Objectifs du cours Ce cours porte sur l’approche microéconomique de l’économie du travail et de l’emploi. L’objectif de ce cours est de donner des outils d’analyse pour comprendre les mécanismes microéconomiques du marché du travail. Microéconomie du travail et de l’emploi Nouvelles perspectives D. Masclet CNRS-Université Rennes1 Plan du cours Plan indicatif du cours (Susceptible de modifications) Introduction Partie 1 . Offre et demande de travail Chapitre 1. Le modèle néoclassique Chapitre 2. Sélection adverse et modèles de signalement Chapitre 3. La théorie du capital humain Partie 2. Le chômage Chapitre 1. Définitions et faits stylisés Chapitre 2. Les théories relatives au chômage Il vise également à présenter les nouvelles avancées en économie du travail et notamment celles reposant sur la théorie des jeux, l’économie comportementale, l’économie expérimentale et l’économie des ressources humaines Plan du cours Partie 3. Salaires et conditions de travail Chapitre 1. Quelques faits stylisés Chapitre 2. Les théories relatives à la formation des rémunération Chapitre 3. La rémunération des performances collectives Partie 4 : L’organisation du travail Chapitre 1. Division horizontale du travail Chapitre 2. Division verticale du travail Chapitre 3. La flexibilité des organisations Partie 5: Les négociations et les conflits au sein de l’entreprise Chapitre 1. Le rôle des syndicats Chapitre 2. Les jeux de négociation Chapitre 3. Les conflits au travail et les grèves Partie 1 Offre et demande de travail 1. La demande de travail Chap.1. Le modèle néoclassique d’offre et de demande de travail 1.1. Quelques faits stylisés Faits stylisés sur la demande de travail Faits stylisés sur la demande de travail (2) La Déclaration de Mouvement de Main d’Œuvre (DMMO) gérée par les Directions Régionales du Travail et de l’Emploi Statistiquement la demande de travail est mesurée par les déclarations d’embauche des entreprises. Ces dernières permettent d’évaluer, ce que les statistiques administratives définissent comme les offres d’emploi. (3) La Déclaration Unique d’Embauche (DUE) gérée par les organismes gestionnaires des cotisations sociales. En France il existe plusieurs sources permettant d’évaluer les flux d’entrée et de sortie en emploi : (1) Les Déclarations Annuelles de Données Sociales (DADS) gérées par l’INSEE. 9 10 Faits stylisés sur la demande de travail Ces informations statistiques sont à la base du calcul des taux d’entrée ,de sortie et de rotation de main d’œuvre dans les entreprises. 1.2. Modélisation de la demande de travail 11 La fonction de production est une relation entre d’une part la quantité de production obtenue Y et d’autre part les combinaisons possibles des facteurs travail L et de capital K. On écrit On suppose que le capital disponible à une date précise est fixe, on a : Y = f ( L , K ) 1.2.1 Demande de travail et concurrence parfaite Y = f ( L) 14 Cette fonction a les propriétés suivantes : Dans ce cas on démontre que la fonction de production est concave. La pente de la fonction de production traduit la productivité marginale du travail (1) Elle est croissante :plus le nombre d’heures travaillées est élevé, plus la production est importante. (2)Elle présente des rendements factoriels décroissants. Pour un stock de capital donné, l’embauche de nouveaux salariés génère un volume de production positif mais décroissant au fur et à mesure que l’on met au travail de nouvelles personnes. Figure 1. La fonction de production Y F(L) L 15 16 Lorsque le salaire varie, la droit OR se déplace et le point A qui maximise les profit de l’entreprise se déplace aussi. Pour l’entreprise le critère de décision est la recherche du profit maximal compte tenu du cout du travail c est à dire du salaire horaire réel w. Figure 2. Fonction de production et variation du salaire Figure 2. La fonction de production Y Y F(L) A F(L) R A L O Dans l’exemple, lorsque le salaire baisse et passe de 0R à 0R’, alors le point qui maximise le profit de l’entreprise passe de A à A’. A’ R R’ La quantité de travail recrutée par l’entreprise passe de L à L’. L O L L’ On observe donc une relation décroissante entre salaire et emploi. La quantité de travail que la firme souhaite acheter ne peut donc augmenter que si le salaire réel diminue 17 Formellement: La décision de