Gratuit - InterMédia

publicité
1982 2012
ans
27.06.2012 n° 1171 + d’infos sur www.intermedia.fr
ISSN : 0249-1575
Marketing / communication / médias en rhône-alpes m a g a z i n e
édito
Par Thomas Nardone
© ESO
Un numéro
collector
2, rue Commandant-Dubois BP 3130 - 69406 Lyon cedex 03
Tél. 04 72 84 45 55
Fax : 04 37 57 54 96
Mail : [email protected]
Éditeur : InterMédia Sarl au
capital de 37 579 euros.
Siren : 325 694 909.
Directeur de la publication :
Jacques Simonet. Rédacteur en
chef : Thomas Nardone.
Rédaction : Charlotte Vincent,
Camille Nagyos, Jérémy Chauche,
et avec la participation
exceptionnelle de Michel Texier. Service commercial : Pascal
Leby, Delphine Haméon-Taton et
Étienne Mayaux.
Agence photo : Alpaca (Lyon).
Photo de Une : © Sergey Ilin
Maquette : ProEdito (Paris).
Mise en page/infographie :
Frédéric Morel-mfredpao!
(Villeurbanne).
Impression : Dugas Offset
(Saint-Bonnet-de-Mûre).
Dépôt légal : à parution.
www.intermedia.fr
www.facebook.com/
intermedia.fr
I
nterMédia a 30 ans. Grâce à vous, nos
fidèles lecteurs. Nous vous en remercions
bien sincèrement.
Plutôt que de faire un numéro nombriliste
et d'auto-célébration, nous profitons de cet
anniversaire pour revisiter 30 ans de communication en Rhône-Alpes.
En trois décennies, tout a changé : les années
80 où l’argent coulait à flot chez les annonceurs,
les agences et les médias
(p. 18), ont laissé place à
la rigueur des années 90 et
à la loi Sapin (p. 38). Dans
les années 2000, le tsunami
numérique a englouti les
modèles économiques traditionnels, permettant aux
plus agiles de prospérer
dans le nouvel ordre digital (p. 58).
Oui, depuis 30 ans, tout a changé : la publicité
n'est plus considérée comme l'arme absolue, la
relation agence-annonceur s’est professionnalisée, le consommateur a plus de pouvoir sur les
marques, l’information est devenue foisonnante
et souvent gratuite... Sans parler des évolutions
technologiques qui ont révolutionné les métiers
de la communication : la PAO, la photo et l'impression numériques, internet, les tablettes, les
smartphones surtout qui sont au cœur de l'interconnexion...
Et pourtant, au fond, rien n’a changé pour
ceux qui ont su profiter de ces bouleversements
plutôt que de les subir. Les valeurs qui permettent
de se distinguer ont traversé les époques : la créativité, le goût du risque, le sens de l’innovation.
Vous retrouverez dans ce numéro collector
une sélection d’événements qui ont marqué leur
secteur. Avec les témoignages de quelques acteurs
de la communication régionale : Alain Roudaut
sur l’affichage (p. 28),
Sophie Monet sur les RP
(p. 29), Éric Peyre sur
Internet (p. 48), Bertrand
Barré sur le design (p. 51),
Jacques Chirat sur l’imprimerie (p. 68), Thierry
Tunesi sur le marketing
opérationnel (p. 70)…
« Les valeurs qui permettent
de se distinguer ont traversé
les époques : la créativité,
le goût du risque, le sens de
l’innovation. »
Mais rien ne sert d’ausculter le passé si ce n’est pour préparer l’avenir.
Dans ce numéro également, vous retrouverez une
séquence prospective avec de jeunes professionnels de la communication qui tentent d'imaginer
leurs métiers en 2020 (p. 78).
Vous l’aurez compris, résumer 30 ans de communication régionale en 84 pages n’a pas été une
mince affaire. Il y aura forcément des oubliés, des
déçus, des frustrés. Nous nous rattraperons pour
nos 40 ans, promis !
Bonne lecture. v
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 3
sommaire
repères
P. 10. 30 ans en Tweet
Le best-of des tweets qui ont marqué
ces derniers mois.
P. 12. 30 ans en chiffres
Une sélection de petits chiffres et
grands nombres, souvent étonnants,
qui ont ponctué ces trois décennies.
P. 14. 30 ans d’InterMédia
Jacques Simonet revisite l'histoire de la
société qu'il a fondée.
1980-1990
P. 18. L'analyse Les années FRIC
P. 20. l'événement Hersant fait main basse
sur les quotidiens.
P.22 [ Autres faits ] La naissance des radios locales • Les collectivités
territoriales découvrent la communication publique • Les riches
heures des agences de pub • La télématique, ancêtre d'internet.
P.26 [ L’objet ] Le Macintosh.
P.28 [ Grands témoins ] Gilbert Hus • Sophie Monet
• François Vassard • Alain Roudaut.
P.32 [ Carte blanche ] Georges Chapuis.
P.34 [ Tops ] P.35 [ FLOPS ]
8 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
En
1989, Jump
cloue son bec
à Tapie.
sociétés citées
1ère Position (60) , 8 Mont-Blanc (38, 42) , 20 Minutes
(58, 69)
1990-2000
P. 38. L'analyse Les années CRISES
P. 40. l'événement Agences : le temps des
mariages.
P. 40 En 1992,
Publicis Edico et
MGTB Ayer célèbrent
leurs noces lyonnaises
P.42 [ Autres faits ] Lyon sort du brouillard • Télés locales : de
l’euphorie à la désillusion • La presse périodique lyonnaise en
ébullition • L’affichage change de dimension.
P.46 [ L’objet ] Le compact disc.
P.48 [ Grands témoins ] Eric Peyre • Gilles Chappaz • Rémi
Guichard • Bertrand Barré.
P.52 [ Carte blanche ] Indiana.
P.54 [ Tops ] P.56 [ FLOPS ]
2000-2010
P. 58. L'analyse Les années WEB
P. 60. l'événement L’irrésistible poussée d’internet
P.62 [ Autres faits ] Les réseaux d’agences se reformatent • Des campagnes
publicitaires plus audacieuses • Les annonceurs apprennent à devenir
responsables • Rhône-Alpes s’impose dans les industries de l’image.
P.66 [ L’objet ] L’iPhone.
P.68 [ Grands témoins ] Jacques Chirat • Franck Barbier
• Thierry Tunesi • Thierry Ravassod.
P.72 [ Carte blanche ] Arnaud Bachelard.
Lancé en juin 2007,
P.74 [ Tops ] P.76 [ FLOPS ]
l'iPhone a révolutionné
REGARDS
P. 78.
le marché du téléphone
portable. Mais justement, ce
n'est pas qu'un téléphone.
2020 c'est déjà demain
Les professionnels de la génération digitale imaginent leur avenir proche.
A8 Communication (29), ab7 (42), Acteurs de
l’Économie (44), Acti (60, 61, 81), Aderly (24),
Agence Interactive (60, 61), Alpes Loisirs (49), Alpes
Magazine (49), Alp’Images (29), Alpinisme et
Randonnées (49), Altavia (50), Aménagement et
Montagne (49), Anatome (22), Apache (22, 75),
Arc (34), Art & Décoration (21), Asterop (60), AvantPremière (51), Avenir (31, 45), Avenue Bélier (22), Avenue
Polaris (24)
BDDP (24), Being (51, 62), Bélier (40), BeMore (30),
Biba (21), BleuVert (71), BL/LB (24), Bonjour (61), BSN
Emballages (24), Bulles de Gones (44)
C2H (41), Cachemire (18, 24, 38, 41), Campus (22),
Canal C (42), Cap’Com (42, 56), Capricorne (18, 24,
40), Carat (41), Caribara (65), CBS (31), Charvet
Imprimeurs (69), Clear Channel (31, 45), Cogep (18,
24, 41), Comareg (18, 20, 34, 41, 58, 61, 62, 76),
Commando (24), Compilo (60), Cote Rhône-Alpes (44),
Côté Scène (44), Créapress (16), Cré-Rossi (54), CTVCités Télévision (42), CyberCité (60, 61), Cyberline (41)
Damon Design (51), Dauphin (31, 45), Dauphiné
Libéré (34), Dauphiné News (56), DDB (38, 62),
DDB-Louis XIV (64), DDB Nouveau Monde (64), Delta
Diffusion (62), Diapason (21), Digital Virgo (48, 49),
Domas Conseil (21), Double V (29), Dufresne Corrigan
Scarlett (81), Dynastar (18)
Ecco (18, 30), Edico (40), Edico Publicis (24, 38),
Edip (76), Editing (75), Elle (21), Empreinte Conseil (62,
71), Eolas (61), Espace Group (74), Esprit Public (22),
Eurasset (61), Euro Advertising (18, 24, 40, 41),
Eurocom (38, 40, 41), Euronews (75), Euroquartet (41),
Euro RSCG (62), Euro RSCG 360 (64), Euro RSCG
Ensemble (38, 41), Euro RSCG Lyon (76), Euro T&G (54),
Euro TSG (41, 50)
Fédération Rhône-Alpes des radios libres (21), Figaro (18,
20), Financial Time (21), Fip Lyon (56), Flux Vidéo (81),
Folimage (56), FR3 / France 3 (42), France Explorer (48),
France Info (42)
Game Village (56), Gault et Millau (21), Gemap (41),
Générale Location (54, 56), Gerflor (18), Getris
Images (28), Geydon (12), Giraudy (31, 45), GLC Web
Design (61), Glénat (54), GL Events (54), Go Sport (34),
Grains de Sel (44), Grand Ski (49), Grésivaudan (22),
Groupe E (61), Gutenberg On Line (50)
Happy Radio (22), Hautefeuille (38, 41, 64), Havas
Rhône-Alpes (35), Histoire d’Images (29)
Idées en Tête (34), Imprimerie Chirat (68),
Infogrames (56, 76), Initiatives Media (35)
JAM (54), JCDecaux (31, 45, 58, 75), Jet multimédia (48,
49), Jet Services (42, 44), Jeudi Lyon (38, 44), Journal
des Entreprises (64), Journal Rhône-Alpes (21), Jours de
France (21), Jump (24, 34, 38, 41, 64), Justin Bridou (24)
Kenobee (76), Kouro Sivo (54)
La Cité de la Création (41), La Cote Desfossés (21),
L’Association des agences conseil en
communication (21), La Tribune (18, 21), L’AutoJournal (21), La Vie française (18, 21), La Vie
Mutualiste (21), Le 38 (34), Le 42 (34), Le 69 (34),
Le 73 (34), Le Courrier de l’Ain (35), Le Courrier
Économie (35), Le Dauphiné Libéré (12, 18, 20, 49, 62,
64), Le Journal Rhône-Alpes (20), Le Monde (18, 20,
21, 38), Le Moniteur du BTP (21), Le Petit Bulletin (
44), Le Progrès (18, 20, 25, 38, 44, 58, 62, 64, 69), Le
Progrès Soir ( 21), Le Provençal (25), Les Affiches
Lyonnaises (58), Les Producteurs (22), L’Est
Républicain (64), Le Tanneur (24), Le Télégramme de
Brest (64), L’Étoile des Alpes (24), Le Tout Lyon (58),
L’Express (18, 21), L’Hôtellerie (21), L’Humanité (18, 21,
44), Libé Lyon (44), Libération (20, 21), Liberty Surf (49),
Loyaltouch (54), Lyon 1ère (22), Lyon Capitale (38, 44),
Lyon Clubbing (69, 74), Lyon Figaro (18, 21, 44), Lyon
International (44), Lyon Libération (18, 21, 38, 44, 56),
Lyon Mag' (38, 61, 44, 75), Lyon Matin (20, 44), Lyon
News (74), Lyon People (34, 49, 69), Lyon Plus (58, 69),
Lyon Poche (34, 61), Lyon Soir ( 21)
Mag2Lyon (75), Maison et Jardin (21), Marc
Médias (44), Marèse (24), Marie Claire (18, 21),
McCann (12, 34, 64), McCann Rhône-Alpes (34),
Médiacité (22), Mediagone (31), Médiapack (51),
Médiapost (62), Média Pro (29), Metro (58, 61, 69),
MGTB Ayer (38, 40, 41), MGTB Ayer Lyon (41), Millimages
(29), Montagnes Magazine (49), Moto Revue (21)
Nemo (61), NewQuest (80), News (56), Nouveau
Monde (38, 41, 61), Novius (60, 61, 78)
Objectifs Rhône-Alpes (20), Occade (54), OL TV (62),
Oraveo (62)
Paris Match (21), Plan Fixe (16), PLM (18, 24, 38, 41),
Plus2Sens (81), Point (21), Polaris (40), Pôle Pixel (65),
Polygone (54), Polytems (62), Première Position (61),
Printer (50), Project Images (29), Prominter (24, 38,
41), Publicis (61, 62, 71), Publicis Cachemire (40, 64),
Publicis Edico (40)
Radio Canut (21, 22), Radio Contact (22, 34), Radio
Cool (22), Radio Dio (22), Radio Espace (74), Radio
Fourvière (22), Radio Julie (22), Radio Mont Blanc (22),
Radio Nostalgie (22, 34), Radio Ondaine (22), Radio
Pluriel (22), Radio Salam (22), Radio Scoop (22, 34),
RDB (18, 24, 38, 41), Regit (24), Ric ( 24), Rossignol (18,
38, 64), Roudaut Affinvest (31), RSCG Lyon (24, 38, 40)
Salto (41), Scripto (60), Ski Français (49), Snell et
Associés (38, 41), Snow Beat (49), Snowsurf (49),
Social Unit (80), Socpresse (20, 62), SP3 (34, 35, 38, 41),
Spir (18), S’Printer (54), Stratège (22), Stratégies (14,
16, 18, 35), Stratégies Rhône-Alpes (16), Studio 24 (65),
Superloustic (34), Swap (60), Synchro Plus (29),
Syntagme (80)
TeamTO (65), Télé 7 Jours (21), Télé Grenoble (58),
Télérama (21), Terraillon (18), TLM (38, 41, 42), Tridon (41)
Uniconseil (18, 21, 22, 24, 30, 40, 41)
Vasti (69), Vertical (49), Vision Actuelle (41), Visual
Link (60, 61), Vital (21), Votre Beauté (21)
WebCity (60, 61), Who’s who (24)
X Com (28)
Yoplait Sud-Est (24)
Zaw ( 61)
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 9
tweet
Le best-of des tweets qui ont marqué ces derniers mois.
Login Join Twitter!
1982
1re émission de @radiorcf Lyon
Fourvière !@AdrianEmeric
1987
Le street-marketing arrive : à Grenoble,
Symusic fait diffuser des tracts par des
saxophonistes en patins à roulettes.
@InterMedia_Lyon
Jouer du saxophone d’une seule main
pendant que l’autre distribue les tracts,
c’est très limite.@JeanRemyLyon
1984
1er cours
d’informatique à
Bourges. Ordinateur
#IBM, écran noir,
lettres vertes
scintillantes, disquette
5.5 #BigBrother ?
@GPeillon
2005
2000
Annexion. La campagne de pub
« Valence, capitale de la DrômeArdèche » défrise les populations de
la rive droite du Rhône. @InterMedia_Lyon
Chaque jour 2 367 lecteurs
préfèrent Lyon Matin au
Progrès. Pourtant, sauf le titre,
c’est le même journal depuis
12 ans !
@InterMedia_Lyon
1989
Le Minitel rose ne se cache plus. La Ville de
Lyon demande aux afficheurs de limiter la
pub pour les messageries.@InterMedia_Lyon
1992
Le cabinet qui recrute
les 130 permanents de
la chaîne @euronews
doit embaucher pour
trier les 11 000 CV
reçus !
@InterMedia_Lyon
10 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
2008
Les anti-JO piratent le site de Grenoble. Un faux
communiqué annonce la création d’une piste
de bobsleigh à la Bastille.
@InterMedia_Lyon
1996
Le tribunal administratif annule le
contrat du dircom de l’Isère, nommé en
89, parce qu’il est surpayé au vu de ses
diplômes.@InterMedia_Lyon
400 000
C’est le nombre de Footix, la mascotte en peluche
de la Coupe du Monde 1998 de football, vendus
par le distributeur grenoblois Geydon durant
l’événement. Son chiffre d’affaires a ainsi augmenté
de 9 %. Au total, Footix a été commercialisé à
1,2 million d’exemplaires.
chiffres
Une sélection de petits chiffres et grands nombres, souvent étonnants,
qui ont ponctué ces trois décennies.
20
C’est le nombre
de congrès
internationaux
accueillis à Lyon en 1990. Un piètre
score qui place la ville au 5e rang
derrière Paris (361), Strasbourg
(100), Nice (45) et Montpellier (22).
13,7 MdF
C’est le montant des investissements
en communication réalisés en
1991 par les annonceurs des
régions Rhône-Alpes, Auvergne
et Bourgogne selon une étude
de l’AACC.
10 000
C’est le nombre de fausses
crottes de chiens répandues
en ville par le Grand Lyon
en novembre 2003 pour une
campagne sur la propreté.
3 500
C’est le nombre de
journalistes qui couvrent
le sommet du G8 à Évian
en 2003.
kilomètres
C’était la distance parcourue
chaque nuit par les 90 véhicules
du Dauphiné Libéré pour livrer les
5 457 points de vente du journal.
1,2 MdF
30 %
C’était l’offre
promotionnelle d’Apple
aux journalistes lyonnais
en 1986 pour qu’ils
s’‘équipent en Macintosh.
86 000
C’est le nombre de Minitel
qui étaient en service en
Rhône-Alpes en 1985.
12 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
20 000
C’est le montant des budgets
des annonceurs régionaux
qui a échappé aux agences
rhônalpines en 1993, d’après une
étude McCann.
83 %
C’est le pourcentage de
chefs d’entreprise qui se
déclarent intéressés par le
commerce électronique,
lors d’un sondage réalisé
par InterMédia en 1998.
240 M€
C’est le coût final du réseau
câblé du département du
Rhône, achevé en 2003.
intermédIa
Jacques Simonet revisite l'histoire de la société qu'il a fondée.
RAPIDO
v Justice.
Trois procès en
30 ans, dont un
avec Jean-Marc
Requien. L'irascible publicitaire
y gagna 1 €
de dommages
et intérêts. Je
lui enverrai le
chèque sous
cadre pour qu'il
en fasse un
trophée. L'ingrat
n'a même pas dit
merci.
v Bestioles.
Notre premier
webmaster
avait beaucoup
d'imagination. Il
fit un jour traiter
la moquette
des bureaux
à ses frais en
expliquant :
« Quand je suis
assis devant
l'ordinateur, je
sens monter des
petites bêtes
le long de mes
jambes ».
v Réinsertion.
Dans les années
80, nous avions
accueilli en stage
de réinsertion un
fils de famille un
peu perturbé. En
pleine réunion il
se leva un jour en
hurlant « Je suis
Jésus ! ». Les
filles de l'équipe
le virent partir
avec soulagement.
1983 La télématique
A
1982 Création à Valence
C’
est dans l'appartement de son
fondateur alors domicilié à
Valence qu'est né InterMédia en avril
1982. Mensuelle à l'origine, la lettre
s'intéressait plus à la vallée du Rhône
qu'à Rhône-Alpes. C'était l'époque où
les milieux politiques rêvaient d'un
Grand Delta qui irait de Lyon à la Méditerranée. Une foutaise qui a eu la
vie longue. Quelques mois plus tard,
je m'associais à un éditeur lyonnais,
Régis Neyret, qui me convainquit de
me consacrer à Rhône-Alpes. Je l'en
remercie bien sincèrement. A 85 ans,
il détient toujours 7 % du capital.
Une autre époque. Pendant plusieurs
mois, InterMédia n'eut pas d'existence
juridique. Pas très légal mais cela
me permit de tester le concept sans
perdre mon temps en démarches
superflues. L'argent des premiers
abonnés fut mis de côté jusqu'à la
régularisation juridique. A l'époque,
les banquiers n'exigeaient pas un
business plan à la moindre demande
de prêt. Je salue la naissance du statut
d'autoentrepreneur qui n'existait pas
à l'époque.
Naissance de la communication.
InterMédia fut la première lettre d'information régionale consacrée aux
médias et à la communication. Ce
mot était d'ailleurs nouveau et très
décrié. Le seul fait de vouloir réunir
dans un même titre des métiers aussi
différents que la presse et la publicité
faisait hurler mes confrères journalistes. Aujourd'hui c'est une évidence.
Un blog avant les blogs. InterMédia
avait repris le concept de "lettre d'information confidentielle" très en vogue
dans les années 80. Il suffisait d'un télé14 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
phone et d'un bon carnet d'adresses
pour devenir éditeur. La fabrication
était sommaire : quelques feuillets
bleus avec une agrafe dans le coin.
C'était une sorte de blog avant l'heure.
Lettre confidentielle. La diffusion
aussi était confidentielle. Fin 1982,
InterMédia comptait 182 abonnés.
Trente ans plus tard, InterMédia qui
est devenu hebdomadaire reste une
publication hyper ciblée avec une
diffusion de 800 exemplaires. Mais
nous avons lancé d'autres éditions
qui ont une diffusion beaucoup plus
large. Le Guide est tiré à 6 500 ex. et
Le Magazine à 4 500 ex. (ce numéro à
6 500 ex.). Surtout : avec internet nous
avons aujourd'hui des lecteurs dans
toute la France et même au-delà. v
lors que la lettre devient bimensuelle, que je suis encore seul
permanent avec des pigistes, j'explore
un moyen de communication prometteur : le minitel. Ce sera Intelmédia
("tel" pour télématique) le premier service d'information électronique créé
par une société de presse en RhôneAlpes. Le minitel fera la fortune des
éditeurs de messageries roses, beaucoup moins de ma société. Mais je me
suis bien amusé. L'aventure s'arrêtera
en 1989. Quand internet est arrivé je
me suis gardé de jouer à nouveau les
pionniers préférant laisser d'autres
audacieux essuyer les plâtres. v
1984 InterMédia
s’installe à Lyon
I
l fallait bien en arriver là d'autant
que l'information sur la communication commençait à intéresser
beaucoup de monde. Les journaux
multipliaient les pages médias. La
concurrence menaçait, il valait mieux
être au cœur de l'arène. Stratégies
préparait le lancement d'une édition
Rhône-Alpes qui ne parut finalement
qu'en 1986 (voir p. 35). v
1985 La révolution Macintosh
L’
histoire d'InterMédia est étroitement liée à celle d'Apple. Je
fus l'un des premiers Rhônalpins à
acheter un Macintosh. Avec cette
machine assez rustique j'avais plus de
productivité que tous mes confrères.
Très vite je m'étais mis en tête de
concevoir la première publication
française entièrement mise en page
sur un écran. Sauf qu'il n'y avait pas
encore de logiciel de mise en page.
Avec le traitement de texte qui équipait les premiers Mac cela relevait de
l'exploit. L'agence Plan Fixe avait qui
j'avais lancé le service télématique
releva victorieusement le défi. Pour
ceux qui ne croiraient pas à cette première nationale, j'ai des preuves. C'est
aussi l'année où la publicité fit son
apparition dans InterMédia. v
intermédIa
Jacques Simonet revisite l'histoire de la société qu'il a fondée (suite).
1998 Premier lance-
RAPIDO
v Naufrage.
Le lancement
du Guide en
2005 se fit sur
la Plateforme
amarrée sur
le Rhône.
L'affluence était
telle que tout ne
monde ne put
monter à bord.
Des participants
affirmèrent
que le pétrolier
avait failli couler.
La fable court
toujours.
v Monstre.
Notre première
imprimante laser
pesait 30 kg
mais n'imprimait
qu'en noir et
blanc. Elle
coûtait aussi
cher qu'une
voiture.
v Progrès. Le
premier Mac de
la société avait
une mémoire vive
de 512 K. Notre
serveur actuel
a une capacité
de stockage
6 milliards de fois
plus importante.
v Neige. Pour
la soirée du
Guide 2011, nous
avions réservé
l'hippodrome du
Carré de Soie
pour nos 700
invités. Ce fut le
jour où la neige
paralysa la ville.
