1 NEURO - STIMULATION TRANSCUTANÉE Le traitement de douleurs chroniques par des sources d'électricité naturelle remonte à la plus haute antiquité. Certains bas-reliefs de tombes égyptiennes de la 5ème dynastie (2 750 ans avant Jésus-Christ) témoignent de l'intérêt médical alors porté à l'utilisation du poisson électrique du Nil (Malapterurus electricus). Dans la Rome antique, le recours à d'autres poissons électriques à des fins thérapeutiques fut préconisé par des noms illustres tels Plutarque, Pline, Dioscorides, Galien. Malgré des difficultés techniques évidentes, le recours à cette source naturelle d'électricité perdura pendant tout le Moyen Age et la Renaissance. Au XVIIIème siècle, le premier développement de l'électrothérapie coïncida avec l'apparition des appareils éléctrostatiques. Pendant près d'un siècle, l’électro-analgésie fut largement employée pour les extractions dentaires et la chirurgie des membres. Après 1860, date de l'avènement de l'anesthésie générale, l'électro-analgésie tomba dans le discrédit. Il faudra attendre la description de la théorie de la porte (gate control) par Melzack et Wall en 1965 pour que la neurostimulation à visée antalgique retrouve un gain d'intérêt dans le traitement de certaines douleurs peu ou non accessibles aux traitements pharmacologiques. Très schématiquement, cette théorie postule que la stimulation des fibres tactiles myélinisées de gros diamètre (Aa et b) renforce les mécanismes inhibiteurs physiologiques au niveau de la corne dorsale de la moelle, limitant ainsi le passage des influx nociceptifs provenant des fibres de petit calibre, peu myélinisées ou amyéliniques (A et C) vers les structures supra-spinales. Depuis, la neurostimulation transcutanée a été acceptée et est utilisée par tous, son champ d'application étant essentiellement représenté par le traitement des douleurs neuropathiques ou de désafférentation et les douleurs myofasciales. L'effet antalgique, constaté sur de nombreuses données cliniques, est vérifié par la réduction du seuil du réflexe nociceptif RIII et confirmé par des études expérimentales versus placebo. Néanmoins, l'efficacité de cette électrostimulation transcutanée n'est indiscutablement valable que lorsque la stimulation peut se faire en amont de la lésion nerveuse responsable. En cas de lésion profonde il faut avoir recours à la stimulation directe des centres nerveux (stimulation des cordons postérieurs de la moelle, stimulation cérébrale profonde thalamique et du cortex pré-moteur). A côté de la TENS (Trans Epidermal Nervous Stimulation - Stimulation Nerveuse Transcutanée), il existe d’autres modes de neurostimulation : - La stimulation médullaire La stimulation corticale – aire pré-motrice La stimulation périaqueducale. La TENS a bien des atouts. Le matériel est facile d'emploi, l'innocuité est totale, les indications parfaitement ciblées et le rapport bénéfice/risque favorable. 2 Principe Le principe consiste à réaliser une stimulation sensitive préférentielle des fibres proprioceptives du tact A avec un minimum d'influence sur les fibres nociceptives Ad et C. Les courants TENS agissent sur les mécanismes du contrôle douloureux (contrôle de porte, analgésie d’hyperstimulation, contrôle inhibiteur diffus de la nociception). Ces courants peuvent entrainer une diminution de l’activité cellulaire de la corne dorsale. Ils peuvent agir sur la production de neuropeptides opioïdes, de GABA, de sérotonine. L'efficacité de la technique est corrélée à la perception de paresthésies induites dans le territoire douloureux. Un matériel d'emploi facile Les stimulateurs externes se composent d'un générateur d'impulsions et d'électrodes cutanées. Les générateurs d'impulsions Ils sont alimentés par des piles de 9 Volts Il s'agit d'un matériel miniaturisé, léger, portable, facilement réglable par le patient. Les générateurs comportent 2 canaux indépendants reliés aux électrodes par des câbles de couleur bleue ou noire pour la