Tout ce que dit le malade a un sens

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Tout ce que dit le malade a un sens
Regards croisés à partir d'une observation de patients en consultation
de radiothérapie dans un centre de soins de cancérologie
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le Conseil Régional Nord – Pas-de-Calais
Rapport réalisé pour
Julien Dupont
Tout ce que dit le malade a un sens
Regards croisés à partir d’une observation de patients
en consultation de radiothérapie
dans un centre de soins de cancérologie
Julien Dupont
Ethno-anthropologue, ORS Nord – Pas-de-Calais, Loos
L'O RS e st un e association su bventionnée par le min istère de la Santé et de s Sports
et soute nue par le C on se il Ré gional Nord – Pas-de -C alais.
Tout ce que dit le malade a un sens
« Tout ce que dit le malade a un sens »
Devernoix de Bonnefon J.
Urgences, mode d’emploi. Paris : Éditions Debard, 1985, p. 102.
ORS Nord – Pas-de-Calais, juillet 2009
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Tout ce que dit le malade a un sens
Sommaire
Ethnographe en milieu hospitalier pour comprendre l’expérience individuelle du cancer .......... 11
Méthodologie ................................................................................................................ 13
Genèse du projet ........................................................................................................ 13
L’exploration initiale ................................................................................................. 13
Un second « voyage » .............................................................................................. 13
Le « terrain » d’étude ............................................................................................... 13
L’observation directe, une méthode .............................................................................. 14
Le principe de l’observation directe : atouts et limites .................................................. 14
Pour une ethnographie sociologique ........................................................................... 14
La collecte des « matériaux » .................................................................................... 14
Limites de l’étude ....................................................................................................... 15
Le temps ................................................................................................................ 15
La fonction .............................................................................................................. 15
Une triangulation ..................................................................................................... 15
Premiers résultats de l’observation directe ........................................................................ 17
L’évidente responsabilisation du malade ........................................................................ 17
Pour tous les temps du cancer ................................................................................... 17
Dans le cadre du traitement ...................................................................................... 17
Une notion à repenser .............................................................................................. 18
Les savoirs, enjeux de domination ................................................................................ 18
Les expériences données .......................................................................................... 18
Une nouvelle domination .......................................................................................... 18
La médecine, ce n’est pas une science exacte ! .............................................................. 19
Singularités............................................................................................................. 19
Les « risques » ........................................................................................................ 19
Découvertes et recherches ........................................................................................ 19
Une maladie « outil » ? .................................................................................................. 21
Comportements habituels face à la maladie ................................................................... 21
Le « modèle » de C. Herzlich ..................................................................................... 21
Similitudes et différences avec l’observation ................................................................ 21
Essai de complément ............................................................................................... 22
Hypothèse de recherche .............................................................................................. 22
Caractéristiques communes ...................................................................................... 22
L’« outil » maladie ................................................................................................... 22
Un outil d’insertion sociale ........................................................................................ 23
Situations connues et reconnues .................................................................................. 23
Entre confiance et doute ........................................................................................... 23
Entre fantasmagorie et réalisme ................................................................................ 23
Entre acceptation et déni .......................................................................................... 23
Quelques préconisations opérationnelles .......................................................................... 25
Bibliographie sélective ................................................................................................... 27
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Tout ce que dit le malade a un sens
Ethnographe en milieu hospitalier pour
comprendre l’expérience individuelle du cancer
En santé publique, il est impossible d’imaginer une prévention sans connaître la manière dont les habitants
se comportent. De même, pour « faire évoluer les mentalités sur la maladie »1 ou « mieux accompagner les
malades et leur famille »2, il est indispensable de connaître les patients atteints de cancers. C’est dans cette
perspective que l’Observatoire Régional de la Santé a proposé une étude ethnographique au Conseil
Régional Nord – Pas-de-Calais.
Tout le monde est déjà passé à l’hôpital soit pour se faire soigner soit pour accompagner un proche, luimême malade. Chacun aura donc eu l’occasion « d’observer » le foisonnement de ce lieu social. Toutefois,
peu d’ethnologues ont posé leur regard sur ce qui est le théâtre de multiples interactions qui donnent à voir,
à entendre et à comprendre ce que vivent les patients et leurs familles au quotidien.
Cependant, quand ces scientifiques ont « pénétré » ce milieu3, tous redisent combien « l’hôpital est un
théâtre vrai, en ce sens que les acteurs, même les mieux lotis, ne réussissent jamais totalement à tricher, à
cacher leur humanité. Malgré les costumes, les mises en scène de la vie hospitalière les font apparaître sous
leur vrai jour : parfois amusants, émouvants même, mais le plus souvent troublants »4.
Ainsi, la pertinence d’une telle approche, centrée sur le malade, n’est plus à prouver. Il faut ici noter que
l’observation ethnographique n’a pas pour but de s’intéresser à la maladie comme à un objet. Cette
démarche, pratiquée par les sociologues depuis Durkheim, a montré quelques limites. Il s’agit plutôt de se
situer dans la démarche de la sociologie américaine et anglo-saxonne. Cette dernière a déjà étudié la place
du malade dans l’institution hospitalière (Parsons) et la relation entre le patient et le thérapeute (Balint).
Cette étude, elle, est à la jonction de ces deux approches. Il s’agit de s’intéresser à l’expérience individuelle
de la maladie, tel que l’a déjà fait Marie Ménoret5.
1
4ème objectif général du plan régional de lutte contre les cancers.
4ème objectif opérationnel du plan régional de lutte contre les cancers.
3
À propos de l’hôpital comme lieu de recherches pour la sociologie, il est pertinent de lire quelques pages in Peneff J. L'hôpital en
urgence. Paris : Métailié, 1992 ; p. 13-16. En effet, ces quelques pages citent les sociologues travaillant dans ce domaine tels que
Chauvenet, Herzlich, Stendler et Binst.
4
Vega A. Une ethnologue à l’hôpital. L’ambiguïté du quotidien infirmier. Paris : Éditions des archives contemporaines, 2008 ; p. 200.
5
Ménoret M. Les temps du cancer. Paris : Éditions Le bord de l’eau, col. Clair et Net ; 2007 (2nde édition).
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Méthodologie
Genèse du projet
L’EXPLORATION INITIALE
Avant de se lancer dans un tel projet, une « pré-enquête » était obligatoire. Elle a permis, comme le précise
son objectif, d’identifier le lieu idéal d’un « terrain » et les objectifs d’une telle « enquête ». Ainsi, cette
phase exploratoire avait eu lieu en 2007, pendant dix jours.
Il était apparu opportun, alors, de prendre part aux consultations d’un médecin pour écouter ce que disent
les patients et ainsi discerner le sens de leurs propos. Car, comme cela est mis en exergue dans ce travail,
« tout ce que dit le malade a un sens »1. En effet, au cours d’une consultation, un patient parle autant de sa
maladie que de son histoire.