l’entrepreneur consiste à choisir le volume de travail qui maximise son profit. Soit : Max Π ( L ) = pf ( L ) − wL La relation entre salaire et niveau d’emploi est représentée par la fonction de demande qui correspond à tous les couples salaire-niveau d’emploi. L Figure 2. Fonction de production et variation du salaire Ou p est le prix d’équilibre sur le marché des biens et w est le taux de salaire horaire d’équilibre sur le marché du travail. W/P Y 18 F(L) A A’ O L L’ R R’ La demande de travail découle alors directement du critère de maximisation du profit soit : L LD tel que M ax Π ( L ) = pf ( L ) − w L L L 19 20 La condition d’optimisation du premier ordre de la fonction de profit permet d’écrire : LD tel que f '( L ) = w p En ce point la productivité marginale du travail est égale au salaire réel 1.2.2 Demande de travail et concurrence imparfaite 21 L’hypothèse d’un marché du travail réunissant les conditions de la CPP relève plus d’une vision normative du fonctionnement du marché du travail. Causes d’un fonctionnement non concurrentiel du marché du travail : On parle de situation d’oligopsone lorsqu’il n’y a qu’un faible nombre d’entreprises en concurrence pour attirer la main d’œuvre. On parle alors de situation de monopsone lorsqu’une seule entreprise représente à elle seule la demande de travail face à une offre de travail atomistique. -Rejet de l’hypothèse d’atomicité des agents: les offreurs et demandeurs de travail ne sont pas forcément suffisamment nombreux pour qu’aucun d’entre eux ne dispose d’un pouvoir de marché et notamment d’un pouvoir de fixation des salaires. Tel est le cas lorsqu’un faible nombre d’entreprises voire une seule gouvernent les conditions d’embauche sur le marché local. On peut aussi imaginer que c’est le cas lorsque les salariés sont peu mobiles du fait de leur statut résidentiel (propriétaire peu mobiles) ou du fait de cout de recherche et de déplacement élevés si les entreprises sont imparfaitement distribuées sur le territoire. 23 24 La fonction de profit du monopsoneur se distingue d’une firme en concurrence pure et parfaite par le fait qu’étant seul sur le marché, la firme ne peut ignorer que sa politique d’embauche influera sur le niveau du salaire d’équilibre si bien que w=w(L). La demande de travail du monopsoneur notée LM est donc telle qu’elle maximise la fonction de profit suivante dans laquelle le salaire est désormais une fonction du volume d’emploi de la firme : max π L = pf ( L) − w( L) L Soit la condition de premier ordre : f ' (L) = w(L) + Lw' (L) p Cette égalité traduit le fait que la firme égalise la productivité marginale et le cout réel du travail. 25 26 Graphiquement cela peut être représenté de la façon suivante: Si l’on compare la situation en CPP et la situation de monopsone, on voit bien qu’un nouveau terme apparait à droite w’(L)L/p. Puisque w’>0, l’offre de travail est inférieur à l’offre de travail en situation de CPP. Figure 5. Demande de travail en concurrence imparfaite W(L)/p+Lw’(L)/p Ce terme correspond à la rente du monopsone. f’(L) Rente du monopsone W(L)/p Le niveau optimal de demande de travail du monopsone LM est en dessous du niveau de demande de travail en CPP, LC. Pour ce niveau de demande de travail LM, le salaire est obtenu à l’intersection avec la courbe de salaire w(L). WM f’(L) LM 27 LC 28 L’offre individuelle de travail: pour un individu, la courbe d’offre de travail associe à chaque niveau du taux de salaire réel les quantités d’heures de travail que le salarié souhaite vendre sur le marché. 2. L’offre de travail 30 1. Le modèle de base : offre et demande de travail La courbe d’offre de travail repose sur trois hypothèses. (1) L’individu peut choisir le nombre d’heures qu’il désire consacrer au travail. (2) Le travail est pénible : pour qu’un individu l’accepte, il faut lui verser un salaire (3) Le travailleur n’est pas sujet à l’illusion monétaire : ce qui l’intéresse n’est pas le niveau de son salaire exprimé en euro mais la quantité de biens qu’il peut acquérir grâce à ce revenu. C’est en d’autre termes sur le salaire réel horaire w=W/p qu’il fonde ses décisions. L’offre de travail résulte d’un arbitrage travail –loisir : le travailleur compare la désutilité du travail (cout de l’effort ) et le gain escompté (salaire réel et non pas nominal car pour