnés dans les prairies. Les cris d’alarme des uns peuvent-ils
être « compris » par les autres ?
D’autres animaux ne fuient jamais devant leurs prédateurs potentiels car ils ont
développé une « défense passive » : ils sont toxiques, peu comestibles en raison de leur goût,
ou potentiellement dangereux car capables de piquer ou mordre en injectant ou non du
venin…
Oui mais, me direz-vous, quel avantage sélectif la toxicité pourrait-elle procurer si le
prédateur ne se rend compte de celle-ci qu’une fois la proie capturée (blessée ou tuée) ?
3.1 L’apprentissage chez les prédateurs
Examinons le cas d’animaux bien connus : les bourdons, munis d’un aiguillon et
parfaitement capables d’infliger une piqûre douloureuse, si on les saisit ou les agresse. Rien,
dans le comportement de ces insectes actifs durant la journée, n’indique qu’ils cherchent à
passer inaperçus aux yeux de prédateurs éventuels. Pourtant, ils en ont !
Examinons d’abord le cas de quelques prédateurs spécialistes ; parmi nos oiseaux, par
exemple : la bondrée apivore (Pernis apivorus) est un rapace qui déterre les nids
d’hyménoptères sauvages pour en manger le couvain, son visage est couvert de petites plumes
très serrées qui lui confèrent une protection contre les piqûres de guêpes adultes ; le guêpier
d’Europe (Merops apiaster) se nourrit quant à lui d’hyménoptères adultes qu’il arrive à
capturer sans se faire piquer, et qui se débarrasse de leur aiguillon en frottant la guêpe ou le
bourdon à plusieurs reprises sur une branche… Ces prédateurs spécialisés se sont donc
adaptés aux mécanismes de défense de leurs proies.
On peut souligner le fait qu’aucun mécanisme d’évitement de la prédation n’est
efficace à 100% : il y aura toujours des prédateurs (ou des parasites, qui sont souvent
plus spécifiques) capables de déjouer les camouflages, ou de détoxifier tel ou tel
poison, etc..
Et puis il y a toute une série de prédateurs généralistes, comme certains oiseaux
insectivores, des batraciens. On a pu montrer que ces derniers ne se méfiaient pas
instinctivement des bourdons ; ce n’est qu’après une expérience malheureuse avec l’un de
ceux-ci qu’ils éviteront de capturer tout ce qui, pour eux, ressemble à un bourdon.
L’expérience est très simple dans son principe : on élève un crapaud dès le stade œuf, en le
nourrissant avec, par exemple, des vers de farine, de sorte qu’arrivé à l’âge adulte il n’ait
encore jamais rencontré de bourdon. On le fait jeûner quelques jours puis on lui présente un
bourdon vivant : il tente de le capturer, se fait piquer et le recrache. On continue à nourrir le
crapaud de vers de farine : il les accepte. Après un jeûne de quelques jours on lui présente à
nouveau un bourdon : il le refuse. De même avec un insecte qui ressemble très fort au bourdon
mais ne lui est pas apparenté : la volucelle bourdon (Volucella bombylans ; Diptère Syrphidae).
Ces expériences ne sont pas facilement reproductibles dans un contexte scolaire : elles
demandent beaucoup de temps, les animaux testés ne doivent pas être soumis à un stress
exagéré… mais on peut faire le parallèle avec des comportements que chacun aura pu
observer : un jeune chat (ou enfant) qui s’est fait piquer par une guêpe évitera par la suite non
seulement les guêpes mais tout ce qui leur ressemble…
Au cours de sa vie de prédateur, un individu peut donc apprendre progressivement
quels types de proies sont potentiellement toxiques, immangeables ou dangereuses pour lui.
Cet apprentissage présente des bénéfices réciproques : le prédateur évite de se faire intoxiquer
ou de perdre du temps à poursuivre des proies immangeables ; il diminue la prédation sur les
espèces proies considérées.
La comparaison entre ces prédateurs spécialistes et les généralistes évoqués plus
haut permet d’insister sur la distinction entre une adaptation qui a une base
exclusivement génétique (le plumage de la bondrée), et une modification individuelle
du comportement au cours de la vie d’un animal, par apprentissage, qui n’est pas
transmissible génétiquement à la descendance.
L’apprentissage repose sur des caractéristiques de la proie qui permettent au prédateur
de la reconnaître. Le terrain était donc propice au développement de signaux de
communication.
v L’apprentissage grâce aux couleurs
1)
Faire sortir 4 élèves, leur expliquer le but du jeu : ils sont des prédateurs, les élèves restés en
classe sont des proies ; ils doivent « manger » un maximum, en s’adressant aux proies qui leur
donneront un bonbon, sauf certaines qu’il faudra éviter parce qu’elles « piquent » (distribuent des
punaises au lieu de bonbons).
2)
Donner à chaque proie un bonbon ou une punaise (au total, moins de bonbons que de
punaises). Faire entrer le premier prédateur, il dispose de 2 minutes pour rencontrer un maximum de
proies, après quoi il quitte le jeu et on redistribue punaises et bonbons.
Idem avec le 2e prédateur.