Lors de l’exploration initiale, deux autres champs de recherches avaient été présentés : l’un consistant à
rester en salle d’attente, l’autre à rejoindre une équipe de bénévoles pour distribuer café et friandises et
ainsi amorcer la discussion. Ces deux possibilités ont été rapidement écartées pour la présente étude car
l’une et l’autre solution sont soumises aux aléas des paroles de patients. C’est moins le cas dans le cadre
des consultations, le patient se « dévoilant » toujours un minimum pour permettre en tout premier lieu
l’examen médical.
UN SECOND «
VOYAGE
»
Ce premier retour sur le terrain se fonde donc sur une réalité circonscrite : les consultations. Bien entendu,
ces dernières peuvent être très différentes en fonction de la « période » dans laquelle est le patient. Une
consultation de suivi de traitement ne sera pas de même type qu’une consultation de diagnostic par
exemple.
Pour cette enquête, ce sont plus de 210 consultations qui ont été suivies sur quatre matinées et un aprèsmidi pendant plus de six semaines. Et si plusieurs consultations ont des points communs, toutes sont
particulières. Par exemple, chaque mardi matin était consacré à la « simulation ». C’est une phase qui
consiste à repérer avec précision la région cancéreuse à traiter. Pour cet exercice en phase initiale du
traitement, les consultations suivies étaient très variées. Tantôt les uns se confiaient beaucoup, tantôt les
autres restaient muets. Mais tous « disaient » quelque chose de leur maladie.
Grâce à la phase exploratoire, cette revisite du « terrain » s’est effectuée selon trois « axes de recherche »
différents. Le premier axe consistait à voir comment le patient « gère » son cancer, le second cherchait à
voir comment il se représente la maladie, et le dernier à comprendre quelle expérience il a de la maladie.
LE «
TERRAIN
» D’ETUDE
Comme le dit le vocabulaire ethnographique, le « terrain » de cette enquête fut un service de radiothérapie
de la région Nord – Pas-de-Calais. Pourquoi se situer uniquement dans un tel secteur ? Pour une raison
toute simple ! Sachant que 60 % des patients atteints de cancer sont traités par radiothérapie, dont 90 %
en ambulatoire2, ce lieu a semblé être un lieu propice pour « observer » les patients.
Bien entendu, puisque le terrain est « tout autant la condition de possibilité de toute recherche qu’un
moment, certes spécial et original mais temporaire voire aléatoire de cette même recherche »3, ce dernier
est à envisager comme le lieu et le temps privilégiés de cette enquête, même si celle-ci « déborde »
inévitablement ces conditions. En effet, tout ne se découvre pas uniquement au sein de ce service. Les
livres, conférences et rencontres informelles sont venus soutenir cette approche.
Devernoix de Bonnefon J. Urgences, mode d’emploi. Paris : Éditions Debard, 1985 ; p. 102.
On peut trouver ces chiffres dans nombre d’ouvrages, tels que : Berger C et al. La radiothérapie ambulatoire. In : Aguerri M-F et al.
Pratique des soins ambulatoires en cancérologie. Paris : John Libbey Eurotext, 2000 ; p. 79.
3
Copans J. L’enquête et ses méthodes : l’Enquête ethnologique de terrain. Paris : Armand Colin, 2005 ; p. 9.
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Enfin, il faut savoir que si ces quelques lignes taisent le lieu qui a accueilli une telle recherche, ce n’est point
pour l’éviter, mais pour permettre un respect total de l’anonymat des patients. Cependant, que chaque
acteur de cette institution soit vivement remercié, car sans ces conditions d’accueil, cette approche
microsociologique n’aurait pas pu se faire.
L’observation directe, une méthode
LE PRINCIPE DE L’OBSERVATION DIRECTE : ATOUTS ET LIMITES
Un lieu et des axes de recherche ne suffisent pas pour réaliser une enquête. Encore faut-il avoir une
méthode. Celle de l’ethno-sociologie est l’observation. Cette méthode est plurielle. On peut observer en
faisant une description précise d’une situation avec des faits objectifs, on peut aussi être pragmatique ou
encore comparatif. Mais ce qui est certain, c’est que, quelle que soit la manière dont un observateur veut
observer un fait, il ne peut pas tout observer. Il n’y a qu’à voir au cinéma par exemple, Affaire de famille ou
The Axe Fight, pour voir que l’on peut avoir trois présentations d’un même fait, les choix de « vision »
n’étant jamais anodins. Voici donc une limite de l’observation, basée essentiellement sur celui qui cherche
lui-même. Son histoire, sa connaissance spécifique et beaucoup d’autres facteurs font qu’il introduit des
« biais » à l’enquête.
En contrepartie, l’observation directe a pour ambition d’observer des choses qui se donnent à voir, c'est-àdire dans une situation donnée et sans reproduire les conditions d’une interaction, surtout dans le cas d’une
observation incognito. Car en effet, en prenant un « rôle » donné dans une situation précise –comme dans
le cas présent un rôle d’interne aux côtés d’un médecin– le chercheur ne crée pas une situation fictive, qui
risque d’induire forcément les données récoltées sur le terrain.
En tout cas, bien que l’observateur ne puisse voir directement qu’une situation limitée, son ambition est
bien « de rendre compte de pratiques sociales, de mettre au jour ce qui les oriente, ce qui amène les
acteurs à leur donner telle forme »1 par une observation directe. C’est en ce sens que des anthropologues
ont déjà prouvé l’intérêt de ce type d’observation2. Pour ce qui est des limites inhérentes à sa manière
d’observer et de rendre compte, l’enjeu pour l’observateur est bien de connaître ses propres « biais » pour
savoir les « corriger » au plus juste.
POUR UNE ETHNOGRAPHIE SOCIOLOGIQUE
L’observation « directe » et « incognito » est bien spécifique. Elle n’est pas une observation participante au
sens où l’observateur devrait être lui-même un patient, ce qui pose d’autres difficultés. Mais l’observation
reste un outil premier pour ethnographier un lieu.
Cependant, il n’est pas propre à cette discipline. La sociologie, bien qu’ayant un regard plus « macro », s’est
peu à peu emparée de cette méthode. Mieux, elle s’est peu à peu ouverte à « l’ethnographie sociologique »
comme le stipulent Beaud et Weber dans leur ouvrage3. Tel est le projet de cette recherche.
Comme le soulignent ces deux chercheurs, cette méthode induit que l’observation ne doit pas être
« entendue comme une technique codifiée mais comme un style d’attention au monde social »4. À la
frontière du travail ethnographique et du travail sociologique, cette manière d’enquêter se veut
reconnaissante à une suite d’interactions et à une volonté de refuser les travaux « de cabinets ».
LA COLLECTE DES «
MATERIAUX
»
Pour collecter le « matériel » de l’ethnographie –c'est-à-dire ce que le terrain a donné à voir, entendre,
toucher, comprendre…– deux moyens ont été utilisés. Le premier est un carnet sur lequel plusieurs notes
ont été inscrites le plus souvent entre deux rendez-vous. Le but était de se remémorer ces derniers grâce à
quelques mots-clés, ou quelques citations extraites de l’entretien avec le médecin. Quand il n’était pas
possible d’écrire entre deux consultations, l’enquêteur faisait de son mieux pour faire mémoire des rendezvous passés dès que possible.
