1982 2012 ans 27.06.2012 n° 1171 + d’infos sur www.intermedia.fr ISSN : 0249-1575 Marketing / communication / médias en rhône-alpes m a g a z i n e édito Par Thomas Nardone © ESO Un numéro collector 2, rue Commandant-Dubois BP 3130 - 69406 Lyon cedex 03 Tél. 04 72 84 45 55 Fax : 04 37 57 54 96 Mail : [email protected] Éditeur : InterMédia Sarl au capital de 37 579 euros. Siren : 325 694 909. Directeur de la publication : Jacques Simonet. Rédacteur en chef : Thomas Nardone. Rédaction : Charlotte Vincent, Camille Nagyos, Jérémy Chauche, et avec la participation exceptionnelle de Michel Texier. Service commercial : Pascal Leby, Delphine Haméon-Taton et Étienne Mayaux. Agence photo : Alpaca (Lyon). Photo de Une : © Sergey Ilin Maquette : ProEdito (Paris). Mise en page/infographie : Frédéric Morel-mfredpao! (Villeurbanne). Impression : Dugas Offset (Saint-Bonnet-de-Mûre). Dépôt légal : à parution. www.intermedia.fr www.facebook.com/ intermedia.fr I nterMédia a 30 ans. Grâce à vous, nos fidèles lecteurs. Nous vous en remercions bien sincèrement. Plutôt que de faire un numéro nombriliste et d'auto-célébration, nous profitons de cet anniversaire pour revisiter 30 ans de communication en Rhône-Alpes. En trois décennies, tout a changé : les années 80 où l’argent coulait à flot chez les annonceurs, les agences et les médias (p. 18), ont laissé place à la rigueur des années 90 et à la loi Sapin (p. 38). Dans les années 2000, le tsunami numérique a englouti les modèles économiques traditionnels, permettant aux plus agiles de prospérer dans le nouvel ordre digital (p. 58). Oui, depuis 30 ans, tout a changé : la publicité n'est plus considérée comme l'arme absolue, la relation agence-annonceur s’est professionnalisée, le consommateur a plus de pouvoir sur les marques, l’information est devenue foisonnante et souvent gratuite... Sans parler des évolutions technologiques qui ont révolutionné les métiers de la communication : la PAO, la photo et l'impression numériques, internet, les tablettes, les smartphones surtout qui sont au cœur de l'interconnexion... Et pourtant, au fond, rien n’a changé pour ceux qui ont su profiter de ces bouleversements plutôt que de les subir. Les valeurs qui permettent de se distinguer ont traversé les époques : la créativité, le goût du risque, le sens de l’innovation. Vous retrouverez dans ce numéro collector une sélection d’événements qui ont marqué leur secteur. Avec les témoignages de quelques acteurs de la communication régionale : Alain Roudaut sur l’affichage (p. 28), Sophie Monet sur les RP (p. 29), Éric Peyre sur Internet (p. 48), Bertrand Barré sur le design (p. 51), Jacques Chirat sur l’imprimerie (p. 68), Thierry Tunesi sur le marketing opérationnel (p. 70)… « Les valeurs qui permettent de se distinguer ont traversé les époques : la créativité, le goût du risque, le sens de l’innovation. » Mais rien ne sert d’ausculter le passé si ce n’est pour préparer l’avenir. Dans ce numéro également, vous retrouverez une séquence prospective avec de jeunes professionnels de la communication qui tentent d'imaginer leurs métiers en 2020 (p. 78). Vous l’aurez compris, résumer 30 ans de communication régionale en 84 pages n’a pas été une mince affaire. Il y aura forcément des oubliés, des déçus, des frustrés. Nous nous rattraperons pour nos 40 ans, promis ! Bonne lecture. v n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 3 sommaire repères P. 10. 30 ans en Tweet Le best-of des tweets qui ont marqué ces derniers mois. P. 12. 30 ans en chiffres Une sélection de petits chiffres et grands nombres, souvent étonnants, qui ont ponctué ces trois décennies. P. 14. 30 ans d’InterMédia Jacques Simonet revisite l'histoire de la société qu'il a fondée. 1980-1990 P. 18. L'analyse Les années FRIC P. 20. l'événement Hersant fait main basse sur les quotidiens. P.22 [ Autres faits ] La naissance des radios locales • Les collectivités territoriales découvrent la communication publique • Les riches heures des agences de pub • La télématique, ancêtre d'internet. P.26 [ L’objet ] Le Macintosh. P.28 [ Grands témoins ] Gilbert Hus • Sophie Monet • François Vassard • Alain Roudaut. P.32 [ Carte blanche ] Georges Chapuis. P.34 [ Tops ] P.35 [ FLOPS ] 8 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 En 1989, Jump cloue son bec à Tapie. sociétés citées 1ère Position (60) , 8 Mont-Blanc (38, 42) , 20 Minutes (58, 69) 1990-2000 P. 38. L'analyse Les années CRISES P. 40. l'événement Agences : le temps des mariages. P. 40 En 1992, Publicis Edico et MGTB Ayer célèbrent leurs noces lyonnaises P.42 [ Autres faits ] Lyon sort du brouillard • Télés locales : de l’euphorie à la désillusion • La presse périodique lyonnaise en ébullition • L’affichage change de dimension. P.46 [ L’objet ] Le compact disc. P.48 [ Grands témoins ] Eric Peyre • Gilles Chappaz • Rémi Guichard • Bertrand Barré. P.52 [ Carte blanche ] Indiana. P.54 [ Tops ] P.56 [ FLOPS ] 2000-2010 P. 58. L'analyse Les années WEB P. 60. l'événement L’irrésistible poussée d’internet P.62 [ Autres faits ] Les réseaux d’agences se reformatent • Des campagnes publicitaires plus audacieuses • Les annonceurs apprennent à devenir responsables • Rhône-Alpes s’impose dans les industries de l’image. P.66 [ L’objet ] L’iPhone. P.68 [ Grands témoins ] Jacques Chirat • Franck Barbier • Thierry Tunesi • Thierry Ravassod. P.72 [ Carte blanche ] Arnaud Bachelard. Lancé en juin 2007, P.74 [ Tops ] P.76 [ FLOPS ] l'iPhone a révolutionné REGARDS P. 78. le marché du téléphone portable. Mais justement, ce n'est pas qu'un téléphone. 2020 c'est déjà demain Les professionnels de la génération digitale imaginent leur avenir proche. A8 Communication (29), ab7 (42), Acteurs de l’Économie (44), Acti (60, 61, 81), Aderly (24), Agence Interactive (60, 61), Alpes Loisirs (49), Alpes Magazine (49), Alp’Images (29), Alpinisme et Randonnées (49), Altavia (50), Aménagement et Montagne (49), Anatome (22), Apache (22, 75), Arc (34), Art & Décoration (21), Asterop (60), AvantPremière (51), Avenir (31, 45), Avenue Bélier (22), Avenue Polaris (24) BDDP (24), Being (51, 62), Bélier (40), BeMore (30), Biba (21), BleuVert (71), BL/LB (24), Bonjour (61), BSN Emballages (24), Bulles de Gones (44) C2H (41), Cachemire (18, 24, 38, 41), Campus (22), Canal C (42), Cap’Com (42, 56), Capricorne (18, 24, 40), Carat (41), Caribara (65), CBS (31), Charvet Imprimeurs (69), Clear Channel (31, 45), Cogep (18, 24, 41), Comareg (18, 20, 34, 41, 58, 61, 62, 76), Commando (24), Compilo (60), Cote Rhône-Alpes (44), Côté Scène (44), Créapress (16), Cré-Rossi (54), CTVCités Télévision (42), CyberCité (60, 61), Cyberline (41) Damon Design (51), Dauphin (31, 45), Dauphiné Libéré (34), Dauphiné News (56), DDB (38, 62), DDB-Louis XIV (64), DDB Nouveau Monde (64), Delta Diffusion (62), Diapason (21), Digital Virgo (48, 49), Domas Conseil (21), Double V (29), Dufresne Corrigan Scarlett (81), Dynastar (18) Ecco (18, 30), Edico (40), Edico Publicis (24, 38), Edip (76), Editing (75), Elle (21), Empreinte Conseil (62, 71), Eolas (61), Espace Group (74), Esprit Public (22), Eurasset (61), Euro Advertising (18, 24, 40, 41), Eurocom (38, 40, 41), Euronews (75), Euroquartet (41), Euro RSCG (62), Euro RSCG 360 (64), Euro RSCG Ensemble (38, 41), Euro RSCG Lyon (76), Euro T&G (54), Euro TSG (41, 50) Fédération Rhône-Alpes des radios libres (21), Figaro (18, 20), Financial Time (21), Fip Lyon (56), Flux Vidéo (81), Folimage (56), FR3 / France 3 (42), France Explorer (48), France Info (42) Game Village (56), Gault et Millau (21), Gemap (41), Générale Location (54, 56), Gerflor (18), Getris Images (28), Geydon (12), Giraudy (31, 45), GLC Web Design (61), Glénat (54), GL Events (54), Go Sport (34), Grains de Sel (44), Grand Ski (49), Grésivaudan (22), Groupe E (61), Gutenberg On Line (50) Happy Radio (22), Hautefeuille (38, 41, 64), Havas Rhône-Alpes (35), Histoire d’Images (29) Idées en Tête (34), Imprimerie Chirat (68), Infogrames (56, 76), Initiatives Media (35) JAM (54), JCDecaux (31, 45, 58, 75), Jet multimédia (48, 49), Jet Services (42, 44), Jeudi Lyon (38, 44), Journal des Entreprises (64), Journal Rhône-Alpes (21), Jours de France (21), Jump (24, 34, 38, 41, 64), Justin Bridou (24) Kenobee (76), Kouro Sivo (54) La Cité de la Création (41), La Cote Desfossés (21), L’Association des agences conseil en communication (21), La Tribune (18, 21), L’AutoJournal (21), La Vie française (18, 21), La Vie Mutualiste (21), Le 38 (34), Le 42 (34), Le 69 (34), Le 73 (34), Le Courrier de l’Ain (35), Le Courrier Économie (35), Le Dauphiné Libéré (12, 18, 20, 49, 62, 64), Le Journal Rhône-Alpes (20), Le Monde (18, 20, 21, 38), Le Moniteur du BTP (21), Le Petit Bulletin ( 44), Le Progrès (18, 20, 25, 38, 44, 58, 62, 64, 69), Le Progrès Soir ( 21), Le Provençal (25), Les Affiches Lyonnaises (58), Les Producteurs (22), L’Est Républicain (64), Le Tanneur (24), Le Télégramme de Brest (64), L’Étoile des Alpes (24), Le Tout Lyon (58), L’Express (18, 21), L’Hôtellerie (21), L’Humanité (18, 21, 44), Libé Lyon (44), Libération (20, 21), Liberty Surf (49), Loyaltouch (54), Lyon 1ère (22), Lyon Capitale (38, 44), Lyon Clubbing (69, 74), Lyon Figaro (18, 21, 44), Lyon International (44), Lyon Libération (18, 21, 38, 44, 56), Lyon Mag' (38, 61, 44, 75), Lyon Matin (20, 44), Lyon News (74), Lyon People (34, 49, 69), Lyon Plus (58, 69), Lyon Poche (34, 61), Lyon Soir ( 21) Mag2Lyon (75), Maison et Jardin (21), Marc Médias (44), Marèse (24), Marie Claire (18, 21), McCann (12, 34, 64), McCann Rhône-Alpes (34), Médiacité (22), Mediagone (31), Médiapack (51), Médiapost (62), Média Pro (29), Metro (58, 61, 69), MGTB Ayer (38, 40, 41), MGTB Ayer Lyon (41), Millimages (29), Montagnes