Fournage Ludovic ; CPGE- ECE 2010-2011 - Lycée Champollion, Grenoble
Fiche de lecture d’un ouvrage "développement durable"
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Cette fiche a été rédigée par Ludovic FOURNAGE, étudiant en classe ECE dans la
cadre du cours d'Analyse Economique et Historique des Sociétes Contemporaines de J.P. ROBIN.
Elle a fait l'objet d'une présentation orale en collaboration avec Baptiste GARRIGOU,
et d'une soutenance face à un jury composé des 40 étudiants ECE2, en présence des partenaires
du prix "livre Développement Durable": l'ECOLE de la PAIX de Grenoble et le Club UNESCO et de
Nathalie CARENCO, Chargée de mission EDD.
Corinne Lepage, Vivre autrement, Éditions Grasset, Mars 2009, 166 pages.
Présentation
Cet essai de Corinne Lepage, ancienne ministre de l’environnement entre 1995 et
1997, traite du lien entre l’économie et l’écologie et dessine les contours de la société de
demain : soucieuse de l’environnement, porteuse d’une politique énergétique innovante et
renouvelable et portée par une écolonomie qui a pour objectif la croissance du patrimoine
collectif (incluant le capital naturel, le capital financier, le capital social et le capital
culturel).
Ce grand changement est assimilé à une obligation après la crise financière de fin
2008 qui n’est qu’un signe parmi d’autres, nous indiquant le chemin : vivre autrement.
La mentalité contemporaine autour des questions de croissance, de consommation et
de production sont autant de chantiers auxquels s’attaque Corinne Lepage tout en ne
prenant pas la teneur d’une Révolution mais plutôt d’une transition vers une autre société.
Une société qui saurait vivre avec sa planète en gardant son extraordinaire variété en
matière d’innovations, de loisirs et de bien-être.
L’auteur
Corinne Lepage est avocate de formation, puis est devenue au fil des rencontres et
des opportunités une femme politique en même temps qu’elle continue son œuvre écrite à
travers des essais, des abécédaires et d’autres publications.
s ses premières années d’avocate, Corinne Lepage fonde le premier cabinet
d’avocats spécialisés dans le droit de l’environnement, ce qui montre bien que son action
dans ce domaine n’est pas du à un effet de mode que l’on perçoit depuis quelques
années en France en faveur de l’écologie. Ses nombreuses actions auprès d’associations
ou de collectivités locales la font connaître et elle rentre au conseil municipal de Cabourg
dans le Calvados en 1989. Après ce premier pas dans la vie politique, on lui propose
d’entrer au gouvernement d’Alain Juppé en 1995 en tant que ministre de l’environnement.
Elle accepte une aventure qui verra des avancées dans le domaine de la prévention
environnementale grâce à la loi Laure du 30 décembre 1996.
Après la dissolution de 1997, elle continue son chemin en politique en transformant
son groupe de réflexion Cap 21 en mouvement politique. Son combat pour
l’environnement se poursuit concrètement au barreau de Paris et à Bruxelles pendant
qu’elle s’investit dans de nombreuses associations, comme l’Observatoire de Vigilance et
d’Alerte Écologique, le Comité de Recherche et d’Informations Indépendantes sur le
Génie Génétique (CRII GEN) qui s’intéressent aux risques liés aux OGM. Elle est aussi
enseignante à l’IEP de Paris.
En 2002, la candidate de Cap 21 recueille 1,88% des voix au premier tour de la
présidentielle. Les élections européennes de juin 2004 ne lui apporteront guère que 3,6%
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des voix. Malgré sa capacité à recueillir les 500 signatures, elle s’engage avec François
Bayrou pour la présidentielle de 2007 et fondera avec lui le Mouvement Démocrate dit
MoDem dont elle est la vice-présidente.
De novembre 2007 à février 2008, elle rédige un rapport sur la « gouvernance
écologique » pour le ministre de l’environnement Jean-Louis Borloo.
