U tilisation d`agents physiques pour le traitement de la

epuis l’Antiquité, de nombreux traitements non médica-
menteux de la douleur ont été employés, faisant appel très
souvent à l’application d’agents physiques. C’est à la fin
du XIXesiècle que l’avènement de l’électricité et du magnétisme a permis
le développement de nouvelles techniques physiques antalgiques, encore
très largement utilisées. C’est enfin en 1965 que la théorie de la porte ou
du gate control de Wall et Melzack a permis d’envisager certaines bases
théoriques de l’action antalgique de ces techniques physiques. Ces auteurs
ont démontré que la stimulation des afférences primaires de gros calibre
(A
α
et Aß) par différents stimulus, en particulier physiques, pouvait exer-
cer un effet inhibiteur spécifique sur les neurones afférents nociceptifs, par
un interneurone inhibiteur situé dans la corne dorsale de la moelle.
DOULEUR
U
tilisation d’agents physiques pour le traitement
de la douleur : des techniques très utilisées mais peu validées
La NSTC : une technique aux
indications limitées
On peut choisir entre les deux modes de
stimulation : mode conventionnel avec
induction de paresthésies pour une stimu-
lation localisée, forte intensité et basse fré-
quence pour une analgésie plus diffuse.
L’effet antalgique apparaît plus ou moins
rapidement après le début de la stimula-
tion, persiste en général pendant toute sa
durée, parfois après son arrêt (post-effet
de quelques heures). Les effets indési-
rables observés peuvent être une réaction
allergique à la pâte conductrice ou au spa-
radrap utilisé pour fixer les électrodes. Le
risque de brûlure cutanée est exception-
nel. Même si elle est proposée dans de
nombreuses indications, la NSTC doit
l’être essentiellement dans les douleurs de
déafférentation. Les indications qui ont été
validées sont essentiellement les douleurs
chroniques neurologiques :
– soit par atteinte d’un nerf périphérique,
amputation (moignon, membre fantôme),
zona, neuropathie périphérique (mono- ou
polynévrite) ;
soit par atteinte radiculaire : lomboscia-
tiques séquellaires postopératoires, arrache-
ment du plexus brachial. On utilise souvent
la NSTC dans des douleurs rhumatologiques
(lombalgies, lombosciatalgies, arthrose) ou
myofasciales, sans preuve de leur efficacité
dans ces indications.
Les ultrasons et la vibrothérapie
Comme les stimulations électriques, les
vibrations mécaniques ont la propriété
d’exercer une contre-stimulation. Les
infrasons sont peu utilisés, la fréquence de
2 à 6 Hz est indiquée dans les contractures
musculaires ou les douleurs après contu-
sion musculaire.
Les ultrasons sont par contre très utilisés.
On a recours à des fréquence très élevées
de 1 à 3 MHz ; ils sont indiqués dans les
douleurs tendineuses et ligamentaires. En
La neurostimulation
transcutanée (NSTC ou TENS) :
stimuler les grosses fibres
nerveuses pour soulager
La technique physique qui semble reposer
sur les données théoriques et cliniques les
plus valables est la neurostimulation trans-
cutanée. Il est possible de stimuler spéci-
fiquement les afférences primaires myéli-
nisées de gros calibre par la NSTC, car ces
fibres possèdent un seuil d’excitation élec-
trique transcutanée plus bas que les affé-
rences primaires myélinisées de petit
calibre et amyéliniques (fibres Aδet C) qui
transmettent les informations nocicep-
tives. La NSTC conventionnelle utilise des
courants de faible intensité et de fréquence
élevée (50 à 200 Hz) que l’on ajuste au
seuil d’apparition de la sensation de pares-
thésies non douloureuses. L’appareil doit
être appliqué loco dolenti. L’effet antal-
gique est localisé, immédiat et en général
sans post-effet. On peut également propo-
ser l’application de NSTC à forte inten-
sité, pratiquée à distance de la zone dou-
loureuse et de basse fréquence (2 à 4 Hz).
L’effet antalgique est diffus, retardé avec
post-effet, c’est-à-dire que la phase de sti-
mulation est suivie d’une phase d’analgé-
sie plus ou moins longue.
L’appareil est un générateur portable sur
lequel on peut régler la fréquence et l’in-
tensité ; la stimulation est délivrée au tra-
vers d’électrodes imprégnées de gel
conducteur d’environ 4 cm2. Le choix du
site de stimulation est guidé par la topo-
graphie de la douleur et par les données de
l’examen clinique : recherche d’un trouble
sensitif, de points douloureux et de points
gâchettes. On commence en général par
une séance test, qui a pour objectif d’ex-
pliquer le principe au patient, de détermi-
ner les modalités optimales de stimulation
(site, fréquence, intensité), d’évaluer l’im-
portance de l’effet analgésique et de défi-
nir les conditions d’utilisation (rythme,
durée quotidienne des stimulations).
La Lettre du Rhumatologue - n° 271 - avril 2001
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Pour en savoir plus...
DOULEUR
fait, leur action antalgique serait davantage
due à la chaleur induite qu’aux propriétés
mécaniques des vibrations. Les études
contrôlées ont prouvé l’efficacité des ultra-
sons essentiellement dans les tendinites
épicondyliennes.
