2 Le champ électrique

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Chapitre 2 OSPH
Le champ électrique
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2 Le champ électrique
Tout comme la loi de la gravitation de Newton, la loi de Coulomb fait intervenir la notion
d'action à distance: elle fait état d'une interaction entre des particules, mais n'explique pas le
mécanisme par lequel la force se transmet d'une particule à l'autre. Newton n'était d'ailleurs pas
totalement satisfait de cet aspect de sa théorie. En 1600, William Gilbert avait déjà essayé
d'expliquer comment un corps chargé peut « agir à distance » et produire un effet sur un autre
corps: il supposait que, lorsqu'on frottait un corps chargé, celui-ci libérait des vapeurs, ou
«effluves», et s'entourait ainsi d'une «atmosphère». En revenant vers le corps d'origine, les
effluves soulevaient des objets légers. Selon Gilbert, on pouvait ressentir ces effluves sous
forme de picotements au visage lorsqu'on s'approchait d'un corps électrifié. Un mécanisme
différent fut proposé vers 1650 par René Descartes, qui imagina l'espace rempli d'un milieu
invisible nommé éther. Selon Descartes, un corps chargé produisait dans l'éther des tourbillons
qui se dirigeaient ensuite vers d'autres corps sur lesquels ils exerçaient des forces.
Selon la théorie moderne, une particule chargée n'émet pas d'«atmosphère» et n'a pas besoin
de milieu intermédiaire pour interagir avec une autre charge. La description moderne de
l'interaction entre des particules chargées s'appuie sur la notion de champ.
2.1
Le champ électrique
Considérons deux charges ponctuelles séparées par une certaine distance. Nous savons
qu'elles agissent l'une sur l'autre, mais comment pouvons-nous décrire la façon dont chacune
de ces charges détecte la présence de l'autre ? On dit qu'une charge électrique crée un champ
électrique dans l'espace qui l'entoure. Une deuxième particule chargée ne va pas interagir
directement avec la première, mais plutôt réagir au champ dans lequel elle se trouve. En ce
sens, le champ joue le rôle d'intermédiaire entre les particules chargées.
Examinons le champ créé par une charge ponctuelle statique Q. On peut obtenir la
configuration du champ en mesurant la force agissant en divers points sur une petite charge
d'essai qt. À chaque point de l'espace correspond donc un vecteur force unique. En un point

donné, le vecteur champ électrique E est défini comme étant la force par unité de charge
placée en ce point:

 F
E
qt

L'unité S.I. de champ électrique est le newton par coulomb (N/C). Le champ E est de même
sens que la force agissant sur une charge d'essai positive; cette charge d'essai doit être assez
petite pour ne pas perturber les charges qui produisent le champ électrique que l'on veut
mesurer. Dans le cas particulier de la charge ponctuelle Q, la loi de Coulomb nous donne
 kq Q 
F  t2 ur
r
On tire donc de l'équation précédente l’expression du champ électrique créé par la charge
ponctuelle Q :
 kQ 
E  2 ur
r

Le champ E est une propriété d'un point de l'espace et dépend uniquement de la source du
champ, c'est-à-dire de Q. Le champ existe, même en l'absence de la charge d'essai qui sert à le
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Le champ électrique
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mettre en évidence. Lorsqu'on connaît le champ, on peut déterminer la force agissant sur une
charge quelconque q à partir de la relation :


F  qE
où É est le champ résultant produit par toutes les charges présentes, à l'exception de la charge
q elle-même. Si la charge q est positive, la force agissant sur elle est de même sens que le
vecteur champ; si la charge q est négative, la force agissant sur elle est de sens opposé au


vecteur champ. On remarquera que cette équation a la même forme que la relation F  mg ,
dans laquelle g est le champ gravitationnel (N/kg).
Exemple 2: Par temps clair, on observe à la surface de la Terre un champ électrique de 100
N/C environ, vertical et dirigé vers le bas. Comparer les forces électrique et gravitationnelle
agissant sur un électron.
Le principe de superposition qui s'applique à la
loi de Coulomb s'applique également au champ
électrique. Pour calculer le champ créé en un point
par un système de charges, on détermine d'abord


séparément les champs E1 dû à Q1 , E 2 dû à Q2 et
ainsi de suite. Pour N charges ponctuelles, le
champ résultant est égal à la somme vectorielle :
  