3)
4)
Avant l’entrée du 3e prédateur, toutes les proies « qui piquent » (qui distribuent des
punaises) revêtent un élément vestimentaire aux couleurs très reconnaissables (brassards
réfléchissants, écharpes rouge et blanc « de supporters de foot »…). Faire entrer séparément le 3e et le
4e prédateur.
5)
part.
Comparer le nombre de punaises récoltées par les prédateurs 1 et 2 d’une part, 3 et 4 d’autre
6)
Si tout se passe bien : la présence d’un signe distinctif (des couleurs très typiques) sur les
proies non mangeables aura permis aux prédateurs d’apprendre à les reconnaître et à les éviter.
3.2 Des couleurs qui frappent
Beaucoup de bourdons (Bombus terrestris, Bombus lucorum…) ont une coloration
faite de bandes de couleurs, entre autres le noir et le jaune. Ces couleurs mises côte à côte
forment un contraste violent, ce qui rend l’ensemble très visible et donc remarquable.
Le prédateur capable de percevoir ce contraste l’associera avec l’expérience
douloureuse ou désagréable qu’il a eue, d’autant plus facilement que ces couleurs l’ont
« frappé ». Au cours des rencontres suivantes avec un animal coloré de la sorte, elles
fonctionneront comme un signal d’alarme. On les appelle colorations d’avertissement ou
couleurs aposématiques.
Elles constituent une communication d’alarme proie → prédateur, dont le message
pourrait être traduit par « attention, je suis dangereux ou immangeable ».
Les plus fréquentes sont (avec un exemple d’insecte fréquent de nos régions, toxique
ou désagréable au goût ) :
-
les associations jaune + noir (la coccinelle à 22 points Tytthaspis (= Thea)
vigintiduopunctata) et rouge + noir (la punaise rayée Graphosoma italicum), ou d’autres
taches claires (blanc, jaune, orange) sur fond sombre ; grâce à ce contraste très marqué, le
signal serait même perceptible pour un prédateur ayant une vision en noir et blanc ;
-
le rouge vif (le cardinal, coléoptère du genre Pyrrochroa) ou l’orange vif
(coléoptères Cantharidae du genre Rhagonycha, très communs sur les ombellifères) ;
-
et diverses autres couleurs lorsqu’elles sont associées à un éclat métallique (de
nombreux coléoptères Chrysomelidae).
Mais ces signaux d’avertissement ne peuvent être efficaces sur les prédateurs
incapables de les apprendre, soit parce qu’ils ne les perçoivent pas, soit parce que leurs
facultés cognitives d’apprentissage sont trop limitées. Les épeires (araignées Araneidae) si
fréquentes dans nos jardins sont probablement dans ces deux cas : chassant à l’aide de toilespièges où elles repèrent leurs proies à l’aide de signaux vibratoires, elles ont des capacités
visuelles médiocres ; et leurs comportements de prédation essentiellement instinctifs ne
laissent que peu ou pas de place à l’apprentissage. On trouve d’ailleurs fréquemment à la fin
de l’été et en automne de nombreuses guêpes ou autres animaux aux colorations
aposématiques (coccinelles…) dans leurs toiles !
Rappelons aussi que contraste coloré n’est pas nécessairement synonyme de coloration
aposématique. L’association blanc + noir qu’on retrouve sur les ailes de nombreux papillons,
les écailles (Arctiidae) par exemple, est au contraire un camouflage par motifs disruptifs ! Et
nous avons déjà précisé plus haut que l’homochromie pouvait parfois consister en couleurs
très vives (orange vif de poissons ressemblant à des éponges encroûtées…).
Comme le camouflage, l’alarme devrait avant toute chose être étudiée dans le milieu
naturel de l’animal, pour déterminer si sa couleur tranche réellement avec celle de son
environnement habituel. Ainsi, la coccinelle à 22 points se nourrit de microchampignons,
surtout sur les feuilles de berce et de renoncules, qui sont vertes ; la punaise rayée vit sur des
ombellifères à fleurs blanches (ou jaunes) comme la carotte sauvage, ainsi que les
Rhagonycha. Pour un œil humain au moins, cela les rend effectivement très visibles.
Les colorations d’avertissement
1
Comparaison et lien avec des notions intuitives. Objectif : souligner le caractère frappant de
certains contrastes de couleurs, et leur rôle de communication.
« Quels sont les points communs entre certains feux de signalisation de la Région flamande et une
guêpe ? »
•
Tous deux alternent les bandes jaunes et noires, ce qui les rend bien visibles, attire
l’attention et permet de les reconnaître de loin.
•
Dans les deux cas, ces couleurs sont associées à un danger pour l’observateur :
l’approche d’un carrefour, un animal qui pique ; ce sont des signaux d’alarme.
Ailleurs dans le pays, les feux sont peints en rouge et blanc, autres couleurs contrastées (mais moins
que jaune + noir).
v Mise en situation. Objectif : mettre en évidence le caractère plus visible de certains contrastes de
couleurs :
1) On dispose aléatoirement dans un environnement « naturel » (parc…) des couples de blocs colorés,
style Lego, avec des combinaisons de couleurs différentes, toutes présentes en même quantité. Les
élèves sont des prédateurs qui pénètrent par groupes de deux sur ce terrain et doivent retrouver chacun
un maximum de blocs de couleurs données, dans un certain laps de temps. Redisposer les blocs
différemment après chaque groupe.