cathode et rouge pour l'anode. Ces générateurs à courant constant de 0 à 100 mA délivrent des impulsions biphasiques rectangulaires asymétriques compensées dont la largeur peut être modulée entre 0,1 à 1ms avec des fréquences variables de 0,5 à 150 Hz. Il s'agit donc de courants à basses fréquences. Certains appareils disposent de perfectionnements permettant de réaliser d’autres différents types de neurostimulation : - neurostimulation acupuncturale : elle utilise de très basses fréquences, inférieures à 1Hz, qui ont la propriété d'induire un effet antalgique endorphinique car antagonisé par la naloxone. L’intensité doit être suffisante pour provoquer des contractions musculaires au moins visibles ; - mode Burst : des salves d'impulsions de 50 à 100Hz (1Hz = 1 signal /seconde) sont délivrées à une fréquence de 1 à 5Hz. Ce mode de stimulation est indiqué en présence de troubles de la sensibilité tactile trop importants pour permettre l'obtention de paresthésies avec une stimulation conventionnelle ; - mode modulation : elle limite les phénomènes d'accoutumance en modifiant automatiquement la fréquence et la largeur des impulsions. Les électrodes Elles comprennent deux électrodes positives (anodes rouges) et deux négatives (cathodes noires ou bleues) dépolarisantes. Elles doivent permettre un passage uniforme du courant et avoir une superficie au moins égale à 4cm² afin d'éviter des irritations cutanées lors d'utilisation d'intensités élevées. Il en existe de différentes surfaces. La tolérance cutanée est améliorée par l'utilisation de matériel délivrant des impulsions compensées. Les matériaux utilisés pour réaliser ces électrodes sont soit des élastomères conducteurs du type carbone nécessitant l'utilisation d'un gel de contact, soit des élastomères avec fibres conductrices qui ont l'avantage d'être autocollantes, réutilisables et de s'adapter parfaitement aux configurations anatomiques des zones à stimuler, notamment au niveau des articulations. Les électrodes se présentent aussi sous forme de gants, de chaussettes ou de ceinture. 3 Une totale innocuité La stimulation transcutanée sera évitée chez les patients porteurs de pace-maker cardiaque et au voisinage du sinus carotidien. Il s'agit d'une méthode d'une totale innocuité dont les seuls incidents remarqués sont des irritations locales en regard des électrodes lors de stimulations prolongées et trop intenses. Points de stimulation Deux points de stimulation sont utilisés : 1- " loco dolenti", en plaçant les électrodes rouges sur le territoire cutané douloureux, 2- sur le trajet du nerf sensitif, la cathode (noire ou bleue) étant placée le plus près de la zone douloureuse de manière à induire des paresthésies dans ce même territoire. Si la stimulation n’est pas possible ou aggrave la douleur, on peut choisir un site adjacent (métamère voisin). Le patient règle lui–même l’intensité du stimulus jusqu’à ressentir le stimulus sans sensation désagréable. Durée : Au début, il faut 2 à 3 heures par jour puis le patient modifie et adapte le temps en fonction de la durée des effets, des douleurs. Surtout travailler la prévention. La durée de stimulation est habituellement de 30 à 45 minutes par séance, ces séances étant répétées 2 ou 3 fois par jour. Nombre de séances : plusieurs fois par jour (ne pas utiliser en conduisant la voiture mais ne pas oublier que ce matériel ne contraint pas à rester à domicile). Changer quotidiennement le programme sinon accumulation d’ions chlore autour du nerf à l’origine d’une inefficacité thérapeutique. Intensité : - En stimulation conventionnelle, Les réglages de la fréquence et de la largeur d'onde seront effectués afin d'obtenir des paresthésies non douloureuses pour une intensité la plus faible possible. Utiliser des courants de faible intensité, appliqués loco dolenti, et de fréquence entre 5 à 150Hz, atteignant juste le seuil de la sensation de fourmillements confortables. L’effet antalgique est localisé, immédiat