les néoclassique les agents économiques ne sont pas victimes de l’illusion monétaire). L’offre de travail est une fonction croissante du salaire réel On peut écrire: Noffert=Noffert(W/P) avec W le salaire nomimal et P le niveau des prix. 31 32 1. Le modèle de base : offre et demande de travail 1. Le modèle de base : offre et demande de travail Soit U(c,l) ou c et l désignent respectivement la consommation de biens permise par le travail et de loisir. L’ensemble des couple (c, l) pour lequel le consommateur obtient le même niveau d’utilité est appelé courbe d’indifférence. L’analyse théorique standard de l’offre de travail : arbitrage entre consommation de bien (ce qui suppose de travailler) et loisir Cet arbitrage est représenté à l’aide d’une fonction d’utilité qui reflète les préférences d’un individu. Consommation C Figure 3. Courbe d’indifférence Loisir 33 1. Le modèle de base : offre et demande de travail 1. Le modèle de base : offre et demande de travail La contrainte budgétaire temps l’agent Soit l 0 le temps disponible de l’individu qu’il réparti entre temps de loisir l et temps de travail h tel que wl0 = wh + wl avec w = W / P où wh correspond aux revenus issus du travail qui pemettent de consommer une valeur C et wL représente le prix d’une heure de loisir (cout d’opportunité). l0 = l + h Si l’on considère maintenant la valeur en terme de consommation de sa dotation totale en temps, l’on peut réecrire en multipliant tous les termes par w (où désigne w le salaire horaire réel, w=W/p) wl 0 = wh + wl avec w = 34 On peut donc réécrire la contrainte : W p wl0 = c + wl avec w = W / P 35 36 1. Le modèle de base : offre et demande de travail 1. Le modèle de base : offre et demande de travail Ce problème se résout en utilisant la méthode du Lagrangien. Ce dernier s’écrit : Le problème du consommateur : La résolution du problème du consommateur est une problème d’optimisation sous contrainte de budget. On obtient ainsi les fonctions de demande de bien de consommation et de loisir. L(c, l, µ) = U (c, l) + µ(R0 − c − wl) avec µ ≥ 0 le multiplicateur de Kuhn et Tucker La solution d’équilibre s’obtient à partir des conditions de premier ordre suivantes : max U ( c , l ) c ,l sous la contrainte de budget c + wl ≤ R0 = wl0 37 1. Le modèle de base : offre et demande de travail ∂L = 0 ⇔U c(c, l ) − µ = 0 ∂c ∂L = 0 ⇔U l(c, l ) − µw = 0 ∂l ∂L = 0 ⇔ ( R0 − C − wL) = 0 ∂µ 38 1. Le modèle de base : offre et demande de travail Graphiquement : L’arbitrage consommation loisir A l’équilibre, on trouve donc : Figure 4. La droite du budget et le choix optimal Ul (c, l) W = w= Uc (c, l) P C Cette égalité illustre qu’à l’équilibre, le taux de substitution entre loisir et consommation égalise le taux de salaire réel. R B -W Conso. 0 Autrement dit, le consommateur demandera du loisir tant que l’utilité marginale qu’il ressentira sera supérieure à celle induite par un supplément de consommation. Loisir travail L Compte tenu de sa contrainte budgétaire l’agent maximise son utilité lorsqu’il choisit sa courbe d’indifférence la plus élevée possible compatible avec sa droite de budget. C’est le cas au point R de la figure cidessus. 39 40 1. Le modèle de base : offre et demande de travail 1. Le modèle de base : offre et demande de travail L’arbitrage consommation loisir Figure 5. Impact d’une hausse de salaire Figure 4. La droite du budget et le choix optimal C C B’ B R’ Conso. R B R -W Conso. 0 Loisir L travail -W 0 L Lorsque le salaire w augmente, la droite de budget pivote autour du point A vers le haut. En effet, pour un niveau donné de loisir, une hausse de salaire permet de consommer davantage, ce qui se traduit par une rotation de la droite de budget dans le sens des aiguilles d’une montre. Loisir Au point R le taux marginal de substitution entre consommation et loisir est égal au salaire du marché w (avec w=W/p) 41 1. Le modèle de base : offre et demande de travail A 42 1. Le modèle de base : offre et demande de travail La relation entre salaire et niveau d’emploi est représentée par la fonction de demande de travail qui correspond à tous les couples salaire-offre de travail. C Figure 6. réaction à une hausse de salaire et offre de travail B’ travail B La courbe d’offre de travail aura généralement une forme de courbe à pente positive. Mais ce n’est pas toujours