2) Version « intérieur » : scanner une image de décor végétal naturel ; y ajouter grâce à un logiciel de
traitement d’image de petits carrés allant par paires : en nombres égaux, des paires jaune+noir et
rouge+bleu par exemple. Distribuer la même image à toute la classe ; l’élève de gauche de chaque
banc devra « chasser » (pointer) le plus vite possible les objets jaune+noir, celui de droite les paires
rouge+bleu, en un laps de temps donné.
Discuter de la méthodologie pour aiguiser le sens critique nécessaire à la démarche expérimentale.
Ainsi, pour l’exemple proposé ci-dessus, il faudrait reproduire l’expérience une seconde fois, mais
avec les élèves de gauche comptant cette fois les rouge+bleu… Pour la même expérience, diviser la
classe en deux d’une autre manière : la moitié avant / la moitié arrière, n’est pas une bonne méthode :
les résultats pourraient alors plutôt traduire le fait que les élèves des premiers bancs ont une moins
bonne vue que ceux de derrière, ou que le fond de la classe est moins bien éclairé (ou peuplé d’élèves
plus dissipés…). On peut demander aux élèves d’imaginer leur propre expérience et la discuter de
même.
3.3 Mimétisme ou pas mimétisme ?
À partir du moment où une espèce est évitée par les prédateurs en réponse à sa
coloration aposématique, il peut être intéressant pour une autre espèce, victime des mêmes
prédateurs, d’imiter ce signal de communication, car elle pourra dès lors bénéficier de la
même protection. On a alors affaire à une imitation entre deux espèces animales, autrement
dit à du mimétisme vrai. L’espèce imitée est appelée le modèle, et l’espèce qui imite est le
mime.
Lorsque le mime n’est pas lui-même toxique, désagréable au goût, vulnérant, etc., en
un mot, lorsqu’il ferait une proie tout à fait convenable, on parle de mimétisme batésien. Si les
deux (ou plus de 2) espèces de proies impliquées dans l’imitation sont non comestibles ou
dangereuses, on parle de mimétisme mullérien.
Mais attention : toutes les ressemblances, même si elles concernent des couleurs
aposématiques, ne sont pas nécessairement le reflet d’un mimétisme !
Nous avons déjà évoqué plus haut les différentes sources possibles de ressemblance
entre deux espèces : le pur hasard, la parenté, la convergence, et l’imitation. Chacune de ces
causes peut être à l’origine du fait que deux espèces portent la même coloration
d’avertissement.
La condition sine qua non pour qu’une imitation ait bel et bien pu se développer grâce
à la sélection naturelle, c’est qu’elle doit apporter un bénéfice au mime. Ce bénéfice consiste
ici en une diminution de la prédation par les prédateurs qui ont déjà eu une expérience
malheureuse avec le modèle. Mimétismes batésien et mullérien n’existent donc qu’entre
espèces qui ont une partie au moins de leurs prédateurs en commun !
Ce qui implique que modèle et mime doivent :
1) cohabiter géographiquement (leurs aires de répartition se chevauchent au moins
partiellement ; ou éventuellement les prédateurs qu’elles ont en commun sont capables
d’aller de l’une à l’autre, comme les oiseaux migrateurs) ;
Il est ainsi peu probable qu’une espèce de papillon typiquement européenne soit
mimétique d’une autre, limitée à l’Amazonie…
2) occuper des habitats du même type ;
Pour prendre un exemple caricatural, il n’y a pas d’insecte aquatique mimétique d’insecte
terrestre, puisque les prédateurs y sont radicalement différents.
3) avoir une niche écologique voisine, notamment en ce qui concerne le rythme
journalier d’activité (diurne ou nocturne)
Ainsi, il est très peu probable qu’un mimétisme intervienne dans la ressemblance de
coloration entre guêpes et salamandre terrestre, toutes noir et jaune, car les premières sont
diurnes alors que la seconde n’émerge normalement qu’à la nuit tombée.
Le spectre de prédateurs des guêpes (oiseaux insectivores…) est notablement différent de
celui de la salamandre (quelques mammifères, la chouette hulotte ?). Il faut souligner que
les colorations d’avertissement sont rares chez les nocturnes ! Mais le jaune très lumineux
de la salamandre reste visible dans la pénombre…
Pour des espèces non apparentées, la probabilité d’avoir affaire à du vrai mimétisme
augmente quand il s’agit d’une ressemblance détaillée, portant sur de nombreuses
caractéristiques différentes (morphologiques, comportementales), et pour lesquelles on a du
mal à trouver d’autre fonction que celle d’accentuer la ressemblance avec une autre espèce.
1 Mimétisme ou pas mimétisme ?
Objectif : faire réfléchir sur la distinction entre « ressemblance » et « mimétisme »
La guêpe Vespula germanica, dont nous connaissons tous bien la piqûre douloureuse, a une coloration
d’avertissement noire et jaune. Bien d’autres animaux sont jaunes et noirs. Peut-on considérer pour autant qu’ils
imitent la guêpe ?