Il y eut quand
même 100
courageux. Mais
pas de buffet : le
traiteur, parti à
16 h de Brignais,
arriva à 23 h.
ment du Guide
C
e fut aux Subsistances, un bâtiment à l'abandon que la ville voulait transformer en centre d'art. Les invités sont prévenus "Ambiance friche
industrielle". Dans une salle pleine de
toiles d'araignée le traiteur crée une
ambiance Grand Siècle avec des bougeoirs sur les tables. Magique. v
1988 Premier guide 1995 On a survécu
P
our travailler nous avions dû établir une base de contacts des médias, des agences et des sociétés de
communication. Il suffisait de l'imprimer pour faire un annuaire. Les premières éditions parurent sous forme
de classeur de fiches. Malgré l'existence d'un guide Stratégies RhôneAlpes, ce produit eut un joli succès.
En fait j'allais vite me rendre compte
que Stratégies n'empêchait nullement
InterMédia de vivre sa vie. v
L
a crise de 1992 fut terrible : chaque
jour je relevais dans les annonces
légales la disparition d'un ou deux
abonnés. La société faillit passer à la
trappe. La commerciale y perdit son
poste et je dus la remplacer. Utile expérience. Trois ans après nous étions
sortis d'affaire. La société employait
4 personnes et atteignait les 2 MF de
CA. 1995 c'est aussi l'année du lancement de L'Album, ancêtre des magazines actuels. v
1996 Numéro 500
L
a photo arrive dans les pages
d'InterMédia qui est toujours
imprimé en noir et blanc. Mais le
Guide est désormais tout quadri. À
l'époque imprimer en couleur était
encore un luxe. v
Une quinzaine de personnes travaille à temps
plein ou partiel pour InterMédia. En 2012, il
faut pousser les murs. Le déménagement se
fera dans le courant de l'été.
1990 Lancement
d'Axiomédia
A
xiomédia fut l'un des nombreux
produits testés à cette époque. Il
s'agissait d'un Tarif Média régional.
Les professionnels adoraient. Hélas ils
voulaient tous le recevoir gratuitement
tandis que les médias rechignaient à
y faire de publicité. Après deux éditions déficitaires je l'ai fondu avec le
Guide. v
1992 Lancement
du fichier
C
'était le pendant du guide des sociétés de communication. Il recensait tous les annonceurs de la région
et permettait aux agences de publicité
de faire leur commercial. Il avait pris
la forme de deux pesants classeurs
qu'il suffisait de laisser lourdement
tomber sur le bureau d'un patron
d'agence de publicité pour qu'il sorte
son chèquier. Il comprenait qu'il en
aurait pour son argent . v
16 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
2009-2011 Nouvelle formule et
lancement du portail
Q
uatre années pour tout revoir. Une
étude marketing avait démontré
qu'avant de remplacer notre vieux
site, il fallait moderniser les périodiques imprimés. C'est ProEdito qui
s'y colle et succède ainsi à Plan
Fixe (notre studio des années 80) et
Créapress (dans les années 90). En
2008 c'est d'abord L'Hebdo qui est
transformé de fond en comble, la
lettre cédant la place à une petite revue. Puis Le Magazine adopte sa formule actuelle. Fin 2011, nous lançons
le portail de la communication qui
complète notre dispositif d'information et de services. Ces années-là sont
aussi celles où InterMédia se lance
dans l'organisation d'événements
avec les Mornings, les Evenings et le
Forum de la communication. v
FRIC
Les années
O
ubliée, la fin des 30 Glorieuses avec le premier choc
pétrolier de 1973... La décennie 80 a des allures d’années
un peu folles où l’argent coule plutôt
à flot sur fond de société qui finit de
se décoincer. Passé le psychodrame
(capitaliste) de l’élection de François
Mitterrand en 1981 et le fantasme des
chars russes sur les Champs Élysées, le
business reprend vite ses droits.
Craignait-on un effondrement du
marché de la publicité à cause d’un
vague projet socialiste de taxation des
réclames ? De quoi enterrer à l’imprimerie, en mai 81, le city-magazine
(premier du genre en France) que
L’Express s’apprêtait à lancer à Lyon.
Pourtant, 1981 se révélera une assez
bonne année publicitaire. Et 1982 battra des records d’investissements en
communication.
Bref, tout se met à baigner. Les
entreprises se piquent de plus en
plus du rôle d’annonceur. Les budgets grossissent. Les agences de
pub fleurissent à Lyon, Grenoble,
Annecy, Saint-Étienne... Les réseaux
nationaux et internationaux (Young
& Rubicam, JWT, Publicis, Havas,
RSCG, BDDP, FCA!...) sont là en
rangs serrés. Mais le haut du pavé
est occupé par de belles indépendantes lyonnaises. Elles s’appellent
Euro Advertising, Cogep, RDB, PLM
ou Cachemire et ferraillent avec les
enseignes star d'Havas (Uniconseil,
Capricorne…). Et la place orchestre
de brillantes campagnes nationales
pour Ecco, Gerflor, Rossignol, Dynastar, Terraillon... Une manne de
budgets abondée par les collectivités qui découvrent à leur tour le
marketing territorial dans la foulée
de « Montpellier la surdouée. » Et
les premières bribes d’une communication citoyenne qui essaime les
feuilles de chou municipales.
Ouragans médiatiques. Mais
ce sont surtout les médias qui tiennent
le devant de la scène dans cette dé-
18 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
19
1
cennie. D’abord la presse écrite. La
première moitié des années 80 voit le
Papivore, Robert Hersant, faire main
basse sur les deux grands quotidiens
régionaux, Le Dauphiné Libéré puis
Le Progrès, ruinés par leur divorce et
la guerre fratricide qui s’ensuivit.
La seconde partie de la décennie voit
débarquer les éditeurs nationaux et se
multiplier quotidiens lyonnais et éditions locales ou régionales plus modestes. Dans les rôles-titres s'affrontent
Lyon Libération et Lyon Figaro. Dans les
seconds rôles se poussent Le Monde
et L’Humanité, avec des suppléments
plus modestes. Et des dizaines de figurants (Stratégies, La Tribune, La Vie
française, Marie Claire...) se prennent
de passion pour l’information rhônalpine. La bataille des quotidiens durera
six bonnes années et seule subsistera
l’édition lyonnaise du Figaro jusque
dans les années 2000.
L’autre grand phénomène médiatique
sera la naissance et l’explosion des radios locales, après la fin du monopole
d’État en 1982. Musicales, communautaires ou politiques, elles fleurissent par
dizaines au fil des mois. Mais en 1984,
l’autorisation de la publicité pousse les
radios commerciales à une course à
l’audience et à racheter des stations
locales pour mailler tout l’hexagone.
Une lame de fond qui fera disparaître
une flopée d’indépendantes, dans les
années suivantes.
Toujours dans les médias, lancements
et concentrations font également rage
dans la presse d’annonces gratuite, où
émerge un géant tricolore, la Comareg
du Stéphanois Paul Dini qui bataille
contre un concurrent venu du sud,
Claude Léoni, patron de la Spir. Dini
sera aussi un pionnier de la télématique, le nouveau média qui commence à brancher les éditeurs.
Enfin, c’est aussi le Far West chez
les afficheurs qui ne sont pas moins
de 45 en région où les 4x3 poussent
comme des champignons. Et là, le
ménage ne sera pas fait avant la fin
des années 90. v MT
8
90
9
1980-1990 LES faits marquants
Hersant fait main basse
sur les quotidiens
La première partie de la décennie voit le « Papivore » s’emparer du
Dauphiné Libéré et du Progrès. La seconde est marquée par l’arrivée
du Monde, du Figaro et de Libération à Lyon.
I
l rêvait d’un destin de glorieux
patron de presse et d’être celui qui
allait révolutionner la PQR. Un rêve
tôt brisé. À défaut de gloire, JeanCharles Lignel passera quand même à
la postérité, en tant que fossoyeur de
l’indépendance des deux grands quotidiens rhônalpins.
En prenant le contrôle du Progrès
de Lyon, au printemps 1979, à l’issue
d’une mémorable vente aux enchères
privée, contre ses cousins Brémond,
le jeune tycoon savourait une victoire
sans partage. Car justement, il n’est pas
partageur. Et ne veut plus de l’alliance
conclue en 1966 entre Le Progrès et
Le Dauphiné Libéré pour mettre fin à
des années de concurrence ruineuse.
Une guerre qu’il va pourtant rallumer fin
1979 en dénonçant les accords entre les
deux titres qui, selon lui, avaient fait la
part trop belle aux Grenoblois. Lesquels,
circonstance aggravante, s’étaient sournoisement alliés aux Brémond, au milieu des années 70, pour écarter Lignel
de toute fonction de direction.
Le Papivore fait son marché.
Du coup, dès 1980, toutes les synergies
de moyens, patiemment construites
depuis une douzaine d’années, volent
en éclats. Chaque titre doit reconstituer
ses équipes rédactionnelles, son réseau
d’agences, sa régie publicitaire, sa logistique de distribution et relancer des
éditions en terres ennemies. Le tout sur
fond de coûteuses procédures que l’on
s’intente de part et d’autre.
À ce jeu de massacre financier, c’est
Le Dauphiné qui mettra le premier un
genou à terre. En 1981, ses patrons,
Louis Richerot et Jean Gallois croient
Dans la course
aux lancements,
Lyon Figaro avait
coiffé Lyon Libération
au poteau en sortant
8 jours avant son
concurrent.
20 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
pourtant avoir trouvé un allié sûr, en la
personne de Marcel Fournier, l’un des
fondateurs savoyards du groupe Carrefour. Un marché de dupes, puisque
ce dernier revendra en douce ses parts
à… Robert Hersant. L’arrivée à la tête
du journal d’un chevalier blanc, Paul
Dini, patron du groupe de presse gratuite Comareg, ne changera pas l’issue.
Richerot se rabibochera avec Hersant
sur le dos de Dini, jugé coupable de
l’avoir mis sur la touche !
Début 1983, Hersant dit « le papivore »
met donc la main sur le groupe grenoblois, qui devient le sixième fleuron
régional de son empire. Dès lors, le sort
du concurrent lyonnais est scellé, même
si son président l’ignore encore. Car la
Socpresse de Robert Hersant donne à sa
nouvelle filiale les moyens de gagner la
guerre. Elle durera encore trois ans. Les
titres lyonnais du Dauphiné Libéré (Lyon
Matin et Le Journal Rhône-Alpes) cassent
les prix de leurs espaces publicitaires.
Lignel se brouille avec le groupe Havas
qui assurait sa régie. Et les guerres de
tranchées dans les zones minoritaires
s’avèrent de plus en plus dispendieuses.
Son président a beau afficher en 4x3
que « Rien n’arrête Le Progrès », et jurer
qu’Hersant ne mettra jamais la main
dessus, l’étau se resserre inexorablement.
Le coup de grâce viendra d’un énième
procès qui donne au Dauphiné Libéré le
contrôle de la société éditrice des journaux dominicaux du groupe Progrès.
Du coup, début 1986, voilà à son tour
le quotidien lyonnais dans l’escarcelle
de la Socpresse. Cette vente à Hersant
a été « la meilleure affaire de ma vie »,
plastronnera des années plus tard JeanCharles Lignel dans une interview au
mensuel Objectifs Rhône-Alpes en jurant
qu’elle lui avait rapporté 372 MF, alors
que le groupe de presse ne lui avait
coûté que 155 MF !
De quoi permettre cependant au papi-
© GINIES/SIPA
TÉLEX
1982
v Domas
Conseil
(Lyon) lance la
première étude
sur l’audience
des médias en
Rhône-Alpes,
Régio Médias .
v Sophie
Turion quitte
Uniconseil pour
créer son bureau
de relations
presse.
v Naissance
de la Fédération
Rhône-Alpes
des radios
libres.
vore de reconstituer un groupe présent
sur 14 départements, avec une diffusion
de près de 700 000 exemplaires. Un
beau pied de nez, alors même que le
gouvernement s’échine en vain à stopper les concentrations de presse.
Le printemps des quotidiens.
C’est dans ce contexte que des éditeurs
nationaux partent en croisade au milieu
de la décennie pour défendre le pluralisme de la presse à Lyon.
Début 1986, Le Monde propose des
pages quotidiennes d’actualités RhôneAlpes, après avoir testé une rubrique
culturelle hebdomadaire. Initiative modeste qui ne vise pas à concurrencer la
PQR, mais juste à conforter ses ventes
en région. Comme nombre d’autres
titres périodiques nationaux, qui multipliaient à l’époque des pages régionales
comme autant de pièges à pub (voir
encadré).
L’offensive principale viendra du lancement en septembre 1986 de Lyon Libération. Une édition forte d’une vingtaine
de pages locales adossées aux pages
nationales. « Un journal de ville qui sera
une vraie alternative à la presse Hersant
et un support nouveau pour les annonceurs et les publicitaires de la région »,
promettait Serge July, le charismatique
patron de Libé.
Mais l’expédition est surdimensionnée,
avec une cinquantaine de salariés. Et
mal préparée : la régie publicitaire ne
sera opérationnelle qu’en... décembre.
Bilan : les ventes atteignent à peine
10 000 ex. quand le business plan en
espérait 20 000 ! Du coup, la fin d’année
se traduira par un premier plan de licenciements.
Dans le même temps, le groupe Hersant
a répliqué en transformant son Journal
1983
v Disparition
Robert Hersant surnommé
le Papivore, contrôlait
en 1986 sept quotidiens
régionaux, Le Figaro, France
Soir et diverses autres
revues dont L'Auto Journal.
Rhône-Alpes en Lyon Figaro, un tabloïd
moderne qui fait pendant aux formats du Monde et de Libération. Avec
Le Progrès et Lyon Matin, la ville dispose
de quatre quotidiens
La guerre durera six ans. Ponctuée de
quelques autres brèves incursions de
titres comme L’Humanité. Lyon Libération
usera quatre rédacteurs en chef et s’ar-
rêtera fin 1992, alors même que son
résultat d’exploitation arrivait enfin à
l’équilibre après 5 ans de pertes. Mais
à l’époque la maison-mère parisienne
commençait à prendre l’eau ! Le Monde
lui survivra encore une grosse année.
Quant à Lyon Figaro, il résistera jusqu’à
la vague des quotidiens gratuits des
années 2000. v MT
du quotidien
Lyon Soir qui
avait succédé au
Progrès Soir.
v Radio Canut
met trois jours à
s’apercevoir que
son antenne a
été sabotée .
v L’Association
des agences
conseil en
communication
(AACC) ouvre
une antenne à
Lyon
v Mort en
Suisse du
Drômois René
Higonnet,
inventeur en
1940, à Lyon, de
la photocomposition.
Rhône-Alpes, chouchoute des médias nationaux
A
u début des années 80, on ne comptait qu’une dizaine de
périodiques parisiens comportant un supplément rhônalpin. Au milieu de la décennie, InterMédia en recensait
déjà plus de vingt-cinq. Et les troupes allaient encore s’étoffer
jusqu’au début des années 90, avec l’arrivée notamment de
la presse financière comme La Cote Desfossés, La Tribune ou
La Vie Française, attirée par les nombreux... annonceurs cotés
au second marché de la bourse de Lyon.
C’est de toute façon la bonne santé de l’économie régionale (la
seconde de l’Hexagone) et son marché publicitaire sexy qui font
saliver les éditeurs de tout poil. Car c’est l’éclectisme qui prévaut
dans un inventaire que n’aurait pas renié Prévert, où se côtoient
Moto Revue, Le Moniteur du BTP, Gault et Millau, Télé 7 Jours,
L’Hôtellerie ou La Vie Mutualiste.
Ce sont surtout les magazines féminins et les revues de
décoration qui représentent près de la moitié de ces titres, avec
Elle, Biba, Marie Claire (et leurs déclinaisons maisons), Vital,
Votre Beauté, Art & Décoration, Maison et Jardin... Les news
magazines sont aussi là avec L’Express, Paris Match, Jours de
France... tout comme la presse automobile et touristique.
Beaucoup sont des « ramasse-pub », qui plient boutique (L’AutoJournal, Diapason, Télérama...) quand le filon faiblit. D’autres,
à l’instar du Point, donnent exclusivement dans les dossiers
publicitaires thématiques (informatique, immobilier...). Jusqu’au
Financial Time qui bloquait son supplément rhônalpin s’il n’avait
pas son quota de pub ! v
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 21
1980-1990 LES faits marquants
La naissance des radios locales
les faits À partir de mai 1981, les radios libres envahissent les ondes de la région. Une
période d’ébullition sonore qui verra émerger les pionniers de la radio d’aujourd’hui.
«C’
était le Far West : fin
1981 à Lyon, une radio
se créait chaque semaine. À tel point que personne n’est
capable de dresser une liste exhaustive ! », lance Gérald Bouchon, le dirigeant de Lyon 1ère.
La période est propice : François
Mitterrand avait promis pendant la
campagne qu’il mettrait fin au monopole d’État sur les radios. Au lendemain de son élection, les radios libres
envahissent les ondes. Elles sont généralement musicales, communautaires
TÉLEX
1984
v Croissance
champignon de
l’agence Apache
créée par Pascal
Dupont (ancien
d’Havas). Elle
emploie 14
salariés au
bout de 4 mois
d'existence.
v FR3 s’ouvre
à la publicité. Le
Crédit Agricole
sera son premier
annonceur en
Rhône-Alpes.
Manoukian et
Philippe Viennet
(ex-Radio
Nostalgie) créent
à Lyon le studio
sonore Les
Producteurs.
v Havas réunit
ses agences
lyonnaises
Stratège et
Uniconseil
sous l’enseigne
Avenue Bélier.
Pierre Martin,
patron d’Uniconseil, quitte le
groupe.
L'équipe de Radio Scoop des années 80 (de g.
à d.) : Jean-Philippe Serrano, Philippe Tessier,
Pascal Colay, Jean-Alain Fonlupt, Nicole Jay,
Pierre Duqueyroix et Bertrand Belouino.
Photo © Mario Gurrieri
1985
v André
ou politiques.
Souvent éphémères, elles ont des
noms improbables : Happy Radio,
Radio Julie à Bron (du nom de la fille
de la fondatrice), Radio Cool...
À l’époque, il est très simple de lancer une radio. Il suffit d’obtenir une
fréquence, d’apprendre ce qu’est une
onde, une antenne... Puis de placer
un émetteur le plus haut possible pour
toucher le maximum d’auditeurs.
Ainsi, les studios de Radio Contact, la
première radio lyonnaise de pur divertissement, sont installés dans la Tour
panoramique de la Duchère. Radio
Mont Blanc fera plus fort : l’émetteur
est installé à 4 200 m d’altitude, sur
l’aiguille de Tré-la-Tête en Italie.
Un vent de liberté souffle dans les
studios : les animateurs improvisent
à l’antenne, les chansons peuvent durer 15 minutes. Bref, la naissance des
radios libres se fait dans l’euphorie.
Succès et gueules de bois.
Quelques-unes de ces stations vont
avoir un destin national. C’est le cas
de Radio Nostalgie, reprise par Pierre
Alberti grâce à la vente de Radio
Contact. Nostalgie sera l’un des premiers réseaux à se développer partout
en France (voir p. 34).
Quant à Radio Fourvière, créée par
Emmanuel Payen dans les greniers de
la basilique lyonnaise, elle deviendra
la tête de pont du réseau national RCF.
Enfin, Radio Scoop, créé par Daniel
Perez sur les hauteurs du Mont Cindre,
évoluera rapidement pour constituer
le premier réseau régional.
Mais pour l’immense majorité des
radios libres, la fête laissera bientôt
place à la gueule de bois. En 1984,
l’autorisation de la publicité sur les
ondes poussera les radios commerciales dans une course à l’audience.
Seules une poignée de radios associatives traverseront les décennies,
telles que Radio Canut, Radio Pluriel
ou Radio Salam à Lyon, Campus ou
Grésivaudan à Grenoble, Radio Dio
et Radio Ondaine à Saint-Étienne… v
Les collectivités territoriales
découvrent la communication publique
les faits Les lois sur la décentralisation encouragent la communication publique.
Les collectivités ont de nouvelles compétences et doivent le faire savoir.
L
es années 80 marquent l’émergence de la communication
publique. Autrefois régie par
d’anciens journalistes reconvertis en
conseillers politiques, la communication se formalise.
« Les collectivités territoriales ont alors
davantage de compétences, d’autonomie et de budget et doivent le faire
savoir », explique Bruno Cohen-Bacrie, directeur de la communication
d’Échirolles (38). La concurrence entre
les territoires stimule aussi la communication. Il faut être attractif pour attirer
entreprises, investisseurs et habitants.
Les territoires rivalisent alors de slogans
et de logos. Parmi les plus remarqués :
« Brest, une ville du tonnerre », « Nantes,
l’effet côte ouest » ou encore « Montpellier la surdouée ». Cette dernière
22 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
campagne est très remarquée, car elle
montre un bébé dans un landau. « Elle
identifiait Montpellier à la jeunesse en
reprenant les codes de la publicité. Une
première », souligne Louis Tayol, directeur de l’agence Médiacité.
De nouveaux acteurs font leur apparition comme les syndicats mixtes
et les communautés urbaines. L‘État
commence à communiquer autour
de grandes causes nationales comme
la prévention routière. Sans oublier les
entreprises privées en charge de délégations de service public.
Développement des agences. De quoi
encourager la création d’agences spécialisées en communication publique.
« À l’époque, les agences de publicité
étaient nombreuses, mais savaient
seulement vendre un produit et non
faire passer des idées », explique Louis
Tayol. Il crée Médiacité en 1984 et est
le premier à se concentrer sur la communication publique en Rhône-Alpes.
Les grandes agences parisiennes s’intéressent également au sujet. L’époque est
fructueuse. « Nous comptions jusqu’à
30 personnes et avions ouvert un bureau à Casablanca, Genève et Paris »,
remarque ce pionnier.
La multiplication des compétences
des territoires et des acteurs soutient
le marché jusque dans les années
90. Les agences sont nombreuses :
Anatome, Esprit Public... « C’était la
grande époque. On assiste au cours
des années 90 à une décrue à la suite
de la loi Sapin et de celle séparant la
communication institutionnelle de la
communication politique », conclut
Bruno Cohen-Bacrie. v
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 23
1980-1990 LES faits marquants
TÉLEX
Les riches heures des agences de pub
les faits Ce fut une décennie glorieuse pour les agences lyonnaises qui géraient nombre de budgets nationaux. Et toute une troupe
de belles indépendantes tenait la dragée haute aux filiales des agences parisiennes.
«À
l’époque, les annonceurs
se bousculaient. Beaucoup
venaient d’eux-mêmes
nous consulter. Les budgets étaient
copieux. Les créatifs n’étaient pas
angoissés. On travaillait beaucoup,
mais on rigolait bien… », se souvient
Catherine Salmon. Elle codirigeait
Commando, une agence indépendante lyonnaise qui compta jusqu’à
25 collaborateurs. Et œuvrait pour
Regit (intérim), L’Étoile des Alpes
(distribution), le promoteur Ric ou
Yoplait Sud-Est.
Si les deux géants français, Havas et
Publicis, avaient déjà maillé la région
dans les années 70, les hussards
de la pub parisienne et internationale (RSCG, FCA!, BDDP, Young &
Rubicam, MGTB Ayer…) débarquaient
en rangs serrés dans cette nouvelle
décennie. « C’était une période en perpétuel mouvement, entre créations,
rachats, regroupements, fâcheries et
divorces », raconte François Requien,
ancien dirigeant de Capricorne, l’une
des enseignes phares d’Havas, avec
Uniconseil.
La plus grosse agence lyonnaise en
1980 était pourtant une indépendante, Euro Advertising, dirigée par
24 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
Denis Trouxe. Elle avait pignon sur
rue à Paris et faisait toute la publicité
de Black & Decker France. En 1981,
Trouxe la vendait très cher à Walter
Thompson avant de la racheter en
1988 pour en faire une nouvelle réussite.
Références nationales. Un autre
groupe local ambitieux, Prominter,
avait aussi des bureaux dans la capitale et à Genève et faisait son autopromotion en 4x3 en région. Mais
la fin fut moins glorieuse. D’autres
belles lyonnaises comme RDB, PLM,
Cachemire, BL/LB ou
Cogep tenaient aussi le
haut du pavé.