Magazine (49), Moto Revue (21) Nemo (61), NewQuest (80), News (56), Nouveau Monde (38, 41, 61), Novius (60, 61, 78) Objectifs Rhône-Alpes (20), Occade (54), OL TV (62), Oraveo (62) Paris Match (21), Plan Fixe (16), PLM (18, 24, 38, 41), Plus2Sens (81), Point (21), Polaris (40), Pôle Pixel (65), Polygone (54), Polytems (62), Première Position (61), Printer (50), Project Images (29), Prominter (24, 38, 41), Publicis (61, 62, 71), Publicis Cachemire (40, 64), Publicis Edico (40) Radio Canut (21, 22), Radio Contact (22, 34), Radio Cool (22), Radio Dio (22), Radio Espace (74), Radio Fourvière (22), Radio Julie (22), Radio Mont Blanc (22), Radio Nostalgie (22, 34), Radio Ondaine (22), Radio Pluriel (22), Radio Salam (22), Radio Scoop (22, 34), RDB (18, 24, 38, 41), Regit (24), Ric ( 24), Rossignol (18, 38, 64), Roudaut Affinvest (31), RSCG Lyon (24, 38, 40) Salto (41), Scripto (60), Ski Français (49), Snell et Associés (38, 41), Snow Beat (49), Snowsurf (49), Social Unit (80), Socpresse (20, 62), SP3 (34, 35, 38, 41), Spir (18), S’Printer (54), Stratège (22), Stratégies (14, 16, 18, 35), Stratégies Rhône-Alpes (16), Studio 24 (65), Superloustic (34), Swap (60), Synchro Plus (29), Syntagme (80) TeamTO (65), Télé 7 Jours (21), Télé Grenoble (58), Télérama (21), Terraillon (18), TLM (38, 41, 42), Tridon (41) Uniconseil (18, 21, 22, 24, 30, 40, 41) Vasti (69), Vertical (49), Vision Actuelle (41), Visual Link (60, 61), Vital (21), Votre Beauté (21) WebCity (60, 61), Who’s who (24) X Com (28) Yoplait Sud-Est (24) Zaw ( 61) n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 9 tweet Le best-of des tweets qui ont marqué ces derniers mois. Login Join Twitter! 1982 1re émission de @radiorcf Lyon Fourvière !@AdrianEmeric 1987 Le street-marketing arrive : à Grenoble, Symusic fait diffuser des tracts par des saxophonistes en patins à roulettes. @InterMedia_Lyon Jouer du saxophone d’une seule main pendant que l’autre distribue les tracts, c’est très limite.@JeanRemyLyon 1984 1er cours d’informatique à Bourges. Ordinateur #IBM, écran noir, lettres vertes scintillantes, disquette 5.5 #BigBrother ? @GPeillon 2005 2000 Annexion. La campagne de pub « Valence, capitale de la DrômeArdèche » défrise les populations de la rive droite du Rhône. @InterMedia_Lyon Chaque jour 2 367 lecteurs préfèrent Lyon Matin au Progrès. Pourtant, sauf le titre, c’est le même journal depuis 12 ans ! @InterMedia_Lyon 1989 Le Minitel rose ne se cache plus. La Ville de Lyon demande aux afficheurs de limiter la pub pour les messageries.@InterMedia_Lyon 1992 Le cabinet qui recrute les 130 permanents de la chaîne @euronews doit embaucher pour trier les 11 000 CV reçus ! @InterMedia_Lyon 10 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 2008 Les anti-JO piratent le site de Grenoble. Un faux communiqué annonce la création d’une piste de bobsleigh à la Bastille. @InterMedia_Lyon 1996 Le tribunal administratif annule le contrat du dircom de l’Isère, nommé en 89, parce qu’il est surpayé au vu de ses diplômes.@InterMedia_Lyon 400 000 C’est le nombre de Footix, la mascotte en peluche de la Coupe du Monde 1998 de football, vendus par le distributeur grenoblois Geydon durant l’événement. Son chiffre d’affaires a ainsi augmenté de 9 %. Au total, Footix a été commercialisé à 1,2 million d’exemplaires. chiffres Une sélection de petits chiffres et grands nombres, souvent étonnants, qui ont ponctué ces trois décennies. 20 C’est le nombre de congrès internationaux accueillis à Lyon en 1990. Un piètre score qui place la ville au 5e rang derrière Paris (361), Strasbourg (100), Nice (45) et Montpellier (22). 13,7 MdF C’est le montant des investissements en communication réalisés en 1991 par les annonceurs des régions Rhône-Alpes, Auvergne et Bourgogne selon une étude de l’AACC. 10 000 C’est le nombre de fausses crottes de chiens répandues en ville par le Grand Lyon en novembre 2003 pour une campagne sur la propreté. 3 500 C’est le nombre de journalistes qui couvrent le sommet du G8 à Évian en 2003. kilomètres C’était la distance parcourue chaque nuit par les 90 véhicules du Dauphiné Libéré pour livrer les 5 457 points de vente du journal. 1,2 MdF 30 % C’était l’offre promotionnelle d’Apple aux journalistes lyonnais en 1986 pour qu’ils s’‘équipent en Macintosh. 86 000 C’est le nombre de Minitel qui étaient en service en Rhône-Alpes en 1985. 12 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 20 000 C’est le montant des budgets des annonceurs régionaux qui a échappé aux agences rhônalpines en 1993, d’après une étude McCann. 83 % C’est le pourcentage de chefs d’entreprise qui se déclarent intéressés par le commerce électronique, lors d’un sondage réalisé par InterMédia en 1998. 240 M€ C’est le coût final du réseau câblé du département du Rhône, achevé en 2003. intermédIa Jacques Simonet revisite l'histoire de la société qu'il a fondée. RAPIDO v Justice. Trois procès en 30 ans, dont un avec Jean-Marc Requien. L'irascible publicitaire y gagna 1 € de dommages et intérêts. Je lui enverrai le chèque sous cadre pour qu'il en fasse un trophée. L'ingrat n'a même pas dit merci. v Bestioles. Notre premier webmaster avait beaucoup d'imagination. Il fit un jour traiter la moquette des bureaux à ses frais en expliquant : « Quand je suis assis devant l'ordinateur, je sens monter des petites bêtes le long de mes jambes ». v Réinsertion. Dans les années 80, nous avions accueilli en stage de réinsertion un fils de famille un peu perturbé. En pleine réunion il se leva un jour en hurlant « Je suis Jésus ! ». Les filles de l'équipe le virent partir avec soulagement. 1983 La télématique A 1982 Création à Valence C’ est dans l'appartement de son fondateur alors domicilié à Valence qu'est né InterMédia en avril 1982. Mensuelle à l'origine, la lettre s'intéressait plus à la vallée du Rhône qu'à Rhône-Alpes. C'était l'époque où les milieux politiques rêvaient d'un Grand Delta qui irait de Lyon à la Méditerranée. Une foutaise qui a eu la vie longue. Quelques mois plus tard, je m'associais à un éditeur lyonnais, Régis Neyret, qui me convainquit de me consacrer à Rhône-Alpes. Je l'en remercie bien sincèrement. A 85 ans, il détient toujours 7 % du capital. Une autre époque. Pendant plusieurs mois, InterMédia n'eut pas d'existence juridique. Pas très légal mais cela me permit de tester le concept sans perdre mon temps en démarches superflues. L'argent des premiers abonnés fut mis de côté jusqu'à la régularisation juridique. A l'époque, les banquiers n'exigeaient pas un business plan à la moindre demande de prêt. Je salue la naissance du statut d'autoentrepreneur qui n'existait pas à l'époque. Naissance de la communication. InterMédia fut la première lettre d'information régionale consacrée aux médias et à la communication. Ce mot était d'ailleurs nouveau et très décrié. Le seul fait de vouloir réunir dans un même titre des métiers aussi différents que la presse et la publicité faisait hurler mes confrères journalistes. Aujourd'hui c'est une évidence. Un blog avant les blogs. InterMédia avait repris le concept de "lettre d'information confidentielle" très en vogue dans les années 80. Il suffisait d'un télé14 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 phone et d'un bon carnet d'adresses pour devenir éditeur. La fabrication était sommaire : quelques feuillets bleus avec une agrafe dans le coin. C'était une sorte de blog avant l'heure. Lettre confidentielle. La diffusion aussi était confidentielle. Fin 1982, InterMédia comptait 182 abonnés. Trente ans plus tard, InterMédia qui est devenu hebdomadaire reste une publication hyper ciblée avec une diffusion de 800 exemplaires. Mais nous avons lancé d'autres éditions qui ont une diffusion beaucoup plus large. Le Guide est tiré à 6 500 ex. et Le Magazine à 4 500 ex. (ce numéro à 6 500 ex.). Surtout : avec internet nous avons aujourd'hui des lecteurs dans toute la France et même au-delà. v lors que la lettre devient bimensuelle, que je suis encore seul permanent avec des pigistes, j'explore un moyen de communication prometteur : le minitel. Ce sera Intelmédia ("tel" pour télématique) le premier service d'information électronique créé par une société de presse en RhôneAlpes. Le minitel fera la fortune des éditeurs de messageries roses, beaucoup moins de ma société. Mais je me suis bien amusé. L'aventure s'arrêtera en 1989. Quand internet est arrivé je me suis gardé de jouer à nouveau les pionniers préférant laisser d'autres audacieux essuyer les plâtres. v 1984 InterMédia s’installe à Lyon I l fallait bien en arriver là d'autant que l'information sur la communication commençait à intéresser beaucoup de monde. Les journaux multipliaient les pages médias. La concurrence menaçait, il valait mieux être au cœur de l'arène. Stratégies préparait le lancement d'une édition Rhône-Alpes qui ne parut finalement qu'en 1986 (voir p. 35). v 1985 La révolution Macintosh L’ histoire d'InterMédia est étroitement liée à celle d'Apple. Je fus l'un des premiers Rhônalpins à acheter un Macintosh. Avec cette machine assez rustique j'avais plus de productivité que tous mes confrères. Très vite je m'étais mis en tête de concevoir la première publication française entièrement mise en page sur un écran. Sauf qu'il n'y avait pas encore de logiciel de mise en page. Avec le traitement de texte qui équipait les premiers Mac cela relevait de l'exploit. L'agence Plan Fixe avait qui j'avais lancé le service télématique releva victorieusement le défi. Pour ceux qui ne croiraient pas à cette première nationale, j'ai des preuves. C'est aussi l'année où la publicité fit son apparition dans InterMédia. v intermédIa Jacques Simonet revisite l'histoire de la société qu'il a fondée (suite). 