Les applications thermiques
La cryothérapie utilise les différentes tech-
niques d’application de froid : compresses
froides, vessie de glace, cube de glace,
spray. Le froid agit essentiellement par
vasoconstriction avec diminution de
l’œdème post-traumatique ; il agirait aussi
par action directe sur les nocicepteurs, par
diminution de la conduction motrice et
sensitive des fibres nerveuses. La cryothé-
rapie est indiquée dans les douleurs aiguës
(épicondylites, tendinites, etc.) et les
atteintes myofasciales.
La thermothérapie utilise les propriétés de
la chaleur induite par différents systèmes :
enveloppements chauds, cataplasmes,
fango, parafango, paraffine, bains chauds,
ondes courtes, infrarouges, micro-ondes,
ultrasons, sèche-cheveux, etc. Ces tech-
niques agissent essentiellement en entraî-
nant une vasodilatation locale.
L’acupuncture
L’acupuncture traditionnelle est une prise
en charge globale qui envisage les mala-
dies comme un trouble de l’équilibre entre
deux forces fondamentales universelles, le
yin (l’esprit) et le yang (le sang). Pour res-
taurer un équilibre normal, les aiguilles
d’acupuncture sont placées le long des
méridiens sur des sites (les points d’acu-
puncture) adaptés à l’anomalie à traiter.
Les études expérimentales permettent de
rapprocher les mécanismes d’action de
l’analgésie acupuncturale de ceux de la sti-
mulation transcutanée ; elles ne permettent
pas pour autant de confirmer la pertinence
de cette théorie. L’acupuncture englobe
différentes modalités de stimulation :
implantation simple de l’aiguille, stimula-
tion manuelle des aiguilles, stimulation
électrique des aiguilles par des fréquences
proches de la NSTC (électroacupuncture).
Les effets de l’acupuncture ont été étudiés
tant chez l’homme que chez l’animal, et
semblent modestes.
La mésothérapie
La mésothérapie, technique inventée en
1952 par un médecin généraliste français
(le Dr Pistor), consiste à injecter au niveau
de la lésion, par voie intradermique ou
sous-cutanée superficielle, des médica-
ments à très faible concentration. Cette
technique agirait en bloquant la transmis-
sion du message douloureux cheminant au
niveau des fibres fines Aδet C. En fonc-
tion de la pathologie, ces médicaments
peuvent être des antalgiques, des vasodi-
latateurs, des AINS, des enzymes protéo-
lytiques, des cicatrisants, des vitamines
B... Les anesthésiques locaux (Procaïne ou
Xylocaïne®) font souvent partie des
mélanges injectés, ce qui peut être parfois
à l’origine de problèmes iatrogènes.
Les ionisations
Il s’agit d’appliquer un courant électrique
qui va servir de véhicule à une substance
médicamenteuse que l’on veut appliquer
localement pour éviter les effets généraux
et avoir une action uniquement locale. Les
anti-inflammatoires sont très souvent uti-
lisés pour l’application d’ionisations, en
particulier sur les tendinites ou les pous-
sées d’arthrose, notamment digitales
(interphalangiennes, rhizarthrose...). Il faut
éviter d’appliquer ces traitements en cas
de pacemaker ou de matériel prothétique
sous-jacent.
Le laser
La technique d’application du laser (light
amplification by stimulated emission of
radiations) est utilisée à but antalgique,
uniquement pour des lasers de faible puis-
sance, les lasers de forte puissance étant
réservés à l’usage chirurgical.
Les ondes magnétiques
Le principe de l’utilisation des ondes
magnétiques est de favoriser la repolarisa-
tion des tissus durs lésés, tels que le carti-
lage ou l’os. Par la repolarisation rétablis-
sant les microcourants intercellulaires, on
favorise une meilleure trophicité cellulaire
et une réparation tissulaire. Ce principe a
été utilisé par les chirurgiens pour aider à
la réparation osseuse, dans le cas de cals
vicieux avec retard de consolidation. Plu-
sieurs systèmes à visée antalgique ont été
proposés ; les résultats sont controversés
et peu d’études contrôlées ont été publiées.
Une étude préliminaire a montré des résul-
tats qui seraient supérieurs à ceux du pla-
cebo dans la gonarthrose, mais le faible
nombre de patients sur lequel elle a porté
ne permet pas de conclure et nécessite une
étude multicentrique plus large.
Conclusion
La plupart des techniques physiques à
action antalgique n’ont pas fait l’objet
d’une expertise scientifique valable, et leur
efficacité est essentiellement liée à l’effet
placebo. Il n’existe par ailleurs pas de
consensus sur les indications spécifiques
de ces méthodes, dont l’intérêt réside
essentiellement dans l’absence d’effet
secondaire indésirable majeur et la possi-
bilité de les intégrer dans des programmes
complets de rééducation.
Leur prescription doit rester le fait du
médecin, qui jugera de leur opportunité et
surtout de la durée de ces traitements, trop
souvent poursuivis pendant des mois, sans
évaluation de leur efficacité véritable.
S. Perrot, service de rhumatologie A
et Centre de traitement de la douleur,
hôpital Cochin-Tarnier, Paris
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