RSCG Lyon avait quasi
fait sauter le standard
de l’Aderly, l’agence
de développement économique, avec sa campagne « Mettez un Lyon
dans votre entreprise. »
Uniconseil gagnait des
prix publicitaires avec
BSN Emballages et
affichait « Impossible
n’est pas Ecco » dans
tout l’Hexagone. Au
1986
v Le Who’s
who lance sa
première édition
rhônalpine. Elle
sera également
la dernière.
milieu de la décennie, Jump (BDDP)
s’impose avec des spots TV remarqués pour Justin Bridou, Marèse ou
Le Tanneur. « On démontrait qu’on
pouvait avoir ici autant de capacité
créative qu’à Paris », rappelle Michel
Hébert, son fondateur.
L’argent coulait encore à flot. En 1987,
Alain Bouldouyre (Avenue Polaris)
pouvait monter des expéditions en
Alaska et dans le désert du Nevada
avec un top model pour vanter les
mérites de la fibre Rhovyl ! Mais
déjà pointait le temps des regroupements. v MT
En 1984, l'agence
Edico Publicis
signe la campagne
d'hiver du centre
commercial de la
Part-Dieu.
La télématique, ancêtre d’internet
les faits L'arrivée du Minitel en 1982 va permettre à des acteurs locaux de développer
toute une série de services spécialisés.
A
u début des années 80, les entreprises sont équipées d’ordinateurs encombrants et coûteux.
IBM a bien lancé le premier microordinateur en 1981, mais il faudra
attendre 1984 pour voir apparaître le
premier Mac. L’ordinateur pour tous
est encore un fantasme.
En 1982, le gouvernement français
a une autre vision de la démocratisation informatique : il veut doter
chaque foyer d’un petit terminal sommaire qui affiche du texte en noir et
blanc et se branche sur le téléphone
pour consulter des services d’information. Le Minitel vient de naître.
C’est internet avant internet, mais à
la mode française : étatique et centralisé.
Minitel rose. Cette lourdeur ne faci-
lite pas le décollage du système. Les
services se comptent sur les doigts
d’une main et le Minitel sert surtout
à consulter l’annuaire du téléphone.
Heureusement, des petits malins comprennent vite le parti qu’ils peuvent
tirer de cette boîte aux lettres électronique qui permet de dialoguer
anonymement et en toute discrétion.
Le phénomène « Minitel rose » fera
la fortune de quelques entrepreneurs
avisés.
Cela ne fait pas trop l’affaire des autorités qui rêvent d’une utilisation plus
sérieuse. L’administration cherche des
volontaires pour créer les fameux services qui font défaut et se tourne vers
la presse. C’est ainsi qu’en 1983 InterMédia se voit offrir tous les moyens
nécessaires pour créer... ce que nous
voulons. Ce sera Intelmedia, la version électronique de la lettre InterMédia. Nous sommes en pointe : au sud
de la Loire, seul Le Provençal s’est
déjà risqué sur Minitel et nous devançons de quelques mois Le Progrès
qui commencera avec de bien
plus gros moyens. Mais déjà,
pour les journaux, le problème
c’est le modèle économique.
Les éditeurs obtiennent que la
consultation de leurs services
soit payée par une surtaxation de
la note de téléphone. Cette fois le système est bien lancé, la presse ouvre
ses propres services de « rencontres »
et gagne beaucoup d’argent.
Pour la presse spécialisée, c’est beaucoup moins intéressant. Intelmedia
ne rapporte rien. Nous le maintiendrons pourtant jusqu’en 1989. v js
En 1983,
InterMédia lançait
la version électronique
de sa lettre d'information
baptisée Intelmedia.
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 25
1980-1990 L'OBJET DE LA DÉCENNIE
Le Macintosh
Lancé en 1984 aux États-Unis, le Macintosh a révolutionné l'informatique
personnelle. Ses concepts ont été adoptés par tous ses concurrents : la
souris, les menus déroulants, les caractères noirs sur fond blanc ou le lecteur
de minidisquettes.
Un écran comme une page
blanche
Une poignée pour le déplacer
C'est l'ordinateur qui a popularisé le
WYSIWYG : « What you see is what you
get ». Pour la première fois, on voyait un
texte s'afficher en noir sur fond blanc
comme sur le papier. Un traitement de
texte permettait de jongler avec des
polices rigolotes, d'enrichir les phrases
avec du gras, de l'italique ou des caractères ombrés. On pouvait même faire
des dessins. La couleur arriva plus tard
ainsi que les logiciels de mise en page.
Le Macintosh fut le premier ordinateur facilement transportable (il avait une poignée en creux au sommet). Son design
déroutait et lui donnait l'air d'un jouet. D'ailleurs, les premiers
utilisateurs s'amusaient beaucoup. Aussi, il mit longtemps à
s'imposer dans les services informatiques.
Et même un
haut-parleur
Des minidisquettes
Les disques durs internes n'existaient pas. Les
gros ordinateurs utilisaient d'énormes disques
et des disquettes souples, larges comme
des napperons. Apple popularisa des petites
disquettes rigides qu'on pouvait glisser dans la
poche de sa chemise. Mais, à chaque démarrage,
il fallait charger le système avec une disquette
puis l'éjecter pour enregistrer les données sur
une autre. Un lecteur externe était conseillé.
Les concepteurs du
Macintosh avaient
eu carte blanche
pour imaginer
l'ordinateur de leur
rêve. Ils voulaient
même le doter de
la stéréo. Pour des
raisons de coût, ils
se contentèrent
d'un haut-parleur.
Mais un ordinateur
sonore, c'était déjà
incroyable pour
l'époque.
Une souris pour travailler
Cet appendice déroutant permettait de dérouler des menus qui
faisaient gagner un temps précieux (avant, il fallait taper des codes
pour lancer les opérations). Avec cette sorte de boîte d'allumettes
à roulettes, on pouvait facilement placer son curseur dans un texte
et exploiter des fonctions sidérantes comme le copier-coller.
26 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 27
©ESO
1980-1990 grands témoins
Gilbert Hus
« Les annonceurs
découvrent l’audiovisuel »
Gilbert Hus a démarré en 1981 en créant une société
de conseil et de production audiovisuelle à Grenoble.
Il a ainsi participé à l’émergence de l’image de
synthèse et de la vidéo d’entreprise en France.
Retour sur dix années d’euphorie.
Pourquoi Grenoble apparaît-elle
comme un berceau de l’image de synthèse dans les années 80 ?
gilbert hus. Grenoble a été pionnière
dans cette activité, car elle abritait les
principaux constructeurs de machines
à générer de l’image de synthèse.
C’est ainsi que X Com a inventé
Graph 8, la première palette graphique
huit couleurs qui permettait de restituer le dessin en temps réel. Il y avait
aussi Getris Images qui a ouvert la
voie, dès 1985, à l’image de synthèse
28 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
2D puis 3D destinée à la création vidéo. Ces fabricants de matériel et de
logiciel étaient installés à la ZIRST de
Meylan, la toute première technopole
créée en France.
Ces sociétés étaient largement favorables à ce que des spécialistes de la
vidéo testent les capacités de leurs machines et montrent leurs applications.
C’est comme cela que vous avez démarré ?
g.h. Oui, j’avais fait une partie de
mes études avec le patron de X Com
qui m’a prêté un exemplaire de sa
Graph 8.
Je m’en servais notamment à la télévision pour illustrer le JT d’Antenne 2 en
réalisant des caricatures en direct. À
l’époque, j’écrivais également des jeux
de société. Cette nouvelle technologie
m’a permis de développer un jeu télévisé interactif avec la toute première
palette graphique du marché. En 1984,
j’ai ainsi présenté le Grand Labyrinthe
pendant plusieurs mois sur TF1, juste
Sophie Monet a fondé son agence de relations presse en 1986 à Lyon.
« La période de prospérité
économique a contribué
à l’émergence des RP »
avant le journal d’Yves Mourousi.
En 1986, Project Images obtenait à
Monte-Carlo le premier prix Imagina
dans la catégorie 2D pour une série de
dessins animés colorisés par ordinateur diffusée sur Antenne 2. À ce moment-là, nous étions deux en France
à faire ce type de travaux. Nous avions monté un studio en Pologne qui
s’occupait des animations papier. Le
coloriage était fait à Grenoble.
Y avait-il beaucoup d’agences de
relations presse dans les années 80
à Lyon ?
sophie monet «
Depuis quelques années
déjà, les majors avaient constitué des
services de relations presse solides.
Nous étions bien moins nombreux
qu’aujourd’hui, mais la période de
prospérité économique a contribué à
l’émergence de beaucoup d’agences
comme celle de Sophie Turion, de
Laurence Renaudin, ou la mienne.
Il y avait une véritable fascination pour
les annonceurs à apparaître dans le
journal ou à la TV. Nous étions une
véritable alternative à l’achat de publicité et en beaucoup moins cher de
surcroît. Du coup, les relations sont
devenues quasiment incontournables
pour tout le monde. À tel point qu’on
a rapidement vu l’émergence de services de relations presse intégrés chez
les annonceurs. J’ai d’ailleurs perdu
quelques budgets à cause de ce phénomène. »
C’est l’époque où l’entreprise commence à faire appel à la vidéo ?
g.h. Les années 80 sont charnières, car
c’est l’époque où l’on abandonne le
film argentique au profit de la vidéo.
La cassette permet alors de visionner
très facilement les images sur un téléviseur là où il fallait un projecteur
auparavant.
Cette nouvelle technologie, moins
chère et plus accessible techniquement, a intéressé de nombreuses
entreprises qui l’utilisaient dans tous
les secteurs : la communication, la
formation, mais aussi l’information et
l’événementiel. Les budgets consacrés
aux vidéomagazines d’entreprise ou
aux films « carte de visite », très à la
mode à l’époque, étaient importants.
Ce marché naissant a suscité pas mal
de vocations à Grenoble et à Lyon.
Beaucoup de petites entreprises se
sont créées et ont formé leur personnel sur le tas. Résultat, le marché a
connu une phase très dure avec une
concurrence féroce.
Malgré tout, seule une dizaine de
sociétés audiovisuelles comptaient
à l’époque à Grenoble : Histoire
d’Images, Millimages, Alp’Images,
A8 Communication, Double V, Synchro Plus ou encore Média Pro.
Côté pratique, comment se déroulait
le travail ?
s.m. « Il n’y avait ni internet, ni té-
léphone portable, ni Argus de la
presse. À l’agence, chacune des attachées de presse passait au moins
un quart de son temps accrochée
à son téléphone pour contacter les
journalistes dans les rédactions. On
devait se constituer un fichier qualifié personnel.
Ce n’est pas comme aujourd’hui
avec la possibilité que l’on a d’acheter des bases de données pleines de
Comment le marché était-il organisé ?
g.h. Il s’est progressivement autostruc-
turé. Beaucoup de sociétés se sont
spécialisées sur des marchés de niche
comme le médical, la montagne ou
l’industrie. Et puis il y avait, d’un côté
les films de prestige qui bénéficiaient
de budgets importants, et de l’autre,
les commandes de reportages ou de
films produits dont les budgets étaient
plus restreints.
L’audiovisuel était aussi un domaine
nouveau pour les annonceurs. C’est
pourquoi nous avons créé le Sipav en
1988 afin de clarifier les règles du jeu.
Le Syndicat indépendant des producteur de l'audiovisuel rassemblait une
quinzaine de sociétés audiovisuelles
de la région. Ses missions étaient
d’expliquer aux clients notre fonctionnement, mais aussi d’harmoniser
les pratiques et d’insuffler un peu de
déontologie dans cette profession naissante. v Propos recueillis par Camille
contacts de journalistes. Même chose
pour les invitations, faute de mails,
nous envoyions des courriers et des
fax pour les faire parvenir aux journalistes concernés. Cela dit, l’avantage de cette époque était que nous
pouvions tisser des liens beaucoup
plus privilégiés avec les journalistes.
Beaucoup d’entre eux regrettent
l’utilisation systématique du mail.
Les journalistes sont plus demandeurs de tête-à-tête avec les chefs
d’entreprise. Ils voient les attachées
de presse comme des “facilitateurs”
de contacts. »
Comment le métier a-t-il évolué en
30 ans ?
s.m. « À l’époque, les clients voulaient
communiquer beaucoup, mais ne
connaissaient pas grand-chose à notre
métier. À tel point que certains d’entre
eux croyaient que je travaillais pour
des journaux (rires)... Ils n’étaient
donc pas difficiles à convaincre. On
faisait notre petit numéro de claquettes et cela suffisait en général.
Aujourd’hui, c’est bien différent. Les
clients sont beaucoup plus au courant du fonctionnement des relations
presse et des médias en général. Ils
veulent des résultats et ne jurent que
par le fameux ROI.
Du coup, nous nous adaptons en
amont en proposant des notes de
recommandations beaucoup plus précises que dans les années 80 et en aval
en accordant une plus grande place
au reporting. » v Propos recueillis
par Jérémy Chauche
Sophie Monet, 53 ans,
est la directrice
fondatrice de l'agence
qui porte son nom.
Elle dispose aujourd'hui
d'un bureau à Paris.
Nagyos
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 29
1980-1990 grands témoins
François Vassard a été directeur marketing et communication d’Ecco de 1988 à 2004. Le groupe de travail temporaire
a marqué les années 80 avec ses publicités, notamment en détournant le célèbre tableau de Gros, « Bonaparte au pont
d’Arcole ». Aujourd’hui, François Vassard dirige l’agence BeMore en Suisse.
« La publicité a été un facteur de croissance
pour Ecco »
«C’
est dans les années 80
qu’Ecco est devenu le
numéro 1 du travail temporaire en France. Un leadership qui
s’est accompagné d’une montée en
puissance de la communication.
Il faut se replacer dans le contexte
de l’époque. Quand la gauche arrive
au pouvoir en 1981, elle a pour projet d’interdire le travail temporaire,
qui est parfois assimilé à de l’esclavagisme. Finalement, la gauche va
réglementer cette activité, créant au
contraire une formidable opportunité
de croissance pour toutes les entreprises du secteur, comme Ecco, Bis,
Manpower...
En communication, l’enjeu était de
combattre les préjugés et de conquérir des parts de marché en s’adressant
directement à nos clients, c’est-à-dire
à la fois les entreprises et les salariés.
En 1984, notre première publicité
montre le dynamisme et l’esprit
conquérant d’Ecco. C’est la célèbre
affiche avec Bonaparte proclamant :
« Impossible n’est pas Ecco ». Réalisée
par l’agence Uniconseil, elle a été placardée en 4x3 dans toute la France.
Dispositifs puissants. Les cam-
pagnes suivantes sont plus orientées
vers le service final pour le client.
L’objectif est de prouver que les intérimaires sont aussi compétents que les
permanents. En 1988, j’ai lancé une
campagne TV mettant en scène deux
jumelles jouant avec un miroir. Le
message est clair : chez Ecco, on peut
remplacer n’importe qui, l’unique et
son double.
Plusieurs campagnes marquantes sui-
vront, valorisant toujours davantage
les qualités des intérimaires proposés
par Ecco. En 1990, la publicité avec
la patrouille de voltige aérienne est
révélatrice : le chef d’escadrille, summum de précision, technicité et prise
de risque, est un intérimaire !
En termes de notoriété, ces campagnes étaient très satisfaisantes. Il
faut dire qu’à l’époque, on y mettait
les moyens. Une entreprise comme
Ecco investissait 1 % de son CA annuel dans la communication et le
marketing. D’où des dispositifs extrêmement puissants, qui privilégiaient
les médias de masse comme la TV
et l’affichage. Le tout relayé par des
actions de marketing direct originales
auprès de nos clients : une paire de
jumelles offerte, un baptême de l’air
en voltige...
Jusqu’au milieu des années 90, nous
avons vraiment eu les moyens et
la volonté stratégique d’investir en
image.» v Propos recueillis par
Thomas Nardone
Intermedia.fr Le portail
de la communication
Le nouveau site
d’InterMédia offre
de multiples services
à nos abonnés : alertes,
feuilletage de L’Hebdo dès
le lundi, appels d’offres
de toute la France, études
et rapports, consultation
des articles publiés
depuis 2005…
30 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
©Eric Soudan / Alpaca
Alain Roudaut dirige Roudaut Affinvest, réseau d’affichage indépendant, depuis 1989. Mais l’homme est dans le métier
depuis les années 70. Après un passage chez Dauphin puis Giraudy, il crée Mediagone, son premier réseau d’affichage 4x3
en 1980.
« On pouvait compter jusqu’à 120 panneaux
sur les grandes avenues lyonnaises »
À quoi ressemblait l’affichage dans les
années 80 ?
alain roudaut « Les
parcs étaient essentiellement constitués de panneaux 4x3.
On travaillait avec le balai et la colle.
Puis les Tri-Vision à lamelles tournantes
ont fait leur apparition. Mais il a fallu
attendre 1988 pour voir apparaître les
panneaux déroulants rétroéclairés.
Une invention de JCDecaux... »
Quels étaient les acteurs majeurs ?
a.r. « Contrairement à aujourd’hui, le
marché de l’affichage était occupé
essentiellement par des acteurs français. CBS et Clear Channel n’avaient
pas encore fait leur apparition. Les
leaders étaient Avenir, Dauphin et Giraudy. JCDecaux ne faisait pas encore
partie des géants. Au niveau local, les
afficheurs indépendants se portaient
bien. Il faut dire que la période était
très florissante ! »
Comment se portait le marché ?
a.r. « Les investissements publicitaires
grimpaient et les gros annonceurs
comme les distributeurs (Carrefour,
Casino, etc.) se payaient jusqu’à six
campagnes par an. L’affichage était un
média très apprécié, car la TV n’offrait
pas encore toutes les possibilités
d’aujourd’hui et internet n’existait
pas. Résultat : de nombreux afficheurs
indépendants se sont fait racheter à
prix d’or par Avenir, Giraudy ou
Dauphin. »
La législation était-elle plus souple ?
a.r. « Bien sûr. Les concessions muni-
cipales étaient très rares. On traitait
principalement avec des propriétaires
privés et le nombre de panneaux était
quasiment illimité. A Lyon, la montée
de Choulans comptait entre 120 et
130 panneaux. Il y en avait plusieurs
dans chaque virage. Pour une campagne locale, un annonceur achetait
parfois jusqu’à 300 faces, contre tout
juste 80 aujourd’hui.» v Propos recueillis
par charlotte vincent
Dauphin faisait partie des leaders
de l'affichage dans les années 80.
La société a été rachetée par
Clear Channel en 1999.
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 31
1980-1990 carte blanche à… georges chapuis
Qui se souvient encore
des belles années 80 ?
Debout,
Daniel Giessner,
Michel Hébert,
Jacques Weiss,
Philippe Brossat
et assis
Georges Chapuis.
Je me souviens que les Français
étaient alors vraiment publiphiles.
Je me souviens que les annonceurs
croyaient au pouvoir de la publicité pour bâtir durablement des
marques fortes, et que l’on parlait
davantage stratégies et concepts
que pognon lors des présentations.
Je me souviens que nous avons
dit, dès le départ, que c’est en
prenant des risques (mot très peu
employé jusque-là dans cette belle
province) que nous bâtirions la
réputation créative de Jump qui,
inéluctablement, nous conduirait
au leadership en Rhône-Alpes. Et
ça a très vite payé.
Je me souviens que nous nous
étions donné la chance de travailler
avec des entrepreneurs : les Michel
Reybier, Bernard Tapie, Christian
Boiron, Jean-Bernard Devernois,
M. et Mme Doolaeghe (Marèse),
32 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
Patrick Raulet, Pierre Martinet, qui
jouaient avec leurs billes, disaient
oui ou non, mais vite !
Je me souviens que nos formidables associés Boulet, Dru, Dupuy,
Petit nous ont toujours poussés à
faire des campagnes fortes, quitte
à ne pas gagner d’argent au départ.
Je me souviens surtout que j’avais
la chance d’avoir autour de moi
une kyrielle de talents créatifs :
mon associé et partenaire de
ping-pong Daniel Giessner, Daniel
Gobbo, Daniel Braesch, Éric Chassaing, Lewis Wingrove, Henri-Marie
Robert, Olivier d’Arfeuille, Pascale
Chatillon. Et puis les petits jeunes :
Éric Sintès, Jean-Pierre Rogès,
Guillaume Pornet, Claire Chabert,
Olivier Dubreuil. Pardon à ceux
que j’oublie, je vieillis.
Je me souviens que les médias
avaient presque tous une rubrique
consacrée à la pub et qu’en jouant
sur ça nous avons fait quelques actions spectaculaires à fortes retombées. Du buzz avant l’heure.
Je me souviens que c’est Jacques
Pilhan, éminence grise de François Mitterrand, qui a convaincu le
même Bernard Tapie d’acheter la
campagne de la pince à linge pour
son introduction en Bourse. Une
idée que j’avais trouvée en sortant
du brief et qui nous a valu le Grand
Prix Stratégies.
C’était les années 80, j’avais des
santiags et des cheveux longs, on
se battait pour des idées, ce qui
prouve au moins qu’on en avait !
C’était avant les cost-controllers et
le cancer des testicules.
Je me souviens que nous
nous sommes beaucoup
moins amusés après...
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 33
1980-1990 les tops
de quelques réussites qui ont marqué l’univers
+++ deSélection
la communication dans les années 80.
TÉLEX
1987
v Patrick
Deschamps
(Ciel FM)
rachète Lyon
Poche.
+++
Presse Paul Dini, le roi des gratuits
Film TV Jump cloue
son bec à Tapie
Il fallait le faire : l’agence lyonnaise a
réussi à faire taire l’homme d’affaires
à la célèbre gouaille pour l’introduction en Bourse de sa société, Bernard
Tapie Finance en novembre 1989 !
Le film TV très réussi (réalisé par
Georges Lautner) joue le décalage.
Alors qu’une voix off se désespère de
voir une nouvelle fois « le numéro »
de Bernard Tapie, ce dernier sort de
sa veste une pince à linge qu’il se met
sur la bouche. Sous-entendu : les faits
parlent pour lui. Un texte défile alors
à l’écran rappelant les performances
de son groupe.
Les petits actionnaires, séduits par
cette campagne, seront nombreux à
acheter des actions. v
Jump • Budget : 500 000 F (76 K€).
un imbroglio juridique le pousse
vers la sortie deux ans plus tard.
Il développe alors ses gratuits
dans toute la France, à coup de
croissance externe.
En 1988, la vente de la Comareg
à Havas lui garantit une retraite
dorée. Elle permet à ce passionné
de peintures d’enrichir sa collection,
qu’il donnera en 1999 à la ville de
Villefranche-sur-Saône où un musée
porte désormais son nom.
La Comareg lui survivra jusqu’en
2011, année de son dépôt de
bilan. v
+++
Radio Nostalgie conquiert la France
Nostalgie est l’un des plus beaux
réseaux de radio français. Il a été
lancé depuis Lyon.
À l’origine de cette réussite, Pierre
Alberti, un self-made-man devenu
leader de la démolition de bâtiments en France. Dès juillet 1981, il
© Fabrice Schiff
En novembre 2008,
Lyon People orchestre
les retrouvailles de
Daniel Perez, fondateur
de Radio Scoop, et
de Pierre Alberti au
Caro de Lyon.
34 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
à Lyon de
Superloustic,
première radio
d’enfants créée
en France.
v Le publicitaire
Didier Finaz
rachète l’agence
lyonnaise Arc au
groupe Havas.
v Carole
Dufour quitte
son poste de
dircom de la ville
de Lyon pour
créer l’agence
de RP Idées en
Tête.
En vingt ans, le
Stéphanois Paul Dini
s'est taillé un empire
dans la presse
d'annonces gratuites.
Revendu à Havas puis
à Hersant Média, son
groupe compta jusqu'à
240 éditions locales et
2 400 salariés.
©ESO
+++
C’est l’une des plus belles successstories de la presse régionale : Paul
Dini est à l’origine de la Comareg, le
premier groupe français de journaux
gratuits de petites annonces.