1998 Premier lance- RAPIDO v Naufrage. Le lancement du Guide en 2005 se fit sur la Plateforme amarrée sur le Rhône. L'affluence était telle que tout ne monde ne put monter à bord. Des participants affirmèrent que le pétrolier avait failli couler. La fable court toujours. v Monstre. Notre première imprimante laser pesait 30 kg mais n'imprimait qu'en noir et blanc. Elle coûtait aussi cher qu'une voiture. v Progrès. Le premier Mac de la société avait une mémoire vive de 512 K. Notre serveur actuel a une capacité de stockage 6 milliards de fois plus importante. v Neige. Pour la soirée du Guide 2011, nous avions réservé l'hippodrome du Carré de Soie pour nos 700 invités. Ce fut le jour où la neige paralysa la ville. Il y eut quand même 100 courageux. Mais pas de buffet : le traiteur, parti à 16 h de Brignais, arriva à 23 h. ment du Guide C e fut aux Subsistances, un bâtiment à l'abandon que la ville voulait transformer en centre d'art. Les invités sont prévenus "Ambiance friche industrielle". Dans une salle pleine de toiles d'araignée le traiteur crée une ambiance Grand Siècle avec des bougeoirs sur les tables. Magique. v 1988 Premier guide 1995 On a survécu P our travailler nous avions dû établir une base de contacts des médias, des agences et des sociétés de communication. Il suffisait de l'imprimer pour faire un annuaire. Les premières éditions parurent sous forme de classeur de fiches. Malgré l'existence d'un guide Stratégies RhôneAlpes, ce produit eut un joli succès. En fait j'allais vite me rendre compte que Stratégies n'empêchait nullement InterMédia de vivre sa vie. v L a crise de 1992 fut terrible : chaque jour je relevais dans les annonces légales la disparition d'un ou deux abonnés. La société faillit passer à la trappe. La commerciale y perdit son poste et je dus la remplacer. Utile expérience. Trois ans après nous étions sortis d'affaire. La société employait 4 personnes et atteignait les 2 MF de CA. 1995 c'est aussi l'année du lancement de L'Album, ancêtre des magazines actuels. v 1996 Numéro 500 L a photo arrive dans les pages d'InterMédia qui est toujours imprimé en noir et blanc. Mais le Guide est désormais tout quadri. À l'époque imprimer en couleur était encore un luxe. v Une quinzaine de personnes travaille à temps plein ou partiel pour InterMédia. En 2012, il faut pousser les murs. Le déménagement se fera dans le courant de l'été. 1990 Lancement d'Axiomédia A xiomédia fut l'un des nombreux produits testés à cette époque. Il s'agissait d'un Tarif Média régional. Les professionnels adoraient. Hélas ils voulaient tous le recevoir gratuitement tandis que les médias rechignaient à y faire de publicité. Après deux éditions déficitaires je l'ai fondu avec le Guide. v 1992 Lancement du fichier C 'était le pendant du guide des sociétés de communication. Il recensait tous les annonceurs de la région et permettait aux agences de publicité de faire leur commercial. Il avait pris la forme de deux pesants classeurs qu'il suffisait de laisser lourdement tomber sur le bureau d'un patron d'agence de publicité pour qu'il sorte son chèquier. Il comprenait qu'il en aurait pour son argent . v 16 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 2009-2011 Nouvelle formule et lancement du portail Q uatre années pour tout revoir. Une étude marketing avait démontré qu'avant de remplacer notre vieux site, il fallait moderniser les périodiques imprimés. C'est ProEdito qui s'y colle et succède ainsi à Plan Fixe (notre studio des années 80) et Créapress (dans les années 90). En 2008 c'est d'abord L'Hebdo qui est transformé de fond en comble, la lettre cédant la place à une petite revue. Puis Le Magazine adopte sa formule actuelle. Fin 2011, nous lançons le portail de la communication qui complète notre dispositif d'information et de services. Ces années-là sont aussi celles où InterMédia se lance dans l'organisation d'événements avec les Mornings, les Evenings et le Forum de la communication. v FRIC Les années O ubliée, la fin des 30 Glorieuses avec le premier choc pétrolier de 1973... La décennie 80 a des allures d’années un peu folles où l’argent coule plutôt à flot sur fond de société qui finit de se décoincer. Passé le psychodrame (capitaliste) de l’élection de François Mitterrand en 1981 et le fantasme des chars russes sur les Champs Élysées, le business reprend vite ses droits. Craignait-on un effondrement du marché de la publicité à cause d’un vague projet socialiste de taxation des réclames ? De quoi enterrer à l’imprimerie, en mai 81, le city-magazine (premier du genre en France) que L’Express s’apprêtait à lancer à Lyon. Pourtant, 1981 se révélera une assez bonne année publicitaire. Et 1982 battra des records d’investissements en communication. Bref, tout se met à baigner. Les entreprises se piquent de plus en plus du rôle d’annonceur. Les budgets grossissent. Les agences de pub fleurissent à Lyon, Grenoble, Annecy, Saint-Étienne... Les réseaux nationaux et internationaux (Young & Rubicam, JWT, Publicis, Havas, RSCG, BDDP, FCA!...) sont là en rangs serrés. Mais le haut du pavé est occupé par de belles indépendantes lyonnaises. Elles s’appellent Euro Advertising, Cogep, RDB, PLM ou Cachemire et ferraillent avec les enseignes star d'Havas (Uniconseil, Capricorne…). Et la place orchestre de brillantes campagnes nationales pour Ecco, Gerflor, Rossignol, Dynastar, Terraillon... Une manne de budgets abondée par les collectivités qui découvrent à leur tour le marketing territorial dans la foulée de « Montpellier la surdouée. » Et les premières bribes d’une communication citoyenne qui essaime les feuilles de chou municipales. Ouragans médiatiques. Mais ce sont surtout les médias qui tiennent le devant de la scène dans cette dé- 18 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 19 1 cennie. D’abord la presse écrite. La première moitié des années 80 voit le Papivore, Robert Hersant, faire main basse sur les deux grands quotidiens régionaux, Le Dauphiné Libéré puis Le Progrès, ruinés par leur divorce et la guerre fratricide qui s’ensuivit. La seconde partie de la décennie voit débarquer les éditeurs nationaux et se multiplier quotidiens lyonnais et éditions locales ou régionales plus modestes. Dans les rôles-titres s'affrontent Lyon Libération et Lyon Figaro. Dans les seconds rôles se poussent Le Monde et L’Humanité, avec des suppléments plus modestes. Et des dizaines de figurants (Stratégies, La Tribune, La Vie française, Marie Claire...) se prennent de passion pour l’information rhônalpine. La bataille des quotidiens durera six bonnes années et seule subsistera l’édition lyonnaise du Figaro jusque dans les années 2000. L’autre grand phénomène médiatique sera la naissance et l’explosion des radios locales, après la fin du monopole d’État en 1982. Musicales, communautaires ou politiques, elles fleurissent par dizaines au fil des mois. Mais en 1984, l’autorisation de la publicité pousse les radios commerciales à une course à l’audience et à racheter des stations locales pour mailler tout l’hexagone. Une lame de fond qui fera disparaître une flopée d’indépendantes, dans les années suivantes. Toujours dans les médias, lancements et concentrations font également rage dans la presse d’annonces gratuite, où émerge un géant tricolore, la Comareg du Stéphanois Paul Dini qui bataille contre un concurrent venu du sud, Claude Léoni, patron de la Spir. Dini sera aussi un pionnier de la télématique, le nouveau média qui commence à brancher les éditeurs. Enfin, c’est aussi le Far West chez les afficheurs qui ne sont pas moins de 45 en région où les 4x3 poussent comme des champignons. Et là, le ménage ne sera pas fait avant la fin des années 90. v MT 8 90 9 1980-1990 LES faits marquants Hersant fait main basse sur les quotidiens La première partie de la décennie voit le « Papivore » s’emparer du Dauphiné Libéré et du Progrès. La seconde est marquée par l’arrivée du Monde, du Figaro et de Libération à Lyon. I l rêvait d’un destin de glorieux patron de presse et d’être celui qui allait révolutionner la PQR. Un rêve tôt brisé. À défaut de gloire, JeanCharles Lignel passera quand même à la postérité, en tant que fossoyeur de l’indépendance des deux grands quotidiens rhônalpins. En prenant le contrôle du Progrès de Lyon, au printemps 1979, à l’issue d’une mémorable vente aux enchères privée, contre ses cousins Brémond, le jeune tycoon savourait une victoire sans partage. Car justement, il n’est pas partageur. Et ne veut plus de l’alliance conclue en 1966 entre Le Progrès et Le Dauphiné Libéré pour mettre fin à des années de concurrence ruineuse. Une guerre qu’il va pourtant rallumer fin 1979 en dénonçant les accords entre les deux titres qui, selon lui, avaient fait la part trop belle aux Grenoblois. Lesquels, circonstance aggravante, s’étaient sournoisement alliés aux Brémond, au milieu des années 70, pour écarter Lignel de toute fonction de direction. Le Papivore fait son marché. Du coup, dès 1980, toutes les synergies de moyens, patiemment construites depuis une douzaine d’années, volent en éclats. Chaque titre doit reconstituer ses équipes rédactionnelles, son réseau d’agences, sa régie publicitaire, sa logistique de distribution et relancer des éditions en terres ennemies. Le tout sur fond de coûteuses procédures que l’on s’intente de part et d’autre. À ce jeu de massacre financier, c’est Le Dauphiné qui mettra le premier un genou à terre. En 1981, ses patrons, Louis Richerot et Jean Gallois croient Dans la course aux lancements, Lyon Figaro avait coiffé Lyon Libération au poteau en sortant 8 jours avant son concurrent. 