Chaque fin de journée, l’enquêteur s’est employé à tenir un « journal de terrain », c'est-à-dire un cahier où
se mêlent plusieurs notes très variées. On en définit de quatre types. Il y a d’abord les notes descriptives
sur les consultations elles-mêmes, les lieux fréquentés, les personnes… Il y a aussi les impressions laissées
et les idées d’investigation possible pour le lendemain. Enfin, quelques analyses ont place dans ce carnet
même si nombre d’entre elles sont provisoires car vite dépassées.
Arborio A-M, Fournier P. L’enquête et ses méthodes : l’observation directe. Paris : Armand Colin, 2005 ; p. 45.
Voir à ce sujet : Hubert A, Thé Guy. Modes de vie et cancers. Paris : Hachette, 1988 ; p. 190-191.
3
Beaud S, Weber F. Guide de l’enquête de terrain. Paris : La découverte, 1997.
4
Ibid., p. 313.
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Ces deux outils, confidentiels, sont deux moyens de récolter et de garder une trace précise des observations
faites par l’enquêteur. Symptomatiques de l’atout et des limites d’une observation directe dans le cadre
d’une ethnographie sociologique, ils demeurent cependant bien utiles pour rendre compte d’une telle
approche.
Limites de l’étude
LE TEMPS
Plusieurs limites de cette étude son établies. La première concerne le temps. Il semble qu’un temps plus
long aurait donné à l’étude plus de résultats. En effet, l’insertion ethnologique n’a de sens que si elle a lieu
sur un long temps. Comme de nombreux manuels le répètent, il est important de réaliser un travail dans la
durée pour pouvoir vivre de véritables rencontres, sans quoi « un bref passage livre l’enquêteur pieds et
poings liés à ses contacts locaux, en général des notables ou des personnages officiels en charge »1.
Le travail n’aurait pas été seulement « plus approfondi ». Il aurait surtout permis de réaliser d’autres types
de recherches tels qu’un récit de vie, par exemple. Lire, en guise d’étude, un récit de vie donne non
seulement la possibilité d’expliciter une expérience personnelle, mais aussi d’entrer dans un autre cadre que
celui de l’hôpital.
Reste que l’ethno-sociologue est toujours soumis aux moyens financiers, à sa situation personnelle ainsi
qu’aux multiples autorisations que requièrent de tels travaux. En ce sens, le temps reste un problème
jamais pleinement résorbable hors des travaux de recherche empiriques nécessitant des moyens
considérables.
LA FONCTION
Bien qu’inséré comme interne en médecine aux yeux des patients, la fonction choisie n’était pas idéale et
ce, pour plusieurs raisons. Dans son livre, E. Godeau2 livre les résultats de son observation participante du
« monde » des internes en médecine et joue sur deux sens du mot corps. Elle développe d’abord les
questions relevant de la conception du corps chez les internes. Mais elle explicite aussi la notion
d’incorporation à un corps social, qui deviendra le corps médical codifié, comme un en-soi, et même un
« second monde », celui-ci « inversant terme à terme les axes sur lesquels repose le premier (...) :
vocabulaire technique et spécialisé / vocabulaire trivial et obscène ; respect des hiérarchies /
égalitarisme... »3. Ainsi l’enquêteur ne pourra-t-il jamais être pleinement un interne mais simplement lui
ressembler, l’imiter. Cela signifie à la fois qu’il faut être clair sur le statut du chercheur auprès du personnel
médical, et que cette clarification risque d’être une limite pour l’étude. C’est bien ce qu’a vécu Peneff lors de
son séjour comme brancardier bénévole d'un grand hôpital de l'Ouest4.
Reste qu’il est tout à fait imaginable de participer aux actes non médicaux en étant auprès d’un médecin, en
apportant quelques dossiers ou en allant chercher les patients en salle d’attente par exemple. Il ne faut
cependant jamais oublier la finalité première de ce travail et donc chercher à ce que des entretiens puissent
avoir lieu avec les patients, de manière informelle ou plus marquée.
De plus, recueillir des « matériaux » sur un « terrain » ne peut jamais se réaliser sans quelques limites.
Aucun terrain n’est idyllique et aucun chercheur n’est exempt d’un travail sur son regard. En effet, ces
limites « techniques » n’empêchent en rien la limite première qui est celle du chercheur avec ses
représentations, sa culture… cela se vérifie notamment dans les matériaux qui sont éminemment « impurs »
comme le stipulait déjà Olivier Schwartz5. Mais là est toute la richesse du travail ethnographique.
UNE TRIANGULATION
Une troisième limite de ce travail réside dans le fait qu’il manque une réelle « triangulation des méthodes »,
c'est-à-dire qu’il manque un travail poussé par d’autres moyens que l’observation. La place des entretiens
non directifs ou semi-directifs réduite et des lectures mériteraient, par exemple, d’être approfondies.
Il est aussi imaginable d’ajouter à cette ethnographie d’autres lieux d’observation que les seules
consultations comme les salles d’attente. Cette piste, déjà proposée lors du premier travail d’observation,
reste d’actualité.
Beaud S, Weber F. Guide de l’enquête de terrain. Paris : La découverte, 1997 ; p. 298.
Godeau E. L’« esprit de corps » : Sexe et mort dans la formation des internes en médecine. Paris : Editions de la Maison des sciences
de l’homme, 2007.
3
Ibid., p. 278.
4
Peneff J. L'hôpital en urgence. Paris : Métailié, 1992.
5
Schwartz O. « L’empirisme irréductible » in Anderson N. Le Hobo, sociologie du sans abri (1923). Paris : Nathan, 1993 ; p. 265-308.
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Enfin, une approche quantitative peut compléter l’approche qualitative ici menée, à l’aide d’un questionnaire
adressé aux patients, qui permettra de confirmer les grandes tendances décrites ci-dessous et de voir
quelques évolutions possibles dans les années à venir. Reste que l’observation ainsi effectuée a permis de
donner nombre de résultats, dont voici les principaux axes.
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Premiers résultats de l’observation directe
L’évidente responsabilisation du malade
POUR TOUS LES TEMPS DU CANCER
En cancérologie, il y a plusieurs « temps », plusieurs « phases »1. Il y a d’abord « l’avant » et « l’après »
maladie. Puis il y a le temps du traitement lui-même. Il existe un point commun à ces trois temps : celui de
la responsabilisation. Aujourd’hui, le discours des médecins incite les patients à se sentir responsables de
leurs actes, et donc de leur passé, de leur présent et de leur avenir.
Au passé, le concept de responsabilité prend une connotation (très) négative, avec comme arrière-fond
l’idée selon laquelle le cancer est une maladie dont ils sont responsables, et donc qu’ils auraient pu éviter.
Cette notion n’est pas nouvelle. Déjà à la fin du XIXème siècle, l’idée d’une corrélation entre modes de vie et
cancer avait été émise, en tout premier lieu, par l’article de Sir Richard Doll et Richard Peto, chercheurs de
l’université d’Oxford. En effet, cet article expliquait que « le cancer est une maladie en grande partie
évitable »2.