Parmi les animaux jaunes et noirs cités ci-dessous (à illustrer en couleurs si possible), il y en a au moins trois,
indiqués en gras, pour lesquels on peut être certain que ce n’est pas le mimétisme avec la guêpe qui est à
l’origine de cette couleur. En comparant les éléments de leur biologie qui sont donnés, rechercher pourquoi.
Classer les autres en mimes batésien et mullérien possibles.
espèce
la guêpe
Vespula germanica
le frelon
Vespa crabro
chenille de l’écaille du
séneçon Tyria jacobaeae
la sésie-frelon
Sesia apiformis
le chalcidien
Leucospis gigas
la cercope
Ptyelus flavescens
le longicorne
Clytus arietis
le syrphe
Syrphus ribesii
l’asile
Asilus crabroniformis
la salamandre
Salamandra salamandra
position systématique
Insectes Hyménoptères
Vespidae
Insectes Hyménoptères
Vespidae
Insectes Lépidoptères
Arctiidae
Insectes Lépidoptères
Sesiidae
Insectes Hyménoptères
Leucospidae
Insectes
Homoptères
Cercopidae
Insectes
Coléoptères
Cerambycidae
Insectes
Diptères
Syrphidae
Insectes
Diptères
Asilidae
Batraciens
1
dard
diurne
activité
région géographique
Europe
dard
diurne
Europe
toxique
diurne
Europe
néant
diurne
Europe
néant
diurne
Europe
néant
diurne
Afrique tropicale
néant
diurne
Europe
néant
diurne
Europe
piqure
douloureuse
toxique
diurne
Europe
nocturne, cachée la Europe
journée
Vespula germanica et Vespula vulgaris sont deux guêpes qui se ressemblent étroitement ; même si
l’origine de cette ressemblance ne doit pas être recherchée dans une imitation, le mimétisme mullérien
pourrait quand même jouer entre elles, et contribuer à ce qu’elles conservent un aspect très voisin.
3.4 Le mimétisme mullérien
Décrit pour la première fois par un certain Müller, il consiste donc en une
ressemblance étroite entre deux ou plus de deux espèces (on parle alors de « système
mullérien »), toutes protégées par leur caractère dangereux (toxicité, dard…) ou
immangeable.
Toutes les espèces impliquées dans un mimétisme mullérien bénéficient de leur
ressemblance mutuelle, puisqu’un prédateur ayant appris à se méfier des unes évitera aussi les
autres ; on peut dire aussi que ce système revient à partager les pertes en individus dues à la
prédation par des prédateurs communs. On comprend donc bien dans ce cas que l’évolution
puisse pousser à un perfectionnement du système, à une ressemblance visuelle la plus étroite
possible entre les espèces impliquées.
Dans les mimétismes mullériens les plus aboutis (notamment chez des Coléoptères et
Lépidoptères tropicaux), mimes et modèles sont visuellement quasi impossibles à distinguer.
On constate aussi qu’il s’agit alors d’espèces monotypiques : dont la variabilité géographique
est faible.
Mais il faut souligner qu’il existe une gradation entre mimétismes batésien et
mullérien : dans de nombreux cas, le mime n’est pas aussi toxique que le modèle, ce qui a des
conséquences importantes sur la façon dont le système peut évoluer.
3.5 Le mimétisme batésien
Décrit pour la première fois par H. W. Bates, il consiste donc en une ressemblance
étroite entre deux espèces, le modèle protégé par son caractère dangereux (toxicité, dard…)
ou immangeable, et le mime qui est parfaitement comestible.
Il peut porter sur les couleurs aposématiques bien sûr, mais aussi sur les formes de
l’animal, son comportement, voire même les sons qu’il produit (bourdonnement des ailes des
guêpes…).
Examinons comment, en théorie, ce mimétisme peut évoluer, au départ d’une
ressemblance fortuite entre un modèle et un mime, qui acquiert une caractéristique du premier
qui augmente leur ressemblance.
Le prédateur qui a appris à se méfier du modèle a tendance à éviter les individus mime
qui ressemblent le plus au modèle ; cette sélection naturelle sur le mime pousse donc à une
conservation de ce nouveau caractère, et à son extension dans la population du mime.
Jusqu’ici, rien de différent avec le mimétisme mullérien.
Voyons maintenant comment agit la sélection naturelle sur le modèle. Le même
prédateur, s’il a déjà rencontré et consommé des individus mimes, s’attaquera davantage aux
modèles qui ressemblent le plus au mime (puisque celui-ci est comestible). Donc, la sélection
tend à rendre le modèle différent du mime. Et plus les mimes seront fréquents, plus cette
sélection sera intense.
S’il l’on ne tient compte que de ces facteurs-là, le mimétisme batésien ne pourrait
donc se développer que pour les espèces mimes qui sont plus rares (et capables d’évoluer plus
vite) que leurs modèles : le mimétisme batésien est dépendant de la densité.
Mais, en réalité, le caractère plus ou moins toxique du modèle intervient également :
s’il est très redouté du prédateur, une ressemblance moins bonne peut être efficace, et le mime
peut être aussi fréquent que le modèle. C’est ce que l’on observe dans la nature.
Pour la Science n°251, septembre 1998
Le mimétisme chez les papillons : traite en détail du mimétisme batésien surtout, de ses implications
évolutives (variabilité des espèces…).