Tout commence en 1968 à Grenoble,
où cet HEC lance son premier
gratuit de PA. Baptisé Le 38, ce n’est
qu’une simple feuille A4 recto verso.
Mais le succès est au rendez-vous.
Du coup, le journal est dupliqué
dans d’autres villes de la région
(Le 69, Le 42, Le 73...).
Le concept est tellement rentable
qu’il permet à Paul Dini de racheter
le Dauphiné Libéré en 1981. Mais
1988
v Lancement
lance Radio Contact, la première radio lyonnaise de pur divertissement.
En 1983, sa cession à la Comareg
de Paul Dini lui permet de créer
Radio Nostalgie. Son créneau ?
« Les chansons de ma jeunesse » a
coutume de répondre ce pionnier
des ondes. Un positionnement qui
lui permet de toucher les plus de
35 ans, un public plus fidèle que
les jeunes et plus intéressant pour
les annonceurs.
Résultat : si Radio Nostalgie n’est
qu’en deuxième position pour l’audience, en 1984, elle s’affirme en
tête pour le CA, avec 8 millions de F.
L’année suivante, Pierre Alberti part
à la conquête de la France. En obtenant un canal de diffusion sur le
satellite Télécom 1, il développe un
réseau de 35 stations.
Mais pour Pierre Alberti, la fin des
années 80 sera marquée par les affaires et un court passage en prison.
En 1991, il vend Nostalgie à RMC. v
+++
Florence Cathiard fonce
tout schuss
En 30 ans une seule grande agence de
Rhône-Alpes aura été dirigée par une
fille, c'est SP3. Florence Cathiard est
jeune, belle, intelligente, et fonce. C'est
une ancienne skieuse de haut niveau.
Comme son mari, Daniel Cathiard, qui a
hérité de la direction de Genty-Cathiard
(distribution), tout en participant au
lancement de Go Sport.
Après avoir travaillé à ses côtés, elle
crée SP3 en 1980 à Grenoble. L’agence
se hissera au 30e rang des agences françaises à la fin des années 80.
Mais quand Daniel revend le groupe et
ses 9 000 salariés à Albert Cam, Florence
cède son agence à McCann dont elle
devient vice-présidente pour l'Europe.
La fondatrice partie, l'agence McCann
Rhône-Alpes connaît un déclin progressif avant d'être fermée. Le couple Cathiard est déjà loin : il a déménagé dans
le Bordelais où il a racheté le célèbre
Château Smith Haut-Lafitte. v
1980-1990 les flops
départ, l’avenir s’annonçait rose. Et puis les affaires ont fini par mal
+++ Autourner.
Retour sur quelques bides retentissants.
–––
Stratégies se plante à Marseille et Lyon
–––
Simone Genty n'existe pas
C'est une erreur de jeunesse de Florence Cathiard, la sémillante fondatrice de l'agence SP3 (voir page de
gauche). En 1983, son mari et client,
Daniel Cathiard, Pdg du groupe GentyCathiard, est condamné pour publicité mensongère.
En cause ? Une campagne de plus
d'un an dans laquelle apparaissait
Simone Genty se présentant comme
la dirigeante de Genty-Cathiard et proclamant : « Notre groupe a un visage,
le mien ». Sauf que Simone Genty
n'existait pas. Le sympathique visage
s'affichant en 4x3 sur des centaines
de panneaux était celui de Simone
Cathiard, mère du Pdg, directrice du
marketing, ne détenant que 15 % du
capital. Autant dire qu'elle avait peu
de pouvoir de décision. v
Dans les années 80, la presse parisienne ne sait par quel bout prendre
un marché régional prometteur. Fin
1985, Stratégies lance deux bimensuels à Marseille puis à Lyon.
Comme d'habitude quand ils
débarquent en province, les
Parisiens ne lésinent pas sur
les moyens. À Lyon, le groupe
installe une quinzaine de
personnes. Sauf que les professionnels, d'abord enthousiastes, déchantent peu à
peu.
Ces éditions régionales ne
sont pas à la hauteur du
titre national et donnent
l'impression aux acteurs
locaux qu'ils sont des professionnels de seconde
zone. Surtout, elles leur
ferment les portes des
pages nationales.
De plus, les deux
bureaux sont fortement déficitaires. La
direction entame la
spirale infernale :
économies, réduction de pagination,
mutations à Paris...
En 1989, Henri Nijdam vient à Lyon
pour annoncer qu'il jette l'éponge
en avouant 7 MF de pertes en trois
ans.
Une newsletter remplace le magazine. Elle disparaîtra rapidement
dans l'indifférence. v
–––
Presse régionale Le Courrier de l’Ain disparaît
Fin 1983, Le Courrier de l’Ain, le plus
ancien quotidien de France (né en
1821), est en dépôt de bilan. Edité à Bourg-en-Bresse par la
Snepp et propriété de la famille
Dominique Coltice
(à g.) et son neveu
Stéphane ont repris le
titre familial en 1987.
Ils ont transformé
Le Courrier de l’Ain
en hebdomadaire
économique, baptisé
Le Courrier Économie,
qui existe toujours
aujourd’hui.
Coltice, ses difficultés viennent
de son imprimerie qui a perdu
quelques gros clients. Sollicité pour
sa reprise, le groupe Hersant ne
donne pas suite, laissant au parti
socialiste, qui lui cherche des poux
dans la tête, le soin de trouver une
solution aux problèmes de ce petit
journal diffusé à 5 000 exemplaires
sur le département. C’est un éditeur parisien, Michel
Burton, qui reprend le flambeau.
Mais le redéveloppement du titre
appuyé par des journaux d’annonces gratuits finit par tourner
court. En 1987, avec des ventes
tombées à 3 000 exemplaires, il est
à nouveau en faillite. Cette fois, il
disparaît, pour renaître, avec la famille Coltice, en devenant un hebdomadaire économique. 25 ans plus tard, Le Courrier Économie existe toujours et vend quelque
4 800 exemplaires selon son éditeur. v
TÉLEX
1989
v Dominique
Dord est le
premier dircom
de la Région
Rhône-Alpes.
v Création
de l’agence de
presse lyonnaise
Pleins Titres.
v Lyon dénonce
le contrat de la
Sedip, la société
qui réalisait son
journal municipal. L’affaire
lui coûtera
des années de
procès et 10 MF
de dommages et
intérêts.
v Atomic lance
le premier ski à
fixation intégrée
avec les agences
SP3 (Grenoble)
et Isabelle
Dejeux (Lyon).
–––
Initiatives Media se casse
les dents à lyon
À l’automne 1984, le paysage des
agences lyonnaises s’enrichit d’un
nouveau type de prestataire. Initiatives
Media, l’une des plus dynamiques
centrales françaises d’achat d’espace
publicitaire ouvre un bureau à Lyon.
Un démarrage en douceur avec un
seul commercial, François Waeselynck,
qui connaît bien la région, puisque
c’est un ancien d’Havas Rhône-Alpes.
Outre l’achat d’espace tous médias (en
France et à l’étranger), il offrait des services d’études, de conseil et diagnostic.
Si ce business avait bien décollé à
Paris, il n’était pas encore mûr ici. Les
agences de publicité qui gagnaient
beaucoup d’argent sur ce marché faisaient tout pour empêcher leurs clients
annonceurs d’aller voir si l'herbe des
centrales n’était pas plus verte et meilleur marché ailleurs. Du coup, faute de
clients, Initiatives Media finit par fermer
son bureau au printemps 1986. v
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 35
19
2
crises
Les années
A
près l’euphorie des années
80, la nouvelle décennie
s’annonce sous des auspices
plus difficiles. Avec la première guerre du Golfe en guise de
préambule. La réclame n’aime pas
trop les bruits de bottes. Les annonceurs deviennent frileux. A l’instar de
Rossignol qui commence à fédérer
la communication de ses différentes
marques.
Au-delà des incidences irakiennes,
les annonceurs s’interrogent sur la
rentabilité de leurs investissements
médias, qui ont beaucoup grossi les
années précédentes. Dès fin 1990,
Edico Publicis réduit sa voilure. Mais
c’est deux ans plus tard que les dégâts
commencent. RSCG Lyon dépose son
bilan. Après la perte de gros budgets,
le groupe Prominter est liquidé et
Serge Bastien ferme son agence lyonnaise…
Recomposition.
Puis c’est au
tour de la loi Sapin, qui instaure
la transparence dans les achats
d’espace, de porter un nouveau
coup aux finances des agences.
D’autant que, chez les annonceurs,
les acheteurs et autres cost killers
commencent à éplucher les budgets
de communication. Bref, la crise et
les effets de cette loi ont fortement
contribué à siffler la fin de la récréation, en poussant le secteur à se restructurer.
Publicis fait ses courses en région en
rachetant Hautefeuille, MGTB Ayer
et Cachemire. Eurocom (Havas)
reprend RSCG et le groupe achève
la fusion de son réseau rhônalpin
en une entité unique : Euro RSCG
Ensemble. Tandis que McCann avale
la Grenobloise SP3.
Mariage de raison aussi, fin 1991,
entre les deux grandes indépendantes lyonnaises, RDB et PLM, sous
l’enseigne Nouveau Monde, que
rejoindront bientôt les Savoyards de
Snell et Associés. Les grandes ma-
38 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
nœuvres s’achèveront à la fin des années 90 avec la prise de contrôle de
Nouveau Monde par DDB et celle de
Jump (et de sa maison-mère BDDP)
par TBWA.
Nouveaux médias. Décennie
de crise aussi dans les médias. En
presse écrite d’abord. L’aventure
des quotidiens parisiens implantés
à Lyon, au milieu des années 80,
tourne en eau de boudin. Après
une énième tentative d’augmentation de capital, Lyon Libération ferme ses portes fin 1992. Le
Monde Rhône-Alpes lui survivra une
quinzaine de mois. Deux hebdomadaires d’initiatives
locales voient le jour en 1994.
L’aventure de Jeudi Lyon ne durera
que trois mois. Celle de Lyon Capitale ne devra son salut qu’au groupe
Progrès. Seule réussite indiscutable,
le lancement en 1995 de Lyon Mag',
par des anciens de Jeudi Lyon qui
finiront par trouver une formule
mensuelle efficace.
La décennie voit aussi le lancement
des télévisions locales avec TLM à
Lyon et 8 Mont-Blanc à Chamonix.
Démarrages laborieux de part et
d’autre. L’arrivée de Jérôme Bellay
(l’ex-créateur de France Info, entre
autres) ne changera pas la donne à
TLM. Ces chaînes peinent à trouver
un business model équilibré. Elles
auront beau changer plusieurs fois
d’armateurs et de capitaines, 20 ans
plus tard, leurs comptes sont toujours dans le rouge.
Ces année 90 sont aussi assez fortement marquées par l’éclosion
d’internet et son irrésistible poussée. Les agences web commencent
à fleurir. Et tout un tas de sociétés
commencent à tirer des plans délirants sur l’Eldorado du commerce
électronique, en levant des fonds
astronomiques. Ce sont les prémices
d’une bulle qui va bientôt exploser.
v MT
9
90
0
1990-2000 LES faits marquants
Agences : le temps des
mariages
À l’âge d’or des années 80
succède une décennie de
recomposition du paysage
publicitaire lyonnais.
Entre crises et effets
de la loi Sapin, l’heure
est aux regroupements
d’agences, sous la houlette
des grands réseaux.
L
a décennie précédente avait
déjà vu quelques changements
d’enseignes et d’actionnaires.
Euro Advertising Lyon s’était
vendue à J. Walter Thomson (JWT).
Mais les dirigeants rhônalpins restés
en place l’avaient rachetée dès 1988
au groupe britannique WPP qui venait de prendre le contrôle du groupe
américain JWT.
En région, Havas avait commencé à regrouper ses nombreuses enseignes et
sous-réseaux (Uniconseil, Capricorne,
Bélier, Polaris, Eurocom…). Mais le climat restait bon. « La guerre du Golfe,
en 1990, puis la loi Sapin, en 1993, ont
sifflé la fin de la récréation en coulant
nombre d’agences et en poussant le
secteur à se restructurer », raconte
Robert Bourvis, ancien président délégué de Publicis Cachemire.
En 1990, Cachemire, l’une des belles
indépendantes lyonnaises, n’a pas
encore rejoint le groupe Publicis, présent ici avec l’agence Edico. Elle est
dirigée par Hubert de Jandin, qui en
fin d’année annonce une réduction
d’effectif. « Depuis 1989, les annonceurs commencent à s’interroger sur
la rentabilité de leurs investissements
40 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
En 1992, Publicis Edico et MGTB Ayer célèbrent
leurs noces lyonnaises avec une grande page de pub
dans InterMédia.
médiatiques, en très forte hausse
toutes les années précédentes », expliquait-il dans InterMédia.
De la pub à la com’. La guerre
du Golfe n’arrange évidemment rien.
Ralentissement de la consommation
et incertitudes économiques pèsent
sur le moral des annonceurs et des
agences. Le premier coup de tonnerre
retentira au cours de l’été 1991, avec
le dépôt de bilan de RSCG Lyon. Son
chiffre d’affaires est tombé de 33 à
13 MF en un an, en générant 3,5 MF
de pertes alors que le passif de 10 MF
grève lourdement les comptes de sa
maison mère parisienne. Cette dernière sera rachetée quelques mois
plus tard par Eurocom, l’une des
filiales d’Havas.
La profession commence à s’interroger sur les évolutions du marché.
La notion d’agence de publicité
commence à céder le pas à celle de
groupe de communication, capable
de proposer tout un ensemble de
prestations complémentaires (publicité, marketing, design graphique,
promotion, relations publiques…).
Une évolution que Michel Hébert, le
TÉLEX
1990
v Création à
patron de Jump, théorisera, en 1994,
dans son premier livre : La publicité
est-elle toujours l’arme absolue ? « La
bonne agence, affirme-t-il, est celle
où tous ces différents métiers sont au
même niveau. »
La réflexion s’accentue, d’autant que
le business joue les peaux de chagrin.
Rossignol, dont les résultats sont tombés dans le rouge en 1990-91, cherche
à rationaliser ses investissements en
fédérant la communication de ses
marques. En 1993, le budget de la
chaîne de parfumerie Baiser Sauvage
est descendu à 1,4 MF, contre 3 MF
trois ans plus tôt. Celui de la Région
Rhône-Alpes chute du tiers, à 18 MF,
la même année. Les défaillances d’agences se multiplient ces années-là. Tridon, Vision
Actuelle, Gemap… sont en règlement
judiciaire. Le groupe Gamand est liquidé en même temps que son navire
amiral, l’agence Prominter…
De quoi accélérer les mariages de
raison qui permettent d’élargir les
compétences et les palettes de métiers, tout en (re)gonflant les marges
brutes. D’autant que la loi Sapin est
venue encore assombrir les finances
des agences. Elle a pour but d’assainir les relations commerciales entre
les annonceurs, les médias et leurs
régies, et les intermédiaires (agences
et centrales d’achat d’espace). En
imposant une transparence tarifaire
là où l’intermédiaire négociait allègrement avec les régies, sans toujours
faire bénéficier ses clients annonceurs
des ristournes obtenues. Fini donc les
commissions d’agences de 15 % et les
petites combines entre amis.
Une révolution sur fond de couteaux tirés avec des annonceurs qui
digèrent mal la sensation d’avoir été
grugés durant des années. De quoi
aiguillonner aussi les services achats
des entreprises, qui commencent à
se mêler des budgets de communication. C’est dans ce contexte que les
centrales d’achat d’espace se muent
en agences médias en intégrant du
conseil. Une concurrence de plus
pour les agences généralistes.
Les groupes à la manœuvre.
Bref, la restructuration avance à
grands pas dans ce milieu des années
90. Et les groupes sont à la manœuvre.
À l’image du réseau Publicis qui, après
avoir racheté MGTB Ayer Lyon, avale
Hautefeuille puis Cachemire, l’étoile
montante des agences lyonnaises,
avec laquelle il double de taille.
Dès fin 91, deux autres belles indépendantes lyonnaises, RDB et PLM
convolent en justes noces pour créer
le groupe Nouveau Monde. Une
entité bientôt rejointe par l’agence
En novembre 1991,
RDB et PLM, deux
des plus grosses
agences indépendantes
lyonnaises,
concrétisent leur
rapprochement en
créant Nouveau Monde.
C'est un holding de
contrôle des deux
enseignes qui gardent
néanmoins leur
autonomie.
Les codirigeants,
Jean-Michel Daclin
(DDB) et Louis Lagabbe
(PLM), mettent en
avant les nouvelles
synergies de leurs onze
entités.
En 1999, l'enseigne
rejoindra le réseau
DDB France.
Snell et Associés (Annecy). Du côté
d’Havas, on continue de regrouper
les nombreuses agences de l’empire
en créant des enseignes qui changent
au fil des ans : Eurocom Rhône-Alpes,
Euroquartet… Le tout finira par accoucher d’une société unique, Euro RSCG
Ensemble, vers la fin de la décennie.
Le groupe McCann Erikson fait aussi
son marché en région, en absorbant
d’abord SP3 (Grenoble et Lyon) en
1992, puis Euro TSG quatre ans plus
tard. La constitution des réseaux
s’achève à la fin de la décennie,
avec le passage de Nouveau Monde
dans le giron de DDB France. Tandis
que Jump et sa maison mère BDDP
passent dans celui de TBWA.
Dans les dernières années de cette
décennie, les agences de communication font de timides incursions dans
l’internet naissant. Cogep sera la première à s’associer avec une agence
web, C2H, au sein d’une filiale commune, Cyberline. Mais les généralistes
laissent largement le champ libre aux
agences internet. Un retard à l’allumage qui leur évitera d’exploser en
même temps que la bulle au début
des années 2000. v MT
Lyon de l’institut
d’études Salto,
par Stéphane
Bauche,
ex-consultant
d’Ipsos.
1991
v La Cité de
la Création
s’exporte à
Barcelone pour
réaliser une
fresque murale
de 450 m2 en
trompe l’œil.
v Le groupe
Carat s’installe
à Lyon
1992
v Télé Lyon
Métropole
(TLM) ferme
son bureau à
Saint-Étienne.
v Première
campagne
publicitaire de
lancement du
Beaujolais
Nouveau.
v Bonjour
devient la
nouvelle marque
des journaux
gratuits de la
Comareg.
Denis Troux(e), nabab
de la pub lyonnaise
I
l est entré dans la légende des publicitaires lyonnais, pour avoir acheté et
revendu deux fois (avec forts profits) la
même agence. Du temps où il s’appelait
encore Troux (sans « e ») • Un sacré coup
de fusil pour ce Dauphinois qui rêvait d'être
comédien et avait modestement débuté
dans la réclame au cours des années 60,
au sortir de Sup de Co Lyon. Après s’être
rodé au commercial au sein d’une agence
qui s’appelait Universal, il est embauché
chez Euro Advertising, l’agence star de la
place. Il y fera une carrière exemplaire. Il
tâte de la conception-rédaction avant de
s’occuper d’études de marché et d’être
promu directeur du marketing, puis
directeur des médias. Jusqu’en 1974, où
il rachète la boîte.
Il la fera prospérer. En 1981, avec 21 MF
de marge brute, elle fait la course en tête,
loin devant Uniconseil (10 MF), la plus
grosse enseigne locale d’Havas. C’est
l’époque où il la vend au groupe américain
J. Walter Thomson (JWT), tout en restant
président.
Dans le grand Monopoly de la com’, en
1987, le groupe WPP rachète JWT. « Euro
Lyon, what’s that ? » demande Martin
Sorrell à Londres. L’agence est à vendre.
Denis Troux et cinq autres salariés découragent habilement tous les candidats à la
reprise. Désormais seuls sur les rangs ils la
reprennent à bon compte, la rebaptisent
Euro TSG et en refont une machine de
guerre, sacrée meilleure agence en région
au Topcom 93. De quoi la revendre à bon
prix en 96 à McCann Erickson.
Riche et rangé de la pub, Denis Troux se
reconvertit en politique, comme adjoint
à la culture de Lyon sous Raymond
Barre. En rallongeant son patronyme,
moins exposé ainsi aux jeux de mots
douteux. v
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 41
1990-2000 LES faits marquants
Lyon sort enfin du brouillard
les faits Lyon, ville bourgeoise, froide, triste... A l’aube des années 90, les préjugés
sur Lyon sont encore tenaces. Mais plusieurs événements vont permettre à la ville de
sortir de sa douce torpeur.
TÉLEX
1993
v Cap’Com
quitte Valence
pour Lyon. Et
enregistre un
tiers de visiteurs
en moins !
v La CCI de
Lyon gagne le
grand prix de la
presse étrangère
pour ses RP,
devant Total et le
Club Med.
v L’agence
McCann crée
le sac à sapin
d’Handicap
International
pour les fêtes de
fin d’année.
v Sortie du
« Bateau de
mariage » de
Jean-Pierre
Ameris. C’est
le 1er film entièrement made
in Rhône-Alpes
(réalisateur,
producteurs,
techniciens,
décors).
Une démarche qui fera évoluer la traditionnelle Fête des Lumières vers un
véritable festival.
Enjeu d’image. Si Michel Noir em-
bellit Lyon, son successeur Raymond
Barre va lui donner un rayonnement
international. L’accueil du G7 (1996)
puis le classement au patrimoine
mondial de l’Unesco (1998), sans oublier la Coupe du monde de football,
©ESO
D
ès son élection en 1989, Michel
Noir, le jeune maire de Lyon,
veut insuffler une nouvelle
dynamique à sa ville. Pour la première fois dans l’histoire municipale,
il nomme un adjoint en charge du
rayonnement international, du tourisme et des congrès, en la personne
d’André Maréchal. Le syndicat d’initiative devient un véritable office
du tourisme et des congrès, avec la
volonté d’attirer des salons
internationaux, grâce notamment à la nouvelle gare
TGV de Saint-Exupéry (1994)
et à la Cité internationale
(1995). Des infrastructures
signées par deux architectes
réputés, l’Espagnol Santiago
Calatrava et l’Italien Renzo
Piano.
Autre décision forte du
maire de Lyon : le lancement d’un plan lumière pour
mettre en valeur les sites les
plus prestigieux (Hôtel-Dieu,
facultés, Hôtel de Ville...).
attirent des centaines de journalistes
du monde entier qui (re)découvrent
Lyon.
Pour capitaliser sur ces événements,
la ville renouvelle ses outils de communication (film de présentation,
guides, plaquettes, signalétique).
« Lyon va se doter d’une belle image
de ville», explique en 1989 Laurence
Eymieu, la dircom de Lyon.
La ville bouge également sous l’influence d’une nouvelle génération
de patrons (Jean-Michel Aulas, Olivier
Ginon, Bruno Bonnell...) et d’événements culturels (création de la Biennale d’art contemporain et
du défilé de la Biennale de
la danse).
Bref, les bases du renouveau
lyonnais sont jetées. L’image
d’une ville dynamique où
il fait bon vivre se développera dans les années 2000
avec Gérard Collomb, le
successeur de Raymond
Barre. v TN
Lancé en 1996,
le défilé de la Biennale
de la danse va contribuer
à populariser l’événement
auprès des Lyonnais.
Télés locales : de l’euphorie à la désillusion
les faits Le développement des réseaux câblés et l’engouement des annonceurs
pour les radios locales ouvrent la voie à la télévision locale. FR3, la chaîne régionale
de service public, rebaptisée France 3 en 1992, n’est bientôt plus seule sur les petits
écrans. Au milieu des années 90, Rhône-Alpes compte 8 chaînes locales.
P
ionnière de la télévision locale
en France, TLM (Télé Lyon
Métropole) est lancée en 1989
par Roger Caille, Pdg de Jet Services.
Aux manettes de la chaîne qui émet
en hertzien depuis la Tour du Crédit
Lyonnais, Jérôme Bellay, tout juste auréolé du succès de France Info qu’il a
créée deux ans plus tôt. L’ambition de
TLM ? Devenir le TF1 à la lyonnaise.
Yves Calvi y fera ses classes, de 1990
à 1992.
TLM est suivie par 8 Mont-Blanc, créée
par le journaliste André Campana
pour couvrir les deux Savoie.
