4
Au Japon, la baisse tendancielle de la vitesse revenu
s’accélère sensiblement à partir de 1998-1999. Ce phé-
nomène traduit l'action poursuivie par les autorités
monétaires japonaises depuis l'entrée en déflation :
pour mettre fin à la baisse auto-entretenue des prix, les
autorités monétaires mènent en effet une politique de
quantitative easing qui consiste à injecter suffisamment
de liquidités pour supprimer les contraintes de finan-
cement du système financier.
Aux États-Unis, en revanche, la vitesse revenu évolue
de manière moins nette, notamment en raison du rôle
central que le dollar occupe dans l'économie mondiale
en tant que monnaie de réserve et de transaction2. Elle
baisse cependant fortement à partir de 2000.
La rupture est particulièrement nette pour la zone
euro, où la «vitesse revenu» décroît à un rythme très
régulier jusqu'en 2001 puis baisse plus fortement
(cf. graphique 3). Il est possible de décomposer ce
ralentissement de la vitesse revenu entre une accéléra-
tion de la masse monétaire, un ralentissement de la
croissance, et/ou un ralentissement des prix. Une telle
décomposition montre qu'avant et après 2001, le
rythme moyen de croissance du PIB et des prix a peu
évolué, mais que la masse monétaire a en revanche
fortement accéléré (cf. tableau 1).
Graphique 3 : ralentissement tendanciel de la
circulation de la monnaie et ralentissement actuel
en zone euro
Note : la tendance représentée (–0,75% par an) est la tendance de
moyen terme retenue par la BCE. Sur la période 1980-2000, le
rythme de décélération de la vitesse revenu observé en zone euro
est de –1% par an mais une partie de cette décélération était due à
la baisse concomitante de l'inflation et des taux d'intérêts. La BCE,
en s'appuyant sur plusieurs études de la fin des années 1990,
retient donc sur moyenne période le rythme de –0,75% ; voir à ce
sujet le Bulletin mensuel de la BCE, décembre 2000
Tableau 1 : décomposition du ralentissement de la
circulation de la monnaie dans la zone euro
(en rythme annuel)
Une autre façon de décomposer ce ralentissement de
la vitesse revenu, est de comparer les évolutions effec-
tivement enregistrées par rapport à un scénario ten-
danciel. Pour la zone euro, le PIB y évoluerait à son
rythme potentiel (soit 2,25%, estimation de la BCE
dans son bulletin mensuel de décembre 2000), l'infla-
tion sur l'objectif de la BCE (à un niveau proche mais
inférieur à 2%), la vitesse revenu continuerait de bais-
ser à son rythme de référence sur moyenne période
(–0,75%). Dans ce scénario, la masse monétaire
devrait croître au rythme annuel de
5%(=2%+2,25%+0,75%). Si cette décomposition
rend globalement compte de ce que l'on observe pen-
dant les années 1990, ce n'est plus du tout le cas à par-
tir de 2001 où l'on assiste à un fort ralentissement de
la vitesse revenu que traduit la forte accélération de la
masse monétaire (cf. tableau 2).
Tableau 2 : décomposition de l'écart à un scénario
tendanciel de la vitesse de circulation de la monnaie
(en rythme annuel)
Une rupture aussi nette dans l'évolution de la vitesse
revenu dans différents pays indique qu'il y a bien
abondance exceptionnelle de liquidité dans l'écono-
mie mondiale. Faut-il pour autant parler d'excès, c'est-
à-dire d'accumulation de pressions inflationnistes qui
pourraient à terme se manifester ? La réponse dépend
à la fois des explications conjoncturelles ou structurel-
les que l'on peut trouver à la rupture observée, et des
symptômes de pressions à la hausse sur les prix.
2. Pour le moment, l'abondance de liquidi-
tés ne s'est pas accompagnée d'une
hausse de l’inflation malgré l’accéléra-
tion de certains prix de production. Elle
est en revanche sans doute responsable de
la hausse du prix des actifs
A court terme, l'abondance de liquidité est mesurée
par le décrochement entre la masse monétaire et le
PIB en valeur. Par définition, l'excès de liquidité n'est
pas dans les prix. Cependant, à long terme, il existerait
2. D'autres facteurs expliquent l'instabilité de la vitesse revenu aux
États-Unis. Au début des années 1990, à la suite des innovations
financières, les ménages américains ont violemment délaissé les
liquidités au profit d'actions et d'obligations. A la même période,
les institutions financières américaines, contraintes en termes
d'expansion de leurs prêts ont incité les ménages à faire de faibles
dépôts en garantissant des conditions moins favorables aux dépôts.
Ces deux effets ont contribué à la baisse de la masse monétaire
donc à la hausse de la vitesse revenu aux États-Unis.
70
75
80
85
90
1995 1997 1999 2001 2003
Vitesse de la monnaie observée tendance
Masse
monétaire
(1)
PIB en
volume (2)
Prix du
PIB (3)
vitesse revenu
(4)=(2)+(3)-(1)
1990-2000 4,9% 1,5% 2,4% –0,9%
2001-2004 7,5% 1,7% 2,2% –3,6%
différence 2,7% 0,2% –0,2% –2,6%
Masse
monétaire
PIB en
volume (2)
Prix du
PIB (3)
vitesse revenu
(4)=(2)+(3)-(1)
Valeur de
référence 5,00% 2,25% 2,00% –0,75%
1990-2000 –0,1% –0,8% 0,4% –0,2%
2001-2004 2,5% –0,5% 0,2% –2,8%
différence 2,7% 0,2% –0,2% –2,6%