137 CHAPITRE VI CONCEPTION ET REALISATION DE DEMONSTRATEURS Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs 139 CHAPITRE VI Conception et réalisation de démonstrateurs VI.1 Introduction Au cours des chapitres précédents nous avons développé un modèle de calcul par éléments finis du comportement thermomécanique des membranes composites SiO2/Si. Dans ce chapitre nous nous servons de ce modèle pour concevoir et réaliser deux architectures de capteurs à membrane de type PSOI qui sont présentées et discutées. Un logiciel de conception a été développé au laboratoire au cours de cette thèse pour prévoir la sortie électrique du capteur en fonction de la réponse en pression et en température du corps d’épreuve, des propriétés physiques du polysilicium et de la disposition des jauges. La conception des capteurs a donc demandé un important travail de programmation qui ne sera pas présenté ici. Nous montrons simplement la technique d’interpolation linéaire des déformations simulées en surface du corps d’épreuve qui permet de s’affranchir du maillage éléments finis. Nous donnons également le principe du calcul des variations de résistance des jauges piézorésistives. Enfin les premiers résultats sur démonstrateurs sont présentés. VI.2 Position des jauges piézorésistives sur le corps d’épreuve Le principe de fonctionnement d’un capteur piézorésistif à membrane de type PSOI a été décrit au chapitre I. Pour obtenir un capteur de pression sensible les jauges piézorésistives en surface du corps d’épreuve doivent être disposées aux endroits où celui-ci se déforme le plus sous pression. La simulation par éléments finis de la réponse pneumatique d’une membrane carrée permet de connaître les zones de sa surface où les déformations sont maximales et uniaxiales. Comme le montrent les Figure 82.a et Figure 82.b ces zones sont situées sur les axes médians de la structure près des bords de la membrane. Dans ces zones les déformations sont positives (tension) et en majorité uniaxiales. Du fait de la forme carrée de la membrane, la carte des déformations εy est symétrique par 140 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs rapport à la droite d’équation y=x (diagonale) de la carte des déformations εx. Le centre de la membrane est donc dans un état de déformation biaxiale avec εx • εy. Le centre de la membrane est en compression. a) b) Figure 82 : carte des déformation εx en surface d’un quart du capteur pour une pression de 100 mbar : a) représentation plane et b) représentation en 3D. Le corps d’épreuve est une membrane de 3 mm de côté, 20 µm d’épaisseur recouverte par 0,5 µm d’oxyde. Les limites de la membrane apparaissent en trait noir pour x=y=1,5 mm sur la figure a). Le principe de positionnement des jauges piézorésistives et la définition d’un pont de Wheatstone sont donnés dans la littérature [56]. La Figure 83 schématise une membrane déformée sous l’effet d’une pression appliquée sur sa face supérieure. Une jauge longitudinale Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs 141 JL est parcourue par un courant I parallèle à la déformation εx. Sa résistance augmente (facteur de jauge longitudinal positif). Une jauge transversale JT est parcourue par un courant I perpendiculaire à la déformation εy. Sa résistance diminue (facteur de jauge transversal négatif). Pour un montage en pont de Wheatstone complet, deux jauges de chaque type sont nécessaires et doivent avoir la même valeur de résistance au repos pour que la tension de décalage du pont (offset) soit nulle. Figure 83 : schéma de principe du positionnement des jauges piézorésistives Connaissant par simulation les déformations en surface du corps d’épreuve en fonction de la pression et de la température, la prévision de la sortie électrique du conditionneur piézorésistif nécessite le calcul des variations de résistance des jauges en fonction de leur disposition par rapport au champ de déformation et des propriétés physiques du polysilicium. VI.3 Création d’un logiciel de conception Nous avons vu au chapitre IV que des limites de la simulation par éléments finis ne permettent pas la modélisation complète d’un capteur de pression. Le rôle du logiciel de conception appelé CONCEPT développé au laboratoire est schématisé en Figure 84. CONCEPT fait le lien entre d’une part le comportement thermomécanique simulé du corps d’épreuve, d’autre part les propriétés physiques mesurées du polysilicium et enfin la disposition des jauges (layout). Pour une architecture donnée CONCEPT calcule la sortie électrique du capteur alimenté à courant ou tension constant en fonction de la pression et de la température. 