D’autres télévisions ultralocales se
lancent sur le câble : ab7 dans la
Loire, CTV-Cités Télévision à Lyon, Canal C à Cluses... De son côté, M6 crée
des antennes à Lyon et Grenoble. Son
6 Minutes séduit chaque jour 200 000
téléspectateurs lyonnais.
Pertes abyssales. Mais toutes ont
un point commun : la recherche
(désespérée) d’un modèle économique. TLM perd 50 MF cumulés sur
42 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
ses trois premiers exercices. Et est
placée en redressement judiciaire dès
1993. 8 Mont-Blanc accuse 13 MF de
pertes rien que sur l’année 1996. Les
annonceurs tant espérés ne sont pas
au rendez-vous, dissuadés par le coût
de fabrication des spots et la faible
audience.
L’équipe fondatrice de 8 Mont Blanc.
De plus, les réseaux câblés ne remplissent pas leurs promesses et
touchent à peine 30 % de la population
française. Résultat : les canaux locaux
sont peu attrayants et peu regardés.
À l’époque, les opérateurs locaux
vivent essentiellement de subventions
et de programmes sponsorisés. Tous
attendent l’autorisation de la publicité
de la grande distribution, qui n’interviendra que dans les années 2000.
Sans avoir les effets escomptés. v CV
1990-2000 LES faits marquants
TÉLEX
La presse périodique lyonnaise en ébullition
les faits La disparition de quotidiens (Lyon Libération, L’Humanité Rhône-Alpes, la
fusion de Lyon Matin et du Progrès) crée un vide qui favorise l’émergence d’une presse
locale indépendante à Lyon.
S
eptembre 1994 : le premier
numéro de Jeudi Lyon sort dans
les kiosques. Cet hebdomadaire
lancé par des anciens de Libé Lyon
marque le début d’une nouvelle
forme de presse à Lyon, indépendante des grands groupes et au ton
plus incisif.
Impertinence. L’expérience Jeudi
Lyon tournera court. Cet hebdo qui
se voulait le city-magazine de Lyon
s’arrête au bout de onze numéros,
faute de lecteurs.
Presque en même temps, Lyon
Capitale voit le jour. Lancé en octobre
94 par la jeune équipe du mensuel
culturel Côté Scène, ce tabloïd se veut
plus populaire et plus mordant que
Jeudi Lyon. L’hebdomadaire dirigé par
Jean-Olivier Arfeuillère privilégie les
sujets société et culture, tout en taquinant les élus lyonnais, en particulier
Raymond Barre.
Quelques mois plus tard, Lyon Mag’
est lancé par Philippe Brunet-Lecomte
(ex-Lyon Figaro), avec le soutien de
Roger Caille de Jet Services. Pendant
un an, l’hebdomadaire se veut le
44 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
Paris Match lyonnais. Sophie Favier
fait la Une du premier numéro. Un
ton racoleur qui fait un flop et provoque le retrait de Roger Caille. Lyon
Mag’ se relance alors en mensuel, et
se démarque par son ton impertinent
et ses enquêtes.
Pendant une dizaine d’années, Lyon
Capitale et Lyon Mag’ pimentent la
vie lyonnaise. Mais l’esprit frondeur
du premier disparaîtra au
départ de ses fondateurs en
2007, tandis que Lyon Mag’
mourra du conflit l’opposant
à Christian Latouche, le nouveau patron de Lyon Capitale.
Finalement, seul Denis Lafay
est toujours aux commandes
d’Acteurs de l’Économie
(1997). Ce magazine économique a trouvé sa place, avec
des enquêtes pointues et des
dossiers faisant intervenir des
philosophes et des sociologues.
Premiers gratuits. Le dynamisme de la presse lyonnaise
touche aussi les magazines de
prestige. Cote Rhône-Alpes, diri-
gée par Isabelle Salomon, puis Lyon
International prospèrent.
Les premiers gratuits thématiques font
également leur apparition à la fin des
années 90. Créé à Grenoble, Le Petit
Bulletin (culture) débarque à Lyon
en 1997. Tandis que Bulles de Gones
et Grains de Sel (loisirs pour enfants)
naissent à quelques mois d’intervalle.
Ce sont les prémices d’une révolution qui bouleversera le paysage de
la presse lyonnaise dans les années
2000. v TN
1994
v Création
du Club de la
communication
Rhône-Alpes
par Bernard
Seux, Françoise
Desprez et
Sophie de
Rocca-Serra.
v Marc André
fonde l’agence
de médiaplanning Marc
Médias (Lyon).
L’affichage change de dimension
les faits Les réseaux locaux d’affichage avaient poussé comme des champignons
dans la précédente décennie. En saturant le marché et en torpillant les prix.
Les années 90 redistribuent les cartes au profit des majors nationaux.
À
l’aube des années 90, Lyon jouait
les vedettes au Guiness Book
de l’affichage. Avec quelque
11 000 faces, sa communauté urbaine
s’affirmait comme la première place
française en nombre de panneaux
publicitaires par habitant.
Ils avaient poussé comme des champignons dans la décennie précédente,
souvent au mépris des réglementations. « Sur Lyon, plus du quart des
panneaux sont illégaux », pointait en
1991, dans les colonnes d’InterMédia,
Frédéric d’Assigny, directeur régional
d’Avenir (Havas), le premier réseau
d’affichage de l’Hexagone. À l’époque,
une étude du groupe Carat recensait
pas moins de 78 réseaux présents sur
le Grand Lyon, 50 à Grenoble, 45 à
Saint-Étienne, 40 à Valence…
Concentration. Cette pléthore
qui n’est pas propre à Rhône-Alpes
conduisit à une saturation du marché et à une dégringolade des prix. Il
en résulte un effet de ciseaux qui va
entraîner le démontage de nombreux
panneaux un peu partout. D’autant
que des mouvements écologistes,
comme l’association Paysages de
France (Grenoble), commencent à
presser communes et collectivités de
faire le ménage.
Le tout poussera naturellement à
la concentration des acteurs. À
l’exemple de Trans Affichage du Grenoblois Dominique Verdiel, qui avait
racheté ou pris des participations
dans une dizaine de sociétés rhônalpines. Mais les majors du 4x3 (Avenir,
Giraudy, Dauphin) font aussi leurs
courses. Et les petits indépendants
ont de plus en plus de mal à exister,
c’est-à-dire à être référencés auprès
des agences médias.
Decaux leader. Surtout, le métier
s’industrialise avec les panneaux
lumineux, pivotants, déroulants, et
nécessite de plus en plus de capitaux.
Parallèlement, Decaux grossit au fil
des ans dans l’affichage commercial
urbain et piétine les plates-bandes
des afficheurs traditionnels avec son
réseau déroulant Seniors au format
proche du 4x3.
À la fin des années 90, la messe est
dite. Decaux a racheté Avenir et les
deux autres majors sont passés sous
pavillon américain : Dauphin chez
Clear Channel et Giraudy chez Viacom
(devenu aujourd’hui CBS Outdoor). Et
ce dernier groupe prendra en 2000 le
contrôle de Trans Affichage.
Les derniers indépendants devront se
contenter de miettes. v MT
Le premier panneau
déroulant installé
par JCDecaux dans
l'agglomération
lyonnaise en 1976.
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 45
1990-2000 L'OBJET DE LA DÉCENNIE
Le compact disc
Le compact disc a été inventé en 1982 à Hanovre (Allemagne). Dans les
années 90, il allait donner naissance à une impressionnante gamme de
disques numériques destinés à stocker le son, les images ou les data.
Une seule face d'enregistrement
Les mélomanes furent les premiers grands
utilisateurs du CD. D'abord réticents, car ils ne
voulaient pas abandonner leurs collections
de vinyles, ils apprécièrent rapidement la
qualité du son numérique, mais aussi la
petite taille du support, sa robustesse
et sa facilité de transport. En plus,
il était réputé inusable. Un peu
déroutant : il n'avait qu'une face
d'enregistrement.
Une énorme quantité
de données
Après le succès du CD
audio pour les chaînes
Hi-Fi apparut le CD-Rom
qui pouvait être lu par les
ordinateurs. Le CD-Rom
s'imposa comme le
meilleur moyen de
diffuser les logiciels informatiques de plus en plus
lourds et qui nécessitaient
auparavant tout un tas de
disquettes pour leur installation. Or un seul CD-Rom
pouvait stocker autant de
fichiers que 460 disquettes
3,5 pouces !
Après le son, les images
La révolution numérique s'amplifiera
en 1995 avec l'apparition des DVD. Alors
qu'un CD-Rom pouvait contenir jusqu'à
700 Mo, la capacité du DVD-Rom montait
à plusieurs Go. De même que le CD audio avait
rapidement tué le disque vinyle et la cassette audio,
le DVD allait devenir le support rêvé pour les images et
concurrencer la cassette vidéo. À la différence du CD, il
pouvait être gravé sur ses deux faces.
Un support d'enregistrement personnel
Les diffuseurs de musique, de films et de logiciels
ne purent longtemps empêcher l'arrivée du
redoutable CD inscriptible. Il permettait à tout un
chacun de graver ses propres disques de musique,
d'images ou de data. Mais la fin des galettes de
plastique est annoncée avec la généralisation
des lecteurs MP3, des smartphones, des clés à
mémoire flash et, désormais, le stockage « dans les
nuages ».
46 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
Éric Peyre (à g.)
et Hugues de
Montfalcon ont
créé Jet multimédia
en 1989.
©Soudan
1990-2000 grands témoins
Éric Peyre
« Jet Multimédia rivalisait avec des acteurs
comme AOL ou Wanadoo »
Aujourd’hui à la tête de Digital Virgo (Lyon), Éric Peyre a
été l’un des pionniers de la télématique dans les années
90 puis du web dans les années 2000 avec Jet Multimédia
et France Explorer. Il a vécu les start-ups qui levaient des
millions avec un simple projet puis l’éclatement de la bulle.
Comment avez-vous découvert internet ?
éric peyre Au
début des années 90, je
travaillais dans la télématique. J’ai
notamment réalisé le fameux 3615
InterMédia ! En France, on était tous
occupés par ce marché très porteur
du Minitel puis, petit à petit, on a vu
apparaître les premiers modems d’ordinateur qui permettaient d’avoir des
connexions mais très, très lentes.
Je regardais cette innovation avec inté-
48 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
rêt, mais aussi avec interrogation, car
à l’époque, internet représentait beaucoup de dépenses et peu de recettes
à la différence du Minitel qui avait un
modèle économique très stable.
Quel souvenir gardez-vous de vos débuts dans l’internet ?
é.p. On s’est lancés dans l’aventure au
milieu des années 90 en créant le fournisseur d’accès France Explorer. Nous,
petits Lyonnais, nous nous battions sur
ce marché contre des géants comme
AOL ou Wanadoo. C’était l’effervescence ! On avait plus d’un million de
clients actifs et on faisait de la pub en
TV avec Yannick Noah ! À l’époque,
on distribuait des kits de connexion
sur CD-Rom dans les boîtes aux lettres.
On avait fait presser plus de disques
qu’Elton John de singles de Candle in
the wind.
Gilles Chappaz est l’ancien rédacteur en chef de Ski Français et de
Montagnes Magazine, deux magazines édités en Rhône-Alpes comme
presque tous les titres de la montagne.
Ce marché a-t-il été long à se structurer ?
é.p. Ce qui a surtout été long, c’est la
découverte d’un business model stable
même si certains n’ont pas encore
trouvé le leur aujourd’hui.
« La presse de montagne
partait vraiment dans
tous les sens »
Quelle a été l’année charnière ?
é.p. C’est 1999. C’était vraiment une an-
née folle. Les entreprises jeunes, de 5
ou 6 ans, commençaient à se structurer
et il y avait pléthore d’investisseurs. J’ai
réussi à lever 1,5 million d’euros en un
an et demi par exemple. Et puis il y
avait les rencontres entre investisseurs
et porteurs de projet : les First Tuesday.
Lyon People est l’un des rares projets à
avoir survécu.
« L
a presse de montagne apparait en Rhône-Alpes au milieu
des années 70 avec Aménagement et
Montagne puis Montagnes Magazine
en 1978. Ces deux revues lancées par
Michel Drapier, ancien commissaire
général du SAM (Salon de l’aménagement de la montagne de Grenoble),
sont les premières à être fabriquées
en province, mais avec une diffusion
nationale. Elles ont ouvert la voie à
de nombreux titres. Notamment dans
les années 90 où le secteur explose
littéralement, dopé par un marché
publicitaire en ébullition. L’apparition
des nouvelles glisses et la démocratisation des sports d’hiver favorisent
également la création de revues.
C’est durant ces années-là que les
deux principaux éditeurs grenoblois
s’affrontent très durement. D’un côté,
les éditions Glénat qui se diversifient
dans la presse de montagne dès 1989
en rachetant Vertical puis Alpinisme et
Randonnées et Ski Français. De l’autre,
les Éditions Nivéales qui créent
Snowsurf en 1993 puis s’emparent de
Montagnes Magazine. La guerre va durer une dizaine d’années : chacun calquait sa stratégie sur l’autre. Lorsque
l’un sortait un titre, son concurrent
s’empressait de le contrer en éditant
une revue similaire.
En marge de ce combat, les Éditions
Milan et le Dauphiné Libéré se lancent
dans la presse de territoire avec, respectivement, Alpes Magazine et Alpes
Loisirs. Ça partait vraiment dans tous
Quelques mois après, la bulle éclatait...
é.p. Oui... C’est l’entrée en bourse de
Liberty Surf qui a sonné la fin de la
récréation pour tout le monde. Le fournisseur d’accès avait été introduit sur le
marché à des niveaux démesurés par
rapport à sa valeur réelle. Juste après,
les investisseurs ont cessé d’investir.
Quels enseignements tirez-vous de
l’éclatement de la bulle internet ?
é.p. La bulle a appris aux fondateurs
de start-up à parler d’argent. C’est-àdire qu’aujourd’hui, les entrepreneurs
savent concevoir des business plans
élaborés et peuvent avoir du répondant devant un investisseur qui parle
de ROI. De toute façon, aujourd’hui, on
peut mieux mesurer les risques financiers, car tout le monde est connecté :
clients, cibles, prestataires...
Vous avez racheté Jet Multimédia à
SFR il y a quelques années pour 20 M€,
vous ne vous arrêterez jamais d’entreprendre ?
é.p. C’est dans la continuité de l’esprit
de l’époque. Je pense qu’on peut encore être un start-upper à 50 ans et je
pense que Digital Virgo a son rôle à
jouer dans le monde du web. La clé de
la réussite reste le culot. Avec un peu
de culot, on peut écrire des successstories comme les réussites américaines
relatées dans les journaux français.
les sens. Certains titres ne feront d’ailleurs qu’une apparition éclair. Comme
Snow Beat édité par Glénat ou Grand
Ski que j’avais lancé.
Au total, il devait y avoir une bonne
quinzaine de revues qui occupaient
les linéaires des kiosques en permanence. Cette euphorie est finalement
retombée dans les années 2000. Je
pense que toutes ces revues avaient
fini par perdre du sens et pas mal de
lecteurs à force de subir les pressions
des annonceurs sur les tarifs, voire
sur les contenus. La concurrence de
la presse de montagne gratuite avec
l’arrivée de Free Presse a également
fragilisé le secteur en le fragmentant
davantage. » v Propos recueillis par
Camille Nagyos
C’est quoi l’avenir de l’internet ?
é.p. C’est l’internet mobile. Aujourd’hui,
le temps de connexion en internet
mobile est dix fois supérieur au temps
de connexion sur un ordinateur en
2000. Et cette année, pour la première
fois, l’internet mobile a dépassé l’internet fixe en temps de connexion. Les
tablettes, les smartphones et autres TV
connectées sont autant de nouveaux
usages à exploiter. Il y a de quoi faire.
Votre prochain défi ?
é.p. Faire de Digital Virgo une société
lyonnaise qui rayonne dans le monde
entier. v Propos recueillis par Jérémy
Chauche
Le marché de la presse
de la montagne explose
dans les années 90 : les
Éditions Milan créent
Alpes Magazine, Glénat
rachète Vertical et
les Éditions Nivéales
lancent Snowsurf.
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 49
1990-2000 grands témoins
Le Stéphanois Rémi Guichard avait créé Printer à Saint-Étienne, l’une des plus grosses sociétés françaises d’édition
publicitaire dans les années 90. À l’époque, il était associé à Denis Trouxe et Marc Saillard dans Euro TSG. Aujourd’hui, il est
consultant pour Altavia.
« Dans ces années là, le catalogue était
l’un des supports roi »
Pourquoi les années 90 ont-elles
favorisé les éditeurs de catalogue ?
Le catalogue était l’un
des supports roi de ces années. Il
était particulièrement utilisé par la
grande distribution qui en consommait plusieurs dizaines de millions
d’exemplaires par an. Il faut dire qu’à
l’époque, la bataille était féroce entre
les différentes enseignes dont le développement était exponentiel. L’argument numéro un pour se démarquer
des autres restait sans conteste le prix.
C’est pourquoi le catalogue était un
levier indispensable pour les annonceurs qui multipliaient les opérations
promotionnelles afin de générer du
trafic dans leurs magasins.
rémi guichard
Comment avez-vous démarré ?
r.g. À l’époque, il n’y avait pas de
structure spécialisée : les catalogues
étaient réalisés par les agences de
communication ou par les annonceurs
directement. Pour ma part, j’ai fondé
50 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
Printer au moment de l’entrée en
vigueur de la loi Sapin, au début des
années 90. Celle-ci remettait en cause
le mode de rémunération des agences
de publicité payées jusqu’alors à la
commission sur l’achat d’espaces publicitaires qu’elles géraient. Résultat,
les bénéfices de ma société ont chuté
même si je pratiquais déjà une petite
activité d’édition en m’occupant des
catalogues de Géant Casino. Cette
situation m’a poussé à me consacrer
entièrement à l’édition. Je suis allé
convaincre les supermarchés Casino
qu’externaliser cette activité serait
l’occasion pour eux de réaliser plusieurs millions d’euros d’économie.
Ils s’appuyaient alors sur un service
interne appelé bureau de dessin. Ils
m’ont écouté.
Y avait-il de la concurrence ?
r.g. Assez peu par rapport à au-
jourd’hui. Chaque société d’édition
s’appuyait sur un client leader dans la
grande distribution. C’est ainsi qu’Altavia s’est développée grâce à Carrefour,
Graffiti Ouest grâce à Système U ou
Connexion grâce à Auchan.
En trois ans, Printer est ainsi passée
de 10 à 50 salariés. Outre les magasins
Géant Casino pour lesquels nous éditions une soixantaine de catalogues
chaque année, nous avons rapidement séduit des clients comme Obi,
Gamm Vert ou Jardiland. Au bout de
10 ans d’activité, la société réalisait
près de 150 M€ de CA avec quelque
300 salariés répartis entre Saint-Étienne
et Paris. Nous assurions à la fois la
conception, la création et la mise en
page des supports. Mais également la
prise de vue et même la logistique
qui était une activité stratégique étant
donné les quantités en jeu.
En 1999, j’ai finalement cédé Printer
au groupe DDB qui a rebaptisé l’activité Gutenberg On Line. v ropos recueillis
par Camille Nagyos
Bertrand Barré a créé en 1987 à Lyon la société de design qui porte son nom. Il est aujourd’hui à la tête d’un groupe
dynamique, qui emploie une quarantaine de personnes spécialisées dans le design et l’innovation.
« Les entreprises prennent conscience
de l’importance du design »
Comment les entreprises régionales
appréhendaient-elles le design dans
les années 90 ?
bertrand barré À l’époque, le design
était réservé à quelques entreprises qui
vendaient des produits grand public et
qui avaient une démarche de création
de valeurs.
Le design était souvent externalisé
en agence et il intervenait ponctuellement. La grande majorité des PME/
PMI ne l’avaient pas intégré dans leur
réflexion stratégique, sauf quelques
groupes comme Seb ou Salomon.
Mais petit à petit, les entreprises régionales ont pris conscience de l’importance du design.
Quels sont les facteurs qui ont poussé
les entreprises vers le design ?
b.b. D’abord la baisse d’impact de la
publicité. Les dirigeants se rendent
compte dans les années 90 qu’elle
joue sur 3 à 4 % de l’évolution du
chiffre d’affaires, pas plus. L’érosion
de l’efficacité publicitaire ramène les
décideurs vers l’offre elle-même, c’està-dire le produit, le contexte de vente,
le pack...
De plus, la crise rend plus difficile la
relation entre les marques et leurs publics. Le design prend alors toute son
importance, car c’est un système de
conception et de création de valeur.
Enfin, l’époque est marquée par la
mondialisation, donc par l’explosion
de la concurrence.
C’est dans le langage produit que se
fait désormais la différence.
un exé à la place d’un dircom !
L’effet positif, c’est que l’offre des
agences s’est structurée en RhôneAlpes. Il y a moins d’agences, mais
elles sont plus grosses et souvent très
spécialisées. Notamment en design
produit, un domaine où la région est
en pointe. Avec des agences comme
Avant-Première, très forte dans les
transports publics. Sans oublier Médiapack, qui a une vraie légitimité dans
l’identité de marque, ou bien encore
Damon Design.
Quelles sont les conséquences de cette
montée en puissance ?
b.b. L’effet pervers, c’est que le design a
Oui, le design a pris le pouvoir. Le
marché est arrivé à maturité dans les
années 2000 et il explose vraiment
aujourd’hui. Toutes les agences de
communication ou presque ont créé
une offre design. Même Being se restructure autour du design.
Et mon entreprise a des clients dans
le monde entier. v Propos recueillis
souvent été intégré dans les entreprises
d’une mauvaise manière. En recrutant
un designer, les dirigeants pensent
développer un service de design. Or
un designer est spécialisé dans un domaine, il ne peut pas être bon partout.
C’est comme si une entreprise mettait
Aujourd’hui, le design est roi ?
par Thomas Nardone
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 51
1990-2000 carte blanche À… SERGE PIEDISCALZI
52 I InterMedia
InterMédia Magazine I n° 1171 I 27
20 juin 2012
CR : Serge Piediscalzi (Indiana)
DA : Franck Pérez
1990-2000 les tops
de quelques réussites qui ont marqué l’univers
+++ deSélection
la communication dans les années 90.
Glénat s’impose
comme un grand
de la BD
L’éditeur grenoblois devient l’une des
quatre principales maisons d’édition
de bandes dessinées francophones.
Son coup de génie : avoir misé avant
tout le monde sur les mangas qu’il
importe du Japon et adapte au public
français. En 1995, l’activité représente
déjà un tiers de son CA.
Son patron visionnaire, Jacques Glénat, n’hésite pas à se rendre régulièrement au pays du soleil levant pour
observer le développement de ce marché. Il revient en France avec Akira
puis DragonBall, une BD destinées aux
10-12 ans qui paraît tous les mois.
Après une période de diversification
dans les métiers connexes, il fait finalement le choix de se recentrer sur
le métier d’éditeur en abandonnant
la photogravure, l’imprimerie et la
librairie.
A l’époque, Jacques Glénat ne veut
également pas entendre parler du multimédia. Fervent défenseur du papier,
il préfère vendre des licences plutôt
que de se perdre dans la production
de films, d’émissions de télévision ou
de disques. v
+++
GL Events prospère dans l’événementiel 360°
1996
v Liquidation
1997
v Création
C’est dans les années 90 que l’entreprise d’Olivier Ginon développe la
stratégie qui fera son succès actuel :
l’intégration des trois métiers de
l’événementiel (prestataire de services, gestionnaire de sites et organisateur de salons).
En 1989, Polygone, la société qu’il a
créée avec trois associés, est déjà le
n°1 français de l’installation générale. Elle se diversifie dans la location de mobilier, d’accessoires et de
revêtements de salons en prenant
le contrôle de Cré-Rossi. L’ensemble
fusionne sous l’enseigne Générale
Location, qui va alors renforcer son
offre globale, souvent à travers des
croissances externes : conception
de stands de prestige, signalétique,
agencement commercial, hôtesses
d’accueil...