3.6 Conclusions
Pour une espèce qui dispose d’une « défense passive », il peut donc être avantageux de
s’afficher par des colorations très voyantes. Cette exposition aux regards a cependant aussi un
coût : une partie des individus succombera sous la dent des prédateurs « naïfs » (qui n’ont pas
encore appris leur toxicité), ou incapables de percevoir leurs signaux d’avertissement, ou trop
affamés pour en tenir compte.
Un raffinement de cette stratégie consiste à la combiner avec du camouflage : rester
invisible à grande distance, et n’exhiber ses couleurs aposématiques que lorsqu’un prédateur
s’approche exagérément (lorsque la probabilité d’avoir déjà été repéré est élevée).
On trouve ceci chez divers batraciens notamment, comme les sonneurs (genre
Bombina) au dos gris ou brun homochrome de la terre du bord des mares où ils vivent, mais au
ventre jaune ou rouge + noir, coloration aposématique typique associée au caractère toxique de
leurs sécrétions cutanées (avec la salamandre, ce sont les amphibiens les plus répugnants de
nos régions pour les prédateurs). Inquiété par un prédateur ou par l’homme, un sonneur
commencera par replier ses pattes et cambrer son dos pour exposer le dessous de ses membres
au regard, si on insiste il peut aller jusqu’à se retourner sur le dos complètement.
Inquiété, le sonneur expose
sa face ventrale qui porte des
couleurs d’avertissement.
1 Les espèces immangeables s’affichent
Confectionner comme ci-dessous des fiches signalétiques pour une série d’animaux, allant par paires :
une espèce non comestible à couleurs contrastées et une espèce comestible quelconque (qui n’est pas
un mime), appartenant au même groupe zoologique. Chaque fiche mentionne le nom de l’animal, sa
position systématique (Batraciens, Lépidoptères…), un pictogramme : par exemple Æ pour les
comestibles, 1 pour les toxiques ou vulnérants (si possible, détailler le caractère toxique : contient
telle substance…) et une illustration en couleurs. Ou seulement une partie de ces données, les élèves
devant rechercher l’illustration dans de la documentation fournie, ou compléter le groupe zoologique
en fonction de leurs connaissances…
« jeu » 1
les élèves travaillent en x groupes ; il faut donc disposer de x ensembles de cartes ;
on les distribue mélangées à chaque groupe
1° former des paires de cartes en rassemblant les animaux apparentés, les aligner verticalement
2° placer à gauche les espèces comestibles, à droite les autres
Quel est le point commun entre tous les animaux placés à droite ? Les couleurs contrastées.
Exemple de résultat :
Classe : Insectes
Ordre : Lépidoptères
phalène du bouleau
Æ
Classe : Insectes
Ordre : Lépidoptères
zygène du trèfle
1
contient du cyanure
Classe : Insectes
Ordre : Hyménoptères
mouche à scie
Æ
Classe : Insectes
Ordre : Coléoptères
guêpe
1
piqûre gênante ou
dangereuse
Classe : Amphibiens
Ordre : Urodèles
Classe : Amphibiens
Ordre : Urodèles
triton palmé
salamandre
terrestre
1
Æ
Classe : Insectes
Ordre : Coléoptères
hanneton
Æ
sécrétions toxiques
Classe : Insectes
Ordre : Coléoptères
coccinelle à 7
points
1
alcaloïdes toxiques
« jeu » 2
distribuer à chaque paire d’élèves une paire de fiches (non illustrées)
1° chaque élève recherche dans les ouvrages à disposition les couleurs dominantes de l’animal qu’il
représente
2° il choisit des vêtements, ou une casquette, une écharpe… de couleurs correspondantes (mais il est
difficile d’en réunir suffisamment !; cela peut être aussi des blocs de construction pour enfants style
Lego)
Que constate-t-on ? Au sein de chaque paire d’animaux, il y en a un très coloré ; c’est toujours le non
comestible.
4 EFFRAYER UN PREDATEUR
À côté de la stratégie utilisant des colorations d’avertissement, il en est une autre qui
utilise aussi un signal visuel et qui ressemble à une alarme, mais qui fonctionne sur un autre
principe et avec un objectif différent.
Le signal consiste ici en un motif complexe formé de cercles concentriques, les
« ocelles », évoquant l’aspect d’une paire de grands yeux. Il est présent chez diverses espèces
de papillons surtout.
Mais il est normalement caché lorsque l’animal est en position de repos (chez les
papillons, il est situé sur la 2e paire d’ailes, cachée sous la première) ; ce n’est que lorsqu’un
prédateur approche et se fait trop menaçant que la proie l’exhibe, très soudainement. Ce qui
provoque un effet de surprise chez le prédateur, qui peut suffire pour que la proie s’échappe.
Dans certains cas, le prédateur saisi reculera même, ou ira jusqu’à s’enfuir. Cela a été constaté
avec des oiseaux au moins.
L’effet que ces ocelles provoquent reposerait sur la crainte instinctive que beaucoup
d’animaux éprouvent lorsqu’un regard est braqué sur eux. Des expériences ont en tout cas
montré que les cercles concentriques sont plus efficaces que tout autre dessin, et que plus la
forme des ocelles imite de détails typiques des yeux, plus ils sont efficaces.
