SPIRITUALITÉSANTÉ | VOL. 9 | No 3 | 2016 5
ÉDITORIAL
Marie-Chantal Couture, directrice
Je
suis convaincue que ces temps-ci,
une foule d’événements que vous
vivez, dont vous êtes témoin ou qui
vous sont présentés par les médias
vous incitent à prononcer ces paroles. Comme un
cri du cœur, ce « ça n’a pas de bon sens » sort peut-
être alors de votre bouche avant que vous ayez même
eu le temps d’y penser. Sous le choc de ce que vous
avez vu ou entendu, ce cri devient alors la manifes-
tation d’une certaine stupeur, d’incompréhension,
de confusion, de bouleversement, de frustration, de
colère, de tristesse ou de peur. Ou d’un peu tout cela
à la fois? Si par malheur vous ou quelqu’un de votre
entourage faites ou avez fait l’expérience de la ma-
ladie, de la souffrance, la question du sens devient
encore plus prégnante puisque beaucoup plus près
de vous.
Il semble donc que les questions de sens ou d’ab-
sence de sens nous interpellent à plusieurs étapes et
au cœur de nombreuses circonstances de notre vie.
Pourrait-on risquer de dire que ces questions sont
plus fréquentes qu’autrefois? Si c’est vraiment le cas,
pourquoi?
Les auteurs de cette édition de Spiritualitésanté
nous permettent d’appréhender la question du sens
sous plusieurs angles. Ils nous apprennent d’abord
que la question du sens est une préoccupation très
contemporaine et qu’elle ne traversait aucunement la
pensée des philosophes de l’Antiquité. Nous vivons
en effet dans une société moderne où les institutions
autrefois génératrices de sens (l’Église entre autres)
n’ont plus la cote. L’individu, et non plus le groupe
ou la communauté, est maintenant le maître de ses
décisions et de ses choix. Il lui appartient dorénavant
de trouver seul ses croyances, ses valeurs et… le sens
de son existence. Tâche bien lourde qui peut géné-
rer beaucoup de solitude et d’anxiété… Le « ça n’a
pas de bon sens » qui parcourt notre vie quotidienne
trouve peut-être là son explication. Nous n’avons
plus de valeurs communes, de croyances communes
et de sens commun…
L’expérience faîtière que constituent la maladie
et la souffrance pose avec encore plus de force la
question lancinante du sens ou de l’absence de sens.
Le recours à l’aide médicale à mourir dans ces cir-
constances est-il une solution à cette question ou
l’expression d’un symptôme qui traverse la vie de nos
contemporains?
En fin de compte, la question du sens, qui en est
une essentiellement rationnelle, en cache-t-elle une
autre beaucoup plus profonde, voire ontologique?
Celle de la valeur qu’on donne aux événements que
nous vivons, aux personnes que l’on côtoie… André
Comte-Sponville affirmera dans son texte : « Bref, la
question n’est pas de savoir si la vie a un sens, mais
si nous sommes capables de l’aimer… Ce n’est pas
le sens qui est aimable; c’est l’amour qui fait sens! »
Quel déplacement!
Je laisse donc nos généreux auteurs poursuivre
avec vous la réflexion sur le « sens ». Je vous souhaite
de vous laisser vous aussi déplacer vers l’essentiel :
l’amour!
Ça n’a pas de bon sens!