Lycée franco-mexicain – Année scolaire 2016-2017 – Cours Olivier Verdun
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A.1) Essence et existence (repère : accidentel/essentiel)
L’existence, nous l'avons vu dans l'introduction, c’est d’abord le fait que quelque chose est
ou existe. Si l'existence et l'être semblent être des termes apparemment équivalents, cette
équivalence est trompeuse : dire d’une chose qu’elle est, c’est poser son existence; dire ce qu’elle
est, c’est définir son essence. L’existence renvoie à l’être, non en tant qu’essence, mais à l’être en
tant qu’il s’oppose au néant. En effet, exister, en ce sens-là, c'est le simple fait d'être, de se
trouver là concrètement. Par opposition, le néant désigne ce qui n'existe pas encore, ou
n'existe plus, ce qui, en tout cas, n'a pas d'être ou de réalité.
On distingue généralement la notion d'essence de celle d'accident : l'essence désigne ce qu'est
un être, sa nature, ce qui le définit, l'ensemble de ses propriétés, indépendamment du fait que cet
être existe, l'accident qualifie ce qui existe non en soi-même mais en une autre chose, ce qui peut
être modifié ou supprimé sans que la chose elle-même change de nature ou disparaisse. La notion
d'essence est alors proche de celle de substance, entendue comme la réalité permanente qui
sert de support aux accidents, qualités, attributs, cela même qui demeure le même tout en
subissant des modifications. Il y a ainsi une différence entre savoir s'il y a ou qu'il y a une éclipse,
et savoir ce qu'est une éclipse.
De ce point de vue, l’essence semble posséder une supériorité sur l’existence, puisqu’elle
constitue la nature permanente et universelle d’une chose : si tel triangle dessiné sur la table
peut cesser d’exister, il n'en est pas de même de l'essence du triangle. Ainsi, selon Platon,
l’existence appauvrit-elle l’essence, le passage du possible (autre nom de l'essence) à la réalité
constitue une déchéance. Donnons un exemple : nos projets, nos espoirs, par exemple, qui se
situent au niveau du possible, sont riches en comparaison de nos réalisations effectives; avec un
billet de $ 500, je puis faire d'innombrables projets d'achat, mais de ces projets je ne pourrai
jamais réaliser qu'un seul; ne pouvoir être qu'une chose à la fois, voilà le drame de l'existence
et on comprend dès lors qu'on puisse la considérer comme une dégradation.
La science, selon Platon, n'a pas pour objet la connaissance de ce qui existe : elle vise au
général et s'intéresse moins à une espèce particulière qu'à un genre englobant des espèces
multiples (aux rongeurs plutôt qu'aux souris, aux vertébrés plutôt qu'aux rongeurs, etc.). Pour que
la science constitue une connaissance du réel, il faut admettre, derrière les caractères individuels
des êtres existants, une essence qui peut se multiplier dans un nombre indéfini d'individus. Ce
n'est pas tant le réel qui est objet de la science que le nécessaire et l'universel,
caractéristiques de l’essence.
A.2) L’existence déduite de l’essence : l’argument ontologique
L'étymologie du mot « existence » (existentia, de sistens, « se tenant », et de ex, « à partir
de ») suggère que l'existence surgit à partir de quelque chose : l’acte de sortir (ex-sistence), le
fait de « paraître », de « se manifester », de « sortir de ». Est-il alors possible de déduire
l'existence, de poser un principe dont l'existence dériverait nécessairement ? C’est dans la
perspective chrétienne de la création ex nihilo qu’est introduite la distinction entre essence et
existence.
Dans la cinquième de ses Méditations métaphysiques, Descartes entend apporter la preuve de
l’existence de Dieu à travers un raisonnement que l’on a qualifié d’« argument ontologique ». Cet
argument consiste, par analyse de la simple notion que j’ai de Dieu, à conclure à l’existence de
l’objet de cette notion – Dieu. Dieu est l’être parfait et son inexistence serait une imperfection,
c’est-à-dire une privation d’être. Dieu est l’être dont l’essence est telle que l’existence ne peut en