et sans post-effet. Met en jeu le gate –control. - Mode forte intensité : Pratiquée à distance de la zone douloureuse et de basse fréquence (2 à 4 Hz), elle produit une sensation de battement plus ou moins douloureux. L’effet antalgique est diffus, retardé avec post-effet : stimulation suivie d’une analgésie plus ou moins longue. Met en jeu les systèmes inhibiteurs descendants provenant du tronc cérébral et activant des opiacés endogènes. Effets analgésiques inhibés par la naloxone. - En mode Burst, L’intensité de la stimulation est réglée non pas par le déclenchement de paresthésies mais par le seuil d'apparition de fasciculations musculaires. Des indications parfaitement ciblées 4 1-Les douleurs chroniques neurologiques - Atteinte d’un nerf périphérique Les syndromes douloureux régionaux complexes de type I (syndrome neuroalgodystrophique) Les douleurs neuropathiques : o en rapport avec des lésions nerveuses périphériques concernant des nerfs peu éloignés du revêtement cutané (avant-bras, jambe) ; o les douleurs des amputés. (membre fantôme, moignon) ; o neuropathie périphérique (mono ou poly névrite) ; o zona ; o atteinte radiculaire (lombosciatiques séquellaires postopératoires, arrachement incomplet ou périphérique du plexus brachial). 2-Les douleurs chroniques non neurologiques - les syndromes myofasciaux ; les lombalgies chroniques. 3- En cas de lésion profonde Les résultats sont plus aléatoires et inconstants et il devient alors nécessaire d'avoir recours à la stimulation directe des structures nerveuses centrales. CONSEILS D’UTILISATION 1-Devant une douleur de déafferentation : Poser : l'electrode negative (cathode : bleue ou noire) en regard du nerf atteint en amont de la lésion et l'electrode positive (anode : rouge ) en regard du tronc nerveux en amont ou en aval de la lésion. 2-Devant un névrome qui décharge : (on fait face à une dépolarisation), Poser : l'anode positive rouge devant le nerf pour hyperpolariser et la cathode, electrode négative noire ou bleue en un endroit quelconque mais a distance du névrome. 3-Devant un territoire avec hypoesthesie marquée: Poser : l'électrode négative et stimuler en amont selon le mode BURST (train d'ondes à fréquence faible qui donne des contractures musculaires par recrutement des fibres a et b musculaires et non cutanées). Le niveau d'intensité requis correspond à la constatation de l'obtention de fasciculations musculaires sous la peau. 4-Dans le zona - si allodynie et anesthesie : Poser l'electrode negative noire ou bleue en latéro vertébrale dans le dermatome atteint sur des aires non anesthesiées et sans allodynie. L'anode est placée en distal du dermatome concerné. -si hypoesthesie importante ou anesthésie: Mode Burst pour obtenir des fasciculations musculaires. 5 5-Dans la paralysie flasque + douleur neurogène: Pas de mode Burst, stimulation transcutanée possible si peu d'atteinte sensitive. 6-Devant un territoire anesthesie : Pas de stimulation transcutanée sauf Burst si absence de trouble moteur. 7-Devant des douleurs du moignon En rapport avec un névrome qui décharge et selon la taille du névrome on peut proposer les traitements suivants : - enfouissement chirurgical si gros névrome, - alcoolisation après repérage avec une aiguille de stimulation (cathode) pour les névromes de taille moyenne, - TENS pour les névromes de petite taille. 8-En cas de douleur permanente On peut proposer une stimulation intermittente, à horaire fixe (30 minutes toutes les quatre heures), le rythme d’application est fonction de la durée du post-effet. En cas d’absence du posteffet, on conseille une stimulation permanente sur le nycthémère, en mode modulé ou en salves pour éviter une trop rapide accoutumance. 