142 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs Simulation Eléments Finis : ε(P,T) Exploitation des données Propriétés physiques du polysilicium CONCEPT Géométrie et emplacement des jauges piézorésistives Calcul des ∆R Sortie électrique du capteur Figure 84 : schéma fonctionnel de CONCEPT VI.3.1 Exploitation des déformations en surface du corps d’épreuve prévues par la simulation par éléments finis Nous avons montré dans le chapitre V comment se calcule la déformation des jauges à partir de celles simulées en surface du diélectrique dans l’hypothèse d’une transmission intégrale des déformations entre le corps d’épreuve et les jauges. Selon le principe même de la simulation par éléments finis et comme le montre la Figure 85, les valeurs des déformations en surface de la membrane pour une pression et une température données sont connues pour un ensemble de coordonnées (xi, yj) où xi et yj sont des valeurs discrètes liées au maillage. Figure 85 : maillage et valeurs discrètes des déformations en surface du modèle du corps d'épreuve Les positions des jauges piézorésistives ne coïncidant pas forcément avec le maillage, CONCEPT interpole les valeurs des déformations en tout point du corps d’épreuve. Soit M(x,y) un point dont on veut connaître la valeur de εx et εy (Figure 86.a), ce point appartient à une maille repérée par des sommets de coordonnées (xi-1, yj-1), (xi, yj-1), (xi, yj) et (xi-1, yj). 143 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs CONCEPT trouve la maille contenant le point M puis par trois interpolations linéaires, calcul successivement les valeurs de εx et εy aux points A(x,yj-1), B(x,yj) et M (x,y). Ce calcul est schématisé en Figure 86.b dans laquelle la déformation ε (soit εx ou εy) est représentée sur un axe vertical. Plusieurs remarques importantes permettent de justifier ce calcul. Tout d’abord en surface de la structure toutes les mailles ont leurs côtés parallèles aux axes X et Y donc à la direction des déformations εx et εy. Ensuite le maillage a été resserré dans les zones de forts gradients de déformations, et ces déformations sont quasi uniaxiales sur les médianes près des bords de membrane (zones dans lesquelles les jauges sont placées). On peut donc considérer sur la Figure 86.b que les points P, Q, R et S sont toujours quasi coplanaires. a) b) Figure 86 : a) maillage et point M à l’intérieur d’une maille et b) interpolation linéaire des déformations. VI.3.2 Calcul des variations de résistance des jauges Par définition la variation relative de résistance R d’une jauge piézorésistive en déformation biaxiale s’exprime par l’Equation 41. KL et KT sont respectivement les facteurs de jauges longitudinal et transversal du polysilicium et εL et εT sont respectivement les déformations longitudinale et transversale moyennes sur l’ensemble de la jauge [163, 164]. ∆R = KL ⋅ε L + KT ⋅ ε T R Equation 41 Les facteurs de jauges dépendent de la température T. Les déformations simulées en 144 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs surface du corps d’épreuve dépendent de T et de la pression P. CONCEPT calcule la valeur R’ d’une jauge par l’Equation 42. R' = R ⋅ (1+ K L ⋅ ε L + K T ⋅ ε T ) Equation 42 VI.4 Présentation de l’architecture générale des démonstrateurs VI.4.1 Dimensions du capteur et contraintes sur le positionnement des jauges Afin d’utiliser les résultats acquis jusqu’à présent sur le comportement thermomécanique des membranes SiO2/Si pour la conception des capteurs nous avons décidé de réaliser les démonstrateurs avec des membranes carrées de 3 mm de côté et de fixer l’épaisseur du film d’oxyde en surface à 0,5 µm. Le modèle des déformations thermoélastiques décrit au chapitre V a montré que l’épaisseur minimum du silicium doit être de 20 µm pour que le corps d’épreuve ne soit pas déformé à pression nulle et à température ambiante. Les dimensions globales du capteur sont représentées en Figure 87. L’ensemble du microsystème tient dans un carré de 7 mm de côté laissant de chaque côté de la membrane un espace de 2 mm largement suffisant pour placer des contacts en aluminium. Nous retrouvons sur cette Figure une zone grisée dite zone interdite de largeur Wi = 150 µm à partir des bords de membrane qui a été définie au chapitre V. Pour minimiser l’influence du corps d’épreuve sur les dérives thermiques du capteur, les jauges sont positionnées en deçà de cette zone. Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs 145 Figure 87 : vue par dessus des limites du capteur et de la membrane VI.4.2 Schéma du conditionneur piézorésistif en surface du corps d’épreuve Sur une plaquette de 2 pouces (5 cm) de diamètre, sont réalisés en fait deux types de conditionneurs piézorésistifs. 8 capteurs, dits de type A, possèdent un conditionneur classique : des jauges en polysilicium de géométrie parallélépipèdique sont interconnectées par des pistes d’aluminium (Figure 88.a)). Les jauges longitudinales ont été dédoublées pour augmenter la sensibilité du capteur (cf. paragraphe VI.5.1) [165] et obtenir une disposition symétrique des connexions aluminium. Nous avons également essayé une architecture innovante de conditionneur piézorésistif qui ne comporte pas de contact aluminium/polysilicium soumis aux déformations de la membrane. L’architecture des 8 capteurs dits de type B, qui ne comportent aucune piste d’aluminium sur la membrane, est représentée sur la Figure 88.b). Sur chaque puce ont été ajoutés des motifs de Hall permettant de mesurer la résistivité du polysilicium. Le polysilicium (jauges piézorésistives) apparaît en noir sur les figures. Des motifs d’alignement (alignement des différents masques lors des étapes de photolithographie) sont situés sur trois coins de chaque puce. En pointillé sont indiqués les limites de la membrane, gravée en face arrière de la plaquette, ainsi que deux axes de symétrie. 146 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs a) b) Figure 88 : Schéma non à l’échelle de la face avant (polysilicium et aluminium) des démonstrateurs. a) capteur avec des motifs en polysilicium simples et des interconnexions aluminium. b) capteur sans aluminium sur la membrane Les caractéristiques communes aux deux types de démonstrateur sont les suivantes : • Jauges placées dans des zones de déformations quasi uniaxiales de la membrane. • Encombrement minimum sur la membrane (influence mécanique minimum du polysilicium et de l’aluminium). • Disposition symétrique par rapport à la membrane pour ne pas perturber sa réponse en pression. • Motif de Hall pour mesurer au plus près la résistivité du polysilicium. VI.5 Explication détaillée de l’architecture VI.5.1 Paramètres physiques du polysilicium utilisé Une étude récente effectuée au laboratoire par P. Kleimann [15] sur les propriétés piézorésistives de films de silicium polycristallin LPCVD dopé au bore nous a servi de 147 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs référence pour le choix du type de polysilicium utilisé dans les démonstrateurs. Nous avons basé la conception des capteurs sur un polysilicium LPCVD déposé à 620°C sous une pression totale de 450 mTorr de mélange silane/hydrogène. L’implantation ionique de bore à 30 keV d’une dose de 2 1015 cm-2 et un recuit rapide d’implantation de 1100°C pendant 20 s conduisent à une résistivité de 7,68 mΩ.cm, un facteur de jauge longitudinal KL = 27,5 et un facteur de jauge transversal KT = -7. VI.5.2 Transducteur électrique des capteurs de type A En tenant compte d’une résistivité de 7,68 mΩ.cm et d’une épaisseur de polysilicium de 0,45 µm, nous avons défini les dimensions des jauges pour que leur résistance au repos soit de l’ordre du kΩ. La résistance d’un barreau de polysilicium de longueur L, de largeur W et d’épaisseur e parcouru par un courant I dans le sens de la longueur (Figure 89) est donnée par la classique Equation 43. Un motif en polysilicium de 200 µm de long, 20 µm de large et 0,45 µm d’épaisseur a une résistance de 1707 Ω. Cette valeur correspond également à la résistance totale du pont de Wheatstone équilibré vue de la source de tension ou de courant. Figure 89 : barreau de polysilicium R = ρ⋅ L e⋅w Equation 43 Le logiciel CONCEPT a permis de mettre en évidence l’intérêt de dédoubler les jauges longitudinales en deux motifs de 100 µm de long par 20 µm de large pour augmenter la sensibilité du capteur. Une membrane de 3 mm de côté, de 20 µm de silicium et recouverte par 0,5 µm d’oxyde a été simulée sous différentes pressions à 25°C. L’épaisseur du polysilicium a été fixée à 0,45 µm et sa résistivité à 7,68 mΩ.cm. Les facteurs de jauge longitudinal et transversal ont respectivement été fixés à : KL = 28 et KT = -7. Dans