le cas: dans certains cas, une augmentation du salaire peut conduire à une baisse de l’offre de travail (offre coudée). R’ Conso. Pourquoi? R -W 0 travail L Cela va dépendre de l’ampleur des effets substitution et effets revenu. Salaire réel Loisir Offre de travail 43 44 1. Le modèle de base : offre et demande de travail 1. Le modèle de base : offre et demande de travail Impact d’une hausse de salaire (1) L’effet de substitution : lorsque le salaire augmente les loisirs deviennent relativement moins attrayant puisque leur prix relatif a augmenté, ce qui incite à travailler davantage Au final l’agent la forme de la fonction d’offre de travail va dépendre de l’effet substitution ou revenu qui l’emporte. Généralement l’effet de substitution l’emporte et donc l’effet net est positif : une hausse du salaire entraine une augmentation de l’offre de travail. Cette réaction est décrite sous la forme d’une courbe d’offre de travail à pente positive. (2) un effet revenu : lorsque le salaire augmente l’agent étant mieux payé il peut augmenter à la fois ses loisirs et sa consommation. Si l’effet revenu l’emporte, alors la courbe d’offre de travail est une courbe coudée. 45 46 1. Le modèle de base : offre et demande de travail Figure 7. réaction à une hausse de salaire et offre de travail coudée B’ C A un moment, un accroissement du salaire conduit à un effet de revenu plus fort, ce qui se traduit par une courbe d’offre de travail penchée en arrière. B R’ Conso. R -W 0 travail L Salaire réel Loisir Offre de travail 47 Chapitre 2. Sélection adverse et modèles de signalement Supposons que l'employeur fait face à deux catégories de candidats à l'embauche: des travailleurs avec une productivité haute, PM+ et des travailleurs avec une productivité basse , P M-. L'offre d'un contrat qui serait unique et basé sur une productivité moyenne est inefficace en raison du problème d’anti sélection. 1. Le problème d’antisélection Pourquoi? 50 La raison: - Les bons travailleurs risquent de refuser le contrat qu’ils trouveront dissuasif eu égard à leur productivité. -A l’inverse, les mauvais travailleurs trouveront au contraire attractif un tel contrat et vont s’empresser d’accepter l’offre de contrat. 2. Le modèle de signalement de Spence On parle alors d’anti sélection dans la relation d’emploi pour caractériser ce type de situation où le mauvais candidat chasse le bon. Quelles solutions ? Les modèles de signalement 51 Pour résoudre les problèmes d’anti-sélection, l'employeur doit mettre en place des contraintes incitatives qui forcent le candidat à révéler son type: fortement productif ou faiblement productif. Figure 1. cout d’acquisition du signal et contrats séparateurs La firme peut annoncer un niveau de signal, par exemple le niveau d'éducation, S*, et propose d'offrir un salaire W+ si un individu est doté de ce niveau de signal et d'offrir un salaire W- sinon (on parle alors de contrat séparateur) Les individus pour qui le cout d’acquisition d’un diplôme est plus faible auront intérêt à investir jusqu'au niveau S*. Cela leur rapporte un bénéfice (AE) qui est supérieur au bénéfice obtenu sans formation soit OB. 53 Figure 1. cout d’acquisition du signal et contrats séparateurs 54 Au final seuls les individus à qualité haute (C) se présenteront sur le marché du travail avec le niveau de formation S*. Les individus à qualité basse (C2) n'investissement pas dans le signal et révèlent de ce fait un niveau de productivité PM- auquel ils seront rémunérés par le contrat B. Les individus pour qui le cout d’acquisition d’un diplôme est élevé (C2) n‘auront pas intérêt à investir dans le signal. Le rendement attendu de l'acquisition du signal pour eux est mesuré par la distance AD, valeur inférieure au salaire 55 attendu en cas de non-acquisition du signal (OB). 