L’année 2009 la verra se faire élire députée européenne dans la circonscription Nord-
Ouest et vice présidente de la commission ENVI (environnement, santé publique et
sécurité alimentaire).
Les activités de Corinne Lepage sont aujourd’hui très diversifiées car elle est
toujours aussi bien avocate quécrivaine ou femme politique.
Le livre
On peut distinguer 3 grandes parties : la présentation du modèle économique de
demain prôné par l’auteur : l’évolution soutenable ; les modalités de la société de
transition et les bases du nouveau monde. Dans chacune de ses grandes parties se
trouvent des petits chapitres détaillant les évolutions dans les différents domaines
concernés.
L’auteur commence par faire un constat sur le monde dans lequel on vit et sur le
système dans lequel tout s’imbrique. La croissance économique est le cheval de bataille
de tous les gouvernements et reste la préoccupation première des citoyens car c’est
comme cela qu’ils ont été éduqués. Malheureusement, la planète ne peut répondre à de
telles charges et le compte à rebours a déjà commencé. Les effets positifs de la
croissance, quand ils existent, ne sont pas à la hauteur des efforts fournis par les agents
économiques. Nous sommes donc dans une impasse et l’auteur invite à saisir
l’opportunité de l’accident qu’est la crise financière de fin 2008 pour « vivre autrement ».
Elle présente cela comme un choix : soit l’on essaye de sauver la face après la crise en
employant la même méthode pour relancer la machine, soit l’on change de système en
prenant soin de n’oublier rien ni personne : la santé, l’écologie, les pauvres, etc.
L’humanité a donc une chance historique de créer son avenir et de gérer sa survie.
1. Le modèle économique de demain : l’évolution soutenable
La « soutenabilité » dont parle Lepage est le maintien ou la progression du capital.
Mais d’un capital qui est le patrimoine collectif composé du capital naturel (l’écosystème),
du capital financier, du capital social (les valeurs, le vivre-ensemble) et du capital culturel.
On en appelle donc à une nouvelle comptabilité, développée dans la 2ème partie. A la
page 42, on lit :
« La soutenabilité impose une révolution mentale : passer d’une vision en
terme de flux à une vision en terme de stocks. »
Le développement de ce modèle économique est composé de trois « économies » :
1) L’économie circulaire qui repose sur la parcimonie et le recyclage. « Les déchets
des uns deviennent les matières premières secondaires des autres. » (p. 35).
2) L’économie de fonctionnalité assure la longévité des biens et annonce l’ « âge de
l’accès » quand un bien n’est pas consommassivement mais utilisé plusieurs fois par
différentes personnes. L’accessibilité est définie par son propriétaire, ce qui crée une
activité économique.
3) L’économie de service valorise, elle, le bien être qui ne se mesure pas en quantité
de biens et de services.
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Ce changement d’économie et de mentalité exige de nouveaux moyens de mesurer
leur impact sur la société. Ainsi Corinne Lepage propose de changer de système de
comptabilité ; la comptabilité actuelle s’établit bien souvent sur la base du PIB alors que
celui-ci prend parfois en compte des externalités gatives de la croissance, ce qui gonfle
la croissance. On parlerait alors du GPI (Genuine Progress Indicator) qui tient compte de
dix catégories : les crimes et drames familiaux, valeur du travail domestique et volontaire,
amélioration du bien-être, augmentation du temps de loisirs, redistribution,
environnement, dépenses de prévention, consommation durable, infrastructures
publiques et PIB.
Pour « soutenir l’économie soutenable », on a besoin d’un système financier solide,
transformé grâce à un rôle plus grand des banques centrales et donc du retour de l'État
dans l’encadrement des prises de risques, etc. On parle aussi d’un nouveau Bretton
Woods, comme facteur de responsabilisation des États.