le premier cas les deux jauges longitudinales sont simples : rectangles de 200 µm x 20 µm situés à 150 µm du bord de la membrane (Figure 90.a). Dans le deuxième cas, les jauges longitudinales 148 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs sont dédoublées en deux rectangles de 100 µm x 20 µm séparées par 10 µm et mis en série (Figure 90.b). Dans tous les cas les jauges transversales font 200 µm x 20 µm et sont situées à 190 µm du bord. Le pont est alimenté par un courant constant de 1 mA. Nous ne tenons pas compte ici des résistances de contact des interconnexions. La Figure 91 montre que le fait de dédoubler les jauges longitudinales permet d’augmenter la sensibilité du capteur d’environ 10% entre 0 et 100 mbar. En effet les jauges longitudinales étant disposées dans une zone de fort gradient de déformation, plus ces jauges sont courtes et plus la valeur moyenne de la déformation qu’elles subissent est importante. La non-linéarité de la tension de sortie du capteur est due essentiellement à la non-linéarité des déformations du corps d’épreuve en fonction de la pression qui a été montrée au chapitre V. a) b) Figure 90 : Schéma non à l’échelle de la disposition des jauges piézorésistives sur la membrane. a) jauges longitudinales simples, b) jauges longitudinales dédoublées. Figure 91 : tension de sortie du pont avec ou sans jauge longitudinale dédoublée Les motifs en polysilicium sont en fait un peu plus long pour prévoir un recouvrement des pistes d’aluminium. Les côtes exactes des conditionneurs de type A et B sont données en Annexe C. Notons simplement que les motifs d’aluminium sont tous basés sur le schéma de la Figure 92 pour que toutes les résistances des contacts aluminium/polysilicium et toutes les résistances des lignes d’aluminium soient égales et n’interviennent pas dans la tension de sortie du pont de Wheatstone. Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs 149 Figure 92 : motif de liaison en aluminium VI.5.3 Transducteur électrique des capteurs de type B VI.5.3.1 Principe de fonctionnement Comme dans le cas des puces de type A, toutes les liaisons entre les « jauges » et les plots de contact aluminium en dehors de la membrane ont des formes issues du motif de base donné en Figure 93. Ce motif de base se retrouve pour toutes les jauges par rotation de 90° et réflexion par rapport aux axes médians de la membrane. La nouveauté ici vient de ce que la liaison entre les « jauges » et le plot de contact aluminium est également en polysilicium. Sur la Figure 94 est schématisé un quart de membrane, dont les limites apparaissent en pointillés, avec un motif longitudinal et un motif transversal en polysilicium. Les « jauges » sont situées au delà de la zone de la membrane de largeur Wi sensible aux dérives thermiques. Donc une partie du motif de liaison en polysilicium vers les plots de contacts aluminium sera sensible à la déformation (zones 1 et 2). Par symétrie les déformations subies par les motifs de liaisons sont équivalentes et ne doivent pas intervenir sur la tension de sortie du pont. La géométrie du motif de mise en série des « jauges » longitudinales doit être optimisée pour que sa résistance soit minimum. 150 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs Figure 93 : motif de liaison en polysilicium vers le plot de contact aluminium (schéma non à l’échelle) Figure 94 : position par rapport au bord de membrane des motifs polysilicium des puces de type B (schéma non à l’échelle) Dans la suite de cette étude nous allons étudier la résistance des motifs longitudinaux et transversaux en polysilicium jusqu’aux plots de contact en aluminium (Figure 95). Figure 95 : motifs longitudinal et transversal en polysilicium VI.5.3.2 Modélisation par éléments finis de la résistance des motifs en polysilicium dans le cas des capteurs de type B VI.1.1.1.1 Validation préliminaire de la simulation dans le cas d’une jauge de géométrie simple Dans un premier temps un modèle simple permet de vérifier la validité du calcul 151 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs électrique par éléments finis. Soit un barreau de polysilicium de résistivité ρ =7,68 mΩ.cm, de longueur L=100 µm, de largeur W=20 µm, et d’épaisseur e=0,45 µm, traversé dans sa longueur par un courant I (Figure 89). Sa résistance R est donnée par l’Equation 43 et vaut 853,3 Ω. Sur un modèle ANSYS de même géométrie et de même résistivité (Tableau 27), tous