E  E1  E 2    E N   E i
où
 kQ 
E i  2 i u ri
ri
Puisque chaque vecteur unitaire a comme origine une charge différente, cette équation risque
d'être très difficile à utiliser. Il est en général plus facile de suivre l'approche décrite au chapitre
1.
Méthode de résolution : Le champ électrique.
1. Tracer d'abord les vecteurs champ au point donné (on peut trouver leur sens en imaginant
une charge positive située en ce point).
2. Déterminer le module du champ dû à chacune des charges; on ne doit pas tenir compte du
signe des charges. Pour ce faire, on écrit l'intensité du champ sous la forme
E
kQ
r2

3. Placer l'origine au point où l'on a calculé E . Le choix des

axes va déterminer les signes des composantes du champ E .
Exemple : Soit deux charges ponctuelles, Q1  20 C en (-d, 0)
et Q2  10 C en (+d, O). Déterminer le champ résultant en
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un point de coordonnées (x, y). On donne d = 1,0 m et x = y = 2 m.
2.2
Les lignes de champ
Considérons le champ électrique créé par une charge ponctuelle
positive Q. Le champ en un point quelconque peut être
représenté par une flèche dessinée à l'échelle. La figure montre
les flèches représentant le champ créé en quelques points par
deux charges ponctuelles égales et opposées. L'utilisation de
flèches de longueur et d'orientation diverses risquant de porter à
confusion lorsque plusieurs charges sont présentes, on
représente le champ électrique par des lignes de champ ou
lignes de force continues. Ces lignes partent d'une charge
positive et se dirigent vers une charge négative. Lorsqu'une
personne ayant les cheveux longs touche une sphère fortement
chargée, ses cheveux s'orientent suivant les lignes de champ et
se dressent radialement sur sa tête, ce qui représente un effet
spectaculaire du champ. On peut aussi visualiser la configuration
du champ en parsemant des semences de gazon à la surface d'un
liquide, de l'huile par exemple. Lorsqu'on immerge dans le
liquide des électrodes fortement chargées, les semences
s'orientent dans la direction du champ local. La configuration
des semences et des lignes de champ correspondantes est
illustrée pour deux charges ponctuelles égales et de signes
opposés.
La configuration des semences et des lignes de champ correspondantes est illustrée pour deux
charges ponctuelles égales et de même signe.
Les lignes de champ ont été introduites vers 1840 par Faraday, qui les considérait comme des
lignes réelles et allait même jusqu'à leur attribuer des propriétés élastiques: selon lui, on
pouvait «sentir» les lignes attirer les charges l'une vers l'autre ou les repousser. Selon la théorie
moderne, ces lignes ne sont pas réelles, mais elles nous aident à mieux visualiser le champ,
qui, lui, est bien réel.
Les lignes de champ peuvent aussi nous renseigner sur l'intensité du champ. On remarque en
effet qu'elles sont plus rapprochées là où le champ est intense et qu'elles sont plus espacées là
où le champ est faible. L'intensité du champ est proportionnelle à la densité des lignes,
c'est-à-dire au nombre de lignes traversant une surface unitaire normale à la direction du
champ. Supposons que N lignes partent d'une charge ponctuelle isolée. À une distance r de la
charge, les lignes sont réparties sur une surface sphérique d'aire égale à 4r 2 . La densité des
lignes est donc égale à N 4r 2 et diminue en 1 r 2 , tout comme la valeur du champ.
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À la figure, le champ est intense en A et plus faible en
B. Comme aucune ligne de champ ne passe en C, on
pourrait penser que le champ y est nul; il faut toutefois
se rendre compte que, pour ne pas surcharger le dessin,
quelques lignes de champ seulement ont été tracées et
que si l'on en traçait dix fois plus, quelques-unes
passeraient certainement en C. Le nombre de lignes qui
partent d'une charge unitaire importe peu; ce qui
importe en réalité, c'est la densité relative des lignes en
divers points.
Voici un résumé des propriétés des lignes de force.
Les lignes de champ électrostatique vont toujours des charges positives vers les charges
négatives.
Le nombre de lignes qui partent d'une charge ou qui se dirigent vers elle est proportionnel à la
grandeur de la charge.
La direction du champ en un point est tangente à la ligne de champ.
L'intensité du champ est proportionnelle à la densité des lignes de champ, c'est-à-dire au
nombre de lignes traversant une surface unitaire normale au champ.
Les lignes de champ ne se coupent jamais.
Exemple : Dessiner les lignes du champ créé par deux charges ponctuelles 2Q et -Q.
Solution: On peut établir la configuration des lignes de champ en tenant compte des points
suivants :
Symétrie: À tout point situé au-dessus de la ligne joignant les deux charges correspond un
point équivalent en dessous de la ligne. La configuration doit donc être symétrique par rapport
à la ligne joignant les deux charges.
Champ au voisinage immédiat: Au voisinage immédiat d'une charge, le champ qu'elle crée
est prépondérant et les lignes de forces sont donc radiales et de symétrie sphérique.
Champ en un point éloigné: Très loin du système de charges, la configuration doit ressembler
à celle d'une charge ponctuelle unique de valeur (2Q - Q) = + Q. Autrement dit, les lignes de
force doivent être radiales et dirigées vers l'extérieur.
Point où le champ est nu/: 11 existe un point où E = 0. Aucune ligne de force ne doit passer
par ce point.
Nombre de lignes: Les lignes partant de +2Q sont deux fois plus nombreuses que celles qui
arrivent en -Q.
2.3
Le champ électrique et les conducteurs
Lorsqu'un conducteur est placé dans un champ « extérieur », les électrons se répartissent
différemment et produisent un champ « intérieur ». Dans des conditions statiques, le champ
total à l'intérieur d'un conducteur est nul.
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Si le champ total E ext  E int à l'intérieur du conducteur n'était pas
nul, les électrons libres se déplaceraient sous l'effet de ce champ
et augmenteraient ainsi le champ intérieur. Ce processus se
poursuivrait jusqu'à ce que l'équilibre électrostatique soit atteint,
c'est-à-dire jusqu'à ce que le champ total devienne nul à
l'intérieur du conducteur.
Dans des conditions statiques, le champ macroscopique total à l’intérieur d’un
conducteur homogène est nul.
Le terme macroscopique (qui signifie à grande échelle) a été ajouté ici parce qu'il existe de
nombreux champs complexes entre les électrons et les noyaux mais que la somme de ces
champs est pratiquement nulle à grande échelle, la valeur moyenne
étant nulle sur un grand nombre d'atomes. Le terme homogène est
également important: lorsque deux métaux (par exemple le zinc et le
cuivre) sont mis en contact, il y a séparation des charges positives et
négatives à l'interface. Un champ électrique règne dans l'interface bien
que la charge globale sur les conducteurs soit nulle.
Supposons maintenant qu'il existe un champ électrique faisant un
certain angle avec la surface d'un conducteur. La source du champ
pourrait être extérieure ou bien due à des charges présentes sur l'objet
lui-même. Les électrons libres vont réagir à la composante du champ qui est parallèle à la
surface et vont rapidement la ramener à zéro. Dans des conditions statiques, le champ
électrique en tout point de la surface d'un conducteur est normal à la surface.
2.4
Les charges en mouvement dans un champ statique uniforme
Nous allons étudier maintenant le cas de particules chargées en mouvement dans des champs
statiques uniformes. Lorsqu'on étudie le mouvement de particules élémentaires comme les
protons ou les électrons dans des champs électriques, on peut négliger la force gravitationnelle
(on suppose également que la vitesse des particules est très inférieure à la vitesse de la
lumière). Une particule de masse m et de charge q placée dans un champ électrique est
soumise à une force F = qE. D'après la deuxième loi de Newton, F = ma, son accélération est :