Enfin, une reconversion industrielle est souhaitée, impulsée par les administrations,
aidant les entreprises à polluer, à réduire les coûts, etc. A terme cela diminuerait les
budgets consacrés à cet objet. Il vaut mieux éduquer à mieux produire plutôt que toujours
réparer ces irresponsabilités. Dans cette reconversion rentre aussi la nécessité d’utiliser
les déchets pour produire :
« La construction, qui se substitue à la démolition, permet de récupérer
tous les matériaux du bâtiment, lesquels représentent 40% du montant total
des déchets » (p. 65).
Les secteurs des énergies renouvelables créent plus d’emplois que ceux qui produisent à
partir des fossiles.
Après cette première partie consacrée au système économique du futur, la deuxième
partie décrit la société de transition qu’il est nécessaire de préparer car les conséquences
sociales d’un bouleversement structurel de l’économie et des mentalités ne peut
s’effectuer sans heurts …
2. La société de transition
Le titre « vivre autrement » est réellement développé dans ce chapitre les sous
parties sont traitées comme une litanie : produire autrement, se nourrir autrement,
consommer, se déplacer autrement etc.
Dans le contexte actuel de l’épuisement inévitable des ressources non renouvelables,
il est nécessaire de parler d’obligation de changer d’énergie et surtout d’en venir à un
système décentralisé de production d’énergie. Ainsi, Corinne Lepage propose que les
ménages ou les villages produisent au niveau local pour assurer une indépendance par
rapport aux grands fournisseurs. De plus le coût, à long terme, de ces énergies
renouvelables comme l’éolien, le solaire (7 ans avant un retour sur investissement), et la
biomasse (produits naturels recyclés en matière première) ne sont pas élevés et peuvent
même permettre un revenu à ceux qui revendent leur surproduction à EDF. Malgré l’essor
de ces solutions alternatives, on ne peut que regretter la lenteur avec laquelle elles
parviennent jusqu’aux particuliers. Cela est du aux idées reçues (une éolienne plus moche
qu’une centrale nucléaire qui pollue nos rivières ou les plages d’algues bretonnes
provoquées par la pollution ?) mais aussi au blocage des lobbys du nucléaire ainsi que les
incitations à la consommation au-de des besoins réels des consommateurs en
électricité.
Produire autrement serait un moyen pour en venir au biomimétisme, c'est-à-dire
essayer de reproduire la nature à travers certaines de ses caractéristiques les plus
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efficaces et utiles économiquement. La fleur de lotus résistant à la rouille a par exemple
déjà inspiré une peinture d’extérieur deux fois plus résistante.
Gardienner la nature est un impératif, notamment en terme de biodiversité, menacée
par les OGM. La nature rend service à l’humanité dans le sens elle représenterait
presque la moitié du PNB mondial. De même, cultiver autrement dans le monde agricole
est un cheval de bataille important car ce sont les agriculteurs qui sont au plus près de
notre terre et qui parfois la maltraite. Les fermes biologiques ne sont pourtant pas moins
productives que les fermes dites « normales » qui ont recours à l’agriculture intensive et
donc aux OGM.
La consommation est au cœur du système capitaliste que nous connaissons. L’auteur
veut que la consommation soit responsable et tournée vers les produits sains et naturels.
Ainsi la publicité mensongère doit être dénoncée et condamnée.
Le déplacement en ville et les modes de vies urbains font aussi l’objet d’une étude qui
nous explique qu’ils doivent changer, en particulier en faveur d'un système d’utilisation de
véhicules impersonnels grâce à des emplacements définis dans la ville. De même le
covoiturage doit prendre une autre dimension, grâce aux liaisons internet de gens
consultant en direct les utilisateurs de covoiturage qui conduisent au moment me dans
la direction vers laquelle ils vont. Cela fait bien sûr appel à la haute technologie mais elle
saura être au rendez vous. Enfin, le recours à des voitures propres fonctionnant à
l'hydrogène ou à l’eau pourrait déjà avoir vu le jour. Hélas les contacts des grands
constructeurs avec leurs homologues du pétrole bloque la commercialisation de produits
pourtant tout à fait fiables et bon marché.
