Introduction : les enjeux de l’esquisse en question
La passerelle entre l’Orient et l’Occident que nous souhaitons construire a pour objectif de relier
le bouddhisme et la psychologie occidentale. Cette passerelle vise à extraire de la pensée du
Bouddha la part qui traite et couvre l’objet même de notre psychologie – l’esprit ou le psychisme –,
puis à traduire les réponses que donne le bouddhisme aux questions de notre psychologie dans
un langage qui soit, pour cette dernière, compréhensible, claire et intelligible. Et le résultat de cet
exercice d’extraction – lequel n’est autre qu’un travail de compréhension, d’abstraction et de
traduction – nous le désignons par le terme « psychologie bouddhiste ». Si nous osons le terme
de « psychologie bouddhiste », c’est pour pouvoir mettre en évidence, dès notre introduction, les
pièges et malentendus qui insidieusement se cachent derrière cette expression, et pour mettre au
jour les enjeux ainsi que la direction de notre travail.
L’expression « psychologie bouddhiste » peut sembler être un truisme tellement l’association des
termes peut sembler naturelle et évidente. Et pourtant, cette expression qui semble si familière,
désigne quelque chose qui paradoxalement n’existe pas. Il suffit d’examiner les termes qui la
composent pour se rendre compte qu’elle marie deux mots dont les origines sont aussi éloignées
que les mondes qu’ils désignent. Et si nous l’employons ici, c’est précisément pour rappeler
qu’initialement, tout sépare le monde occidental de la psychologie du monde oriental du
bouddhisme : origine, lieu de naissance, époque, fond culturel, traditions, langage, histoire, etc.
En effet, la pensée du Bouddha et la psychologie occidentale se sont développées pendant des
siècles sans qu’aucune des deux ne tienne compte de l’autre ni n’en entende parler. Donc, ne
nous méprenons pas, la psychologie occidentale telle qu’on la connaît aujourd’hui et le terme
même de « psychologie » n’existaient simplement pas à l’époque où le Bouddha a prononcé son
enseignement. Pour cette raison, ce dernier n’a jamais pu fonder une psychologie, ni même en
avoir l’intention. Dès lors, nous comprenons qu’il serait vain d’essayer d’établir un rapport
d’identité entre la psychologie et le bouddhisme, tout comme il serait absurde de vouloir réduire
l’une à l’autre et inversement. Raison pour laquelle nous pouvons déjà avertir que ce travail n’a
pas pour but de rendre la psychologie occidentale et le bouddhisme identiques, ni à subsumer
l’un des deux sous l’autre.
L’anachronisme qui se cache dans cette expression explique alors en partie dans quel sens nous
soutenons le fait qu’il ne peut y avoir de psychologie bouddhiste à proprement parler. Si nous
employons cette formule c’est alors pour indiquer – par le rapprochement forcé de ces deux
termes – aussi différents par leurs origines que par l’hétéroclisme des mondes auxquels ils