Cependant, le prédateur ne s’y laisse pas prendre longtemps : s’il peut observer le
signal durant un temps suffisant, celui-ci perd sa signification et la proie est capturée sans
hésitation ! Il est donc caché la plupart du temps et, si le prédateur n’a pas fui immédiatement
lorsqu’il a été produit, la proie est mise en péril.
C’est donc un cas limite de communication visuelle, où le signal n’a qu’une
signification temporaire. On peut cependant le rapprocher des autres « alarmes » par son
contenu, qu’on pourrait traduire par « attention, danger ! ».
Ces situations rappellent aussi fortement les comportements de menace, qui sont
également basés sur une communication de la proie vers le prédateur.
5 SYNTHESE
Deux types de mimétismes au sens strict ont été rencontrés jusqu’ici :
- l’imitation d’un animal non comestible par un autre, qui l’est aussi (mimétisme mullérien)
ou ne l’est pas (mimétisme batésien) ;
- l’imitation d’une caractéristique de prédateur : les grands yeux.
Leurs points communs tiennent dans l’identité des protagonistes de la communication,
dans sa signification et sa fonction : au sein d’une interaction prédateur-proie donnée
•
l’émetteur est toujours la proie ;
•
le récepteur est toujours le prédateur ;
•
le signal signifie « attention, danger » (ou « espèce non comestible ») ;
•
il a pour fonction de réduire la prédation sur la proie (le mime).
Dans le camouflage (tel que défini au départ) par contre : au sein d’une interaction
prédateur-proie donnée, le signal
•
peut être émis par le prédateur ou par la proie ;
•
peut être destiné à la proie ou au prédateur ;
•
peut être traduit par « je suis un élément du milieu, pas une proie potentielle ou un
prédateur » ;
•
peut avoir pour fonction d’augmenter l’efficacité de la prédation (au bénéfice du
prédateur), ou de diminuer la prédation sur la proie.
6 DE MULTIPLES AUTRES MIMETISMES
Hors du contexte de l’ « alarme » existent de nombreux autres exemples de
mimétisme. Les biologistes les classifient comme ci-dessus, suivant la nature des différentes
composantes de la communication : émetteur, récepteur et contenu du message, et donc bien
sûr suivant leur fonction (le bénéfice qu’en retire le mime).
On adoptera avec profit cette démarche pour prolonger en classe l’exposition :
décomposer des cas de mimétisme et les comparer constitue un excellent exercice d’analyse !
6.1 Détourner l’acte de prédation
Cette stratégie est brièvement évoquée sur les panneaux de l’exposition. Elle est
utilisée par des animaux (insectes mais aussi poissons) qui présentent de faux yeux,
éventuellement associés à d’autres structures comme des expansions du corps qui rappellent
des antennes, des pièces buccales, voire même la forme d’une tête entière.
Face à ces signaux, fréquemment plus visibles que la véritable tête, le prédateur peut
diriger son attaque vers le leurre, épargnant du même coup la vraie tête qui est plus vitale à
l’animal. Chez les papillons par exemple, la fausse tête est visible à l’extrémité postérieure
des ailes, lorsque celles-ci sont fermées ; dans nos régions, on trouve beaucoup de ces
papillons (théclas notamment), en fin de saison, dont cette partie des ailes est abîmée, portant
des traces possibles des attaques manquées des prédateurs… qui ne l’ont pas empêché de se
reproduire ! Chez les poissons, les faux yeux sont généralement à la base de la queue.
Des comportements particuliers des proies sont souvent associés à ces imitations :
poisson nageant « en marche arrière », papillon remuant les ailes à l’approche du prédateur…
sont des artifices susceptibles d’augmenter encore la confusion sur la localisation de la tête.
On peut décomposer cette communication comme suit : E= proie ; R= prédateur ;
signal= « attaquez-moi ici » ; fonction= réduire les conséquences de la prédation sur la proie.
Notons que l’on s’éloigne de la définition du mimétisme que nous avons adoptée,
puisqu’il n’est pas question ici d’une ressemblance avec une autre espèce ! De même pour
certains oiseaux nichant au sol, comme les pluviers et gravelots qui, à l’approche d’un
prédateur (renard, homme), s’éloignent de leur nid en criant et simulant une blessure (aile
pendante, démarche boitillante) : le but est d’attirer l’attention du prédateur par ces signaux et
de le détourner de leur progéniture. Il y a imitation de signaux par lesquels les prédateurs
repèrent leurs proies, mais pas d’une autre espèce animale en particulier !
6.2 Attirer une proie
Cette stratégie, appelée mimétisme peckhanien, n’est pas évoquée dans l’exposition.
