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PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009
qui font l’interface entre le marketing,
la recherche clinique et la visite médi-
cale. Ils sont chargés de faire travailler
ensemble les collaborateurs aff ectés à
ces diff érentes tâches. On essaie d’éviter
le clivage absurde qui peut exister entre
les fonctions pour s’intéresser plus à
la vie du produit. Le marketing reste
une activité à part entière, mais qui est
mieux intégrée dans le cycle du médi-
cament ». Le changement d’environ-
nement inclut l’apparition de nouvel-
les cibles. Le médecin reste au cœur des
préoccupations, le pharmacien dispen-
sateur est un maillon important, mais
il faut aujourd’hui compter avec les in-
terlocuteurs institutionnels et même les
patients, notamment via leurs associa-
tions. « Les entreprises ne peuvent pas
communiquer directement auprès des
patients sur les produits remboursés,
mais d’autres s’en chargent pour eux,
note Marie-Paule Serre. Il faut donc
suivre ce qui se dit de votre produit sur
Internet, et les entreprises peuvent faire
passer des messages de santé publique
et d’éducation à travers ce média. » Les
nouvelles technologies bouleversent-
elles la donne ? « L’outil Internet sera
plus bouleversant pour la communica-
tion avec les patients qu’avec les profes-
sionnels de santé », estime Marie-Paule
Serre, qui poursuit : « Avec ces derniers,
le développement des logiciels d’aide à
la prescription est un élément plus per-
turbant, car ces outils proposent des
mesures d’optimisation économique
qui peuvent entrer en confl it avec un
discours promotionnel. C’est quelque
chose dont on n’a pas encore vérita-
blement mesuré l’impact et qu’il faut
prendre en compte dans les stratégies
marketing. »
Double profi l :
plus que jamais
En termes de formation, « les cursus
doivent être suffi samment fl exibles et
les programmes très proches de ces évo-
lutions, souligne Marie-Paule Serre. Il
est important d’avoir un bon substrat
intellectuel, théorique et académique,
qui va permettre d’évoluer, mais aussi
d’avoir le plus tôt possible un pied dans
l’entreprise. Nous proposons des for-
mules d’apprentissage ou de contrats en
alternance qui connaissent un beau suc-
cès dans les entreprises, même
au niveau bac + 5. Quant
à la formation continue,
c’est le moyen pour
les cadres de faire des
allers-retours profi ta-
bles entre théorie et
pratique. Une autre
façon est bien sûr de
faire intervenir des
professionnels dans la
formation, en binôme avec
des universitaires ». Les étudiants
qui accèdent au master marketing de la
santé de l’UPMC sont médecins, phar-
maciens, biologistes ou ingénieurs bio-
médicaux. « Ils souhaitent acquérir une
compétence complémentaire en ges-
tion et marketing pour aller vers les in-
dustries de santé au sens large, poursuit
Marie-Paule Serre. Pharmacie, dermo-
cosmétique, start-up, matériel médical,
il y des réservoirs et des possibilités d’ex-
pansion et aussi des passerelles entre ces
diff érents domaines qui étaient moins
présentes il y a quelques années. Nous
essayons de leur donner une vision large
du secteur des industries de santé. »
Nouvelles fonctions
La double compétence reste le sésame
ultime, confi rme Maurice Belais. « On
aime les doubles profi ls : statistiques
et marketing, pharma et marketing,
pharma et statistiques, etc car cela per-
met une approche plus transverse. Les
formations donnent une bonne base en
raisonnement, mais il faut en plus une
capacité à s’interroger, une aptitude à
prendre de la hauteur puis à redescen-
dre. C’est diffi cile pour les individus car
cela demande beaucoup de souplesse. »
A l’interface du marketing opérationnel
et du secteur des études de marché, de
nouvelles fonctions font leur apparition,
mais Maurice Belais considère qu’une
fonction fait cruellement défaut dans
les entreprises : « Il s’agit de personnes
capables de faire l’interface entre le mé-
tier et l’informatique. Il faut décoder ce
dont le métier peut avoir besoin dans sa
stratégie client ou produit, et retraduire
tout cela dans des informations issues de
bases de données, qu’il va falloir recom-
piler, retraiter, pour répondre à la ques-
tion posée. Ce sont des gens qui font
du data management, avec la double
compétence marketing et statistiques,
plus un peu d’informatique. Cela né-
cessite aussi beaucoup de souplesse,
d’adaptabilité et compréhension. Ce
sont plutôt des profi ls à ve-
nir, mais la tendance est
lourde. » Si les doubles,
voire triples profi ls
sont plébiscités, c’est
aussi parce que « la
chaîne hiérarchique a
été considérablement
raccourcie, à trois ni-
veaux maximum là où
il y en avait quatre ou
cinq, relève Jean-François
Roquet. Il y a 30 ans, un bloc-
kbuster pouvait mobiliser un chef de
produit junior, un senior, un assistant,
un chef de groupe… ».
Comportements réactifs
Paradoxalement, les étudiants en mar-
keting ont encore « une vision assez
traditionnelle de la fonction », note
Marie-Paule Serre, qui conclut : « L’at-
tirance reste forte pour ces métiers. Ces
jeunes ont acquis la fl exibilité par leurs
études et savent qu’ils seront proba-
blement amenés à passer par plusieurs
structures, et adopter des comporte-
ments réactifs. » Le passage par le ter-
rain est-il obligatoire ? C’est variable
selon les entreprises, mais ceux à qui ça
pose un problème « n’ont rien à faire
dans ces métiers », avance Marie-Paule
Serre. Jean-François Roquet illustre par
l’exemple : « J’ai fait recruter une jeune
femme de 25 ans, qui a fait HEC, un
master industries de la santé, un pas-
sage par une université américaine, et
qui démarre comme chef de produit
junior. » ■
Jocelin Morisson
La double
compétence
reste le sésame
ultime
Spécial Métiers
DR
« LA TRANSVERSALITÉ EST BEAUCOUP PLUS
PRÉSENTE », AVANCE MARIE-PAULE SERRE,
DIRECTRICE DU MASTER MARKETING
SANTÉ À L’UNIVERSITÉ PIERRE ET MARIE
CURIE.