De la même manière pour l’avenir, le comportement individuel est stigmatisé. Le suivi post-thérapeutique
indiqué et la prise en compte des conseils prodigués par les médecins 3 sont deux exemples de la
responsabilisation dite négative du patient. Est-ce pour autant une « déresponsabilisation » du corps
médical ? La manière de le vivre, comme pour les patients, est variée.
Cette étude ne peut dire si des comportements favorisent l’émergence de telle maladie ou la rémission de
telle autre. Mais ce type de responsabilisation ancre le malade dans ce qui le définit souvent : l’exclusion de
la société. Une limite ici est de considérer que tout « repose » sur les actes du malade et de lui seul. Reste
que l’acceptation ou la négation de cette part de responsabilité des patients est importante dans la gestion
de la maladie comme dans le processus de guérison.
DANS LE CADRE DU TRAITEMENT
Il y a un autre versant à la responsabilisation ambiante. Ici, l’idée est d’associer le patient à la prise de
décision médicale, et ainsi de le rendre acteur. Cette notion de responsabilité est nettement plus positive. Il
s’agit, le plus souvent, de donner aux patients des moyens pour participer à la décision médicale. On voit ici
l’émergence d’une pratique bien ancrée aux Etats-Unis.
En ce sens, les patients ne sont plus considérés comme des malades mais comme des médecins. En effet,
tout comme eux, ils participent d’une manière particulière au processus de rétablissement de la santé en
leur propre corps, à l’exception près que les patients n’ont pas de formation appropriée. Ce qu’il est
intéressant de remarquer, c’est que c’est justement quand le patient est au « sommet » de la maladie qu’il
est invité à prendre part au rôle de médecin. À l’inverse, la responsabilisation plus négative décrite cidessus invite le patient pas encore affecté ou déjà guéri à se situer comme malade. Cette inversion des
rôles à cause d’une responsabilisation massivement pratiquée n’est pas sans effets. Nous le verrons plus
tard.
Bien que plus positive, cette responsabilisation n’est pas sans poser des questions sur la lourdeur de tels
actes, surtout d’un point de vue psychologique : est-ce si simple de participer à une décision médicale,
surtout si celle-ci s’avère être un générateur de troubles physiques supplémentaires par exemple ? De
même, qui du médecin ou du patient va avoir « le dernier mot » ? Quel est l’avis qui compte le plus ? Celui
du praticien avisé, ou celui du patient, acteur qui a une part importante dans la guérison ?
Pour finir, il faut noter que, pour les médecins, cette part active dans le rôle du malade n’est pas une
évidence. De plus en plus souhaitée et enseignée, il n’en demeure pas moins que, pour beaucoup de
praticiens, « la posture de malade considérée idéale par les thérapeutes dans cette phase aiguë [de
traitement] se révèle donc un état moral qui n’entrave la bonne marche de la relation clinique ni par un
Voir notamment Ménoret M. Les temps du cancer. Paris : Editions Le bord de l’eau, 2007.
Doll R, Peto R. « The causes of Cancer » in Journal of the National Cancer Institute, 66. Oxford : Oxford University Press, 1881.
3
Sont ici considérés comme conseils auprès des patients des encouragements indiqués à leurs médecins traitants respectifs, tels que :
« j’ai (une nouvelle fois) renouvelé les conseils de photo-protections à M. N. ».
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abattement psychologique trop profond, ni par une résistance trop aiguë à l’égard des décisions
professionnelles. L’important, c’est d’acquérir une adhésion morale détachée à l’égard d’un engagement
technique »1.
UNE NOTION A REPENSER
En constatant une responsabilisation massive des patients, on est très loin de la définition du patient
donnée par Parsons2. Ce sociologue américain caractérisait le rôle du patient en trois points. D’abord, pour
lui, un malade est exempt des responsabilités associées normalement à un rôle social. Aussi, le malade est
dans l’impossibilité de se rétablir par ses propres moyens, et il a un désir de guérir en recherchant une aide
compétente. Avec une responsabilisation accrue, le rôle du malade semble être ainsi complètement à revoir.
Ce modèle de Parsons a déjà été remis en cause à de multiples reprises, notamment parce qu’il ne rend pas
compte de la situation d’un patient affecté d’une maladie chronique ou incurable. Reste cependant que,
dans le cadre d’un cancer, il interroge les mêmes axes de recherche que ceux induits par la
responsabilisation dite « positive » ou « négative ».
L’étude ici réalisée méritera plus ample réflexion sur cette notion de responsabilisation. Mais au vu des
pratiques observées, ce concept semble être critiquable sur trois aspects. D’abord, en responsabilisant le
malade ainsi, on rabat un certain nombre de causes sur une simple responsabilité individuelle. Or, les
facteurs biologiques, médicaux et psychologiques, sociaux, économiques… ne sont pas toujours d’un ressort
personnel. Cela est visible dans beaucoup de récits de vie. Ensuite, la notion de responsabilisation est floue.
Etre responsable, c’est répondre de quelque chose. Le malade « répond » donc de sa maladie, et le
médecin, à sa mesure. Mais jusqu’où va cette notion ? Que recouvre-t-elle ? Enfin, on parle de plus en plus
de la responsabilisation comme d’un droit des malades. Mais il semblerait alors opportun de parler des
devoirs de ce dernier. Ce sont ces deux notions cumulées qui permettront de définir plus clairement ce qui
relève de « la responsabilité » des malades.
Ainsi semble-t-il évident que la notion de responsabilité manque encore de fondements. Chaque manière de
comprendre ce concept tend à faire vivre aux patients de véritables mutations dans leur identité. C’est en
tout cas une des causes observées de nombreuses mutations décrites dans cette étude.
Les savoirs, enjeux de domination
LES EXPERIENCES DONNEES
Plusieurs études l’ont déjà montré : le développement d’Internet a transformé l’accès à l’information
médicale. En effet, de nombreux sites Web et forums traitent des questions de santé, en particulier en ce
qui concerne le cancer. Même si la qualité de l’information délivrée sur Internet n’est pas toujours bonne,
nombre de personnes s’y informent et tentent de s’y informer. Cette information est détenue pour la plupart
des patients comme vraie, juste et bonne. Rares sont les patients qui considèrent Internet comme une
source d’information parmi d’autres.
Parallèlement, un autre moyen d’appréhender un savoir médical se situe dans les relations sociales des
patients. Cela signifie que plus les patients ont des amis ou de la famille proche qui a été ou est touchée par
le cancer, plus leur savoir semble immuable. En effet, quand un cancer survient à proximité3 d’une
personne, la manière de se situer de cette dernière quand elle est malade est différente. Dans ce cas, le
patient remet en cause plus facilement le médecin et son savoir.
La phrase la plus souvent entendue en consultation est la suivante : « Mais je sais comment ça se passe
docteur ». Derrière ces quelques mots, c’est une manière de se situer socialement qui émerge. C’est aussi
une forme d’affrontement, de défi posé au médecin et à sa légitimité. De même lorsqu’un patient s’appuie
sur les témoignages donnés sur Internet, il pose le même défi.