La sanet l’éducation sont, bien sûr, des débats que l’auteur n’a pas négligé ; il s’agit
de favoriser les cours en accès libre sur internet et aussi un moindre gaspillage des
médicaments par les patients mal conseillés, ce qui fait le bonheur des groupes
pharmaceutiques. Le partage du savoir et des connaissances doit s’accélérer par le biais
d’internet.
3. Civiliser le futur : les bases du nouveau monde
Dans cette troisième partie, l’auteur se projette vers le futur dans l'hypothèse d’une
application de ses idées. Un message d’espoir et d’envie d’agir qui s’appuie aussi sur des
considérations humanistes :
« Le seul rappel de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme, qui
définit la liberté comme la faculté de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, est un
excellent fondement de ce qui devrait être la liberté contemporaine. Autrui, c’est
l’Autre d’ailleurs et de demain, et c’est l'espèce. Ne pas lui nuire, c’est agir pour
qu’autrui puisse vivre. » (p.128)
On est donc encouragé à changer de mentalité. Mentalité dirigée vers le long terme. La
consommation et la production doivent être dictées par notre personnalité et non par la
société. Chaque homme préfère, bien sûr, le confort du présent plutôt que la promesse
d’un futur doré. Il s’agit juste de survie. L’homme se dépasse chaque jour dans ce qu’il
accomplit. Arriver à voir le bien fondé d’une action immédiate et tournée vers la survie
sera moins difficile que de rechercher toujours plus chaque jour, comme dans l’économie
actuelle.
La création (loufoque ?) d’une institution constituée de membres élus mais non
rééligibles qui apporteraient leur point de vue sur les choix faits présentement, au regard
de leur impact sur les générations futures, est une idée mais qui paraît trop superficielle.
Enfin, l’exigence à court terme d’une « gouvernance mondiale » est une priorité. Cela
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permettrait une vraie justice internationale, dans le milieu de l’entreprise mais aussi pour
la concurrence, qui serait beaucoup moins déloyale.
La société civile doit donc faire pression pour changer les choses tout en gardant à
l’esprit que ce changement doit intervenir démocratiquement. Il doit même accentuer le
degré démocratique des états dans le sens où il y aura moins de laissés-pour-compte.
Conclusion et avis
Cet ouvrage, qui soulève beaucoup de débats sur le monde contemporain et
ressemble à un manifeste pour un nouveau monde, met en lumière le choix que
l’humanité doit faire pour éviter une irréversibilité écologique qui conduirait à la destruction
de l'espèce humaine et des êtres vivants sur terre. Le temps imparti n’est pas très
encourageant (7 ans selon le GIEC) mais nous devons absolument prendre notre destin
en main et d’une certaine façon, nous sauver.
Même si les sujets abordés sont multiples, ils se regroupent tous derrière un axe bien
défini : plus de démocratie donc plus de liberté grâce à une meilleure utilisation de
l’homme en respectant nos capitaux naturels, sociaux et culturels. Une nouvelle économie
est requise mais qui sera plus juste et plus centrée vers le bien que vers l’argent pour,
après, faire le bien.
Même si Corinne Lepage offre parfois des explications un peu compliquées aux
solutions qu’elle donne aux problèmes qu’elle soulève, il est plaisant de lire une vision
lucide et à long terme du monde, sans tomber dans les travers d’une révolution brutale et
mal contrôlée, ce qui est souvent le cas pour ce qui est de la lutte écologique.
On peut anmoins s’interroger sur le rôle d’une femme politique qui a souvent servie
dans des partis ne mettant absolument pas en cause le libéralisme d’aujourd’hui et la
course à la croissance (qui était dans - presque - tous les programmes de 2007). Il serait
pourtant important que ces idées soient plus médiatisées et surtout qu’un programme
politique entier soit tourné autour de cette idée de société.
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