les noeuds du maillage sur une extrémité du barreau sont fixés au potentiel 0 alors qu’à l’autre extrémité on leur impose un potentiel arbitraire de 1 V par exemple (10 V ou 100 V conduisent au même résultats). Nombre d’éléments Longueur Largeur Epaisseur 50 10 2 Elément utilisé n°69 Tableau 27 : paramètres de simulation d’un barreau de polysilicium ANSYS ne donne pas directement la valeur de la résistance ni celle du courant mais donne graphiquement la densité de courant J le long du barreau. Les lignes de courant étant parallèles à la longueur du barreau et connaissant sa section on en déduit I par l’Equation 44. I = J ⋅W⋅e Equation 44 Connaissant la tension, le calcul de la résistance devient évident. Pour ce barreau de polysilicium la simulation donne une densité de courant J = 130 106 A.m-2 soit un courant I = 1,17 mA. La résistance simulée est donc de 854,7 Ω. L’écart entre la résistance simulée et calculée est inférieur à 0,2 %. Ce résultat satisfaisant encourage à utiliser ANSYS pour prévoir la résistance des motifs longitudinaux et transversaux en polysilicium des démonstrateurs de type B. La validité de la simulation pour des géométrie irrégulières sera vérifiée par des mesures sur démonstrateurs. VI.5.3.2.2 Optimisation de la mise en série des motifs longitudinaux Considérons, comme dans le cas des capteurs de type A, une jauge longitudinale 152 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs dédoublée sous la forme de deux pavés rectangulaires de longueur L = 100 µm et de largeur W = 20 µm séparés par une distance D1 = 10 µm (Figure 96.a). Le motif de polysilicium de longueur LS et de largeur WS = 2.W + D1 qui assure la mise en série des deux motifs de base apporte une résistance « parasite » RS (Figure 96.b). Figure 96 : a) jauge longitudinale dédoublée b) mise en série à une extrémité Un modèle ANSYS en 3D permet de prévoir la valeur de la résistance R vue des points A’ et B’. L’objectif est de minimiser cette résistance R et de minimiser l’encombrement sur la membrane du contact série pour limiter son rôle mécanique. Un film de polysilicium de 0,45 µm d’épaisseur et de résistivité égale à 7,68 mΩ.cm a de nouveau été considéré. La Figure 97 donne les valeurs simulées de la résistance R en fonction de la longueur LS du contact série. Pour des valeurs croissantes de LS jusqu’à 40 µm la résistance R diminue. Si LS • 40 µm, R reste à une valeur constante de 1942,5 Ω. La Figure 98 représente les lignes de courant simulées par ANSYS (la longueur des vecteur est proportionnelle à la densité du courant). Nous voyons que le courant emprunte logiquement le plus court chemin donc augmenter LS au delà de 40 µm ne conduit pas à une baisse de la résistance R. Pour réduire encore l’encombrement sur la membrane, les coins du motif série pourraient sans doute être biseautés sans augmentation notable de la résistance totale. La résistance RS du contact série (• 236 Ω) représente environ 12% de la résistance totale vue des points A’ et B’. 153 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs Figure 97 : valeurs simulées de R(Ls) Figure 98 : lignes de courant simulées La géométrie du contact série étant définie (LS = 40 µm), la résistance totale du motif longitudinal jusqu’aux plots de contacts aluminium doit maintenant être simulée. VI.5.3.2.3 Modélisation de la résistance totale du motif longitudinal en polysilicium Les surfaces de contact entre l’aluminium et le polysilicium étant égales (1 mm2) et les lignes de liaison ayant la même géométrie pour les motifs longitudinaux et transversaux nous n’avons simulé que les résistances vues des points A et B et C et D à la limite de l’aluminium (Figure 95). Pour un film de polysilicium de 0,45 µm d’épaisseur et de résistivité égale à 7,68 mΩ.cm la valeur obtenue par simulation par éléments finis de la résistance du motif longitudinal vue des points A et B est de 3892 Ω ± 7 Ω. VI.5.3.2.4 Modélisation de la résistance totale du motif transversal et équilibrage du pont Sans pression appliquée et à température ambiante les résistances des motifs transversaux et longitudinaux doivent être égales pour que le pont de Wheatstone soit équilibré (tension d’offset nulle du capteur). L’écart D2 entre les pistes de liaison d’un motif transversal représenté sur la Figure 95.b a été utilisé comme paramètre pour que la résistance du motif transversal vue des points C et D soit égale à celle du motif longitudinal