UNE NOUVELLE DOMINATION
Lors des consultations observées, ces manières de se situer des patients les faisaient entrer dans un rapport
de domination. On pense souvent la domination comme celle d’une catégorie sociale, c’est-à-dire d’une élite
d'intellectuels ou de grands dirigeants sur une masse anonyme d’humains moins diplômés, formés… Ici, la
domination s’effectue avant tout par le savoir.
Ménoret M. Les temps du cancer. Paris : Éditions Le bord de l’eau, 2007 ; p. 173.
Parsons T. The Social System. New York: Free Press, 1951; p. 436-7.
Nous ne nous arrêterons pas sur les questions de qui « est » de la famille et qui ne l’est pas. Pour les patients comme pour le reste des
Français, la notion de famille ayant largement évolué ces dernières années, la famille est constituée de personnes plus ou moins choisies
et légitimées comme telles (de Singly). Voilà donc ce que recoupe cette notion de proximité.
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Tout ce que dit le malade a un sens
Ce type de domination en médecine a déjà été traité. Les théories bourdieusiennes peuvent aussi être mises
en avant pour redire combien les rapports de domination, à partir du savoir, existent dans le monde
médical. Mais dans chaque étude, c’est le médecin qui est le dominant, à cause même de son savoir, de ses
années d’études et de pratiques. Or, dans le cadre de cette étude, plusieurs consultations laissent penser
que c’est le patient qui domine le médecin quand il a un savoir tiré de l’Internet ou de son réseau social
proche.
Une nouvelle fois plusieurs questions se posent, surtout si le « savoir » ici entendu est une base d’appui
pour un patient qui se veut acteur de sa propre guérison. En effet, s’il se situe dans le cadre d’une
responsabilité dite positive et qui, en plus, apporte ce type de savoir, il entre dans un rapport inversé avec
les praticiens hospitaliers. Quelle est donc la place du médecin ? Sur quoi s’appuie sa légitimité ? Bien que
nous soyons dans une situation moins courante que celle où le médecin « domine » le patient, ce nouveau
type de rapport pose lui aussi des questions importantes sur la médecine et son champ d’application.
La médecine, ce n’est pas une science exacte !
SINGULARITES
Derrière l’unique mot cancer, il faut voir combien de variables différentes s’établissent : il y a des
localisations tumorales différentes, plusieurs comportements face à la maladie, différentes cultures, un
panel d’âges... L’identité sociale du patient est donc à considérer à partir de toutes ces variables tant des
différences sont notables. Ainsi, s’il y a une singularité de la maladie, le malade est tout autant singulier.
Pourtant, le vocabulaire entendu en consultations, surtout dans le cadre d’un rapport de domination, laisse
penser que le cancer est une réalité unique, formant un tout.
Toutefois, il n’y a pas que la situation de départ qui laisse entrevoir de nombreuses singularités. Les
réactions au traitement sont aussi particulières. De plus, l’expérience de traitement que fait chaque malade
le fait entrer dans une mutation de lui-même et de son rapport à la maladie. « Au cours de traitements
hautement techniques et complexes, l’être humain est secoué, ses cadres de référence sont transformés, le
besoin d’information sur son propre corps et sa maladie et la manière dont on va y répondre vont influer sur
son expérience de traitement et peut-être affecter plus ou moins son efficacité »1.
Ainsi, ces deux singularités laissent place à une expérience particulière du cancer pour chaque homme. Bien
entendu, il y a des repères communs à cette maladie. Mais pour une grande part, l’expérience est si
individuelle que les comparaisons émises avec les témoignages issus de forums de discussions sur Internet
ou avec les amis semblent peu propices.
LES «
RISQUES
»
À cause de ces singularités, les médecins consacrent beaucoup de temps pendant les consultations à
écouter les patients, et ainsi anticiper sur leur manière de réagir à un traitement ou de gérer la maladie au
quotidien. C’est pour cela que le vocabulaire du risque est souvent employé par ces spécialistes de la
cancérologie. Pour eux, il y a deux types de risques : ceux à prendre et ceux à gérer.
Dans le premier cas, la gestion des risques concerne plus l’approche thérapeutique. Sachant que le patient a
tel cancer, tel antécédent, telle manière de répondre à tel traitement, le médecin lui propose telle solution
pour enrayer ce cancer. Le risque ici, c’est que le patient ne réagisse pas au traitement administré de la
manière escomptée, ou que telle intervention chirurgicale révèle d’autres anomalies. Dans ce cas, très
souvent, le médecin adopte une stratégie presque toujours validée par d’autres confrères spécialisés dans le
domaine en question.
L’autre manière d’envisager le risque, en cancérologie, c’est d’en éviter un. Le plus souvent ici, c’est d’éviter
la mort dont il est question. Reste que, pour chaque gestion de risque décrite ici, une grande expérience est
indispensable. Il faut aussi dire, pour être juste, que gérer des risques signifie qu’il y a deux manières de
voir l’issue : soit positive, soit négative. Et là, l’explication n’est pas toujours possible.
DECOUVERTES ET RECHERCHES
C’est à partir de ces expériences qu’il est aisé de dire combien la médecine n’est pas une science
« exacte ». À ce propos d’ailleurs, aucune science ne peut être exacte. Mais, force est de constater que cela
n’est pas assimilé par une grande majorité des patients, surtout ceux qui n’ont jamais eu un proche malade
et qui ne consultent pas Internet. Ces malades plus « traditionnels » s’en tiennent à un discours stricto
sensus du médecin qui lui seul peut « faire quelque chose ».
1
Ben Soussan P, Julien Raynier C, dir. Cancer et recherches en sciences humaines. Paris : Eres, 2008 ; p. 28-9.
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Tout ce que dit le malade a un sens
Pour les patients ayant déjà eu une approche en cancérologie ou consultant régulièrement le Web,
l’assimilation du fait que la médecine gère des risques fait qu’ils semblent avoir toute latitude pour prendre
une part, eux aussi, dans la gestion de ce risque. L’attitude la plus habituelle pour ces patients est de
recourir aux autres « médecines », c'est-à-dire aux thérapies non conventionnelles1. Cela n’est pas sans
poser des problèmes aux médecins qui, quelquefois, sont confrontés à des réactions prévisibles en fonction
de telle ou telle attitude. Dans ce cas, c’est le manque de dialogue entre le patient et le médecin qui pose
problème.
De la part des médecins, le statut de la médecine comme science n’est pas discutable. Reste que leur travail
les confronte, au quotidien, à la recherche et donc à des protocoles et des essais. En ce sens ils savent bien
que rien n’est figé, exact et établi d’avance, mais que la cancérologie va de découvertes en découvertes. Les
patients, eux, n’assimilent pas toujours cette donnée, ce qui produit quelquefois les réactions atypiques de
refus total de la médecine au profit d’autres techniques dites médicinales.
1
Siri M. Que sait-on du recours aux médecines non conventionnelles en cancérologie ? Oncologie 2006 ; 8 : 756-61.
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Tout ce que dit le malade a un sens
Une maladie « outil » ?
