DFR • vol.12 • n°97 • janvier 2006
irréaliste. Ainsi que le montre la Figure 1 (qui se lit de
droite à gauche), l’impact de cette contrainte de coût sur
la qualité nutritionnelle des rations est catastrophique.
Plus on force le prix à baisser, plus la densité énergétique
augmente (Darmon, Ferguson, Briend, 2003), c’est-à-dire
que les produits frais riches en eau sont délaissés au pro-
fit des produits secs ou raffinés, non périssables. De son
côté, la teneur en vitamine C diminue de façon considé-
rable, ainsi que les teneurs en la plupart des autres vita-
mines et minéraux quand le coût diminue (Darmon,
Ferguson, Briend, 2002). Les contraintes budgétaires
orientent donc les choix alimentaires vers une alimenta-
tion de faible qualité nutritionnelle, susceptible de favori-
ser l’obésité et les maladies chroniques liées à des insuf-
fisances d’apports en nutriments essentiels.
Il existe un lien positif entre la qualité nutritionnelle de
l’alimentation et son coût
Les études d’observation sont venues conforter l’hy-
pothèse, issue des études de modélisation, selon laquelle
un lien positif existait entre la qualité nutritionnelle de
l’alimentation et son coût. Ainsi, une association positive
a été observée entre le coût estimé des rations et la
consommation de fruits et légumes (Drewnowski,
Darmon, Briend, 2004), et une association négative
entre le coût des rations et la consommation de produits
sucrés ou la densité énergétique de l’alimentation
(Darmon, Briend, Drewnowski, 2004), à apports éner-
gétiques constants. De même, l’analyse des données de
l’enquête nationale INCA, montre que les personnes qui
payent plus cher leur énergie (par exemple : qui se
situent dans le quartile de « coût d’énergie » le plus
élevé) ont une alimentation de densité énergétique plus
faible et des apports en vitamines C, D, E, ß-carotène, et
folates plus élevés, malgré des apports énergétiques plus
faibles (Andrieu, Darmon, Drewnowski, 2005)
(Figure 2). En accord avec ces résultats, une étude réali-
sée récemment à partir des données de l’enquête
SU.VI.MAX, a mis en évidence une relation positive
entre le coût de l’énergie et la qualité nutritionnelle glo-
bale de l’alimentation, après ajustement sur les apports
énergétiques, l’âge, la quantité d’alcool consommée, l’ac-
tivité physique, le niveau d’étude et le statut tabagique
(Maillot, Darmon, Drewnowski, 2005). Dans cette étude
la qualité nutritionnelle était estimée par le SAIN/jour,
un indicateur qui mesure le degré d’adéquation des ali-
ments ou de l’alimentation aux besoins nutritionnels.
Ces résultats suggèrent que les personnes qui dépensent
peu pour se nourrir ont une alimentation de plus faible
qualité nutritionnelle que les autres.
La relation positive observée dans l’alimentation entre coût
et qualité nutritionnelle pourrait être due à l’existence d’une
hiérarchie qualité nutritionnelle/prix entre grands groupes
d’aliments
Les aliments de forte densité énergétique sont des
sources d’énergie bon marché (Darmon, Briend,
Drewnowski, 2004) mais sont généralement pauvres en
nutriments essentiels (Darmon, Darmon, Maillot,
Drewnowski, 2005). Réciproquement, il existe une relation
positive entre la qualité nutritionnelle des aliments, mesu-
rée par le SAIN, et leur prix (Figure 3, page suivante). En ce
qui concerne plus spécifiquement les fruits et légumes, on
peut démontrer (Tableau I) que ce ne sont pas des sources
chères de micronutriments, mais il n’en demeure pas
moins que ce sont des sources chères d’énergie. Ainsi, 100
kcal de fruits et légumes apportent à peu près cinq fois plus
de micronutriments que 100 kcal de n’importe quel autre
aliment mais ces 100 kcal coûtent à peu près cinq fois plus
cher (Darmon, Darmon, Maillot, Drewnowski, 2005). En
fait, les aliments conseillés dans le cadre d’une alimenta-
tion équilibrée, tels que les fruits, les légumes, les viandes
maigres et le poisson sont souvent les sources d’énergie les
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• Équilibre alimentaire: une question d’argent ? •
Fruits et Autres
Médianes légumes aliments(1)
(n = 129) (n = 508)
Densité énergétique 24* 228
(kcal/100 g)
Densité nutritionnelle 26,4* 4,9
(SAIN/100 kcal)
Coût de l'énergie 1,31* 0,26
(€/100 kcal)
Teneur moyenne en
nutriments pour 100 g 5,2* 9,7
(SAIN/100 g)
Teneur moyenne en
nutriments pour 1 euro 20,4* 17,1
(SAIN/€)
Tableau I: Prix et qualité nutritionnelle des fruits et
légumes, comparativement aux autres aliments (d’après
Darmon et al., 2005).
Comment lire ce tableau: Par exemple, pour les fruits et
légumes, la médiane de la densité nutritionnelle est
égale à 26,4. Cela signifie qu'au moins la moitié des fruits
et légumes de la table INCA apportent dans 100 kcal au
moins 26,4% des besoins nutritionnels en 16 nutriments.
1. (matières grasses et boissons alcoolisées exceptées).