 qE
a
m
Si le champ est uniforme, l'accélération est constante en
grandeur et en direction; nous pouvons donc utiliser les
équations de la cinématique valables pour une accélération
constante.
Exemple : Un proton parcourt une distance de 4 cm
parallèlement à un champ électrique uniforme E  10 3 N C ,
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Le champ électrique
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comme le montre la figure. Trouver sa vitesse finale si sa vitesse initiale est égale à 105 m/s.
Exemple : Le tube à rayons cathodiques (TRC) est utilisé dans les postes de télévision, les
écrans d'ordinateurs et certains appareils électroniques comme l'oscilloscope. Un mince
filament chauffé émet des électrons qu'on fait passer par des ouvertures percées dans deux
disques, de manière à obtenir un faisceau. Leur vitesse initiale est v0 . Ils se déplacent entre
deux plaques de longueur l qui produisent un champ électrique uniforme. Dans le champ, leur
accélération est constante et leur trajectoire est donc parabolique, comme pour tout projectile
près de la surface de la Terre. Après avoir quitté la région comprise entre les deux plaques, ils
se dirigent en ligne droite vers un écran recouvert d'une substance fluorescente, du ZnS par
exemple. Un petit éclair lumineux est produit chaque fois qu'un électron frappe l'écran.
Déterminer: (a) la position verticale de l'électron à sa sortie des plaques; (b) à quel angle il
émerge des plaques; (c) sa déviation verticale finale sur l'écran, qui se trouve à une distance L
de l'extrémité des plaques.
2.5
L’expérience de la goutte d’huile
Pour séparer la mesure de la charge de l’électron de celle de sa
masse, Millikan (1868-1953) imagina une expérience minutieuse,
l’expérience de la goutte d’huile. De minuscules gouttes d’huile,
dotées d’une charge électrique, tombaient en chute libre entre
deux plaques parallèles. Le champ électrique y était réglé de telle
sorte qu’elles restaient suspendues en l’air. Dans ce cas, mg  eE
La masse de la gouttelette était déterminée à en mesurant sa
vitesse limite de chute, en l’absence de champ électrique et à
l’aide de la formule de Stokes:
F  6R V et en sachant que l’accélération de la goutte est nulle (elle accélère jusqu’à ce
qu’elle atteigne la vitesse limite) On peut alors poser: mg  F  FA  0 . Si l’expérience se
déroule dans l’air, à 20°C, on peut négliger la poussée d’Archimède et ainsi:
4
6R V
m  R 3 
d’où
3
g
R
9 V