Comportements habituels face à la maladie
LE «
MODELE
» DE C. HERZLICH
Beaucoup de sociologues ont travaillé sur les maladies. Claudine Herzlich, elle, travaillait sur les
représentations sociales de la santé et de la maladie dans les sociétés modernes. En ce sens, elle a
développé trois théories. Pour cette sociologue émérite du CNRS, la maladie peut être « destructrice »,
« libératrice », ou « métier ». Qu’entend-elle par ces termes ?
Quand Claudine Herzlich parle de maladie « destructrice », elle montre combien la maladie peut être, pour
quelques-uns, vecteur d’exclusion sociale. Dans ce cas, les patients malades développent un sentiment
d'inutilité sociale à cause même de leur inactivité. En même temps, une forte dépendance à autrui
caractérise leur nouvelle relation à la société. Ainsi, la maladie est conçue comme destructrice de toute
relation. L’inactivité et la dépendance engendrée sont alors vécues très péniblement car elles sont les
causes de cette destruction progressive et insoutenable. Dans ce cas, les patients malades maintiennent
leurs activités le plus longtemps possible. Ils refusent de rencontrer un médecin, d’en savoir plus sur
l’évolution de leur maladie et même de recourir à des soins médicaux.
Comme pour la maladie dite destructrice, la maladie « libératrice » commence par l'inactivité liée à la
maladie. Mais, dans ce cas, les patients ressentent un allégement des charges qui pesaient sur eux avant
leur maladie. La maladie entraîne alors une rupture tant avec le quotidien qu’avec les diverses obligations
sociales habituelles. Dans ce cas, la maladie révèle aussi les patients en ce sens qu’ils se « retrouvent »
eux-mêmes, se révèlent et finalement se libèrent de contraintes pour les amener vers une plus grande
réflexion sur leur situation personnelle.
Enfin, la maladie peut apparaître comme un véritable « métier ». Pour les patients de cette catégorie, la
maladie est redoutée mais finalement acceptée car leur fonction consiste avant tout à lutter contre cette
dernière. Ici, il n’est pas rare de voir cette lutte finir positivement. Claudine Herzlich va jusqu’à dire que les
patients « hâtent ou facilitent » leur propre guérison et que cela est caractéristique de cette dernière
conception de la maladie. Aussi le rôle du malade est-il (presque) à égalité avec celui du médecin, car tous
deux ont la même mission : guérir.
SIMILITUDES ET DIFFERENCES AVEC L’OBSERVATION
Bien entendu, l’observation a permis de rencontrer chacune de ces manières de se situer par rapport à la
maladie. En cancérologie, la maladie est plus massivement « destructrice », du moins dans ce qu’il nous a
été donné de voir.
Reste qu’il y a une certaine singularité de chaque réaction face à la maladie, surtout à cause du caractère
des patients et de leurs proches, comme le stipule Anne Vega : « La maladie est souvent conçue comme
une réalité morbide, extérieure au malade ou déclenchée par lui, qu’il doit affronter courageusement et
individuellement par sa force de « caractère » et grâce à l’aide stimulante de ses proches et du personnel
hospitalier »1. La perception de l’avenir, chez les patients, est très caractéristique de cela. Il y a ceux qui
sont lucides, ceux qui s’inventent un avenir et ceux qui ne le voient pas et vivent au jour le jour.
Il existe cependant une différence notable par rapport au modèle proposé par Claudine Herzlich. Pour elle,
la maladie vécue comme « destructrice » ou comme « libératrice » est synonyme d’une participation sociale
abolie, à l’inverse de la maladie « métier » –plus rare en cancérologie– où la participation à la société est
conservée.
Dans l’ethnographie, nous avons pu observer que des patients étant encore pleinement insérés dans la
société, vivaient leur maladie sans que la guérison soit plus rapide par exemple. C’est sur un tel constat que
nous proposons un complément de ce modèle.
1
Vega A. Une ethnologue à l’hôpital. L’ambiguïté du quotidien infirmier. Paris : Éditions des archives contemporaines, 2008 ; p. 188-9.
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Tout ce que dit le malade a un sens
ESSAI DE COMPLEMENT
Proposer un complément à une telle théorie n’est pas chose facile, malgré les apparentes différences qui
existent. Reste qu’il y a une tentation de caricaturer les patients en proposant une nouvelle typologie de
conception de la maladie.
Ainsi est-il imaginable de décrire chaque patient en lui décernant l’épithète de « bon » ou de « mauvais »
malade. Telle n’est pas notre intention. Les patients rencontrés nous ont été donnés à voir comme tels. Et
c’est la manière dont ils sont regardés qui doit être interrogée. Par exemple, un patient qui « agace, irrite,
fait perdre du temps [signifie peut-être] une acceptation implicite de l’aide. Le patient stoïque, outre qu’il ne
pose pas de problème, minimise pour sa part l’importance de l’aide dans le processus de retour à la
santé »1. Ainsi, juger en distinguant le « bon » du « mauvais » signifie classer dans ses propres catégories.
Mais alors le patient n’est pas au cœur de l’observation.
Hypothèse de recherche
CARACTERISTIQUES COMMUNES
Précédemment, nous avons affirmé qu’il y avait des patients pleinement insérés socialement qui vivent leur
maladie sans que la guérison soit plus rapide. Mais ceci n’est pas l’unique caractéristique de ces patients. Ils
ont une manière commune de gérer leur maladie. Cela signifie qu’ils prennent de multiples avis auprès d’un
nombre important d’amis, de collègues, et même de « professionnels » de la santé y compris ceux qui ne
sont pas reconnus comme tels. Comme pour la maladie « métier », ces patients sont très actifs. Mais la
grande différence réside dans le fait qu’ils ne luttent pas contre la maladie mais contre le système médical.
Cette lutte s’organise selon la propre « expertise » du patient, c'est-à-dire son ressenti.
Il faut dire que les patients de cette catégorie travaillent, pour une partie, dans le monde de la santé.
L’autre partie est liée au cancer car un parent proche –ascendant ou descendant– a été atteint d’un cancer.
Dans l’un et l’autre cas, il est clair que ces patients ont été confrontés à la médecine. Dans le panel de
malades observés, le « journal de terrain » répertorie huit cas sur les quatre-vingt-dix décrits. Sur ces huit
cas, six ont un proche parent qui a été ou est en traitement pour un cancer, et trois autres travaillent dans
le milieu médical.
Plus largement, ces patients se considèrent souvent comme des clients, ayant les mêmes « droits » que ces
derniers. C’est ce qui leur permet de dire : « Si tel traitement donne du résultat, je reviendrai ici » ou bien
« je reviendrai chez vous uniquement si vous me soignez convenablement ». C’est à cause de cette
disposition d’esprit qu’ils ont aussi une gestion de leur traitement qui est aléatoire. C’est en fonction de
leurs rencontres qu’ils se disposent à suivre les traitements donnés par l’équipe médicale. Bien sûr, les
praticiens connaissent ces pratiques. Dans ce cas, ils adaptent leurs traitements en fonction des résistances
des patients. Mais il ne s’agit pas seulement d’une question de traitements. Plus fondamentalement, c’est
une manière d’envisager la maladie qui est en cause.