Quelques exemples permettront de juger de la
grande diversité de situations
rencontrées ici, tant au niveau de la nature du signal (visuel, chimique, vibrations
mécaniques…) que de leurs destinataires :
1) Les antennaires, des poissons par ailleurs camouflés, ont une nageoire transformée
qui imite la forme et les mouvements d’un ver, d’un poisson, d’un crustacé (suivant l’espèce
d’antennaire considérée), ce qui leur permet d’attirer leurs propres proies : différentes espèces
de poissons qui consomment vers, petits poissons ou crustacés… ;
2) De petites araignées de nos régions, du genre Ero (Mimetidae), se déplacent avec
une grande lenteur sur les toiles d’autres petites espèces, et y produisent des signaux
vibratoires qui attirent l’araignée propriétaire de la toile (sans doute ceux de ses proies), qui
est alors mordue ; même stratégie chez l’araignée australienne Portia fimbriata (qui dispose
en outre d’autres techniques de chasse)
3) Chez les poissons : la blennie dévoreuse (Aspidontus taeniatus) est très semblable
en forme et en coloration au labre nettoyeur Labroides dimidiatus, qui a développé des
relations de commensalisme avec divers poissons : quand le labre nettoyeur adopte certaines
positions particulières, ces poissons s’en approchent et laissent le labre les débarrasser de
leurs parasites externes (jusqu’à l’intérieur de la cavité branchiale). La blennie imite forme et
comportements du labre nettoyeur… mais mord les poissons qu’elle a attirés !
4) Chez les vers luisants (Coléoptères Lampyridae), la femelle au sol émet des
signaux lumineux aux caractéristiques spécifiques (fréquence, durée des flashes, heure…),
destinés à attirer les mâles volants de la même espèce. Certains vers luisants américains
(Photuris versicolor) sont capables d’imiter les signaux produits par diverses autres espèces,
pour en attirer les mâles… aux fins de les dévorer !
5) l’araignée-bola australienne chasse « au lasso » (à l’aide d’une boule de glu
suspendue à un long fil sous elle) les papillons nocturnes ; son lasso émet une phéromone
attractive pour les papillons mâles : elle imite les phéromones sexuelles que produisent les
femelles papillons.
E= prédateur ; R= proie ; signal : « je suis une de vos proies OU un de vos
commensaux OU un autre membre de votre espèce » ; fonction : augmenter l’efficacité de la
prédation du mime
1 Imiter les signaux vibratoires des araignées
Il existe un moyen très simple pour attirer une araignée au beau milieu de sa toile. Il suffit de disposer
d’un diapason (vous savez, ce petit instrument métallique qui donne le « la »), de le faire vibrer en
heurtant une surface dure (caillou ou… crâne d’un élève) et de le mettre immédiatement au contact,
délicatement, d’une toile.
L’araignée propriétaire se précipite vers le diapason et souvent tente même de le mordre : vous avez
imité la vibration qu’émet une proie piégée dans la toile et qui se débat !
C’est la stratégie qu’utilisent certaines araignées chasseuses d’araignées.
Cela fonctionne en moyenne 2 fois sur 3, mais il faut que la toile soit occupée (et que l’état
motivationnel de l’araignée soit suffisant), et ne pas la perturber au préalable. Dans certains cas, on
peut même la duper ainsi plusieurs fois d’affilée ! Amusement garanti avec des enfants (et des plus
grands).
Essayer sur différents types de toiles : horizontales en nappe, verticales en roue de vélo, etc.. Certaines
espèces répondent très bien, d’autres pas du tout…
Pour la science n° 47, 1981
Mimétisme des signaux sexuels chez les vers luisants américains (« mimétisme peckhanien »).
Technique de chasse des « araignées-bola »
dessin d’après Preston & Mafham
6.3 Attirer un pollinisateur
Nous avons déjà parlé de certaines communications visuelles que les végétaux
entomogames ont développées vis-à-vis des insectes.
D’autres font appel à du mimétisme, qui peut être visuel et/ou chimique ; deux cas
célèbres :
- les ophrys (cf. exposition): certaines espèces d’orchidées imitent par la forme de leur
labelle (pétale transformé, en forme de « langue »), ses couleurs mais aussi les odeurs
produites, les femelles de diverses espèces d’insectes, surtout des hyménoptères (abeilles
solitaires, bourdons, guêpes solitaires). Au printemps, les mâles sont d’autant plus attirés par
ces signaux qu’ils émergent de leur diapause hivernale en moyenne avant les femelles ; en
l’absence de celles-ci, ils se posent sur le labelle de l’orchidée et tentent une copulation ; les
pollinies, sortes de sacs contenant le pollen de l’orchidée, viennent alors se coller sur le corps
de l’insecte, qui les véhiculera jusqu’à une autre fleur, assurant ainsi la pollinisation croisée
de la plante.
- le gouet tacheté (Arum maculatum) : cette plante très commune chez nous attire de
petites mouches (Diptères) grâce à son odeur qui imite celle de la nourriture de l’insecte :
charognes… La plante piège alors les mouches et les séquestre, jusqu’à maturité de ses
organes mâles ; lorsque les diptères peuvent quitter la prison végétale, ils sont couverts de
pollen…
Ce mimétisme sort donc du cadre prédateur-proie dans lequel nous avons analysé les
autres.
E= végétaux ; R= insectes ; signal : « je suis un partenaire OU de la nourriture » ;
fonction : assurer la reproduction sexuée croisée
1 La ressemblance orchidée / insecte
Sur un dessin ou une photo d’orchidée, rechercher les éléments visuels imitant des structures
anatomiques d’insectes.
structures imitées
tête avec antennes
thorax avec ailes ou pattes
abdomen
Pour la science novembre 1987
Le mimétisme chez les plantes
6.4 Passer inaperçu chez son hôte
C’est ce que l’on appelle le mimétisme wasmannien ; il n’est pas évoqué dans
l’exposition.