56 Les limites des modèles de signalement La théorie du signalement de Spence (1973) repose sur le postulat selon lequel l’éducation n’augmente pas la productivité marginale des individus. Cette hypothèse est assez excessive même si elle est acceptable pour certaines catégories d’investissement en capital humain. Par ailleurs, les signaux peuvent être des prédicateurs imparfaits : le cout d’acquisition du signal diplôme peut dépendre des capacités de l’individu mais aussi de son milieu social. Enfin, l’efficacité productive d’un salarié ne dépend pas que du diplôme mais dépend de variables multiples (les aptitudes intellectuelles, verbales, motrices, les savoirs et savoir faire, la personnalité (savoir etre), l’intérêt 57 professionnel, ect. Définition:Le capital humain est l'ensemble des aptitudes, talents, qualifications, expériences accumulés par un individu et qui déterminent en partie sa capacité à travailler ou à produire pour lui-même ou pour les autres. Chapitre 3. La théorie du capital humain Particularités du capital humain : Inappropriabilité :le capital humain, contrairement au capital financier, ne peut devenir propriété d’un tiers Limitation : le capital humain est limité à l’individu qui l’incorpore . Les investissements en capital humain peuvent etre distingués à la suite de Becker entre ceux réalisés dans le cadre de l’école (schooling) et ceux réalisés dans le cadre de l’activité professionnelle (on the job training). Conséquences sur la relation de travail : 1) Il est risqué pour un employeur d’investir dans le capital humain car l’employé peut à tout moment soustraire celui-ci à l’employeur (en allant travailler ailleurs par exemple). 2) A partir d’un certain âge, un employeur n’aura plus intérêt à investir dans le capital humain d’un individu. 59 60 1. Le modèle de capital humain de Becker Les hypothèses du modèle : -Contrairement à la théorie du signalement, la TCH suppose que l’acquisition de capital humain va accroitre sa productivité. -Il n'existe pas de rigidités sur le marché du travail ni de pénurie . -Les individus sont rémunérés à leur productivité marginale. -Il n'existe pas de discriminations salariales: deux individus ayant la même dotation perçoivent le même salaire. -Il n'existe pas de limite à l'investissement en capital humain, hormis celle liée à sa rentabilité. 62 Rendements et couts de l’investissement en formation initiale 2. La formation continue 63 On distingue deux cas selon que la formation continue est générale ou spécifique. Si la formation est générale (formation aux outils bureautiques ou a l’anglais), cette formation peut être utilisé dans n’importe quelle autre entreprise. Si l’entreprise finance intégralement une telle formation, elle court le risque que l’individu une fois formé quitte l’entreprise et aille valoriser son capital humain ailleurs. L’entreprise risque donc de perdre son investissement. On parle de situation de braconnage qui conduit à un investissement sous optimal en formation continue. 2.1. La formation continue et le risque de braconnage 66 Considérons deux firmes A et B ayant à choisir entre deux actions possibles (former ou ne pas former leurs salariés) Matrice de braconnage dans la formation continue Considérons deux firmes A et B ayant à choisir entre deux actions possibles (former ou ne pas former leurs salariés) Matrice de braconnage dans la formation continue Firme A Firme B Forme Forme 6,6 Forme pas 8,1 Firme B Forme pas 1,8 2,2 Forme Firme A Note :le premier chiffre indique le gain de A et le second celui de B La stratégie choisie par les deux firmes est de ne pas former, ce qui correspond à l’équilibre de Nash. On vérifie que si A forme, B choisit de ne pas former et profite du braconnage. Forme pas Forme 6,6 1,8 Forme pas 8,1 2,2 Note :le premier chiffre indique le gain de A et le second celui de B La situation qui en résulte est pareto sous optimale puisqu’une politique de formation permettrait d’accroitre les gains des deux entreprises (6,6 contre 2, 2). 67 68 Le risque de braconnage sera plus faible si l’on se situe en concurrence imparfaite : Si la firme formatrice détient des informations que ne possèdent pas les firmes concurrentes qu’il s’agisse du contenu de la formation recue Si l’hétérogénéité des firmes et de leur processus de production rend en pratique la formation plus ou moins transférable (Stevens, 1994 ; Lene, 2005). Lorsque le marché est non concurrentiel ou moins concurrentiel, alors la firme peut financer (en partie ou totalement) la formation continue puisqu’elle risque moins son de voir son salarié quitter l’entreprise. En concurrence pure et parfaite, les firmes investirons donc en formation continue à un niveau qui serait inférieur au niveau pareto optimal. La sécurisation de l’investissement formation est un problème essentiel qui s’il n’est pas résolu peut installer l’économie dans un équilibre durable de sous formation (Chapman, 1993). 