Générale Location commence aussi
à s’impliquer dans l’organisation de
grands événements internationaux
(G7 à Lyon, Coupe du monde de
football, Festival de Cannes...). Et
en 1997, l’entreprise met un pied à
l’étranger (Dubaï).
Finalement rebaptisée GL Events,
cette entreprise-phare de Lyon a
poursuivi son ascension. En 2011, le
groupe a réalisé un CA de 783 M€
(dont 46 % à l’international), avec
3 500 salariés. v
Candia boit du petit lait aux JO
Partenaire des JO d’Albertville en
1992, la marque du groupe coopératif laitier Sodiaal joue le décalage. Quatre affiches, réalisées
par l’agence parisienne Le Bélier,
montrent des enfants exerçant une
discipline sportive imaginaire ou détournée comme une course de cha-
54 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
S’Printer (SaintÉtienne) à Euro
T&G. La centrale
d’édition deviendra Gutenberg
on line.
de l’agence de
presse lyonnaise
JAM.
+++
Pour la première fois
en 1992, Candia
devient partenaire d'un
événement sportif :
les JO d'Albertville.
1995
v DDB rachète
©ESO
+++
TÉLEX
meau ou une course de bobsleigh
avec une luge en bois. « C’était une
première pour la marque de parler
du lait de cette manière », se souvient le Lyonnais Jacques Caillaud,
directeur de la communication de
Candia à l’époque.
Le slogan : « Candia, fournisseur
officiel de champions » mettant en
scène les enfants, fera le tour de
France grâce à la télévision. Quatre
spots sont en effet diffusés durant les
deux années précédant l’événement.
C’est aussi la première fois que
la marque associe son image à
un événement sportif. Et pas des
moindres. Candia se retrouve ainsi
aux côtés de Renault, de la SNCF,
de France Telecom ou de Thomson
dans le prestigieux Club Coubertin. « En y allant, nous avons fait
preuve d’un certain culot, reconnaît
Jacques Caillaud. Je ne suis pas sûr
que cela serait encore possible aujourd’hui. » v
de la société
événementielle
Occade (Lyon)
par Gilles Moretton et Pascal
Blache
v Première
française en
décembre à
Annecy : le
cable donne
accès à la TV, au
téléphone et à
internet.
+++
Kouro Sivo invente la
carte-cadeau haut
de gamme
En 1990, l'agence de publicité Kouro
Sivo marche bien. Philippe Florentin et
son équipe lancent alors un produit qui
va faire fureur dans les grandes sociétés : la carte Kouro.
Livrée dans un coffret luxueux offert
aux gros clients ou aux collaborateurs
méritants, elle donne droit à un repas
dans les restaurants réputés. Bocuse est
le premier à l'accepter.
Pendant plus de dix ans, Kouro Sivo restera seul sur ce marché. Un vrai pactole
pour l'agence qui en profite pour développer un groupe de communication
prospère dans le Beaujolais.
Dans les années 2000, le concept commence à être copié par les cartes-cadeaux grand public comme Kadéos.
Philippe Florentin regarde déjà ailleurs.
Il vend Kouro Sivo à Initiatives & Développements. Devenue Loyaltouch,
l'agence périclite et disparaît en 2010. v
1990-2000 les flops
départ, l’avenir s’annonçait rose. Et puis les affaires ont fini par mal
- - - Autourner.
Retour sur quelques bides retentissants.
©ESO
–––
Dauphiné News envoie Carignon en prison
–––
L'ancien siège
d'Infogrames à Vaise
Game over pour la cité
du jeu vidéo
En 2000, Lyon se rêvait en capitale
mondiale du jeu vidéo. Sous la houlette de Bruno Bonnell, le charismatique patron d’Infogrames, un parc
entièrement consacré à l’univers des
jeux vidéo devait voir le jour à Vaise.
Baptisé le Game Village, il aurait
accueilli un musée sur l’histoire des
jeux interactifs, mais aussi un espace
découverte et pédagogique réservé
aux annonceurs et un espace services
où le public aurait retrouvé des salles
de jeu, des magasins, des restaurants...
Une dizaine d’entreprises avait même
rejoint Infogrames dans cette aventure, dont Canal+ multimédia, l’Ina,
la Cité de la Villette ou le CNC.
Mais l’éclatement de la bulle internet
aura raison du Game Village. Seule
Infogrames s’installera finalement à
Vaise en 2001, avec une poignée de
studios dans son sillage. v
En 1994, Alain Carignon est l’une
des étoiles montante de la droite :
ministre de la Communication,
maire de Grenoble et président du
conseil général de l’Isère... Mais
son ascension est stoppée net par
l’affaire du Dauphiné News.
Ce mensuel économique, officiellement indépendant du maire de
Grenoble, a été lancé quelques
mois avant les élections municipales de 1989. Son petit frère, le
bihebdomadaire News, est lui
distribué gratuitement dans les
boîtes aux lettres des Grenoblois. Il vante le dynamisme de
la ville, et par ricochet, celui
d’Alain Carignon.
Dès que ce dernier est réélu
en mars 1989, Dauphiné News
et News cessent leur parution. À la clef, un déficit de
10 millions de F (1,5 M€).
La Lyonnaise des Eaux
entre alors au capital de
cette entreprise de presse
sans activité, et éponge
une partie de la dette. En
contrepartie, elle obtient
le marché de la gestion de l’eau à
Grenoble, tout juste privatisée.
Lorsque le scandale éclate en 1994,
Alain Carignon démissionne du
gouvernement. En juillet 1996, il est
condamné par la cour d’appel de
Lyon à cinq ans de prison et d’inéligibilité, pour corruption, abus de
biens sociaux et subornation de
témoins. v
TÉLEX
1998
v France Rail
pique la régie
d’affichage du
Sytral à France
Bus.
v Générale
Location s’introduit en bourse.
1999
v Folimage
crée une école de
films d’animation
à Valence.
v Le bijoutier
lyonnais Jean
Delatour
sponsorise une
équipe cycliste.
v Dominique
Megard devient
déléguée
générale de
Cap’Com.
v Première
édition lyonnaise
du Routard.
–––
–––
Lyon Libération jette l’éponge
FIP raccroche à Lyon
Septembre 1989 : le Lyonnais Robert Marmoz devient le troisième rédacteur en chef
de Lyon Libération en... 3 ans. Il succède au
Parisien Michel Lépinay reparti à Paris diriger le service économique de Libé. Après
les avatars du lancement du quotidien lyonnais (sa diffusion avoisine 10 000 ex., moitié
moins que son objectif initial), le nouveau
pilote se montre confiant. « Le titre s’est installé dans la ville, on ne peut plus douter de
sa pérennité », assure-t-il dans les colonnes
d’InterMédia.
Mais l’équilibre financier espéré n’est pas
au rendez-vous. L’arrivée de nouveaux actionnaires et le lancement d’un supplément
économique ne changeront rien. Entre crise
de management local et divergences avec la
maison mère, Robert Marmoz démissionne
à l’été 91. Le retour de Michel Lépinay, qui
lance de nouveaux suppléments, retardera
l’échéance fatale.
Mais après l’échec d’une nouvelle augmentation de capital, Paris débranche sa filiale
en décembre 1992. Le titre employait une
trentaine de personnes. v
Certains automobilistes lyonnais ont
encore la nostalgie de la voix suave
de Kriss et des autres animatrices de
la station, détaillant sur un ton faussement compatissant les kilomètres
de bouchons qui les bloquent sur le
« boulevard de ceinture ».
Lancé en 1971 à Paris par le groupe
Radio France, France Inter Paris avait
essaimé dès 1972 à Lyon et d’autres
villes. C’était la première radio musicale. Avec un univers sonore discret,
mêlant jazz, blues, musique classique
légère, musique de films ou populaire.
Le concept aura pourtant du mal à trouver un public en dehors de la capitale.
Fin 1999, le groupe lance un vaste plan
de réattribution des fréquences disponibles entre ses radios locales (France
Bleu, Fip, Le Mouv’…). Fip Lyon, dont
l’audience stagne autour de 1 %, passera
à la trappe au profit du Mouv’, dont
l’audience restera aussi modeste.
Mais les nostalgiques de Fip peuvent
toujours l’écouter sur www.fipradio.fr. v
56 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
Pour son premier anniversaire, Lyon Libération s'est
offert une campagne réalisée par Georges Chapuis.
web
Les années
« L
e Roi est mort ? Vive le
Roi ! » Après le décès
d’internet, 1re victime de
l’éclatement de la bulle
en 2001, il n’y a pas eu de vacance
de pouvoir non plus. Son successeur,
internet 2.0 a prospéré assez vite sur les
décombres, inaugurant une formidable
ère de croissance numérique.
Ce krach des NTIC, qui avait quand
même volatilisé près de 150 milliards
de dollars de capitalisation boursière
sur le Nasdaq, aura eu un effet Big
Bang, constitutif d’un nouvel univers
qui se digitalise inexorablement au
rythme d’une incessante révolution
technologique.
La course au 360°. Internet a eu
pour premier effet d’accélérer la course
à l’offre 360°. Face aux agences web
rescapées qui reprenaient des couleurs,
les généralistes ont commencé à s’équiper sérieusement en compétences
web, à partir du milieu de la décennie.
Le second effet a été de bouleverser les
rapports entre marques et consommateurs. Ces derniers prennent le pouvoir.
Ils dialoguent avec les marques, mais
aussi entre eux via les forums, les blogs
et les réseaux sociaux. Des internautes
de plus en plus connectés (notamment
grâce à leurs téléphones portables), de
plus en plus avertis, et de plus en plus
réactifs.
Un contre-pouvoir avec lequel doivent
désormais composer les annonceurs.
Leurs sites deviennent interactifs et
leur communication se dope au crossmédia pour générer des écosystèmes
de communication (positive) autour
de leurs marques. Et le marketing use
désormais largement du smartphone
comme outil de promotion et de fidélisation des consommateurs, grâce à
la géolocalisation. Des annonceurs de
plus en plus soucieux aussi de leurs
responsabilités sociétales et environnementales. Les préoccupations de
développement durable et de bilans
carbone convenables ont pris le pas
sur le greenwashing.
58 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
20
2
La vague numérique a gagné largement
l’univers des médias. Comme la publicité extérieure par exemple. Le réseau
U snap de JCDecaux peut rendre les
affiches aussi vivantes qu’un site internet, grâce une technologie du genre
flashcode. Les panneaux d’affichage
interactifs permettent d’accéder à une
promotion, un jeu-concours...
Le choc des gratuits.
Pour la
presse écrite, le grand bouleversement
aura été celui de la presse gratuite.
Les quotidiens régionaux, déjà bousculés par la concurrence d’internet
(notamment sur la publicité), ont vu
fondre sur leurs terres des quotidiens
gratuits. Lyon en héberge trois : Métro,
20 Minutes et Lyon Plus, le titre lancé
en riposte par le groupe Progrès. Cette
offensive (des gratuits) s’est poursuivie
sur la presse périodique avec une inflation de titres dans les loisirs, la culture,
la mode ou la décoration, terrains de
chasse privilégiés de nombreuses publications « ramasse-pubs ». La PQR s’est
bien sûr largement mise à l’internet,
mais si ses sites connaissent des succès
de fréquentation, les recettes publicitaires tardent à suivre.
Sur le front de la presse payante, il
convient de saluer l’offensive victorieuse de l’imprimeur varois Riccobono,
qui après Le Tout Lyon (et ses filiales)
a fini par mettre la main sur le groupe
rival Les Affiches Lyonnaises et devenir
le nº 1 des journaux d’annonces légales
en Rhône-Alpes. Un secteur encore préservé de la razzia du web.
Ce n’est pas le cas des petites annonces. Internet a ainsi scellé le destin
de la Comareg, l’ex-empire des journaux d’annonces de Paul Dini, qui n’a
pas su négocier son virage sur le web
avec son dernier propriétaire, Hersant
Média. Ce groupe de presse en difficulté a lâché aussi Télé Grenoble tandis
que Le Progrès se séparait de sa chaîne
TLM. Là aussi, les décennies se suivent
et se ressemblent pour ces chaînes
locales toujours en quête d’équilibre.
v MT
0
00
1
2000-2010 LES faits marquants
L’irrésistible poussée
d’internet
L’éclatement de la bulle au début des années 2000 n’aura été qu’une
simple crise de croissance. Sans attendre, internet a repris son
irrésistible ascension. Et s’impose comme la révolution industrielle et
culturelle du XXIe siècle. Elle irrigue tous les secteurs de l’économie,
en particulier celui de la communication.
M
ême si le Minitel et France
Telecom avaient freiné le
développement de l’internet dans l’Hexagone, les
années 90 s’achevaient dans la fièvre
des NTIC.
Ce nouvel Eldorado allait rapporter
gros. L’indice des valeurs technologiques du Nasdaq venait de quintupler en 5 ans. Les fonds de pension
regorgeaient de liquidités (l’argent
des retraites des futurs baby-boomers), le crédit était bon marché et
le secteur des télécoms en pleine
dérégulation mondiale...
La fête tourne court. Dans ce
contexte proliférait une myriade de
start-ups, micro-entreprises spéculant
sur le boom des NTIC et du commerce électronique. En faisant briller
les yeux des investisseurs. « C’était
l’époque des fameuses soirées du
jeudi, où se rencontraient porteurs de
projets et business angels », racontera
plus tard dans InterMédia Frédéric
Gander Jouniaux, patron de l’Agence
Interactive, née en 2000 à Lyon.
L’argent coule à flot. Et les start-ups
régionales font bombance. Scripto
(Lyon) lève 40 MF (la plus impor-
tante levée de fonds jamais réalisée dans l’internet français pour un
premier tour) pour développer une
place de marché industrielle. Asterop
(Grenoble) récolte 15 MF pour un site
de géomarketing, Compilo (Lyon)
autant pour un site d’infos géographiques tout comme Swap (Lyon)
pour des services internet...
C’est l’époque où WebCity du
Lyonnais Alexandre Dreyfus rêve de
devenir « un site paneuropéen d’informations de proximité » et multiplie
les ouvertures de bureaux dans les
grandes villes. Lyon brille au firma-
Ces pionniers du web qui ont tiré profit de l’éclatement de la bulle
David Faure
Depuis 1997, il dirige Visual Link, l’une
des plus belles agences web de la région.
CA 11 : 5,7 M€ - 50 salariés. Il s’est
diversifié dans le corporate (Kælia) et le
marketing opérationnel (Taxi Brousse).
Nicolas Claraz
CyberCité, l’agence qu’il a fondée à
Lyon avec Jean-François Longy, est
devenue l’un des acteurs majeurs du
référencement en France. CA 11 : 9 M€ - 85 salariés.
60 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
Laurent Constantin Anthony Bleton
Acti, l’agence digitale qu’il a créée à Lyon
en 1998, compte de solides références
régionales : Seb, Cegid, EM Lyon... CA 11 : 2,1 M€ - 35 salariés.
Sous la houlette de son patron, Novius,
qui était à l’origine spécialisée dans
l’édition de logiciels, est devenue une
véritable web-agence. CA 10 : 1,8 M€ - 35 salariés.
David Degrelle
Créée en 1999 au Bourget-duLac, 1ère Position est spécialisée
dans le marketing digital
et le référencement. CA 10 : 2,9 M€ - 27 salariés.
TÉLEX
2000
v Bonjour
ment des agences web tricolores avec
Eurasset qui pèse plus de 70 MF de
CA avec près de 400 salariés. En 2001,
elle convolera avec la parisienne
Himalaya.
Mais la fête est déjà finie. La nouvelle
économie a implosé outre-Atlantique.
Près de 150 milliards de dollars de
capitalisation boursière se sont volatilisés sur le Nasdaq, les faillites se multiplient et le tsunami gagne nos côtes.
Clap de fin pour WebCity qui perdait
12 MF pour 1 seul MF de CA en 1999.
Idem pour Himalaya torpillée par des
pertes abyssales, pour Groupe E, une
autre belle agence web lyonnaise, et
pour une kyrielle d’acteurs régionaux.
Big bang. Comme dans la fable
des animaux malades de la peste,
« ils ne mourraient pas tous, mais tous
étaient frappés. »
Les survivants ? Ceux qui n’étaient
pas plombés par des structures
surdimensionnées, à l’instar des
Novius, Acti, Visual Link, Première
Position, CyberCité, Eolas ou Agence
Interactive, qui tiennent aujourd’hui
le haut du pavé internet. « L’aprèsbulle a été très bénéfique, estime
Frédéric Gander Jouniaux, car tous
ceux qui ont rebondi ont compris
qu’il fallait investir dans la technologie. »
L’éclatement de la bulle, in fine, aura
été le big bang constitutif d’un nouvel
univers. Un nouveau monde qui se
digitalise de plus en plus au fil des
ans, au rythme d’une incessante révolution technologique.
Frédéric Dulac
Créée en 1991, Eolas est spécialisée en
hébergement, développement et web
marketing. L’agence grenobloise est très
présente auprès des collectivités. CA 11 : 9,2 M€ - 115 salariés.
(la marque des
journaux gratuits
de la Comareg)
investit 45 MF
pour sponsoriser
une équipe
cycliste.
Henri Kaufman
« Il a fallu 13 ans pour que la télévision
atteigne 50 millions d'utilisateurs dans
le monde, mais seulement 4 ans pour
qu’internet affiche le même nombre
d’internautes. »
Sur les décombres se sont rebâtis des
petits groupes. Ainsi, Visual Link, qui
a repris des mini-agences comme
Zaw et Nemo à Lyon, ou GLC Web
Design à Grenoble, puis s’est installé
aussi à Paris pour décrocher des budgets prestigieux comme Boucheron,
Christofle ou Generali. D’autres ont
prospéré en croissance interne, à
l’image de CyberCité (Lyon) qui
s’est implanté à Paris, Lille, Nantes
et Chambéry, pour devenir l’un des
acteurs majeurs du référencement.
Avec beaucoup de retard à l’allumage
(ce qui leur a évité quand même
bien des déboires lors du krach),
les agences généralistes ont investi à
leur tour, portées par la certitude que
celles qui ne seront pas génétiquement digitales risquent demain d’être
rayées de la carte. Et les groupes de
communication, comme Publicis,
ont fait main basse sur la plupart
des pure players du marché. C’est la
conséquence de la nouvelle donne
360°, puisque le web est aujourd’hui
au cœur de la communication.
Dans son livre « Internet a tout
changé » (Éditions Kawa), Henri
Frédéric Gander Jouniaux
Agence Interactive, qu'il a créée en 2000,
s’est imposée comme l’un des leaders du
e-tourisme institutionnel en France. CA 11 : 2 M€ - 30 salariés.
2001
v Jean-Michel
Kaufman, marketeur iconoclaste et
blogueur renommé, explique comment le web a accéléré le temps.
« Il a fallu 38 ans pour que la radio
atteigne 50 millions d’utilisateurs dans
le monde, à peine 13 ans pour que la
télévision en fasse autant, mais seulement 4 ans pour qu’internet affiche
le même nombre d’internautes », rappelait-il dans le spécial InterMédia sur
le marketing digital, dont il était le
« Grand témoin ». Quant à Facebook,
lancé en 2004, il a désormais franchi
le cap des 700 millions d’utilisateurs !
Ce réseau est le symbole d’un internet qui a bouleversé les rapports
entre marques et consommateurs.
L’internaute communique avec ses
amis, critique ou loue les marques sur
les forums et les réseaux. Il est aussi
devenu « accro » au e-commerce,
désormais sur orbite.
Smarphone à tout faire.
Des rapports bouleversés également
par de nouveaux outils numériques
comme le smartphone. Car, avec lui,
l’internaute dispose désormais en
poche d’un ordinateur qui téléphone.
Et qui devient l’un des nouveaux
outils privilégiés des marketeurs en
matière de promotion et de fidélisation, grâce à la géolocalisation.
Agences et annonceurs se dopent
désormais au cross-média pour créer
des écosystèmes de communication
autour des marques. Au-delà des traditionnels achats d’espace, il s’agit
de booster les médias propres de la
marque (magasins, packagings, newsletters, site web...) et de transformer
les consommateurs connectés en
médias viraux.
Internet a profondément transformé
la presse et s’apprête à révolutionner le petit écran avec la télévision
connectée. Le numérique gagne aussi
l’affichage. Et les nouveaux objets
communicants comme les flashcodes et les codes-barres deviennent
sources d’informations pour les
consommateurs, toujours grâce au
téléphone mobile, qui se transforme
aussi en moyen de paiement.
Comment pouvait-on vivre avant son
invention ? v MT
Daclin quitte
la direction de
Nouveau Monde
DDB pour se
consacrer à la
politique.
2002
v Lyon Mag'
et Lyon Poche
entrent au
marché libre de
la bourse.
v Yann Arthus
Bertrand
expose sa « Terre
vue du ciel »
à Lyon sur les
grilles de l’hôtel
du département.
v Saint-Étienne
lance sa
Biennale du
design.
v Échec du
lancement du
quotidien Metro
Lyon par le
groupe Lyon
Poche.
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 61
2000-2010 LES faits marquants
Les réseaux d’agences se reformatent
les faits Les restructurations organisées sous la houlette des grands réseaux dans les
années 90 se sont accélérées dans ce changement de siècle, entre crises à répétitions et course générale au nouveau business-model 360°.
J
TÉLEX
2003
v La Comareg
vend Delta
Diffusion à
Médiapost .
v Christian
Jamond rachète
l’agence Hautefeuille à Publicis.
usqu’alors, le modèle de l’agence
était surtout régional, assez indépendant et son action limitée
à un territoire. Sauf Jump, devenue
l’enseigne middle market de TBWA en
France. Un modèle que vont adopter
Havas et Publicis pour leurs réseaux
de province, en fusionnant toutes
leurs filiales en une entité unique,
sous les marques Euro RSCG 360 et
Publicis Activ.
Une fusion génératrice de belles économies de gestion quand Publicis, par
exemple, devait consolider chaque
année les comptes d’une bonne quinzaine de filiales et bureaux implantés un peu partout dans l’Hexagone.
Jump là aussi avait ouvert la voie au
début des années 2000, pour freiner
(sinon éviter) la concurrence de ses
différents métiers (publicité marketing, design...) auprès de ses clients.
Ces fusions s’accompagnent également d’une mobilité des troupes.
Dans la course au nouveau modèle
360°, personne n’a les moyens de
mettre des spécialistes de tout partout. D’autant moins que dans les
2004
v Dassault
rachète la
Socpresse qui
contrôle Le
Progrès et Le
Dauphiné Libéré.
2005
v Lancement
de la chaîne
OL TV.
v Liquidation
de l’agence
Polytems,
ex-star de la de
communication
financière.
v Sup de Pub
s’installe à Lyon.
Trois des quatre grands réseaux de Rhône-Alpes ont changé de dirigeants depuis 2010 (de g. à d.) :
Christophe Fillatre (Publicis), David Mingeon (Euro RSCG) et Bruno Tallent (Being). Seul Franck Solomiac est
aux commandes de DDB depuis plus de dix ans.
nouveaux métiers du web, les compétences sont rares, donc chères. Les
agences sont donc invitées à puiser
dans les ressources de leurs nouveaux
réseaux.
BleuVert devient ainsi l’enseigne de
marketing opérationnel du réseau
Publicis Activ. Euro RSCG 360 pour
sa part renforce les spécialités de ses
différentes implantations : les budgets de la distribution sont traités à
Lille ou à Lyon, l’édition à Reims, et
Rennes offre une task force digitale à
l’ensemble du réseau.
Les crises (bulle internet, subprimes...)
poussent aussi aux fermetures. Nouveau Monde DDB et Euro RSCG se
sont retirés d’Annecy, Publicis et Euro
RSCG de Clermont-Ferrand. Quant à
McCann Erikson, qui rêvait de devenir la première agence rhônalpine,
au temps où elle avait racheté SP3 et
Euro TSG, elle a fini, après Grenoble,
par mettre aussi la clé sous la porte
à Lyon. Jump, enfin, a été fusionnée
avec d’autres agences du groupe
TBWA et rebaptisée Being, en perdant
la large autonomie qu’avait su préserver son dirigeant fondateur lyonnais.