Il consiste, pour un animal commensal ou un parasite, à imiter des signaux de son
hôte, afin de pouvoir vivre avec lui. C’est le cas pour beaucoup d’animaux
« myrmécophiles » : qui vivent au sein des nids de fourmis. Pour ne pas être tués par cellesci, ils doivent être perçus comme faisant partie intégrante de la fourmilière ; cela peut faire
appel à des stimuli chimiques et à des stimuli tactiles, les deux modes de communication que
les fourmis utilisent entre elles.
Noter la différence avec un camouflage : il ne s’agit pas ici d’imiter des signaux qui
appartiennent à un environnement qui est neutre pour la fourmi, mais bien d’être reconnues
par elles comme une autre fourmi.
E= parasite social ou commensal ; R= hôte ; signal= « je suis un élément de la
société » ; fonction= se faire accepter par son hôte
Par ailleurs, de nombreux insectes et araignées sont « myrmécomorphes » : ils
ressemblent visuellement à des fourmis, parfois de manière très poussée, par leur
morphologie et leurs comportements (démarche saccadée…). Certains vivent à proximité des
nids de fourmis. Cela ne veut pas dire pour autant que c’est vers elles que ces signaux sont
dirigés ! Si l’on tient compte des perceptions visuelles de ces insectes, il est même très peu
probable que cela soit le cas… Alors, est-ce vis-à-vis de prédateurs, qui répugneraient à
consommer des fourmis ?
En matière de mimétismes, il reste encore beaucoup de choses à étudier…
1 Les araignées myrmécomorphes
Si possible, réunir une série de fourmis de différentes espèces, et une araignée myrmécomorphe (il en
existe plusieurs genres chez nous, mais pas très faciles à trouver : Myrmarachne, Synageles, Micaria,
Phrurolithus…), ou utiliser les illustrations ci-dessous.
Faire compléter un tableau du type suivant et y chercher l’intrus :
« fourmi » 1
« fourmi » 2
« fourmi » 3
« fourmi » 4
nb yeux
2 (+ ocelles)
2
8
2 (+ ocelles)
nb antennes
2
2
0
2
nb pattes
6
6
8
6
pièces buccales
mandibules
mandibules
chélicères
mandibules
L’individu 3 n’est pas une fourmi (il n’a d’ailleurs pas les caractéristiques d’un insecte) mais une
araignée qui imite une fourmi.
Annexe
N’achetez pas d’animaux exotiques !
De nombreuses espèces de batraciens et de reptiles illustrent à merveille les thèmes du
camouflage (sonneurs, rainettes, caméléons, geckos…) et/ou des colorations d’avertissement
(sonneurs, dendrobates, quelques serpents…).
La tentation sera souvent forte de présenter aux élèves des espèces exotiques en
captivité. Il faudrait pourtant l’éviter, pour des raisons scientifiques autant que pédagogiques.
N’oublions pas que :
•
Aujourd’hui encore, le commerce de nombre de ces espèces repose sur des
prélèvements d’individus dans la nature. Que ce commerce nuit à la biodiversité et, dans
les conditions où il est pratiqué, à une exploitation durable des ressources naturelles. Il
peut aller jusqu’à mettre en péril la survie même de certaines espèces (caméléons
endémiques de Madagascar, certains serpents de la région méditerranéenne p.ex.).
•
Ce commerce se fait au prix de lourdes pertes en individus, et de souffrances
physiques mais aussi « psychologiques » (stress…) lors des différentes étapes : capture,
transport, maintien en captivité.
•
Montrer un crapaud, une grenouille, un lézard ou un serpent en terrarium éveillera
toujours l’envie, chez quelques élèves au moins, de se lancer dans de telles activités,
d’en acheter… quelles que soient les précautions oratoires que l’on prenne !
•
Il ne s’agit en rien d’animaux « domestiques ». Les rapports que l’on peut entretenir
avec un batracien ou un reptile, comme avec un insecte, sont essentiellement des
rapports de possession. Il ne faut espérer d’eux ni affection, ni gratitude, ni aucun des
sentiments que l’on projette habituellement sur le chien ou le chat.
•
En ce début de XXIe siècle, un des rôles fondamentaux du pédagogue de la biologie
devrait être de promouvoir un nouveau rapport à la nature, basé sur l’observation dans
le milieu et, avec les plus jeunes notamment, sur une approche sensorielle et
émotionnelle. La captivité fausse considérablement ce rapport.
Allons donc observer la grenouille ou le lézard dans leur milieu naturel ! La faune
belge est riche (15 espèces de batraciens, 3 de lézards et 3 de serpents), et il n’est pas si
difficile de partir à sa découverte.
Contentons-nous, pour un éventuel élevage, de phasmes (Carausius) qui se
reproduisent aisément en captivité et ne posent aucun problème si, d’aventure, ils venaient à
s’échapper.
Orientation bibliographique
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Paris. 187 p. ISBN 2-02-035942-1
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