L’«
OUTIL
» MALADIE
Pour ce type de patients, la maladie est un outil qui est au service de leur propre personne. C’est « à
cause » ou « grâce » à la maladie qu’ils peuvent s’insérer socialement, démystifier la médecine et
redécouvrir leur histoire personnelle.
Pour cette dernière situation, il faudrait une recherche plus psychologique. Mais ce qui apparaît à
l’observation, c’est que la maladie est souvent l’occasion, pour ces malades, de revisiter leur histoire
personnelle et de la relire à la lumière de leur maladie. Dans ce cas, leur cancer est le « sommet » de leur
vie personnelle « décadente », « entièrement tournée vers la médecine » ou « basée sur la maladie » selon
leurs propres expressions.
Aussi, le fait pour ces patients de savoir que la médecine n’est pas une science exacte semble être un savoir
absolu, qui fait autorité et qui leur permet de se situer, par exemple, dans les débats publics ou sur les
pages Web relevant de leur maladie. En ce sens, la maladie peut être un « outil » qui permet de s’insérer
socialement. Un outil est un instrument utilisé par un être vivant afin d'exercer une action le plus souvent
mécanique ou thermique sur un élément d'environnement à traiter. En utilisant un outil, l’enjeu consiste
dans le fait d’améliorer l'efficacité des actions entreprises ou de donner accès à des actions impossibles
autrement. C’est dans cette acception que la maladie peut être un outil.
1
Coenen-Huther J-Q. « Quelques observations en milieu hospitalier » in Sociétés contemporaines 1991 ; 8 : p. 138.
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Tout ce que dit le malade a un sens
UN OUTIL D’INSERTION SOCIALE
Quand la maladie est considérée comme un outil au service du malade, le service rendu au patient est
éminemment social. Elle lui permet de se situer, de jouer un « rôle » au cœur des relations sociales qui sont
les siennes. Nous l’avons vu, ce type de patient fait appel à de nombreuses personnes. Ces personnes,
outre donner un avis, permettent au patient d’obtenir une « légitimation sociale de la maladie »1, c'est-àdire de se situer de sorte qu’ils soient reconnus comme « malades ».
Ce qui est paradoxal cependant, c’est que le malade est pensé comme « mis à part » socialement depuis
Mauss. Or, à travers l’observation ici menée, on voit que la maladie peut justement permettre à certains
patients de se situer dans le « corps social ». Dans une majorité des cas répertoriés ici, la maladie leur sert
à affermir leurs relations sociales ou même à en créer d’autres. Leur implication dans les associations de
patients en est l’illustration la plus frappante. La moitié des cas observés (quatre sur huit) sont engagés
dans une association de patients, association qui relaye fortement leurs paroles.
L’ensemble des caractéristiques des patients utilisant la maladie comme un outil est très différent en regard
des patients « ordinaires » qui affirment en consultation qu’ils « sont prêts à tout » ou qu’ils « acceptent
tout ». Ce sont les mêmes qui ont un rapport inversé avec les médecins, cherchant une certaine égalité.
Leur émergence actuelle n’est pas sans poser de questions à la médecine et à la société. Pourquoi la
maladie permet-elle de se situer et de s’affirmer socialement ? Comment les médecins peuvent-ils exercer
leur art face à de tels patients ? Telles sont les questions laissées pour l’heure sans réponse.
Situations connues et reconnues
ENTRE CONFIANCE ET DOUTE
Quels que soient les différents patients rencontrés, tous oscillent entre plusieurs états d’esprit. Mais entre
ceux qui utilisent la maladie comme un outil et les autres, des différences sont toujours aussi visibles.
Prenons un exemple. C’est avec confiance que la grande majorité des patients s’engage dans une thérapie.
Ils viennent voir un médecin en lui accordant un fort crédit. À la fin du traitement, ils peuvent avoir perdu
cette confiance. Mais ce n’est pas toujours le cas.
Pour les patients utilisant la maladie comme un outil, l’enjeu principal pour un médecin est de conquérir leur
confiance, précisément parce qu’ils doutent de la médecine et de ses effets. Même si la situation initiale est
différente, ce qui est commun à tous les malades c’est que le « niveau de confiance » est caractéristique de
leur état d’esprit sur la médecine et leur manière d’envisager le traitement.
ENTRE FANTASMAGORIE ET REALISME
Deux autres états d’esprit opposés sont particulièrement observables en cancérologie. Les patients, quelle
que soit leur manière d’envisager la maladie, développent une représentation particulière du traitement, de
la maladie, du médecin, et même des lieux.
L’exemple le plus intéressant en ce domaine concerne le vocabulaire associé aux lieux de traitement.
Plusieurs patients parlent de la « cage » de radiothérapie, du « cimetière » ou de « l’usine » pour parler
d’un centre de cancérologie. L’exiguïté ou la grandeur hypothétique des lieux pour les patients est souvent
synonyme d’un type de représentation comme l’ont déjà décrit plusieurs sociologues2. Reste que, de ce
point de vue, une étude de psychologie aurait toute sa pertinence. Car les mêmes patients peuvent décrire
avec un grand réalisme en entretien combien les médecins de tel lieu sont très « humains », ou que les
professionnels rencontrés sont « de qualité ».
ENTRE ACCEPTATION ET DENI
Il arrive que des patients soient dans le déni de leur maladie ou de leurs pratiques. Une femme est arrivée
un jour en consultation, affirmant au médecin qu’elle n’était pas malade et qu’elle bronzait à l’ombre… alors
qu’elle développait un cancer de la peau depuis plusieurs années. Beaucoup de patients oscillent entre
l’acceptation de leur maladie et le déni absolu. Reste que les quelques-uns qui cachent leur maladie à des
proches sont rares.
En tout cas, ceux qui se « sortent » le mieux de la maladie sont bien ceux qui ont un environnement stable,
« compréhensible et contrôlable », comme cela a déjà été montré par des sociologues3. En ce sens, les
Thierry A. Les effets des réseaux sur les représentations du cancer. Etude auprès de patientes atteintes d’un cancer du sein. Thèse de
doctorat : Université des Sciences et Technologies de Lille, 2005.
2
Bataille P. Un cancer et la Vie. Paris : Balland, 2003 ; p. 78.
3
Adam P, Herzlich C. Sociologie de la maladie et de la médecine. Paris : Armand Colin, 2005 ; p. 53.
1
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Tout ce que dit le malade a un sens
patients qui acceptent leur maladie sont, le plus souvent, des patients qui ont un « sens de la cohérence
élevé » dans leur environnement familial, social et professionnel proche. Aaron Antonovsky1 a élaboré ce
modèle de « salutogenèse » en s’intéressant aux facteurs qui permettent aux individus de rester en bonne
santé, mais avec cette observation il est aisé d’appliquer aussi ce modèle à tous ceux qui vivent les
événements de leur cancer tels qu’ils viennent et qui, finalement, acceptent leur maladie.
1
Antonovsky A. Health, stress and coping. San Francisco: Jossey Bass Publishers, 1979.