20 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 pourtant avoir trouvé un allié sûr, en la personne de Marcel Fournier, l’un des fondateurs savoyards du groupe Carrefour. Un marché de dupes, puisque ce dernier revendra en douce ses parts à… Robert Hersant. L’arrivée à la tête du journal d’un chevalier blanc, Paul Dini, patron du groupe de presse gratuite Comareg, ne changera pas l’issue. Richerot se rabibochera avec Hersant sur le dos de Dini, jugé coupable de l’avoir mis sur la touche ! Début 1983, Hersant dit « le papivore » met donc la main sur le groupe grenoblois, qui devient le sixième fleuron régional de son empire. Dès lors, le sort du concurrent lyonnais est scellé, même si son président l’ignore encore. Car la Socpresse de Robert Hersant donne à sa nouvelle filiale les moyens de gagner la guerre. Elle durera encore trois ans. Les titres lyonnais du Dauphiné Libéré (Lyon Matin et Le Journal Rhône-Alpes) cassent les prix de leurs espaces publicitaires. Lignel se brouille avec le groupe Havas qui assurait sa régie. Et les guerres de tranchées dans les zones minoritaires s’avèrent de plus en plus dispendieuses. Son président a beau afficher en 4x3 que « Rien n’arrête Le Progrès », et jurer qu’Hersant ne mettra jamais la main dessus, l’étau se resserre inexorablement. Le coup de grâce viendra d’un énième procès qui donne au Dauphiné Libéré le contrôle de la société éditrice des journaux dominicaux du groupe Progrès. Du coup, début 1986, voilà à son tour le quotidien lyonnais dans l’escarcelle de la Socpresse. Cette vente à Hersant a été « la meilleure affaire de ma vie », plastronnera des années plus tard JeanCharles Lignel dans une interview au mensuel Objectifs Rhône-Alpes en jurant qu’elle lui avait rapporté 372 MF, alors que le groupe de presse ne lui avait coûté que 155 MF ! De quoi permettre cependant au papi- © GINIES/SIPA TÉLEX 1982 v Domas Conseil (Lyon) lance la première étude sur l’audience des médias en Rhône-Alpes, Régio Médias . v Sophie Turion quitte Uniconseil pour créer son bureau de relations presse. v Naissance de la Fédération Rhône-Alpes des radios libres. vore de reconstituer un groupe présent sur 14 départements, avec une diffusion de près de 700 000 exemplaires. Un beau pied de nez, alors même que le gouvernement s’échine en vain à stopper les concentrations de presse. Le printemps des quotidiens. C’est dans ce contexte que des éditeurs nationaux partent en croisade au milieu de la décennie pour défendre le pluralisme de la presse à Lyon. Début 1986, Le Monde propose des pages quotidiennes d’actualités RhôneAlpes, après avoir testé une rubrique culturelle hebdomadaire. Initiative modeste qui ne vise pas à concurrencer la PQR, mais juste à conforter ses ventes en région. Comme nombre d’autres titres périodiques nationaux, qui multipliaient à l’époque des pages régionales comme autant de pièges à pub (voir encadré). L’offensive principale viendra du lancement en septembre 1986 de Lyon Libération. Une édition forte d’une vingtaine de pages locales adossées aux pages nationales. « Un journal de ville qui sera une vraie alternative à la presse Hersant et un support nouveau pour les annonceurs et les publicitaires de la région », promettait Serge July, le charismatique patron de Libé. Mais l’expédition est surdimensionnée, avec une cinquantaine de salariés. Et mal préparée : la régie publicitaire ne sera opérationnelle qu’en... décembre. Bilan : les ventes atteignent à peine 10 000 ex. quand le business plan en espérait 20 000 ! Du coup, la fin d’année se traduira par un premier plan de licenciements. Dans le même temps, le groupe Hersant a répliqué en transformant son Journal 1983 v Disparition Robert Hersant surnommé le Papivore, contrôlait en 1986 sept quotidiens régionaux, Le Figaro, France Soir et diverses autres revues dont L'Auto Journal. Rhône-Alpes en Lyon Figaro, un tabloïd moderne qui fait pendant aux formats du Monde et de Libération. Avec Le Progrès et Lyon Matin, la ville dispose de quatre quotidiens La guerre durera six ans. Ponctuée de quelques autres brèves incursions de titres comme L’Humanité. Lyon Libération usera quatre rédacteurs en chef et s’ar- rêtera fin 1992, alors même que son résultat d’exploitation arrivait enfin à l’équilibre après 5 ans de pertes. Mais à l’époque la maison-mère parisienne commençait à prendre l’eau ! Le Monde lui survivra encore une grosse année. Quant à Lyon Figaro, il résistera jusqu’à la vague des quotidiens gratuits des années 2000. v MT du quotidien Lyon Soir qui avait succédé au Progrès Soir. v Radio Canut met trois jours à s’apercevoir que son antenne a été sabotée . v L’Association des agences conseil en communication (AACC) ouvre une antenne à Lyon v Mort en Suisse du Drômois René Higonnet, inventeur en 1940, à Lyon, de la photocomposition. Rhône-Alpes, chouchoute des médias nationaux A u début des années 80, on ne comptait qu’une dizaine de périodiques parisiens comportant un supplément rhônalpin. Au milieu de la décennie, InterMédia en recensait déjà plus de vingt-cinq. Et les troupes allaient encore s’étoffer jusqu’au début des années 90, avec l’arrivée notamment de la presse financière comme La Cote Desfossés, La Tribune ou La Vie Française, attirée par les nombreux... annonceurs cotés au second marché de la bourse de Lyon. C’est de toute façon la bonne santé de l’économie régionale (la seconde de l’Hexagone) et son marché publicitaire sexy qui font saliver les éditeurs de tout poil. Car c’est l’éclectisme qui prévaut dans un inventaire que n’aurait pas renié Prévert, où se côtoient Moto Revue, Le Moniteur du BTP, Gault et Millau, Télé 7 Jours, L’Hôtellerie ou La Vie Mutualiste. Ce sont surtout les magazines féminins et les revues de décoration qui représentent près de la moitié de ces titres, avec Elle, Biba, Marie Claire (et leurs déclinaisons maisons), Vital, Votre Beauté, Art & Décoration, Maison et Jardin... Les news magazines sont aussi là avec L’Express, Paris Match, Jours de France... tout comme la presse automobile et touristique. Beaucoup sont des « ramasse-pub », qui plient boutique (L’AutoJournal, Diapason, Télérama...) quand le filon faiblit. D’autres, à l’instar du Point, donnent exclusivement dans les dossiers publicitaires thématiques (informatique, immobilier...). Jusqu’au Financial Time qui bloquait son supplément rhônalpin s’il n’avait pas son quota de pub ! v n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 21 1980-1990 LES faits marquants La naissance des radios locales les faits À partir de mai 1981, les radios libres envahissent les ondes de la région. Une période d’ébullition sonore qui verra émerger les pionniers de la radio d’aujourd’hui. «C’ était le Far West : fin 1981 à Lyon, une radio se créait chaque semaine. À tel point que personne n’est capable de dresser une liste exhaustive ! », lance Gérald Bouchon, le dirigeant de Lyon 1ère. La période est propice : François Mitterrand avait promis pendant la campagne qu’il mettrait fin au monopole d’État sur les radios. Au lendemain de son élection, les radios libres envahissent les ondes. Elles sont généralement musicales, communautaires TÉLEX 1984 v Croissance champignon de l’agence Apache créée par Pascal Dupont (ancien d’Havas). Elle emploie 14 salariés au bout de 4 mois d'existence. v FR3 s’ouvre à la publicité. Le Crédit Agricole sera son premier annonceur en Rhône-Alpes. Manoukian et Philippe Viennet (ex-Radio Nostalgie) créent à Lyon le studio sonore Les Producteurs. v Havas réunit ses agences lyonnaises Stratège et Uniconseil sous l’enseigne Avenue Bélier. Pierre Martin, patron d’Uniconseil, quitte le groupe. L'équipe de Radio Scoop des années 80 (de g. à d.) : Jean-Philippe Serrano, Philippe Tessier, Pascal Colay, Jean-Alain Fonlupt, Nicole Jay, Pierre Duqueyroix et Bertrand Belouino. Photo © Mario Gurrieri 1985 v André ou politiques. Souvent éphémères, elles ont des noms improbables : Happy Radio, Radio Julie à Bron (du nom de la fille de la fondatrice), Radio Cool... À l’époque, il est très simple de lancer une radio. Il suffit d’obtenir une fréquence, d’apprendre ce qu’est une onde, une antenne... Puis de placer un émetteur le plus haut possible pour toucher le maximum d’auditeurs. Ainsi, les studios de Radio Contact, la première radio lyonnaise de pur divertissement, sont installés dans la Tour panoramique de la Duchère. Radio Mont Blanc fera plus fort : l’émetteur est installé à 4 200 m d’altitude, sur l’aiguille de Tré-la-Tête en Italie. Un vent de liberté souffle dans les studios : les animateurs improvisent à l’antenne, les chansons peuvent durer 15 minutes. Bref, la naissance des radios libres se fait dans l’euphorie. Succès et gueules de bois. Quelques-unes de ces stations vont avoir un destin national. C’est le cas de Radio Nostalgie, reprise par Pierre Alberti grâce à la vente de Radio Contact. Nostalgie sera l’un des premiers réseaux à se développer partout en France (voir p. 34). Quant à Radio Fourvière, créée par Emmanuel Payen dans les greniers de la basilique lyonnaise, elle deviendra la tête de pont du réseau national RCF. Enfin, Radio Scoop, créé par Daniel Perez sur les hauteurs du Mont Cindre, évoluera rapidement pour constituer le premier réseau régional. Mais pour l’immense majorité des radios libres, la fête laissera bientôt place à la gueule de bois. En 1984, l’autorisation de la publicité sur les ondes poussera les radios commerciales dans une course à l’audience. Seules une poignée de radios associatives traverseront les décennies, telles que Radio Canut, Radio Pluriel ou Radio Salam à Lyon, Campus ou Grésivaudan à Grenoble, Radio Dio et Radio Ondaine à Saint-Étienne… v Les collectivités territoriales découvrent la communication publique les faits Les lois sur la décentralisation encouragent la communication publique. Les