9-En cas de douleur intermittente, On préconise une utilisation précoce, si possible préventive (avant un geste douloureux). Peu de contre-indications Outre l'existence d'une anesthésie, d'une allodynie dans la zone à stimuler ou d'une électrophobie, les contre-indications principales sont représentées par le port d'un pacemaker et la gravidité. Ne pas stimuler sur le glomus carotidien Un rapport bénéfice/risque très favorable Globalement, pour les indications citées, les résultats favorables sont évalués aux environs de 60% ; ce chiffre est loin d'être négligeable puisque l’efficacité de cette technique permet alors de diminuer, voire d'arrêter une médication antalgique, parfois source d'effets secondaires préjudiciables. Lors de lésions nerveuses périphériques, la repousse axonale est de règle. La récupération sensitive coïncide avec la disparition de la douleur neurogène. La durée de la phase de récupération varie proportionnellement au degré de gravité de l'atteinte neuronale; elle dépend aussi de la proximité de la localisation par rapport aux structures centrales et de l'âge du sujet. La mise en route d'une thérapie par la TENS doit tenir compte de ces paramètres qui conditionnent la durée du traitement. Il est parfois reproché à la TENS la survenue possible d'un épuisement thérapeutique progressif, souvent corrélé à une diminution de l'observance du patient. Il est difficile de confirmer cet épuisement thérapeutique sur cette seule donnée si l'on tient compte de l'évolution le plus souvent spontanément favorable des lésions nerveuses périphériques. Il n'en demeure pas moins que la TENS représente un outil thérapeutique d'un rapport bénéfice/risque très favorable, qui donne la responsabilité au patient à s'impliquer dans la prise en charge de son syndrome douloureux. La récente décision de remboursement des dépenses par les organismes assurantiels devraient en permettre une utilisation plus large et réduire des prescriptions médicamenteuses hors AMM qui peuvent être source de problèmes médico-légaux. La prise en charge possible des dépenses : une mesure bénéfique. 6 L’intérêt de cette technique, durant ces deux dernières décennies, repose sur la conjonction de 2 types d’acquisitions concomitantes ; l’une de nature fondamentale, avec la découverte de nouvelles théories neurophysiologiques et neurobiologiques dans le domaine de la propagation des influx douloureux, l'autre, de nature technologique avec les progrès électroniques qui permettent une miniaturisation du matériel autorisant ainsi un traitement ambulatoire. En France, le recours à cette technique antalgique a été longtemps limité par 1'absence de remboursement, de la part des organismes d'assurances, des dépenses de location ou d'achat du matériel. Et ce en raison de sa non-inscription au tarif interministériel des prestations sanitaires (nPS). Sous l'impulsion du Collège National des Médecins de la Douleur (CNMD) a été signé l'arrêté du 24 août 2000 (J.O. du 14 septembre 2000) relatif aux appareils de neurostimulation électrique transcutanée pour le traitement des douleurs neurogènes d'origine périphérique. Une prise en charge sociale des dépenses est désormais possible après la réalisation d'un test d'efficacité préalable et une prescription initiale effectuée par un médecin exerçant dans une structure de lutte contre les douleurs chroniques labellisée par les Agences Régionales d'Hospitalisation (ARH). Cette prise en charge est assurée à la location pendant une durée de 6 mois, puis à l'achat des électrodes et du générateur (courant constant, ondes biphasiques asymétriques compensées, double canal, possibilités de mode burst et de modulation de fréquence). Montant du remboursement : .location mensuelle 80 fr .achat 170 à 190 euros .électrodes souples Facteurs pronostiques DOULEUR BONS Topographie limitée (tronculaire, radiculaire) Fixe - Modérée. TROUBLES DE LA Partiels, peu étendus SENSIBILITE (hypoesthésie, hyperesthésie) Facteurs psychologiques Bonne adhésion à la méthode MAUVAIS Etendue (multiradiculaire, hémicorps) Erratique - Intense Importants (anesthésie douloureuse, hyperpathie) Composante psychologique importante (dépression, attente d’un geste radical)