vue des points A et B. Après plusieurs simulations, l’équilibre du pont (résistance vue des points C et D égale à 3892 Ω ± 7 Ω) a été trouvé pour D2 = 204 µm. 154 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs VI.5.4 Utilisation d’un motif de Hall pour la mesure de résistivité du polysilicium La forme des motifs de Hall utilisés est indiquée à l’échelle sur la Figure 99 (les côtes détaillées sont données en Annexe C). Sur la Figure 99.a est représenté le niveau polysilicium. Après dépôt puis gravure de l’aluminium des plots de contacts numérotés de 1 à 6 sur la Figure 99.b sont présents à chaque extrémité du motif. Les mesures sont effectuées sous pointes. Un courant constant est imposé entre les plots 1 et 2 et la tension est mesurée entre les plots 3 et 4 (ou 5 et 6). La chute de tension correspond donc sur le schéma à la résistance R de la partie de polysilicium grisée (partie active). Connaissant la géométrie de la partie active de polysilicium : longueur de 550 µm, largeur de 100 µm, épaisseur epoly on en a) b) Figure 99 : motif de Hall vu à l’échelle. a) Niveau polysilicium. b) Polysilicium aluminium. La zone active apparaît en gris et déduit facilement sa résistivité donnée par l’Equation 45. ρ= 100 ⋅e ⋅ R 550 poly Equation 45 Cette méthode simple présente l’avantage de ne pas faire intervenir les résistances de contact aluminium/polysilicium. En effet le courant est imposé par le générateur quelles que soient les résistances de contact des plots 1 et 2 et l’impédance d’entrée du voltmètre (en général 10 MΩ ou plus) fait que les résistances de contact des plots 3 et 4 (ou 5 et 6) ne provoquent qu’une chute de tension négligeable. L’erreur sur la détermination de ρ correspond essentiellement à l’erreur sur la détermination de l’épaisseur epoly du polysilicium, soit environ 3%. VI.6 Etapes technologiques de l’élaboration des démonstrateurs Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs 155 A partir des schémas côtés des démonstrateurs donnés dans l’Annexe C, trois masques chrome/verre correspondant aux niveaux polysilicium, aluminium et membranes face arrière a ont été réalisés au LPMO de Besançon. Les étapes technologiques de réalisation des capteurs sont présentées sur la Figure 100. 1) Oxydation thermique de 0,5 µm à 1130°C 2), 3) et 4) Dépôt de 0,45 µm de polysilicium LPCVD 620°C à 450 mTorr. Implantation de bore (30 keV, dose 2 1015 cm-3) puis recuit d’implantation RTA, 1100°C, 20 secondes 5) Gravure plasma du polysilicium (masque 1) pour définir les jauges 6) Dépôt de 0,6 µm d’aluminium 7) gravure humide ou RIE de l’aluminium (masque 2) et recuit 450°C, 30 mn 8) dépôt de 0,3 µm de nitrure PECVD en face arrière des plaquettes 9) gravure humide de la couche de masquage SiO2+Si3N4 (masque 3) 10) gravure KOH+H2O pour réaliser les membranes Figure 100 : étapes technologiques de la réalisation des démonstrateurs Les étapes de réalisation de la face avant du capteur sont identiques à celles précédemment utilisées au laboratoire par P. Kleimann [15] pour la réalisation de poutres permettant d’étudier les facteurs de jauge du polysilicium. Ce processus de fabrication ayant été validé aucune modification n’y a été apportée. L’épaisseur d’oxyde thermique sur les deux faces du substrat est de 0,5 µm. Une couche de masquage de cette épaisseur n’étant pas a Laboratoire de Physique et de Métrologie des Oscillateurs 156 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs suffisante (cf. chapitre II), un film de nitrure PECVD de 0,3 µm a été déposé par dessus l’oxyde en face arrière. VI.7 Utilisation du masque démonstrateur définissant les membranes pour l’étude des déformations thermoélastiques des membranes SiO2/Si L’effet de l’encastrement en réseau des membranes sur leur déformation thermoélastique a été démontrée dans le chapitre V au paragraphe V.2.3. Après découpe la relaxation de la flèche thermoélastique d’une membrane d’environ 14 µm d’épaisseur recouverte par 1,55 µm d’oxyde a été mesurée. Disposant d’un masque pour la gravure du silicium pour lequel les motifs des membranes sont plus espacés pour permettre une découpe nette des échantillons (cf. Annexe C), nous avons à nouveau mis en évidence l’influence de la largeur du cadre sur la déformation thermoélastique d’une membrane SiO2/Si. Les flèches présentées par une membrane de 9,5 µm d’épaisseur recouverte par 1 µm d’oxyde ont été mesurées et simulées avant découpe (membrane