collectivités ont de nouvelles compétences et doivent le faire savoir. L es années 80 marquent l’émergence de la communication publique. Autrefois régie par d’anciens journalistes reconvertis en conseillers politiques, la communication se formalise. « Les collectivités territoriales ont alors davantage de compétences, d’autonomie et de budget et doivent le faire savoir », explique Bruno Cohen-Bacrie, directeur de la communication d’Échirolles (38). La concurrence entre les territoires stimule aussi la communication. Il faut être attractif pour attirer entreprises, investisseurs et habitants. Les territoires rivalisent alors de slogans et de logos. Parmi les plus remarqués : « Brest, une ville du tonnerre », « Nantes, l’effet côte ouest » ou encore « Montpellier la surdouée ». Cette dernière 22 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 campagne est très remarquée, car elle montre un bébé dans un landau. « Elle identifiait Montpellier à la jeunesse en reprenant les codes de la publicité. Une première », souligne Louis Tayol, directeur de l’agence Médiacité. De nouveaux acteurs font leur apparition comme les syndicats mixtes et les communautés urbaines. L‘État commence à communiquer autour de grandes causes nationales comme la prévention routière. Sans oublier les entreprises privées en charge de délégations de service public. Développement des agences. De quoi encourager la création d’agences spécialisées en communication publique. « À l’époque, les agences de publicité étaient nombreuses, mais savaient seulement vendre un produit et non faire passer des idées », explique Louis Tayol. Il crée Médiacité en 1984 et est le premier à se concentrer sur la communication publique en Rhône-Alpes. Les grandes agences parisiennes s’intéressent également au sujet. L’époque est fructueuse. « Nous comptions jusqu’à 30 personnes et avions ouvert un bureau à Casablanca, Genève et Paris », remarque ce pionnier. La multiplication des compétences des territoires et des acteurs soutient le marché jusque dans les années 90. Les agences sont nombreuses : Anatome, Esprit Public... « C’était la grande époque. On assiste au cours des années 90 à une décrue à la suite de la loi Sapin et de celle séparant la communication institutionnelle de la communication politique », conclut Bruno Cohen-Bacrie. v n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 23 1980-1990 LES faits marquants TÉLEX Les riches heures des agences de pub les faits Ce fut une décennie glorieuse pour les agences lyonnaises qui géraient nombre de budgets nationaux. Et toute une troupe de belles indépendantes tenait la dragée haute aux filiales des agences parisiennes. «À l’époque, les annonceurs se bousculaient. Beaucoup venaient d’eux-mêmes nous consulter. Les budgets étaient copieux. Les créatifs n’étaient pas angoissés. On travaillait beaucoup, mais on rigolait bien… », se souvient Catherine Salmon. Elle codirigeait Commando, une agence indépendante lyonnaise qui compta jusqu’à 25 collaborateurs. Et œuvrait pour Regit (intérim), L’Étoile des Alpes (distribution), le promoteur Ric ou Yoplait Sud-Est. Si les deux géants français, Havas et Publicis, avaient déjà maillé la région dans les années 70, les hussards de la pub parisienne et internationale (RSCG, FCA!, BDDP, Young & Rubicam, MGTB Ayer…) débarquaient en rangs serrés dans cette nouvelle décennie. « C’était une période en perpétuel mouvement, entre créations, rachats, regroupements, fâcheries et divorces », raconte François Requien, ancien dirigeant de Capricorne, l’une des enseignes phares d’Havas, avec Uniconseil. La plus grosse agence lyonnaise en 1980 était pourtant une indépendante, Euro Advertising, dirigée par 24 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 Denis Trouxe. Elle avait pignon sur rue à Paris et faisait toute la publicité de Black & Decker France. En 1981, Trouxe la vendait très cher à Walter Thompson avant de la racheter en 1988 pour en faire une nouvelle réussite. Références nationales. Un autre groupe local ambitieux, Prominter, avait aussi des bureaux dans la capitale et à Genève et faisait son autopromotion en 4x3 en région. Mais la fin fut moins glorieuse. D’autres belles lyonnaises comme RDB, PLM, Cachemire, BL/LB ou Cogep tenaient aussi le haut du pavé. RSCG Lyon avait quasi fait sauter le standard de l’Aderly, l’agence de développement économique, avec sa campagne « Mettez un Lyon dans votre entreprise. » Uniconseil gagnait des prix publicitaires avec BSN Emballages et affichait « Impossible n’est pas Ecco » dans tout l’Hexagone. Au 1986 v Le Who’s who lance sa première édition rhônalpine. Elle sera également la dernière. milieu de la décennie, Jump (BDDP) s’impose avec des spots TV remarqués pour Justin Bridou, Marèse ou Le Tanneur. « On démontrait qu’on pouvait avoir ici autant de capacité créative qu’à Paris », rappelle Michel Hébert, son fondateur. L’argent coulait encore à flot. En 1987, Alain Bouldouyre (Avenue Polaris) pouvait monter des expéditions en Alaska et dans le désert du Nevada avec un top model pour vanter les mérites de la fibre Rhovyl ! Mais déjà pointait le temps des regroupements. v MT En 1984, l'agence Edico Publicis signe la campagne d'hiver du centre commercial de la Part-Dieu. La télématique, ancêtre d’internet les faits L'arrivée du Minitel en 1982 va permettre à des acteurs locaux de développer toute une série de services spécialisés. A u début des années 80, les entreprises sont équipées d’ordinateurs encombrants et coûteux. IBM a bien lancé le premier microordinateur en 1981, mais il faudra attendre 1984 pour voir apparaître le premier Mac. L’ordinateur pour tous est encore un fantasme. En 1982, le gouvernement français a une autre vision de la démocratisation informatique : il veut doter chaque foyer d’un petit terminal sommaire qui affiche du texte en noir et blanc et se branche sur le téléphone pour consulter des services d’information. Le Minitel vient de naître. C’est internet avant internet, mais à la mode française : étatique et centralisé. Minitel rose. Cette lourdeur ne faci- lite pas le décollage du système. Les services se comptent sur les doigts d’une main et le Minitel sert surtout à consulter l’annuaire du téléphone. Heureusement, des petits malins comprennent vite le parti qu’ils peuvent tirer de cette boîte aux lettres électronique qui permet de dialoguer anonymement et en toute discrétion. Le phénomène « Minitel rose » fera la fortune de quelques entrepreneurs avisés. Cela ne fait pas trop l’affaire des autorités qui rêvent d’une utilisation plus sérieuse. L’administration cherche des volontaires pour créer les fameux services qui font défaut et se tourne vers la presse. C’est ainsi qu’en 1983 InterMédia se voit offrir tous les moyens nécessaires pour créer... ce que nous voulons. Ce sera Intelmedia, la version électronique de la lettre InterMédia. Nous sommes en pointe : au sud de la Loire, seul Le Provençal s’est déjà risqué sur Minitel et nous devançons de quelques mois Le Progrès qui commencera avec de bien plus gros moyens. Mais déjà, pour les journaux, le problème c’est le modèle économique. Les éditeurs obtiennent que la consultation de leurs services soit payée par une surtaxation de la note de téléphone. Cette fois le système est bien lancé, la presse ouvre ses propres services de « rencontres » et gagne beaucoup d’argent. Pour la presse spécialisée, c’est beaucoup moins intéressant. Intelmedia ne rapporte rien. Nous le maintiendrons pourtant jusqu’en 1989. v js En 1983, InterMédia lançait la version électronique de sa lettre d'information baptisée Intelmedia. n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 25 1980-1990 L'OBJET DE LA DÉCENNIE Le Macintosh Lancé en 1984 aux États-Unis, le Macintosh a révolutionné l'informatique personnelle. Ses concepts ont été adoptés par tous ses concurrents : la souris, les menus déroulants, les caractères noirs sur fond blanc ou le lecteur de minidisquettes. Un écran comme une page blanche Une poignée pour le déplacer C'est l'ordinateur qui a popularisé le WYSIWYG : « What you see is what you get ». Pour la première fois, on voyait un texte s'afficher en noir sur fond blanc comme sur le papier. Un traitement de texte permettait de jongler avec des polices rigolotes, d'enrichir les phrases avec du gras, de l'italique ou des caractères ombrés. On pouvait même faire des dessins. La couleur arriva plus tard ainsi que les logiciels de mise en page. Le Macintosh fut le premier ordinateur facilement transportable (il avait une poignée en creux au sommet). Son design déroutait et lui donnait l'air d'un jouet. D'ailleurs, les premiers utilisateurs s'amusaient beaucoup. Aussi, il mit longtemps à s'imposer dans les services informatiques. Et même un haut-parleur Des minidisquettes Les disques durs internes n'existaient pas. Les gros ordinateurs utilisaient d'énormes disques et des disquettes souples, larges comme des napperons. Apple popularisa des petites disquettes rigides qu'on pouvait glisser dans la poche de sa chemise. Mais, à chaque démarrage, il fallait charger le système avec une disquette puis l'éjecter pour enregistrer les données sur une autre. Un lecteur externe était conseillé. Les concepteurs du Macintosh avaient eu carte blanche pour imaginer l'ordinateur de leur rêve. Ils voulaient même le doter de la stéréo. Pour des raisons de coût, ils se contentèrent d'un haut-parleur. Mais un ordinateur sonore, c'était déjà incroyable pour l'époque. Une souris pour travailler Cet appendice déroutant permettait de dérouler des menus qui faisaient gagner un temps précieux (avant, il fallait taper des codes pour lancer les opérations). Avec cette sorte de boîte d'allumettes à roulettes, on pouvait facilement placer son curseur dans un texte et exploiter des fonctions sidérantes comme le copier-coller. 