69 70 Le risque de braconnage sera également plus faible si la formation est spécifique, (formation pour utiliser une machine ou un logiciel propre à l’entreprise). L’entreprise court moins le risque de transférabilité puisque le capital humain acquis ne peut être utilisé en dehors de l’entreprise. 2.2 Solutions au problème de braconnage 71 Selon Becker, devant le risque de braconnage, il est rationnel pour l’entreprise de laisser le salarié payer l’intégralité du cout de la formation générale (totalement transférable) et de le rémunérer à sa productivité marginale après formation. Rendements et coûts de la formation continue Cas A. Formation générale PM1 W1 Au contraire, l’entreprise pourra financer totalement ou en partie la formation spécifique (totalement ou en partie intransférable). Le partage des couts de la formation est donc le moyen de se donner mutuellement des garanties. PM 0 W0 t1 tn 73 74 Rendements et coûts de la formation continue Cas B. Formation spécifique PM1 W1 2.3. Intervention de l’état dans la formation continue PM0 W0 t1 tn 75 Le fait que les firmes choisissent de sous investir dans la formation générale peut être sous optimal de façon générale (au niveau pareto) en raison du dilemme social posé par le problème de braconnage. On parle alors de défaillance du marché. Pour sortir de ce dilemme, et remédier à l’échec du marché, les interventions de l’état peuvent s’avérées nécessaires (Booth et Snower, 1996). Les formes concrètes de l’intervention de l’état dans la formation continue peuvent en être diverses : -Mise en place d’une obligation légale de financement de la formation (droit individuel de formation, DIF) -Clauses de dédit-formation (légalisées en France) qui ont pour objet d'exiger d'un salarié ayant bénéficié d'une formation entièrement financée par l'entreprise, de rester un certain temps au service de ladite entreprise. En cas de départ anticipé, il devra verser une somme forfaitaire fixée à l'avance ou devra rembourser les frais de formation engagés. -Mutualisation des financements de la formation (par exemple au niveau d’une branche) 77 78 3. Les critiques de la théorie du CH sur la Formation continue La TCH crédite les agents de puissantes facultés d’anticipation et d’analyse. Ils sont supposés capables d’évaluer ex ante et ex post le taux de rendement des différents investissements en formation possibles. En pratique on parvient à estimer les couts directs et d’opportunité de la formation mais l’évaluation des recettes se révèle souvent délicate. Le calcul de la rentabilité ex ante des dépenses de formation n’est pas une démarche courante. 80 Mesurer le stock de capital humain peut également s’avérer être une démarche difficile. En effet, il n’existe pas d’évaluation du capital humain de même nature et de même qualité que celle qui sont disponibles pour le capital non humain (patrimoines financier, ect). En pratique on va approximer le CH accumulé à la fois à l’école et au cours de la vie professionnelle par un ensemble de trois durées (Mincer, 1974) : la durée des études, durée totale d’activité professionnelle et ancienneté dans la dernière entreprise. En outre, le fait de faire des études ne peut pas se réduire à un seul gain salarial mais il importe également de considérer le contenu de l’activité professionnelle ainsi que les conditions de travail. Par ailleurs, certains individus peuvent également se faire plaisir en suivant des études qui correspondent à leur passion ou à leur vocation tout en sachant qu’elle n’offre guère de débouchés professionnels. 81 82 Enfin, à aptitudes égales, un même investissement en formation peut représenter un sacrifice inégal d’autant plus élevé que le niveau du groupe domestique est faible. Il est connu que la probabilité de faire des études longues est positivement corrélé avec le niveau de CSP des parents et que la pauvreté accroit le risque d’échec scolaire. Cette situation peut justifier l’intervention de l’état (octroi de bourses d’études par exemple). Pour conclure, concernant la formation continue, il est important de noter que dans la réalité la formation est un mélange de formation générale et spécifique et qu’il est difficile de les isoler complètement. 83