en réseau) puis après découpe de l’échantillon à l’aide d’une scie à fil (Figure 101). Figure 101 : Relaxation après découpe de la flèche thermoélastique d’une membrane de 9,5 µm d’épaisseur recouverte par 1 µm d’oxyde Pour la simulation de la déformation de la membrane avant découpe nous avons comme précédemment utilisé un cadre de 3 mm de large. Après découpe, la largeur du cadre restant Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs 157 autour de la membrane a été mesurée au profilomètre optique et un cadre moyen de 1,7 mm a été utilisé. Bien que d’amplitude faible, environ 1 µm, (le cadre après découpe restant quand même assez large) une relaxation de la flèche thermoélastique a été mesurée et simulée. L’écart entre les flèches simulées et mesurées est inférieur à 15% et peut avoir pour origine la nonuniformité de la gravure de la membrane conduisant à son amincissement près des bords. Cette explication avait déjà été donnée au chapitre V pour expliquer l’écart entre les flèches mesurées et simulées en fonction de la pression d’une membrane non-oxydée. VI.8 Mesures sur démonstrateurs comparées aux modèles Eléments Finis VI.8.1 Mesures de résistance des motifs longitudinaux et transversaux Des mesures sous pointes ont été réalisées au CIME de Grenoble avec un appareil Hewlett Packard 4155A. Les résistances ont été déterminées d’après une mesure I(V) en 2 pointes : V variant de -2 V à 2 V par pas de 20 mV. On peut ainsi vérifier que les contacts sont ohmiques. Une rampe de courant de -1 mA à 1 mA par pas de 10 µA a été imposée pour les mesures 4 pointes de résistance des motifs de Hall. Les épaisseurs de polysilicium ont été mesurées au profilomètre Alpha-step. VI.8.1.1 Résistance des jauges pour un capteur de type A Sur une plaquette nous nous avons mesuré une épaisseur de polysilicium de 0,46 µm ± 0,01 µm et une résistivité moyenne de 7,9 mΩ.cm. Sur 16 mesures nous avons déterminé une résistance moyenne des jauges transversales de 2053 Ω et une valeur moyenne des jauges longitudinales de 2100 Ω. Soit un écart inférieur à 2,5% qui peut être provoqué par la présence de 2 contacts aluminium/polysilicium en plus pour les jauges longitudinales. La résistance théorique (ou simulée) donnée par l’Equation 43 pour cette résistivité et cette épaisseur de polysilicium est de 1713 Ω soit une différence inférieure à 20 % par rapport aux mesures. Cette différence ne peut s’expliquer par le fait que l’Equation 43 ne tienne pas compte des résistances de contact entre l’aluminium et le polysilicium qui sont en principe très faibles pour le niveau de dopage utilisé (4,4 1019 cm-3). Nous pensons plutôt que la résine 158 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs photosensible utilisée lors des étapes de photolithographie a mal été gravée par plasma oxygène et a formé partiellement une couche diélectrique à l’interface polysilicium/aluminium ou en surface de l’aluminium lors des étapes de réalisation du conditionneur piézorésistif. VI.8.1.2 Résistance des jauges pour un capteur de type B Sur l’ensemble d’une autre plaquette nous avons mesuré la même épaisseur de polysilicium que précédemment soit 0,46 µm ± 0,01 µm et une résistivité de 8,3 mΩ.cm. Contrairement à ce que nous avions souhaité les motifs transversaux ont présenté une résistance plus élevée soit 4535 Ω (moyenne sur 16 jauges) que celle des motifs longitudinaux soit 4430 Ω (idem). Pour la résistivité et l’épaisseur de polysilicium mesurées nous avons à nouveau simulé les valeurs des résistances des motifs longitudinaux et transversaux en polysilicium (sans tenir compte des contacts aluminium). Une valeur moyenne de 4109 Ω a été trouvée ce qui représente un écart avec les mesures inférieur à 10% qui, encore une fois, peut être causé par une mauvaise maîtrise des étapes technologiques de photolithographie. VI.8.2 Réponse en pression mesurée et modélisée des capteurs VI.8.2.1 Dispositif expérimental Après découpe à la scie à fil des échantillons, des fils d’or sont soudés par ultrasons sur les plots de contact aluminium. Le capteur est ensuite collé à la cire sur un support circulaire en laiton percé (cf. chapitre V). Pour relier le capteur aux appareils de mesure un connecteur a été réalisé au laboratoire : sur un anneau circulaire en dural de 5 mm d’épaisseur, 10 mm de hauteur et 60 mm de diamètre intérieur sont fixées des mini embases banane (Figure 102). Les fils d’or sont collés sur