2 g
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Le champ électrique
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La charge des gouttelettes était donnée par frottement lors de la pulvérisation. Elle était tantôt
positive, tantôt négative.
Le résultat de l’expérience menée par Millikan a montré que la charge élémentaire valait
e  1,6  10 19 C ainsi que la charge des gouttes était un multiple de cette charge élémentaire
autrement dit que la charge est quantifiée.
2.6
Exercices
1. L'intensité du champ est-elle
constante le long d'une ligne de
force ?
2. On place une charge d'essai dans le
champ créé par deux charges
ponctuelles. Les lignes de champ
indiquent-elles les trajets possibles
pour la charge d'essai ?
3. Quel est le champ électrique
nécessaire pour compenser le poids
des particules suivantes près de la
surface de la Terre: (a) un électron;
(b) un proton?
4. Par beau temps, on observe à la
surface de la Terre un champ de
120 N/C dirigé vers le bas. (a)
Quelle est la force électrique
agissant sur un proton dans un tel
champ? (b) Quelle est l'accélération
du proton?
5. Une gouttelette a une masse de 1013
kg et une charge de +2e. Dans
quel champ électrique vertical la
gouttelette serait-elle en équilibre
près de la surface de la Terre ?
6. Soit une charge ponctuelle Q1 en x
= 0 et une charge Q2 en x = d.
Quelle est la relation existant entre
ces charges si le champ résultant est
nul aux points suivants: (a) d/2; (b)
x = 2d ?
7. Le rayon du proton est égal à
0,8 10 15 m . (a) Quel est le champ
électrique à sa surface? (b) Quel est
le champ électrique à la distance de
0, 53 10 10 m (position de l'électron
dans l'atome d'hydrogène) ?
8. On donne une charge ponctuelle q
en x = 0 et une charge - q en x = 6
m. Calculez le champ en fonction
de x pour les valeurs positives et
négatives de x à intervalles de
0,5 m. Faites un tracé à main levée
de E(x).
9. Trois charges ponctuelles sont
situées aux sommets d'un triangle
équilatéral. Deux des charges sont
égales à q et la troisième à -q.
Dessinez les lignes de champ. (Y-at-il un point où E=O ?)
10. Dessinez les lignes du champ créé
par une charge ponctuelle en face
d'un plan infini portant une charge
positive répartie uniformément. On
supposera que la charge est (a)
positive; (b) négative.
11. Dessinez les lignes du champ créé
par une paire de charges + 3q et - q.
12. Dessinez les lignes du champ créé
par un disque fini chargé
uniformément dans un plan
perpendiculaire au plan du disque et
passant par son centre. (Tenez
compte de la forme des lignes près
du centre et loin du disque.)
13. Dessinez les lignes du champ créé
par une paire de charges +2q et +q.
14. Deux charges égales et positives +Q
sont placées aux extrémités de la
diagonale d'un carré. Deux charges
négatives -Q sont aux extrémités de
l'autre diagonale. Dessinez les lignes
de champ.
15. Une charge de 16 C est placée au
centre d'une cavité métallique
sphérique portant –8 C. Quelles
sont les charges sur les surfaces
intérieure et extérieure de la cavité?
Représentez les lignes de champ à
l'intérieur et à l'extérieur de la cavité.
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