Seul Nouveau Monde DDB a échappé
encore aux remodelages jacobins,
mais la fermeture d’Annecy lui a
quand même coûté la moitié de son
business. v MT
Les annonceurs apprennent à communiquer
sur le développement durable
les faits Le développement durable est une préoccupation assez récente dans les
entreprises. Et c’est bien souvent sous la contrainte que les annonceurs régionaux se
sont mis à communiquer sur leur responsabilité sociétale.
U
n monde plus vert, plus propre,
plus respectueux... Toutes les
marques communiquent aujourd’hui sur ces valeurs. Pourtant, il
y a dix ans à peine, les annonceurs
étaient bien loin de ces préoccupations.
Ce n’est qu’en 2001 que la loi NRE
oblige les entreprises cotées à publier
des données environnementales et
sociales dans leur rapport annuel. Et
encore, seuls les groupes du CAC 40
sont concernés... Il faut attendre 2007
et le Grenelle de l’Environnement
pour que la grande majorité des PME
régionales se mettent au vert.
« Il y a eu une vraie prise de
conscience des dirigeants sous la
pression des consommateurs et des
donneurs d’ordre, publics ou privés,
62 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
qui ont imposé des critères environnementaux dans leurs appels d’offres »,
explique Régis Chomel de Varagnes,
gérant d’Oraveo.
« La mise en œuvre d’une véritable
stratégie de RSE dépend souvent des
convictions profondes des dirigeants.
Elle est souvent liée au côté humaniste
du patron, à l’image de Franck Riboud
de Danone », tempère Thierry Tunesi,
fondateur d’Empreinte Conseil.
Greenwashing à gogo. Reste
que la communication environnementale s’apparente souvent
à du greenwashing : mots flous,
images suggestives, slogans abusifs...
Quelques campagnes ont même été
retoquées par l’ARPP (ex-BVP), notamment Areva avec « L’énergie au
sens propre ».
L’avènement des réseaux sociaux a
permis d’endiguer quelque peu ce
« blanchiment vert ». Car un bad buzz
peut gravement nuire à une marque.
« Le problème, c’est que communiquer sur sa RSE va à l’encontre des
réflexes classiques des publicitaires.
On n’est pas là pour raconter une
belle histoire, mais pour reconnaître
qu’on n’est pas parfait et qu’on est sur
la voie du progrès. Il faut être transparent, sincère et humble», souligne
Régis Chomel de Varagnes.
Le vrai changement pour les communicants ? Apprendre à faire d’abord,
et dire après. En Rhône-Alpes, les
bons élèves de la RSE ne sont pas
ceux qui communiquent le plus à
son sujet. Par exemple, Distriborg,
Seb, Petzl ou Adecco sont en pointe
sur la RSE sans pour autant organiser
un barnum médiatique autour de leur
politique. v TN
2000-2010 LES faits marquants
TÉLEX
Des campagnes publicitaires plus audacieuses
les faits Après la grisaille des années 90, la publicité retrouve quelques couleurs.
Agences et annonceurs se lâchent un peu, au moins jusqu’à la nouvelle crise des
subprimes.
L
es années 80 avaient fait preuve
d’audace créatrice. À l’exemple
de Jump clouant le bec de Bernard Tapie pour l’introduction en
Bourse de son holding (voir p. 35).
Puis, les crises de la décennie suivante avaient bridé la machine à
rêves. Mais elle s’est un peu réveillée
avec le nouveau siècle.
« Avec le passage réussi de l’an 2000 —
l’humanité avait échappé à la fin du
monde et au gigabug informatique —,
on a senti que le moral s’améliorait », s’amuse Christian Jamond,
président de l’agence Hautefeuille.
C’est l’époque où Jump, pour lancer
la nouvelle crème du groupe Candia,
affiche en 4x3 le tablier de Babette où
était inscrit : « je la lie, je la fouette et
parfois, elle passe à la casserole ». La
campagne déclenche une formidable
bronca des féministes pendant un an !
« Cela nous a fait une pub fantastique
et imposé Babette comme marque
leader », raconte Jacques Caillaud,
alors dircom de Candia.
Audace aussi remarquée chez Rossignol en 2002. Pour le lancement de
Soft, sa nouvelle « chaussure de ski
64 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
qui ne fait pas mal », l’équipementier s’offre un spot TV d’inspiration
sadomasochiste avec le concours de
DDB-Louis XIV. Et en 2004, le dircom
de Kookaï prend tous les risques en
choisissant DDB Nouveau Monde.
L’agence lyonnaise a imaginé un
monde sans filles où des hommes
portent les vêtements de leur femme.
Choc garanti en 4x3. La campagne
marchera bien, mais un changement
de propriétaire de la marque mettra
fin à la nouvelle saga.
Publicis Cachemire s’illustre en faisant
rhabiller Rocco Siffredi, la star du X,
par Olly Gan. Audaces encore avec
les strings d’Astro du groupe Vanity
Fair (Grenoble) et ceux de la marque
Remember de Lejaby (Lyon), surfant
sur la vague du porno chic.
Humour et décalage reboostent aussi
la créativité. Chez Thalys, un requin
fait la queue pour acheter un billet de
train (Jump). Chez Courtepaille, un
couple fait la connaissance de ses...
voisins d’immeuble (Hautefeuille).
Chez Joupi, un bébé dans son berceau jette un jouet inapproprié à la
tête de sa mamie (Euro RSCG 360).
Et Lyon pose un hippopotame sur un
passage piéton pour dénoncer le stationnement sauvage (McCann).
Depuis 3 ans, les annonceurs sont
redevenus plus frileux. Sauf s’ils arrivent à concilier création et low-cost.
Comme la campagne Athéna d’Euro
RSCG 360 où trois garçons montrent
leurs culs (ornés de magnifiques
shorts boxers) à la crise ! Une création
qui coûtait seulement 10 Ke. v MT
En 2004, Kookaï
imagine un monde
sans fille avec
DDB Nouveau Monde.
2006
v Le Progrès
et Le Dauphiné
Libéré passent
dans le giron
de L’Est
Républicain.
v Lancement
en région du
Journal des
Entreprises par
Le Télégramme
de Brest.
Rhône-Alpes s’impose dans les industries de l’image
les faits Avec quatre clusters, Rhône-Alpes est devenue en dix ans la deuxième région
de France pour les industries de l’image. Le secteur emploie 13 000 personnes et
regroupe 650 entreprises.
R
hône-Alpes s’est d’abord imposée dans les jeux vidéo au début
des années 2000. En tête de file :
Infogrames devenu Atari en 2003. Il faut
dire que son patron Bruno Bonnell est
très médiatique et assure quasiment à
lui seul la promotion du jeu vidéo.
Et la filière se porte bien. RhôneAlpes accueille des éditeurs (Electronic Arts, Namco Bandai...) et des
studios de développement (Ubisoft,
Arkane Studio, Étranges Libellules...).
Mais la concurrence internationale et
notamment nord-américaine réduit le
marché.
Les acteurs sont obligés de se reconvertir dans d’autres activités et participent
ainsi au développement de l’image en
Rhône-Alpes.
mouvement qui voit le jour. Au total,
la filière regroupe une quinzaine de
studios comme TeamTO (26) ou Caribara (74). Et est rythmée par plusieurs
événements d’envergure nationale et
internationale dont Le Cartoon Movie,
qui se tient chaque année à Lyon, et le
Festival international du film d’animation d’Annecy.
Cinéma. L’animation est aussi com-
plémentaire de l'activité cinéma, autre
point fort de Rhône-Alpes. Les équipements sont nombreux : le Studio 24
est devenu le Pôle Pixel et regroupe
des studios de tournage et des pro-
fessionnels du son et de l’image à
Villeurbanne.
Les porteurs de projets sont soutenus
par les financements de Rhône-Alpes
Cinéma, qui concernent 10 à 15 films
par an. Quant aux spécialistes du documentaire, ils disposent d’un pôle dédié
en Ardèche à Lussas, avec son propre
festival et ses formations.
Jeu en ligne. Mais les années 2010 ont
vu naître un nouveau marché : le jeu
vidéo en ligne. Ce domaine prend son
essor avec la démocratisation des supports mobiles (tablettes, smartphones)
et des réseaux sociaux. Il compte déjà
de grands acteurs comme les Coréens
de Gravity Europe, qui disposent d’une
antenne à Villeurbanne.
Un retour aux sources ? v CV
La Cartoucherie, à
Bourg-lès-Valence
accueille
11 entreprises
dédiées à l'image.
Parmi elles, le studio
Folimage qui est à
l'origine de longs
métrages à succès
comme Une vie
de chat.
Animation. Certains se concentrent
© Thomas Landais
sur l’animation. Le secteur n’est pourtant pas nouveau puisqu’il est porté
depuis les années 80 par les Drômois
de Folimage. Mais il s’étend dans les
années 2000 avec l’ouverture de La
Cartoucherie, un pôle d’excellence
dédié à l’image animée à Valence.
À Annecy, c’est la Cité de l’image en
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 65
2000-2010 l'objet de la décennie
L'iPhone
Lancé en juin 2007, l'iPhone a révolutionné le marché du téléphone portable.
Mais justement, ce n'est pas qu'un téléphone.
Un couteau suisse digital
Un ordinateur
de poche
Apple avait lancé le premier
assistant personnel à écran
tactile sans clavier en
1993. Ce fut un échec. En
2008, la firme à la pomme
revient à la charge avec
l'iPhone. Les progrès de la
miniaturisation permettent,
désormais, de tout faire
tenir dans un boîtier plus
petit qu'une carte de tarot.
Ordinateur certes, mais aussi
baladeur reprenant les principes
de l'iPod et téléphone comme
le confirme cette petite fente
qui est l'écouteur du combiné.
Mais l'iPhone a tellement de
fonctions qu'il est devenu l'objet
à tout faire de l'homme moderne :
appareil photo, caméra vidéo,
montre, réveil, terminal internet,
radio, téléviseur, lecteur de livres
numérique, console de jeu, dictaphone, GPS, guide touristique,
calculette...
Un supermarché
multimédia
Un écran tactile
Les constructeurs d'ordinateurs de
bureau n'ont jamais réussi à imposer
les écrans tactiles : pas facile de
travailler à main levée. Tout change
avec les appareils qu'on utilise
horizontalement. L'iPhone a vraiment
ouvert la voie avec son interface
multi-touch qu'on manie avec un
doigt. Du coup l'appareil dispose d'un
bouton de marche/arrêt au sommet et
d'un bouton à tout faire sous l'écran.
Et c'est tout.
Les utilisations de l'iPhone
semblent infinies grâce à une
bibliothèque de logiciels qui se
développe sans cesse. Le nombre
d'applications lancées depuis
2008 s'établissait, en avril 2012,
à 600 000. Les utilisateurs
en ont téléchargé 30 milliards,
gratuites ou payantes. Entre ces
logiciels, la musique et les vidéos,
l'iPhone est devenu le caddie
du plus vaste supermarché de
fichiers multimédias au monde.
Un son superbe
À la base, deux petits haut-parleurs pas
plus gros qu'un grain de réglisse Zan,
délivrent un son puissant. Avec un casque
audio, la qualité est parfaite. Grâce à la
technologie Bluetooth, on peut même
diffuser sa musique dans les différentes
pièces de la maison. Il y a suffisamment
de mémoire pour transporter avec soi
toute sa discothèque.
66 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
2000-2010 grands témoins
Jacques Chirat
« Le numérique est la
révolution des années 2000 »
Jacques Chirat dirige l’imprimerie Chirat depuis 1990.
Fondée il y a un siècle, cette entreprise familiale a évolué
au rythme des innovations et regroupe aujourd’hui
250 collaborateurs à Saint-Just-la-Pendue (42).
Le numérique a vraiment transformé
les industries graphiques ?
jacques chirat L’arrivée
du numérique
est sans doute l’événement le plus
marquant de la décennie. On a vu
apparaître les premiers copieurs couleur au début des années 2000.
La qualité et la vitesse se sont progressivement améliorées. Les imprimeurs
de proximité, qui proposaient de
petites quantités, se sont vite équipés.
Mais l’imprimerie numérique permet
aussi de vendre de nouveaux services
et notamment la personnalisation des
documents.
68 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
Quelles furent les conséquences pour
les imprimeurs traditionnels ?
j.c. Le prix de l’immobilier et l’augmentation de la taille des machines
ont obligé les imprimeurs offset à
s’éloigner des centres-villes pour
privilégier la proche banlieue. Seuls
ceux spécialisés dans le numérique
en petite quantité ont pu rester au
cœur des villes.
Quels autres phénomènes ont marqué
les années 2000 ?
j.c. Le développement des presses
huit couleurs a bouleversé le marché
de l’offset. Auparavant, les imprimeurs
devaient effectuer deux passages sur
des quatre couleurs. Ces nouvelles
machines ont permis d’imprimer
directement en recto-verso, donc de
gagner en productivité et de diminuer
les délais. Progressivement, tous les
acteurs de la région se sont équipés.
Peut-on parler d’une course à la huit
couleurs qui aurait entraîné un surinvestissement ?
j.c. Non, les huit couleurs ont intéressé
tous les imprimeurs et ils ont profité
du renouvellement de leur matériel
Franck Barbier est le directeur commercial du quotidien Metro depuis
2004 à Lyon. Il raconte l’émergence de la presse gratuite d’information,
qui a bouleversé le paysage médiatique régional.
« J’ai ramé pour imposer
Metro à Lyon »
pour investir. C’était indispensable
pour rester dans la course.
Comment expliquez-vous les difficultés rencontrées par certains acteurs
régionaux ?
j.c. C’est la concurrence européenne
«M
etro a été le premier
quotidien gratuit d’information à arriver à
Lyon. C’était en mars 2002, quelques
semaines après Paris.
Nous étions alors distribués de la
main à la main à 5 000 ex. uniquement aux gares de la Part-Dieu et de
Perrache. Nous avions les marques
de luxe comme annonceurs, car elles
pensaient qu’on touchait les hommes
d’affaires dans le TGV !
À l’époque, notre lancement s’est
fait en toute discrétion. Nous étions
même en pourparlers pour placer nos
exemplaires chez les marchands de
journaux, contre une rétribution bien
sûr, car notre objectif n’était pas de
les concurrencer. On n’est pas des pirates ! Mais la presse payante a bloqué
notre diffusion chez les kiosquiers, du
coup le projet est tombé à l’eau.
qui a plombé le secteur. Les imprimeurs italiens et espagnols ont cassé
les prix. Aujourd’hui, la Chine et les
pays de l’Est sont également présents
sur le marché. La fiscalisation n’étant
pas uniformisée, les acteurs français
sont pénalisés à l’export.
Du fait de l’automatisation de plus en
plus poussée des machines et de la
mondialisation, on évalue à environ
15 000 le nombre d’emplois détruits
sur les dix dernières années dans la
filière, en France.
En Rhône-Alpes, on a vu des imprimeurs importants rencontrer des
difficultés comme les Deux Ponts à
Grenoble ou Brailly à Lyon qui ont été
placés en sauvegarde. Heureusement,
ils en sont sortis depuis.
Comment le paysage s’est-il transformé en Rhône-Alpes ?
j.c. On a assisté à une concentration
des acteurs. Des imprimeurs en difficulté ont été rachetés par des concurrents. Brailly qui avait fait beaucoup
de croissance externe a préféré revendre l’imprimerie stéphanoise Vasti
à XL Groupe.
La croissance externe a permis à ceux
qui ont racheté de se diversifier en
touchant des marchés de niche plus
ou moins épargnés par la crise. Par
exemple, Vassel a repris Charvet Imprimeurs pour croître et se développer
dans l’édition de livres.
Les façonneurs connaissent-ils aussi
des difficultés ?
j.c. Les imprimeurs ont intégré le petit
façonnage afin de réduire les délais
et les coûts. Mais ils ne disposent
toujours pas du matériel plus lourd
adapté aux grandes quantités. Du
coup les brocheurs, par exemple, ont
bien résisté.
Réticence des annonceurs. Franchement, j’ai ramé au début pour
commercialiser Metro à Lyon. Malgré
l’arrivée de 20 Minutes en 2004, puis
la réplique du Progrès avec Lyon Plus,
la presse gratuite n’était pas très bien
perçue par les annonceurs. Les collectivités ne voulaient même pas me
recevoir, contrairement à Marseille
où la maire nous a accueillis les bras
ouverts.
Certains secteurs, comme la banque,
l’immobilier ou l’automobile, atten-
daient que l’on fasse nos preuves pour
acheter de l’espace chez nous. Nous
nous sommes servis du succès du Petit
Bulletin, un gratuit culturel présent à
Lyon depuis la fin des années 90, pour
attirer les institutions culturelles. Les
Biennales ont ainsi été les premiers
annonceurs à nous faire confiance.
Je pigeais aussi les radios locales, car
elles ont la même cible que nous :
mixte et jeune. Contrairement à la
PQR, qui touche une population plus
masculine et âgée.
Diffusion massive. Et puis à partir
de 2006, les gratuits d’information ont
commencé à décoller à Lyon. La diffusion augmentant (60 000 ex. pour
Metro), les annonceurs se sont de plus
en plus tournés vers nos supports, qui
étaient désormais distribués dans le
métro.
D’autres journaux gratuits se sont
aussi développés à l’époque à Lyon,
comme la presse people avec Lyon
People ou Lyon Clubbing, des titres de
décoration...
Aujourd’hui, la presse gratuite fait partie du paysage médiatique rhônalpin.
Elle offre une autre source d’informations aux lecteurs, mais aussi des
supports complémentaires pour les
annonceurs, avec des possibilités
créatives qui n’existent pas en presse
payante.» v Propos recueillis par
Thomas Nardone
À partir de 2005,
les quotidiens
gratuits obtiennent
l'autorisation d'être
distribués dans le
métro lyonnais.
devant lui. Il va continuer à côtoyer le
numérique pendant plusieurs années.
Les activités sont toujours complémentaires. Le jet d’encre est très observé
puisqu’il permettrait d’augmenter la
rapidité de l’impression numérique
ainsi que sa qualité et pourrait donc
concurrencer l’offset. v propos recueillis par charlotte vincent
©ESO
Quelles évolutions techniques voyezvous arriver ?
j.c. L’offset a encore de belles années
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 69
2000-2010 grands témoins
©David Douglas DUNCAN
En 1991, le photographe Thierry Ravassod a été le premier à utiliser un appareil photo numérique, un Rollei Scan Pack.
Il témoigne des bouleversements profonds engendrés par le numérique dans le secteur de la photo.
« La photo numérique a fait sauter plusieurs
maillons de la chaîne graphique »
En quoi l’appareil photo numérique a-til transformé votre façon de travailler ?
thierry ravassod « Le numérique m’a
permis d’obtenir un meilleur contrôle
de l’image pour améliorer les cadrages
et la mise au point. Avant, j’utilisais
un Polaroïd pour vérifier l’image au
niveau technique, mais cet outil était
loin d’être optimal.
Avec le numérique, je peux voir dans
le détail tous les recoins de mon
image. Concrètement, depuis six ou
sept ans, les derniers boîtiers numériques me permettent de travailler avec
beaucoup plus de minutie les ombres
et les hautes lumières. Côté validation
par mes clients, le numérique a accéléré le processus. Avant, je devais avoir
le client sur place ou lui envoyer un
cliché pour qu’il valide mon image, ça
pouvait prendre des jours parfois.
Aujourd’hui grâce à l’e-mail et aux
photos numériques, je gagne beaucoup de temps. »
70 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
Le comportement de vos clients a-t-il
changé avec l’arrivée du numérique ?
t.r. « Certains clients croient pouvoir
faire leur shooting eux-mêmes simplement en utilisant un appareil photo
numérique de moyenne gamme.
Je vois aussi émerger de plus en plus
de personnes qui se prétendent photographes sous prétexte qu’elles ont
un Mac, un boîtier amateur et des
logiciels piratés. Même si ce phénomène est surtout visible sur le marché
parisien, on le voit beaucoup moins à
Lyon. Cette concurrence accrue incite
les clients à tirer les prix vers le bas. »
Le numérique a vu aussi l’émergence
des banques d’images en ligne...
t.r. Oui. Avant, je commandais des
CD-Rom que j’importais et sur lesquels
je prenais très peu de visuels. C’était
donc cher et il fallait que j’attende
parfois des jours mon colis avant d’importer les images sur mon ordinateur.
Aujourd’hui, je choisis uniquement le
visuel dont j’ai besoin et je peux l’utiliser dans la minute. La guerre des prix
sur internet a fait aussi disparaître les
banques d'images locales comme Iconos à Lyon ou des photographes spécialisés dans les images d’illustration.
D'autres métiers ont-ils été impactés par
cette révolution ?
t.r. « Le numérique avait déjà fait sau-
ter plusieurs maillons de la chaîne
graphique, dont deux métiers qui ont
complètement disparu. Je pense aux
photocomposeurs et aux photograveurs.
Les photographes comme moi se sont
mis à la retouche numérique. Les
anciens photograveurs sont devenus
infographistes, les autres ont été intégrés chez des imprimeurs. » v Propos recueillis
par Jérémy Chauche
Thierry Tunesi est un pionnier du marketing opérationnel à Lyon. Il a fondé l’agence BleuVert en 1993, qu’il a revendue
à Publicis dix ans plus tard. En 2007, il reprend son indépendance en créant Empreinte Conseil, une agence positionnée
sur le marketing opérationnel écoperformant.
« Avec les réseaux sociaux, le consommateur
devient acteur du marketing opérationnel »
Quelle était la situation du marketing
opérationnel dans les années 2000 ?
thierry tunesi C’est vraiment la décennie de naissance du marketing
opérationnel, qui devient partie prenante d’une stratégie de communication 360°.
Auparavant, la publicité concentrait
le gros des investissements, et le marketing opérationnel passait en second
plan. À partir des années 2000, les
budgets alloués à la promotion des
ventes et à l’animation de réseaux
deviennent plus importants. Il n’est
plus seulement question de communiquer sur les prix, mais de concevoir
des événements autour des marques.
Signe de cette évolution, mes interlocuteurs ne sont plus les dircoms, mais
les directeurs de marketing.
Quels ont été les faits marquants ?
t.t. Au début des années 2000, on note
l’apparition de la théâtralisation des
opérations. La grande distribution
a demandé aux marques de créer
de véritables événements en magasins pour promouvoir leur image de
marque.
L’animation de réseau dédiée aux
enseignes a également fait évoluer
notre métier : il faut désormais adapter chaque opération à l’identité et à
la stratégie de l’enseigne (Auchan,
Carrefour, Leclerc...).
Mais pour moi, la plus grande évolution du marketing opérationnel ces
dernières années, c’est l’émergence
des réseaux sociaux.
En quoi les réseaux sociaux ont-ils
bouleversé votre travail ?
t.t. Avec les réseaux sociaux, le
consommateur devient acteur du
marketing opérationnel. Il peut commenter une marque, partager ses opinions...
C’est par exemple grâce aux réseaux
sociaux qu’on arrive à endiguer le
greenwashing, car un mauvais buzz
sur le net peut détruire une marque.
Facebook pousse les entreprises à
tenir un discours de vérité.
La vérité bien racontée certes, mais
quand même la vérité.
Aujourd’hui, ces réseaux sociaux sont
tellement influents qu’ils font même
leur apparition in store. Au Brésil, une
marque de vêtements a mis sur ses
cintres le nombre de « like » en temps
réel !
L’arrivée du web mobile sur le point
de vente est un autre élément marquant. Le client peut chercher un avis
sur un produit qu’il regarde, scanner
un flashcode sur un packaging pour
avoir des vidéos de démonstration...
Pour notre client V33 par exemple,
nous avons apposé sur tous les produits un flashcode qui permet de lire
des vidéos explicatives. Demain, le
marketing opérationnel sera personnalisé, mobile et géolocalisé.
v Propos recueillis
par Thomas Nardone
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 71
2000-2010 carte blanche à… arnaud bachelard
72 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
CR : Arnaud Bachelard
DA : Hervé Voët
2000-2010 les tops
de quelques réussites qui ont marqué l’univers
+++ deSélection
la communication dans les années 2000.