ces embases avec de la laque à argent. Lorsque l’on mesure en deux fils à l’ohmmètre la résistance d’une jauge il faut tenir compte d’une résistance de liaison totale (fils d’or, laque, connecteurs, fils classiques) de 2 à 3 Ω seulement. L’ensemble capteur 159 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs + connecteur est placé sur le banc de mesure en pression lui même fixé à la table de déplacement du profilomètre optique (Figure 103). Il est ainsi possible de faire simultanément des mesures de profils et des mesures électriques. Les jauges sont interconnectées en pont de Wheatstone alimenté en courant constant. Une alimentation performante capable de délivrer un courant de 1 mA ± 1 µA avec une dérive en température inférieure à 100 pA et pouvant alimenter des charges de 5 kΩ a été réalisée au laboratoire. Figure 102 : photo du connecteur en anneau Figure 103 : photo du capteur monté sur le banc de mesure en pression fixé à la table de déplacement xy du profilomètre optique VI.8.2.2 Réponse en pression d’un capteur de type A L’épaisseur de la membrane du capteur de type A étudié n’a pas été mesurée au spectromètre FT-IR mais compte tenu de la profondeur gravée et de l’épaisseur du substrat nous estimons que l’épaisseur de la membrane est comprise entre 20 et 22 microns. Nous avons modélisé par éléments finis la réponse en pression (jusqu’à 400 mbar) d’une membrane composite de 3 mm de côté, 20 µm d’épaisseur recouverte par 0,5 µm d’oxyde. Sur ce capteur nous avons mesuré une résistivité de 7,9 mΩ.cm et une épaisseur de polysilicium de 0,46 µm. D’après les travaux de P. Kleimann [15] nous en avons déduit un facteur de jauge longitudinal de 28,3 et un facteur de jauge transversal de -8,5. Avec ces paramètres et compte tenu de la 160 Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs disposition des jauges donnée dans l’Annexe C, la sortie électrique du capteur à 25°C a été donnée par le logiciel CONCEPT. Les sorties électriques mesurées et simulées sont présentées sur la Figure 104. Malgré la non-linéarité du capteur, une sensibilité moyenne d’environ 43 mV/bar/mA a été calculée. Un bon accord apparaît entre les tensions mesurées et simulées pour des pressions de 0 à 400 mbar. VI.8.2.3 Réponse en pression d’un capteur de type B L’épaisseur de la membrane n’a pas été mesurée précisément mais est estimée également entre 20 et 22 µm avec un oxyde en surface de 0,5 µm. L’épaisseur du polysilicium est de 0,46 µm ± 0,01 µm et sa résistivité de 8,3 mΩ.cm. La sortie électrique mesurée de ce capteur est tracée en fonction de la pression sur la Figure 105. Une tension d’offset de -73,2 mV a été soustraite pour ce tracé. Une sensibilité d’environ 37 mV/bar/mA a été calculée montrant la faisabilité de ce type de capteur. La sortie électrique de ce capteur n’a toutefois pas été modélisée dans le cadre de ce travail. Figure 104 : sortie électrique d'un capteur de type A Chapitre VI : Conception et réalisation de démonstrateurs 161 Figure 105 : sortie électrique d'un capteur de type B VI.9 Conclusion du chapitre VI Deux architectures de capteurs de pression à membrane de type PSOI ont été présentées. La conception du conditionneur piézorésistif en surface du corps d’épreuve a fait appel aux résultats des simulations par éléments finis présentées dans les chapitres précédents. Le positionnement et les dimensions des jauges ont été définis de façon à limiter les dérives thermiques du capteur tout en gardant une forte sensibilité. Un logiciel de conception permettant de prévoir la sortie électrique d’un conditionneur en pont de Wheatstone en fonction des résultats des simulations, des propriétés physiques du polysilicium et de la disposition des jauges a été développé. Nous avons montré la faisabilité d’un capteur sans interconnexions métalliques soumises aux déformations de la membrane et aux éventuelles atmosphères corrosives. La simulation par éléments finis a également été utilisée pour prévoir la résistance de motifs en polysilicium de géométrie complexe. Les premières mesures en pression ont été réalisées et un bon accord a été trouvé entre les sorties électriques mesurées et simulées dans le cas d’un capteur à interconnexions par pistes d’aluminium. Enfin, les résultats du chapitre V concernant l’influence du cadre sur la déformation thermoélastique des membranes SiO2/Si ont été à nouveau confirmés sur un réseau de membrane de géométrie différente.