26 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 27 ©ESO 1980-1990 grands témoins Gilbert Hus « Les annonceurs découvrent l’audiovisuel » Gilbert Hus a démarré en 1981 en créant une société de conseil et de production audiovisuelle à Grenoble. Il a ainsi participé à l’émergence de l’image de synthèse et de la vidéo d’entreprise en France. Retour sur dix années d’euphorie. Pourquoi Grenoble apparaît-elle comme un berceau de l’image de synthèse dans les années 80 ? gilbert hus. Grenoble a été pionnière dans cette activité, car elle abritait les principaux constructeurs de machines à générer de l’image de synthèse. C’est ainsi que X Com a inventé Graph 8, la première palette graphique huit couleurs qui permettait de restituer le dessin en temps réel. Il y avait aussi Getris Images qui a ouvert la voie, dès 1985, à l’image de synthèse 28 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 2D puis 3D destinée à la création vidéo. Ces fabricants de matériel et de logiciel étaient installés à la ZIRST de Meylan, la toute première technopole créée en France. Ces sociétés étaient largement favorables à ce que des spécialistes de la vidéo testent les capacités de leurs machines et montrent leurs applications. C’est comme cela que vous avez démarré ? g.h. Oui, j’avais fait une partie de mes études avec le patron de X Com qui m’a prêté un exemplaire de sa Graph 8. Je m’en servais notamment à la télévision pour illustrer le JT d’Antenne 2 en réalisant des caricatures en direct. À l’époque, j’écrivais également des jeux de société. Cette nouvelle technologie m’a permis de développer un jeu télévisé interactif avec la toute première palette graphique du marché. En 1984, j’ai ainsi présenté le Grand Labyrinthe pendant plusieurs mois sur TF1, juste Sophie Monet a fondé son agence de relations presse en 1986 à Lyon. « La période de prospérité économique a contribué à l’émergence des RP » avant le journal d’Yves Mourousi. En 1986, Project Images obtenait à Monte-Carlo le premier prix Imagina dans la catégorie 2D pour une série de dessins animés colorisés par ordinateur diffusée sur Antenne 2. À ce moment-là, nous étions deux en France à faire ce type de travaux. Nous avions monté un studio en Pologne qui s’occupait des animations papier. Le coloriage était fait à Grenoble. Y avait-il beaucoup d’agences de relations presse dans les années 80 à Lyon ? sophie monet « Depuis quelques années déjà, les majors avaient constitué des services de relations presse solides. Nous étions bien moins nombreux qu’aujourd’hui, mais la période de prospérité économique a contribué à l’émergence de beaucoup d’agences comme celle de Sophie Turion, de Laurence Renaudin, ou la mienne. Il y avait une véritable fascination pour les annonceurs à apparaître dans le journal ou à la TV. Nous étions une véritable alternative à l’achat de publicité et en beaucoup moins cher de surcroît. Du coup, les relations sont devenues quasiment incontournables pour tout le monde. À tel point qu’on a rapidement vu l’émergence de services de relations presse intégrés chez les annonceurs. J’ai d’ailleurs perdu quelques budgets à cause de ce phénomène. » C’est l’époque où l’entreprise commence à faire appel à la vidéo ? g.h. Les années 80 sont charnières, car c’est l’époque où l’on abandonne le film argentique au profit de la vidéo. La cassette permet alors de visionner très facilement les images sur un téléviseur là où il fallait un projecteur auparavant. Cette nouvelle technologie, moins chère et plus accessible techniquement, a intéressé de nombreuses entreprises qui l’utilisaient dans tous les secteurs : la communication, la formation, mais aussi l’information et l’événementiel. Les budgets consacrés aux vidéomagazines d’entreprise ou aux films « carte de visite », très à la mode à l’époque, étaient importants. Ce marché naissant a suscité pas mal de vocations à Grenoble et à Lyon. Beaucoup de petites entreprises se sont créées et ont formé leur personnel sur le tas. Résultat, le marché a connu une phase très dure avec une concurrence féroce. Malgré tout, seule une dizaine de sociétés audiovisuelles comptaient à l’époque à Grenoble : Histoire d’Images, Millimages, Alp’Images, A8 Communication, Double V, Synchro Plus ou encore Média Pro. Côté pratique, comment se déroulait le travail ? s.m. « Il n’y avait ni internet, ni té- léphone portable, ni Argus de la presse. À l’agence, chacune des attachées de presse passait au moins un quart de son temps accrochée à son téléphone pour contacter les journalistes dans les rédactions. On devait se constituer un fichier qualifié personnel. Ce n’est pas comme aujourd’hui avec la possibilité que l’on a d’acheter des bases de données pleines de Comment le marché était-il organisé ? g.h. Il s’est progressivement autostruc- turé. Beaucoup de sociétés se sont spécialisées sur des marchés de niche comme le médical, la montagne ou l’industrie. Et puis il y avait, d’un côté les films de prestige qui bénéficiaient de budgets importants, et de l’autre, les commandes de reportages ou de films produits dont les budgets étaient plus restreints. L’audiovisuel était aussi un domaine nouveau pour les annonceurs. C’est pourquoi nous avons créé le Sipav en 1988 afin de clarifier les règles du jeu. Le Syndicat indépendant des producteur de l'audiovisuel rassemblait une quinzaine de sociétés audiovisuelles de la région. Ses missions étaient d’expliquer aux clients notre fonctionnement, mais aussi d’harmoniser les pratiques et d’insuffler un peu de déontologie dans cette profession naissante. v Propos recueillis par Camille contacts de journalistes. Même chose pour les invitations, faute de mails, nous envoyions des courriers et des fax pour les faire parvenir aux journalistes concernés. Cela dit, l’avantage de cette époque était que nous pouvions tisser des liens beaucoup plus privilégiés avec les journalistes. Beaucoup d’entre eux regrettent l’utilisation systématique du mail. Les journalistes sont plus demandeurs de tête-à-tête avec les chefs d’entreprise. Ils voient les attachées de presse comme des “facilitateurs” de contacts. » Comment le métier a-t-il évolué en 30 ans ? s.m. « À l’époque, les clients voulaient communiquer beaucoup, mais ne connaissaient pas grand-chose à notre métier. À tel point que certains d’entre eux croyaient que je travaillais pour des journaux (rires)... Ils n’étaient donc pas difficiles à convaincre. On faisait notre petit numéro de claquettes et cela suffisait en général. Aujourd’hui, c’est bien différent. Les clients sont beaucoup plus au courant du fonctionnement des relations presse et des médias en général. Ils veulent des résultats et ne jurent que par le fameux ROI. Du coup, nous nous adaptons en amont en proposant des notes de recommandations beaucoup plus précises que dans les années 80 et en aval en accordant une plus grande place au reporting. » v Propos recueillis par Jérémy Chauche Sophie Monet, 53 ans, est la directrice fondatrice de l'agence qui porte son nom. Elle dispose aujourd'hui d'un bureau à Paris. Nagyos n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 29 1980-1990 grands témoins François Vassard a été directeur marketing et communication d’Ecco de 1988 à 2004. Le groupe de travail temporaire a marqué les années 80 avec ses publicités, notamment en détournant le célèbre tableau de Gros, « Bonaparte au pont d’Arcole ». Aujourd’hui, François Vassard dirige l’agence BeMore en Suisse. « La publicité a été un facteur de croissance pour Ecco » «C’ est dans les années 80 qu’Ecco est devenu le numéro 1 du travail temporaire en France. Un leadership qui s’est accompagné d’une montée en puissance de la communication. Il faut se replacer dans le contexte de l’époque. Quand la gauche arrive au pouvoir en 1981, elle a pour projet d’interdire le travail temporaire, qui est parfois assimilé à de l’esclavagisme. Finalement, la gauche va réglementer cette activité, créant au contraire une formidable opportunité de croissance pour toutes les entreprises du secteur, comme Ecco, Bis, Manpower... En communication, l’enjeu était de combattre les préjugés et de conquérir des parts de marché en s’adressant directement à nos clients, c’est-à-dire à la fois les entreprises et les salariés. En 1984, notre première publicité montre le dynamisme et l’esprit conquérant d’Ecco. C’est la célèbre affiche avec Bonaparte proclamant : « Impossible n’est pas Ecco ». Réalisée par l’agence Uniconseil, elle a été placardée en 4x3 dans toute la France. Dispositifs puissants. Les cam- pagnes suivantes sont plus orientées vers le service final pour le client. L’objectif est de prouver que les intérimaires sont aussi compétents que les permanents. En 1988, j’ai lancé une campagne TV mettant en scène deux jumelles jouant avec un miroir. Le message est clair : chez Ecco, on peut remplacer n’importe qui, l’unique et son double. Plusieurs campagnes marquantes sui- vront, valorisant toujours davantage les qualités des intérimaires proposés par Ecco. En 1990, la publicité avec la patrouille de voltige aérienne est révélatrice : le chef d’escadrille, summum de précision, technicité et prise de risque, est un intérimaire ! En termes de notoriété, ces campagnes étaient très satisfaisantes. Il faut dire qu’à l’époque, on y mettait les moyens. Une entreprise comme Ecco investissait 1 % de son CA annuel dans la communication et le marketing. D’où des dispositifs extrêmement puissants, qui privilégiaient les médias de masse comme la TV et l’affichage. Le tout relayé par des actions de marketing direct originales auprès de nos