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Tout ce que dit le malade a un sens
Quelques préconisations opérationnelles
En guise de conclusion, plusieurs préconisations opérationnelles semblent bienvenues pour donner un sens
à ce travail parfois abstrait. Les premières préconisations concernent la communication qui entoure les
patients. Une semaine cancer consacrée au thème de la pluralité des cancers serait sans doute opportune. Il
s’agirait alors d’expliciter combien chaque type de maladie entraîne des « répercussions physiques et
psychologiques particulières chez chaque patient » comme l’a stipulé à plusieurs reprises l’American Cancer
Society.
Tout en insistant auprès des patients sur l’unicité de chaque cancer, un site Internet pérenne avec plusieurs
questions / réponses sur la maladie et l’offre régionale pourrait être une source d’information officielle qui
serait située différemment que les nombreux sites offrant de multiples témoignages. Bien que –comme nous
l’avons vu– ce média soit équivoque en matière de cancérologie, un site permettrait d’organiser des actions
moins ponctuelles que la semaine cancer.
Les professionnels de santé, eux, auront sans doute intérêt à réfléchir avec les acteurs politiques sur la
notion de responsabilité en cancérologie. Bien qu’il s’agisse là d’un leitmotiv actuel, la manière de
développer ce concept n’est pas sans poser de questions, comme nous l’avons vu dans ce travail. Ainsi, un
colloque sur le thème de la « co-responsabilité » des patients et des médecins serait sans doute favorable
en ces jours où cette nouvelle pratique est de rigueur.
Enfin, plusieurs recherches pourraient voir le jour après un tel travail. Citons-en deux primordiales. La
première, avec une équipe pluridisciplinaire en sciences humaines chargée de décrypter quelques évolutions
ici repérées. La seconde recherche possible consisterait à ne pas se conditionner à l’étude de patients
uniquement en milieu hospitalier, mais aussi dans leur univers habituel. C’est bien ce que stipule Stéphane
Beaud et Florence Weber dans la postface de leur livre ajoutée en 2002 : « l’hôpital comme les institutions
en général offre d’excellents observatoires ethnographiques, à condition de pouvoir en sortir pour retrouver
les mêmes « personnes singulières » dans leurs univers extra-institutionnels qu’il s’agisse des univers
familiaux, résidentiels ou des univers ordinaires des patients (saisis lors des interactions avec les médecins
mais non ailleurs). (…) L’enquête ethnographique doit pour saisir leurs points de vue quitter le « site » de la
rencontre avec l’institution et suivre ces « hommes ordinaires » là où ils cessent d’être ordinaires, là où ils
sont effectivement des personnes singulières, père, mari, collègue, ami, voisin encombrant ou
serviable… »1.
1
Beaud S, Weber F. Guide de l’enquête de terrain. Paris : La découverte, 2002 ; p. 332-3.
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Tout ce que dit le malade a un sens
Bibliographie sélective
Sur la méthodologie adoptée
Arborio A-M, Fournier P. L’enquête et ses méthodes : l’observation directe. Paris : Armand Colin, 2005.
Beaud S, Weber F. Guide de l’enquête de terrain. Paris : La découverte, 2002.
Becker H. Les ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences sociales. Paris : La
découverte, 2002.
Copans J. L’enquête et ses méthodes : l’Enquête ethnologique de terrain. Paris : Armand Colin, 2005.
Dodier N, Baszanger I. Totalisation et altérité dans l’enquête ethnographique. Revue française de sociologie
1997 ; 38 (1) : 37-66.
Schwartz O. L’empirisme irréductible. In : Anderson N. Le Hobo, sociologie du sans abri (1923). Paris :
Nathan, 1993 ; p. 265-308.
Sur des observations en milieu hospitalier
Bataille P. Un cancer et la Vie. Paris : Balland, 2003.
Coenen-Huther J-Q. Quelques observations en milieu hospitalier. Sociétés contemporaines 1991 ; 8 : 127143.
Godeau E. L’« esprit de corps » : Sexe et mort dans la formation des internes en médecine. Paris : Éditions
de la Maison des sciences de l’homme, 2007.
Ménoret M. Les temps du cancer. Paris : Éditions Le bord de l’eau, 2007.
Peneff J. L'hôpital en urgence. Paris : Métailié, 1992.
Vega A. Une ethnologue à l’hôpital. L’ambiguïté du quotidien infirmier. Paris : Éditions des archives
contemporaines, 2008.
Sur le cancer
Aïach P. Pourquoi ce lourd tribut payé au cancer ? Le cas exemplaire du Nord-Pas-de-Calais. Paris : Éditions
ENSP, 2004.
Ben Soussan P, Julien Raynier C, dir. Cancer et recherches en sciences humaines. Paris : Eres, 2008.
Berger C, et al. La radiothérapie ambulatoire. In : Aguerri M-F, et al. Pratique des soins ambulatoires en
cancérologie. Paris : John Libbey Eurotext, 2000 ; p. 79-92.
Cousson-Gélie F. L’évolution différentielle de la malade et de la qualité de vie des patientes atteintes d’un
cancer du sein : rôle de certains facteurs psychologiques, biologiques et sociaux. Paris : Presses
Universitaires du Septentrion, 2002.
Desportes G, Fleury-Sabri C, Ikonomou E, Poinsot R, Rizk T, Spire A. Les proches de patients atteints d’un
cancer, usure et temporalité [en ligne]. Paris : Institut National du Cancer, 2006. Disponible sur :
http://www.e-cancer.fr/v1/fichiers/public/etude_proches_270906.pdf (consulté en 2009).
Hubert A, Thé Guy. Modes de vie et cancers. Paris : Hachette, 1988.
Pouchelle M-C. Les ressentis des patients hospitalisés et leurs enjeux. Perspective soignante 1999 ; 4 : 629.
Thierry A. Les effets des réseaux sur les représentations du cancer. Etude auprès de patientes atteintes d’un
cancer du sein. Thèse de doctorat : Université des Sciences et Technologies de Lille, 2005.
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Tout ce que dit le malade a un sens
Sur la sociologie et l’anthropologie de la maladie
Adam P, Herzlich C. Sociologie de la maladie et de la médecine. Paris : Armand Colin, 2005.
Fainzang S. Pour une anthropologie de la maladie en France. Paris : Editions EHESS, 1989.
Gruénais M-E. Anthropologie médicale appliquée : connaissances, attitudes, croyances, pratiques. In : Baré
J-F. Les applications de l'anthropologie : un essai de réflexion collective depuis la France. Paris : Karthala,
1995 ; 179-220.
Herzlich C. Santé et maladie, analyse d’une représentation sociale. Paris : Editions EHESS, 1992.
Le Breton D. Anthropologie de la douleur. Paris : Métailié, 1995.
Laplantine F. Anthropologie de la maladie. Paris : Payot, 1993.
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ORS Nord – Pas-de-Calais, juillet 2009
ISBN : 2-914512-38-4
Juillet 2009
Observatoire Régional de la Santé Nord - Pas-de-Calais
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L’ORS est membre du GIE
Groupement Régional de Promotion de la Santé
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