+++
© A. Rico
Saint-Étienne devient une capitale du design
+++
Christophe Mahé, le « Citizen Kane » lyonnais
En toute discrétion, Christophe Mahé a
créé en quelques années l’un des premiers groupes de médias indépendants
en Rhône-Alpes.
Espace Group compte aujourd’hui neuf
radios : les réseaux nationaux Jazz Radio et MFM, mais aussi ODS Radio qui
dispose de 10 fréquences dans les Alpes
ou bien Radio Espace à Lyon.
Cet ancien publicitaire, qui avait fait fortune dans le Minitel, est aussi à la tête
d’un pôle de magazines gratuits (Lyon
Clubbing et Lyon News) et de sites d’informations (lyonmag.com et mlyon.fr).
Espace Group réalise un CA avoisinant
15 M€, avec plus de 200 personnes. v
74 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
La capitale de la Loire se rêve en
capitale européenne du design.
Depuis trois ans, elle travaille d’arrache-pied à se bâtir une image
autour de son emblématique Cité
du design.
L’institution, créée en 2005 par la
Ville et l’Agglomération, reprend en
main l’organisation de la Biennale
de design l’année suivante. La manifestation connaît, depuis, un succès
grandissant. En 2009, elle inaugure
ses nouveaux locaux sur le site de
l’ancienne manufacture d’armes.
L’École supérieure d’art et design
(Esadse) s’installe l’année suivante.
Dès 2010, la ville avait été également la première en France à avoir
embauché un design manager
chargé d’intégrer la culture design
dans tous les projets menés sur le
territoire.
Dans la foulée, elle obtient le label
« Ville Unesco du design ». Cette
distinction lui permet de rejoindre
le Réseau des villes créatives qui regroupe une dizaine de villes dans le
monde (Buenos Aires, Berlin, Séoul,
Shanghai…).
Dernière initiative en date, la création d’une marque territoriale :
« Saint-Étienne, atelier visionnaire ».
Grâce à elle, l’ancienne cité minière
espère notamment séduire et attirer
les industries créatives. v
TÉLEX
2007
v Liquidation
+++
+++
Euronews, une chaîne
internationale
basée à Lyon
Bien que lancée en janvier 1993 à
Lyon, Euronews a réellement pris
son envol à partir de 2000.
Cette année-là, la chaîne dépasse
le seuil symbolique du million
de foyers qui reçoivent ses programmes. En 2001, elle s’ouvre à
la Russie et booste son audience
notamment grâce à la diffusion de
la chaîne sur les réseaux locaux et
câblés des grandes villes russes.
2005 restera une grande année
pour Euronews. Elle modernise sa
communication en la confiant aux
Parisiens de FFL et surtout lance des
programmes en arabe et s’ouvre
donc à une nouvelle communauté
linguistique.
Aujourd’hui, la chaîne compte
800 salariés dont 400 journalistes
de 25 nationalités pour la plupart
basés dans la newsroom d’Écully
(69). La chaîne est captée par plus
de 3,5 millions de foyers dans le
Lyon déploie le vélo en
libre-service
Michael Peters n'hésite pas à comparer Euronews
à Al Jazeera et CNN.
monde et affiche une audience
quotidienne estimée à 10 millions
de téléspectateurs.
La prochaine étape ? Le déménagement en 2014 du siège mondial
de la chaîne dans un époustouflant
immeuble d’aluminium vert, au
cœur de Lyon.
Pour marquer cet ancrage lyonnais,
Michael Peters, le directeur de la
chaîne, s’était fendu de cette fière
déclaration lors de la pose de la
première pierre de l’édifice : « Al
Jazeera est à Doha, CNN est à Atlanta, Euronews est à Lyon. » v
Le Velo’v s’est rapidement imposé
comme un des symboles du dynamisme
de Lyon dans les années 2000. Dès son
lancement en 2005, il séduit des milliers
de Lyonnais chaque jour et assure de
belles retombées presse à la ville.
A l’origine de ce succès, le groupe
d’affichage JCDecaux. Après avoir expérimenté le premier abribus à Lyon en
1964, il récidive avec ce nouveau système de vélos en libre-service à grande
échelle.
Le service est proposé par le Grand
Lyon dans le cadre du marché du mobilier urbain. Il est ainsi financé par les
recettes publicitaires.
En échange de la mise à disposition et
de l’entretien des 4 000 vélos rouges,
JCDecaux obtient l’exploitation de 2 200
abribus (dont 835 nouveaux) et de 600
MUPI, jusqu’en 2017.
L’initiative lyonnaise fera des émules
dans les autres villes. A l’image de Paris,
qui lancera ses Velib deux ans plus tard
sur le même modèle. v
de l’agence
photographique
Editing.
v Échec de la
carte Avantage
Presse testée
par les NMPP
en Rhône-Alpes.
Elle offrait des
bonus aux gros
consommateurs
de journaux.
2008
v Bernard Krief
Consulting
rachète l’agence
Apache
(Annecy).
2009
v Val d’Isère
réussit ses
championnats
du monde ski.
v Le mensuel
Mag2Lyon
succède à Lyon
Mag’ qui a été
liquidé.
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 75
2000-2010 les flops
départ, l’avenir s’annonçait rose. Et puis les affaires ont fini par mal
- - - Autourner.
Retour sur quelques bides retentissants.
–––
Comareg, la fin d’un modèle né à Grenoble
–––
Bruno Bonnell est viré
d’Atari (ex-Infogrames)
En 2007, c’est un coup de tonnerre
dans le monde des affaires. Après
24 ans d’une réussite spectaculaire, le
Lyonnais Bruno Bonnell est poussé vers
la sortie de la société qu’il avait fondée
en 1983 avec Christophe Sapet sous le
nom d’Infogrames.
Un départ contraint sous la pression
des actionnaires après des investissements hasardeux et le rachat de
l’américain Atari qui avait plombé les
comptes. Après ce départ vécu comme
une blessure, on prédisait une longue
traversée du désert à Bruno Bonnell.
C’est mal connaître cet éternel entrepreneur. Depuis 2010, il a une nouvelle
lubie à laquelle il croit dur comme fer :
la robotique. v
Le groupe de journaux gratuits
d’annonces n’a pas survécu à
l’explosion des PA gratuites sur le
web. L’éditeur de ParuVendu dont
le siège est à Lyon est purement et
simplement liquidé fin 2011, laissant
1 650 salariés sur le carreau,
dont 350 en Rhône-Alpes.
Pourtant, au milieu des années
2000, la Comareg, créée en
1968 à Grenoble par Paul Dini,
domine encore le marché
avec ses 280 éditions locales,
2 400 salariés en France et
370 M€ de CA. Les profits
permettent à son dernier
propriétaire, le Groupe Hersant Média, d’investir dans
la PQR.
Mais le modèle s’effondre
à partir de 2008 : le CA est
en chute libre, la dette
se creuse... En cause :
la crise, et sans doute
des erreurs de gestion,
mais surtout la concurrence des annonces
gratuites sur le web
(Leboncoin.fr).
D’ailleurs, c’est tout
le secteur de la PA
payante qui est ma-
lade : S3G, filiale de Sud Ouest, est
liquidée en septembre 2010. Seul le
troisième grand acteur du marché,
Spir (Groupe Ouest-France), résiste
à la tornade des PA gratuites, au prix
de licenciements massifs. v
–––
C'est Euro RSCG
qui a signé le logo
d'Annecy 2018.
76 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
2010
v Tignes gagne
durablement
l’organisation
de l’édition
européenne des
Winter X Games,
le plus grand
événement du
free style.
v Mariage
des agences
lyonnaises
Visual LInk
(web) et Kaelia
(corporate).
v TLM et
TéléGrenoble
sont reprises par
leurs managers.
2011
v Disparition
de l’agence
lyonnaise
Buenavista.
v L’hebdo Lyon
Poche, liquidé
en juin, reparait
en mensuel en
novembre.
–––
Annecy 2018 fait un bide
Au fil d’une campagne qui aura
duré presque deux ans, la candidature de la ville haut-savoyarde aux
JO d’hiver de 2018 prend l’eau. Finalement, Annecy 2018 accuse une
cinglante défaite le 6 juillet 2011 à
Durban en Afrique du Sud en ne
TÉLEX
Les avatars d’Edip
récoltant que 7 voix sur 95 lors du
vote du CIO.
Orchestrée par Havas après que le
groupe a pris le pouvoir en évinçant l’équipe de communication
mise en place par le conseil général de Haute-Savoie, la campagne
de communication n’a visiblement
pas séduit. En fait, c’est moins la
qualité de la publicité conçue par
Euro RSCG Lyon qui est en cause
que l’amateurisme du lobbying
mené par le comité de candidature.
Dommage collatéral de cet échec,
Euro RSCG ferme son agence d’Annecy quelques mois plus tard. Celleci ne s’est pas remise de la perte de
ce budget qui avait fini par constituer l’essentiel de son activité.
Au total, les dépenses liées à la
communication, à la promotion internationale et au marketing auront
atteint 13,5 M€, soit un peu plus de
60 % du budget global. v
1998 : l’agence lyonnaise est au faîte
de sa gloire. Elle est l’un des leaders
français de l’édition publicitaire pour
la grande distribution et la première
agence de la région à s’être introduite
en bourse, au marché libre parisien.
En 1999, elle pèse 152 MF de CA avec
quelque 150 salariés et 7 filiales. En
2000, elle accélère ses croissances
externes en rachetant notamment
Kenobee, une grosse agence iséroise
(30 salariés), très branchée internet.
Mauvaise pioche. Cette dernière
explose avec la bulle et plombe les
comptes du groupe.
Rebelote trois ans plus tard, quand
Edip rate le lancement de son département de création publicitaire.
Ensuite, l’agence périclite lentement.
En 2009, après la perte de plusieurs
gros contrats, dont celui des hypermarchés Leclerc en région, elle est
placée en sauvegarde. En 2010, son
CA était tombé à 2,1 M€. v
©Soudan
2
20 0
c’est déjà demain
pour la jeune génération
En 2020, tout est devenu numérique et tout va très vite. Les délais
raccourcissent, mais les doigts s'allongent. Dans les stades, on
regarde les matchs avec des lunettes 3D. Pourtant, le marketing n'est
toujours pas une science exacte. Voici comment les professionnels
de la génération digitale voient l'avenir proche. (1)
Nous avons
interrogé
quelques-uns
des 60 jeunes
professionnels
que nous présentons chaque
semaine dans
L'Hebdo InterMédia. Ils sont
graphiste, publicitaire, chargé de
communication
réalisateur,
consultant en RP
ou community
manager... Nous
passons en revue
tous les secteurs
d'activité.
(1)
« Le dircom de
demain sera un
manager de data »
« Le défi de la
formation
continue »
« Les délais seront
de plus en plus
courts »
Mathias Duret chargé de
communication chez Novius.
Jean-Baptiste Pollien graphiste
free lance et auteur des strips de
Sydo dans InterMédia.
ThibauLt Arcis réalisateur free lance
« En 10 ans, internet a déjà pris une
place importante dans notre société et
notre économie et je pense qu’en 2020
la tendance va encore s’accentuer.
Je vois le dircom de demain comme
un manager de data. Une personne
sachant maîtriser l’économie de réseau et manier de grande quantité de
données pour gérer et innover dans
l’abondance au lieu de contrôler la
rareté.
J’aime croire qu’en 2020 la communication d’une entreprise se fera autour
d’une « audience collaborative » où
l’image de celle-ci reposera sur son
public plutôt que sur ses publicités. » v
78 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
« Le graphisme étant un métier en
grande partie technique, je pense
qu'il devrait sensiblement changer :
les outils informatiques et les logiciels
vont énormément évoluer dans les
dix années à venir.
Face à cette inévitable évolution se
dresse le défi de la formation continue dont on commence à discerner
les premières solutions. Par exemple,
pour les graphistes free lance, une
nouvelle cotisation à la formation a
été mise en place cette année, mais
ses modalités d'application restent
floues. » v
« Je pense que tout ira toujours plus
vite dans la vidéo : de la prise de
commande à la livraison, les délais
seront encore plus courts.
Déjà les deadlines se raccourcissent
d'année en année. Je ne sais pas si
c'est le reflet de notre société "fastfood", mais je ne pense pas que la
tendance va s'inverser.
Par ailleurs, il va y avoir de plus en
plus de jeunes à se lancer, car il est
maintenant de plus en plus simple de
filmer de superbes images (appareils
reflex, etc.), de monter soi-même, de
postproduire...
Mais en 2020, j'aurais pris un sacré
coup de vieux ! » v
Olivier Héraud
Mathieu Renaud
Jean-Baptiste Pollien
Benoît
Terrière
Sophiane
Voisine
Claire Faure
Mathias Duret
Thibault Arcis
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 79
2020 c’est déjà demain
Maud Charaf,
Charles-Édouard Gil,
Denis-Fabien Corlin
« Penser responsive « Révolution
numérique ou
design »
Sophiane Voisine Webdesigner chez
retour de la
NewQuest
communication
« La créativité des webdesigners
pousse les intégrateurs et déve- orale ? »
loppeurs à trouver de nouvelles
solutions. Et ces nouvelles avancées
techniques nous font repenser le web.
C'est un cycle bien constructif qui a
encore de beaux jours devant lui !
Demain sera à composer avec la génération Y qui est mobile. Le web est
déjà multisupport, le webdesign doit
suivre la tendance. Il faudra penser le
design sur des formats très différents,
avec des contraintes variées : penser
« responsive design ». v
« Des spectateurs
avec des lunettes
3D dans les stades »
Mathieu Renaud directeur
commercial et marketing du LOU Rugby
« 2020, c’est loin, mais c’est demain…
Dans mon univers du marketing sportif, tout s’accélère : les stades sont
de plus en plus high-tech, ils sont
construits en structure modulaire dans
des temps records, comme le Matmut
Stadium à Lyon ou l’Aréna de basketball des JO de Londres 2012. L’arrivée
de nouveaux acteurs majeurs comme
les Qataris au PSG et Al Jazeera bouleverse l’univers des droits TV en glanant les diffusions de tous les grands
événements sportifs…
En 2020, j’ose imaginer que le sport
sera tourné vers la mondialisation et
la technologie, avec de nouveaux
canaux de diffusion encore inconnus
aujourd’hui, et des spectateurs qui
mettront des lunettes 3D pour aller
au stade ! » v
80 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
Benoît Terrière consultant en
affaires publiques chez Syntagme
« Dans 8 ans, le numérique aura pris
le dessus sur le print. Nous aurons
une multitude de supports tactiles
constamment à disposition pour le
travail et les loisirs. Le diamètre de
nos doigts aura commencé à rétrécir,
la longueur de l’index augmentera
significativement pour permettre
d’être plus précis lors de la navigation tactile.
Ou bien… la crise sera passée par là.
Les technologies numériques seront
l’apanage des plus riches. Les forêts
auront quasiment disparu à cause du
réchauffement climatique. Le papier
sera ainsi recyclé à l’infini, lui donnant une couleur jaunasse et fade.
La communication orale sera redevenue le premier outil pour toucher le
grand public. Les crieurs et les forums
publics seront les meilleurs amis des
communicants. » v
« Référence
mondiale du web »
Maud Charaf chef de projet
WWW2012
« Lyon sera devenue une référence
mondiale au niveau du Web et accueillera les plus grands évènements
du domaine. » v
« Intégrer les
consommateurs
à l’univers de
la marque »
Claire Faure consultante juridique et
social mEdia chez Social Unit
« En 2020, le marketing se devra d'être
plus proche des consommateurs. Il ne
faudra plus se contenter de leur donner la parole à un instant T ou de leur
fournir du contenu qu'ils pourraient
ou non attendre, mais bien échanger
avec eux pour mieux les intégrer à
l'univers de la marque.
Une évolution qui impliquera donc
un marketing plus responsable et
plus respectueux des consommateurs
et de leur sphère privée. » v
« Pollution
environnementale »
Olivier Héraud acteur et réalisateur
freelance
« Je pense que la grande remise en
cause des contenus vidéos de 2017
aura eu raison de leur développement
exponentiel. Déjà pointé du doigt en
mars 2014 puis à nouveau à l’automne
2016 par des internautes et intellectuels toujours plus nombreux, le débat
est lancé l’année suivante. Dès lors, la
prise de conscience massive qu’une
trop grande pollution environnementale fut causée par la prolifération sur
la toile de vidéos absconses mettra un
terme à cette spirale par amendement
en mai 2017.
En 2020, les choses sont donc en
voie d’amélioration, le marketing et
la communication ne peuvent se faire
que par le biais de vidéos “utiles”. La
volonté de privilégier la qualité à la
quantité fait désormais légion. » v
Mathieu Maréchal,
Amandine Mollier
Christophe Ramel
(alias Kriisiis)
«Le marketing
ne sera toujours
pas une science
exacte »
Guillaume Rieth planneur
stratégique free lance
« En 2020, le métier de planneur stratégique se sera pleinement démocratisé et ses vertus seront reconnues par
les agences (autres que parisiennes)
et les annonceurs.
En 2020, nous rirons tous de l'échec
global des “Stratégies” social media...
En 2020, de nouveaux concepts fumeux et des THE NEXT BIG THING
auront été trouvés à la pelle pour effrayer les marques, exacerber les sentiments d'incompétence chez l'annonceur, et faire passer le marketing pour
ce qu'il ne sera jamais : une science
exacte avec ses vérités absolues.
En 2020, ce qui pourra faire échouer
une marque sera toujours : l'absence
de convictions et de vision, l’inexistence de valeurs et d'intelligence du
cœur, une carence en bon sens et en
audace... » v
« Un appareil
couteau suisse
multimédia »
Charles-Édouard Gil photographe
« En étant (un peu) visionnaire, j'imagine bien un prestataire qui ne soit
plus dédié à la photo, mais un métier
qui combine toutes les technologies
visuelles, une sorte d’informaticien
développant 3D, vidéo et photo avec
un appareil couteau suisse multimédia, un ordinateur capable de filmer
et prendre des photos. » v
« 3 020 ans de
publicité ! »
athieu Maréchal responsable
M
du développement chez Dufresne
Corrigan Scarlett
« En 2020, j'aurai 40 ans, la publicité,
elle, en aura plus de 3020. Une affiche
découverte à Thèbes et datant de l'an
mille av. J.-C. est considérée comme
l'une des premières publicités produites en série. Elle offrait une pièce
d'or à qui capturerait un esclave en
fuite : un booster promo avant l'heure.
En toute humilité, je pense que si la
publicité se réinvente chaque jour, au
travers de ses canaux de diffusion et
de l'originalité de l'orchestration des
moyens déployés, le concept publicitaire ou “l'Idée” restera la valeur ajoutée de notre métier.
En 2020, une bonne idée sera simplement + digitale, + mobile et ultra
personnalisée ! » v
« Le community
manager aura plus
de responsabilités »
Christophe Ramel (alias Kriisiis)
community manager chez Acti
« Le community management est
déjà très différent de ce qu'il était il
y a deux ou trois ans. Cette tendance
devrait être respectée ces prochaines
années : les médias sociaux les plus
connus, comme Facebook et Twitter,
pourraient laisser place à des platesformes plus spécialisées ; parallèlement, les internautes qui attendent
aujourd’hui d’être entendus exigeront
bientôt d’être écoutés. Le community
manager aura donc plus de responsabilités, et pourra mesurer sa performance à l’aide d’indicateurs toujours
plus pertinents. » v
« En RP, la vidéo
sera associée
systématiquement
à l’écrit »
Amandine Mollier consultante RP
chez Plus2Sens
« L'image d'une entreprise ou d'une collectivité se joue de plus en plus sur la
toile... On peut imaginer à court terme
que la majorité des agences de communication ou relations presse prendront
en compte la diffusion du message de
manière plus globale en proposant des
campagnes de communication axées
sur l'expérience de la cible, en combinant réseaux sociaux, publicité, RP
et des technologies innovantes telles
que le marketing mobile et les serious
games.
En relations presse, nous verrons la vidéo s’associer de manière systématique
aux outils traditionnels écrits, mais aussi
l'intégration de la réalité augmentée
dans les communiqués pour présenter
les produits en 3D, et des conférences
de presse en visioconférence, pour les
journalistes (ou blogueurs) ne pouvant
pas se déplacer… » v
« Des vidéos plus
interactives »
Denis-Fabien Corlin réalisateur pour
Flux Vidéo
« La demande des annonceurs en
termes de vidéo sera croissante. Les
modes narratifs linéaires seront sûrement remplacés par ceux qui s’appliquent aux web-documentaires : à
entrées multiples, plus interactifs. Je
pense que la maîtrise technique devra
s’accompagner de la recherche du sens
et de la meilleure proposition pour
démarquer l’image de l’annonceur. » v
n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 81
débloque
-notes
Jacques Simonet,
éditeur
d’InterMédia
Et dans trente ans ?
Je me garderai de faire des prévisions. Même pour les
8 prochaines années. Je laisse cet exercice redoutable aux
jeunes audacieux qui ont accepté d'imaginer leur métier en
2020 (p. 78). Ces trentenaires ignorent à quel point demain sera
différent de ce qu'ils entrevoient. Je les trouve d'ailleurs peu
audacieux.
Qu'on se souvienne des 30 dernières années : tous les 8 ans ou
presque, une même entreprise a mis sur le marché un produit
qui a révolutionné trois pratiques fondamentales de notre
société : l’informatique, la musique et la téléphonie. Oui, ce
tsunami technologique est le fruit d'une seule firme (Apple).
Or des milliers d'autres firmes travaillent à nous changer la vie.
Facebook et Twitter existeront-ils encore dans 8 ans ? Il n'a
fallu que 8 mois à l'incontournable Second Life pour passer de
mode, aussi vite que le pin's (les plus jeunes chercheront ce
mot dans Wikipédia).
Retour vers le futur
Je mesure la fuite du temps : en 1982, je
démarrais InterMédia en tapant les premiers
articles sur une machine à écrire électrique,
j’écoutais la musique sur un lecteur de
bandes et je dialoguais avec nos premiers
abonnés via un téléphone à fil.
Autant de cordons électriques, autant
de laisses. La mobilité était relative.
En 1982, qui pouvait imaginer le
monde actuel ? Alors qu'approchait
un An 2000 qui verrait les voitures
voler (comme dans « Le cinquième
élément »), je n’aurais pu croire que
le vélo serait l’avenir des villes du XXIe
siècle (la bicyclette a été inventée il
y a 200 ans presque jour pour jour).
Rappelons qu'en 1982 il n’y avait pas
d’euro, pas de Sida et on pensait que l'Islam était une religion
du passé. La société de consommation était à son apogée.
Bien sûr, il n’y avait pas internet. Je constate que son ancêtre
français, la télématique, dont InterMédia fut un pionnier (p. 14),
n'a prospéré que pendant un peu plus de 8 ans.
Gageons que dans 8 ans l’iPhone, objet culte des digital native,
entrera au musée.
Merci Steve Jobs (bis)
• Vous me direz
que ce numéro est encore un beau coup de publicité pour la
pomme californienne. Mais le moyen de faire autrement si on
rembobine les 30 dernières années ? Quelle autre entreprise a
autant marqué les milieux de la communication ?
Aujourd'hui, 51 % des visiteurs du portail InterMédia le
consultent avec un Mac et Safari arrive en tête des navigateurs
qu'ils utilisent.
Dans un précédent numéro anniversaire (n° 978), j'exprimais
déjà « Ce que je dois à Steve Jobs ».
Cinq ans plus tard, je récidive sans hésiter.
Entre-temps le fondateur d'Apple est décédé
après plus de trente années bien remplies. Mais il
laissera des traces durables dans notre monde. v
L'avenir des villes
Invention du XIXe siècle, la bicyclette
devient incontournable au XXIe. Avec
l'appui de groupes de communication
comme Clear Channel et JCDecaux
qui ont popularisé le vélo en libreservice en Europe. En France,
JCDecaux est leader avec Cyclocity
que l'afficheur avait expérimenté à
Lyon, en 2005, sous la marque Vélov'.
brève de sydo…
Revoir les anciens strips : www.brevesdesydo.com
82 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012
Téléchargement