clients : une paire de jumelles offerte, un baptême de l’air en voltige... Jusqu’au milieu des années 90, nous avons vraiment eu les moyens et la volonté stratégique d’investir en image.» v Propos recueillis par Thomas Nardone Intermedia.fr Le portail de la communication Le nouveau site d’InterMédia offre de multiples services à nos abonnés : alertes, feuilletage de L’Hebdo dès le lundi, appels d’offres de toute la France, études et rapports, consultation des articles publiés depuis 2005… 30 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 ©Eric Soudan / Alpaca Alain Roudaut dirige Roudaut Affinvest, réseau d’affichage indépendant, depuis 1989. Mais l’homme est dans le métier depuis les années 70. Après un passage chez Dauphin puis Giraudy, il crée Mediagone, son premier réseau d’affichage 4x3 en 1980. « On pouvait compter jusqu’à 120 panneaux sur les grandes avenues lyonnaises » À quoi ressemblait l’affichage dans les années 80 ? alain roudaut « Les parcs étaient essentiellement constitués de panneaux 4x3. On travaillait avec le balai et la colle. Puis les Tri-Vision à lamelles tournantes ont fait leur apparition. Mais il a fallu attendre 1988 pour voir apparaître les panneaux déroulants rétroéclairés. Une invention de JCDecaux... » Quels étaient les acteurs majeurs ? a.r. « Contrairement à aujourd’hui, le marché de l’affichage était occupé essentiellement par des acteurs français. CBS et Clear Channel n’avaient pas encore fait leur apparition. Les leaders étaient Avenir, Dauphin et Giraudy. JCDecaux ne faisait pas encore partie des géants. Au niveau local, les afficheurs indépendants se portaient bien. Il faut dire que la période était très florissante ! » Comment se portait le marché ? a.r. « Les investissements publicitaires grimpaient et les gros annonceurs comme les distributeurs (Carrefour, Casino, etc.) se payaient jusqu’à six campagnes par an. L’affichage était un média très apprécié, car la TV n’offrait pas encore toutes les possibilités d’aujourd’hui et internet n’existait pas. Résultat : de nombreux afficheurs indépendants se sont fait racheter à prix d’or par Avenir, Giraudy ou Dauphin. » La législation était-elle plus souple ? a.r. « Bien sûr. Les concessions muni- cipales étaient très rares. On traitait principalement avec des propriétaires privés et le nombre de panneaux était quasiment illimité. A Lyon, la montée de Choulans comptait entre 120 et 130 panneaux. Il y en avait plusieurs dans chaque virage. Pour une campagne locale, un annonceur achetait parfois jusqu’à 300 faces, contre tout juste 80 aujourd’hui.» v Propos recueillis par charlotte vincent Dauphin faisait partie des leaders de l'affichage dans les années 80. La société a été rachetée par Clear Channel en 1999. n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 31 1980-1990 carte blanche à… georges chapuis Qui se souvient encore des belles années 80 ? Debout, Daniel Giessner, Michel Hébert, Jacques Weiss, Philippe Brossat et assis Georges Chapuis. Je me souviens que les Français étaient alors vraiment publiphiles. Je me souviens que les annonceurs croyaient au pouvoir de la publicité pour bâtir durablement des marques fortes, et que l’on parlait davantage stratégies et concepts que pognon lors des présentations. Je me souviens que nous avons dit, dès le départ, que c’est en prenant des risques (mot très peu employé jusque-là dans cette belle province) que nous bâtirions la réputation créative de Jump qui, inéluctablement, nous conduirait au leadership en Rhône-Alpes. Et ça a très vite payé. Je me souviens que nous nous étions donné la chance de travailler avec des entrepreneurs : les Michel Reybier, Bernard Tapie, Christian Boiron, Jean-Bernard Devernois, M. et Mme Doolaeghe (Marèse), 32 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 Patrick Raulet, Pierre Martinet, qui jouaient avec leurs billes, disaient oui ou non, mais vite ! Je me souviens que nos formidables associés Boulet, Dru, Dupuy, Petit nous ont toujours poussés à faire des campagnes fortes, quitte à ne pas gagner d’argent au départ. Je me souviens surtout que j’avais la chance d’avoir autour de moi une kyrielle de talents créatifs : mon associé et partenaire de ping-pong Daniel Giessner, Daniel Gobbo, Daniel Braesch, Éric Chassaing, Lewis Wingrove, Henri-Marie Robert, Olivier d’Arfeuille, Pascale Chatillon. Et puis les petits jeunes : Éric Sintès, Jean-Pierre Rogès, Guillaume Pornet, Claire Chabert, Olivier Dubreuil. Pardon à ceux que j’oublie, je vieillis. Je me souviens que les médias avaient presque tous une rubrique consacrée à la pub et qu’en jouant sur ça nous avons fait quelques actions spectaculaires à fortes retombées. Du buzz avant l’heure. Je me souviens que c’est Jacques Pilhan, éminence grise de François Mitterrand, qui a convaincu le même Bernard Tapie d’acheter la campagne de la pince à linge pour son introduction en Bourse. Une idée que j’avais trouvée en sortant du brief et qui nous a valu le Grand Prix Stratégies. C’était les années 80, j’avais des santiags et des cheveux longs, on se battait pour des idées, ce qui prouve au moins qu’on en avait ! C’était avant les cost-controllers et le cancer des testicules. Je me souviens que nous nous sommes beaucoup moins amusés après... n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 33 1980-1990 les tops de quelques réussites qui ont marqué l’univers +++ deSélection la communication dans les années 80. TÉLEX 1987 v Patrick Deschamps (Ciel FM) rachète Lyon Poche. +++ Presse Paul Dini, le roi des gratuits Film TV Jump cloue son bec à Tapie Il fallait le faire : l’agence lyonnaise a réussi à faire taire l’homme d’affaires à la célèbre gouaille pour l’introduction en Bourse de sa société, Bernard Tapie Finance en novembre 1989 ! Le film TV très réussi (réalisé par Georges Lautner) joue le décalage. Alors qu’une voix off se désespère de voir une nouvelle fois « le numéro » de Bernard Tapie, ce dernier sort de sa veste une pince à linge qu’il se met sur la bouche. Sous-entendu : les faits parlent pour lui. Un texte défile alors à l’écran rappelant les performances de son groupe. Les petits actionnaires, séduits par cette campagne, seront nombreux à acheter des actions. v Jump • Budget : 500 000 F (76 K€). un imbroglio juridique le pousse vers la sortie deux ans plus tard. Il développe alors ses gratuits dans toute la France, à coup de croissance externe. En 1988, la vente de la Comareg à Havas lui garantit une retraite dorée. Elle permet à ce passionné de peintures d’enrichir sa collection, qu’il donnera en 1999 à la ville de Villefranche-sur-Saône où un musée porte désormais son nom. La Comareg lui survivra jusqu’en 2011, année de son dépôt de bilan. v +++ Radio Nostalgie conquiert la France Nostalgie est l’un des plus beaux réseaux de radio français. Il a été lancé depuis Lyon. À l’origine de cette réussite, Pierre Alberti, un self-made-man devenu leader de la démolition de bâtiments en France. Dès juillet 1981, il © Fabrice Schiff En novembre 2008, Lyon People orchestre les retrouvailles de Daniel Perez, fondateur de Radio Scoop, et de Pierre Alberti au Caro de Lyon. 34 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 à Lyon de Superloustic, première radio d’enfants créée en France. v Le publicitaire Didier Finaz rachète l’agence lyonnaise Arc au groupe Havas. v Carole Dufour quitte son poste de dircom de la ville de Lyon pour créer l’agence de RP Idées en Tête. En vingt ans, le Stéphanois Paul Dini s'est taillé un empire dans la presse d'annonces gratuites. Revendu à Havas puis à Hersant Média, son groupe compta jusqu'à 240 éditions locales et 2 400 salariés. ©ESO +++ C’est l’une des plus belles successstories de la presse régionale : Paul Dini est à l’origine de la Comareg, le premier groupe français de journaux gratuits de petites annonces. Tout commence en 1968 à Grenoble, où cet HEC lance son premier gratuit de PA. Baptisé Le 38, ce n’est qu’une simple feuille A4 recto verso. Mais le succès est au rendez-vous. Du coup, le journal est dupliqué dans d’autres villes de la région (Le 69, Le 42, Le 73...). Le concept est tellement rentable qu’il permet à Paul Dini de racheter le Dauphiné Libéré en 1981. Mais 1988 v Lancement lance Radio Contact, la première radio lyonnaise de pur divertissement. En 1983, sa cession à la Comareg de Paul Dini lui permet de créer Radio Nostalgie. Son créneau ? « Les chansons de ma jeunesse » a coutume de répondre ce pionnier des ondes. Un positionnement qui lui permet de toucher les plus de 35 ans, un public plus fidèle que les jeunes et plus intéressant pour les annonceurs. Résultat : si Radio Nostalgie n’est qu’en deuxième position pour l’audience, en 1984, elle s’affirme en tête pour le CA, avec 8 millions de F. L’année suivante, Pierre Alberti part à la conquête de la France. En obtenant un canal de diffusion sur le satellite Télécom 1, il développe un réseau de 35 stations. Mais pour Pierre Alberti, la fin des années 80 sera marquée par les affaires et un court passage en prison. En 1991, il vend Nostalgie à RMC. v +++ Florence Cathiard fonce tout schuss En 30 ans une seule grande agence de Rhône-Alpes aura été dirigée par une fille, c'est SP3. Florence Cathiard est jeune, belle, intelligente, et fonce. C'est une ancienne skieuse de haut niveau. Comme son mari, Daniel Cathiard, qui a hérité de la direction de Genty-Cathiard (distribution), tout en participant au lancement de Go Sport. Après avoir travaillé à ses côtés, elle crée SP3 en 1980 à Grenoble. L’agence se hissera au 30e rang des agences françaises à la fin des années 80. Mais quand Daniel revend le groupe et ses 9 000 salariés à Albert Cam, Florence cède son agence à McCann dont elle devient vice-présidente pour l'Europe. La fondatrice partie, l'agence McCann Rhône-Alpes connaît un déclin progressif avant d'être fermée. Le couple Cathiard est déjà loin : il a déménagé dans le Bordelais où il a racheté le célèbre Château Smith Haut-Lafitte. v 1980-1990 les flops départ, l’avenir s’annonçait rose. Et puis les affaires ont fini par mal +++ Autourner. Retour sur quelques bides retentissants. ––– Stratégies se plante à Marseille et Lyon ––– Simone Genty n'existe pas C'est une erreur de jeunesse de Florence Cathiard, la sémillante fondatrice de l'agence SP3 (voir page de gauche). En 1983, son mari et client, Daniel Cathiard, Pdg du groupe GentyCathiard, est condamné pour publicité mensongère. En cause ? Une campagne de plus d'un an dans laquelle apparaissait Simone Genty se présentant comme la dirigeante de Genty-Cathiard et proclamant : « Notre groupe a un visage, le mien ». Sauf que Simone Genty n'existait pas. Le sympathique visage s'affichant en 4x3 sur des centaines de panneaux était celui de Simone Cathiard, mère du Pdg, directrice du marketing, ne détenant que 15 % du capital. Autant dire qu'elle avait peu de pouvoir de décision. v Dans les années 80, la presse parisienne ne sait par quel bout prendre un marché régional prometteur. Fin 1985, Stratégies lance deux bimensuels à Marseille puis à Lyon. Comme d'habitude quand ils débarquent en province, les Parisiens ne lésinent pas sur les moyens. À Lyon, le groupe installe une quinzaine de personnes. Sauf que les professionnels, d'abord enthousiastes, déchantent peu à peu. Ces éditions régionales ne sont pas à la hauteur du titre national et donnent l'impression aux acteurs locaux qu'ils sont des professionnels de seconde zone. Surtout, elles leur ferment les portes des pages nationales. De plus, les deux bureaux sont fortement déficitaires. La direction entame la spirale infernale : économies, réduction de pagination, mutations à Paris... En 1989, Henri Nijdam vient à Lyon pour annoncer qu'il jette l'éponge en avouant 7 MF de pertes en trois ans. Une newsletter remplace le magazine. Elle disparaîtra rapidement dans l'indifférence. v ––– Presse régionale Le Courrier de l’Ain disparaît Fin 1983, Le Courrier de l’Ain, le plus ancien quotidien de France (né en 1821), est en dépôt de bilan. Edité à Bourg-en-Bresse par la Snepp et propriété de la famille Dominique Coltice (à g.) et son neveu Stéphane ont repris le titre familial en 1987. Ils ont transformé Le Courrier de l’Ain en hebdomadaire économique, baptisé Le Courrier Économie, qui existe toujours aujourd’hui. Coltice, ses difficultés viennent de son imprimerie qui a perdu quelques gros clients. Sollicité pour sa reprise, le groupe Hersant ne donne pas suite, laissant au parti socialiste, qui lui cherche des poux dans la tête, le soin de trouver une solution aux problèmes de ce petit journal diffusé à 5 000 exemplaires sur le département. C’est un éditeur parisien, Michel Burton, qui reprend le flambeau. Mais le redéveloppement du titre appuyé par des journaux d’annonces gratuits finit par tourner court. En 1987, avec des ventes tombées à 3 000 exemplaires, il est à nouveau en faillite. Cette fois, il disparaît, pour renaître, avec la famille Coltice, en devenant un hebdomadaire économique. 25 ans plus tard, Le Courrier Économie existe toujours et vend quelque 4 800 exemplaires selon son éditeur. v TÉLEX 1989 v Dominique Dord est le premier dircom de la Région Rhône-Alpes. v Création de l’agence de presse lyonnaise Pleins Titres. v Lyon dénonce le contrat de la Sedip, la société qui réalisait son journal municipal. L’affaire lui coûtera des années de procès et 10 MF de dommages et intérêts. v Atomic lance le premier ski à fixation intégrée avec les agences SP3 (Grenoble) et Isabelle Dejeux (Lyon). ––– Initiatives Media se casse les dents à lyon À l’automne 1984, le paysage des agences lyonnaises s’enrichit d’un nouveau type de prestataire. Initiatives Media, l’une des plus dynamiques centrales françaises d’achat d’espace publicitaire ouvre un bureau à Lyon. Un démarrage en douceur avec un seul commercial, François Waeselynck, qui connaît bien la région, puisque c’est un ancien d’Havas Rhône-Alpes. Outre l’achat d’espace tous médias (en France et à l’étranger), il offrait des services d’études, de conseil et diagnostic. Si ce business avait bien décollé à Paris, il n’était pas encore mûr ici. Les agences de publicité qui gagnaient beaucoup d’argent sur ce marché faisaient tout pour empêcher leurs clients annonceurs d’aller voir si l'herbe des centrales n’était pas plus verte et meilleur marché ailleurs. Du coup, faute de clients, Initiatives Media finit par fermer son bureau au printemps 1986. v n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 35 19 2 crises Les années A près l’euphorie des années 80, la nouvelle décennie s’annonce sous des auspices plus difficiles. Avec la première guerre du Golfe en guise de préambule. La réclame n’aime pas trop les bruits de bottes. Les annonceurs deviennent frileux. A l’instar de Rossignol qui commence à fédérer la communication de ses différentes marques. Au-delà des incidences irakiennes, les annonceurs s’interrogent sur la rentabilité de leurs investissements médias, qui ont beaucoup grossi les années précédentes. Dès fin 1990, Edico Publicis réduit sa voilure. Mais c’est deux ans plus tard que les dégâts commencent. RSCG Lyon dépose son bilan. Après la perte de gros budgets, le groupe Prominter est liquidé et Serge Bastien ferme son agence lyonnaise… Recomposition. Puis c’est au tour de la loi Sapin, qui instaure la transparence dans les achats d’espace, de porter un nouveau coup aux finances des agences. D’autant que, chez les annonceurs, les acheteurs et autres cost killers commencent à éplucher les budgets de communication. Bref, la crise et les effets de cette loi ont fortement contribué à siffler la fin de la récréation, en poussant le secteur à se restructurer. Publicis fait ses courses en région en rachetant Hautefeuille, MGTB Ayer et Cachemire. Eurocom (Havas) reprend RSCG et le groupe achève la fusion de son réseau rhônalpin en une entité unique : Euro RSCG Ensemble. Tandis que McCann avale la Grenobloise SP3. Mariage de raison aussi, fin 1991, entre les deux grandes indépendantes lyonnaises, RDB et PLM, sous l’enseigne Nouveau Monde, que rejoindront bientôt les Savoyards de Snell et Associés. Les grandes ma- 38 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 nœuvres s’achèveront à la fin des années 90 avec la prise de contrôle de Nouveau Monde par DDB et celle de Jump (et de sa maison-mère BDDP) par TBWA. Nouveaux médias. Décennie de crise aussi dans les médias. En presse écrite d’abord. L’aventure des quotidiens parisiens implantés à Lyon, au milieu des années 80, tourne en eau de boudin. Après une énième tentative d’augmentation de capital, Lyon Libération ferme ses portes fin 1992. Le Monde Rhône-Alpes lui survivra une quinzaine de mois. Deux hebdomadaires d’initiatives locales voient le jour en 1994. L’aventure de Jeudi Lyon ne durera que trois mois. Celle de Lyon Capitale ne devra son salut qu’au groupe Progrès. Seule réussite indiscutable, le lancement en 1995 de Lyon Mag', par des anciens de Jeudi Lyon qui finiront par trouver une formule mensuelle efficace. La décennie voit aussi le lancement des télévisions locales avec TLM à Lyon et 8 Mont-Blanc à Chamonix. Démarrages laborieux de part et d’autre. L’arrivée de Jérôme Bellay (l’ex-créateur de France Info, entre autres) ne changera pas la donne à TLM. Ces chaînes peinent à trouver un business model équilibré. Elles auront beau changer plusieurs fois d’armateurs et de capitaines, 20 ans plus tard, leurs comptes sont toujours dans le rouge. Ces année 90 sont aussi assez fortement marquées par l’éclosion d’internet et son irrésistible poussée. Les agences web commencent à fleurir. Et tout un tas de sociétés commencent à tirer des plans délirants sur l’Eldorado du commerce électronique, en levant des fonds astronomiques. Ce sont les prémices d’une bulle qui va bientôt exploser. v MT 9 90 0 1990-2000 LES faits marquants Agences : le temps des mariages À l’âge d’or des années 80 succède une décennie de recomposition du paysage publicitaire lyonnais. Entre crises et effets de la loi Sapin, l’heure est aux regroupements d’agences, sous la houlette des grands réseaux. L a décennie précédente avait déjà vu quelques changements d’enseignes et d’actionnaires. Euro Advertising Lyon s’était vendue à J. Walter Thomson (JWT). Mais les dirigeants rhônalpins restés en place l’avaient rachetée dès 1988 au groupe britannique WPP qui venait de prendre le contrôle du groupe américain JWT. En région, Havas avait commencé à regrouper ses nombreuses enseignes et sous-réseaux (Uniconseil, Capricorne, Bélier, Polaris, Eurocom…). Mais le climat restait bon. « La guerre du Golfe, en 1990, puis la loi Sapin, en 1993, ont sifflé la fin de la récréation en coulant nombre d’agences et en poussant le secteur à se restructurer », raconte Robert Bourvis, ancien président délégué de Publicis Cachemire. En 1990, Cachemire, l’une des belles indépendantes lyonnaises, n’a pas encore rejoint le groupe Publicis, présent ici avec l’agence Edico. Elle est dirigée par Hubert de Jandin, qui en fin d’année annonce une réduction d’effectif. « Depuis 1989, les annonceurs commencent à s’interroger sur la rentabilité de leurs investissements 40 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 En 1992, Publicis Edico et MGTB Ayer célèbrent leurs noces lyonnaises avec une grande page de pub dans InterMédia. médiatiques, en très forte hausse toutes les années précédentes », expliquait-il dans InterMédia. De la pub à la com’. La guerre du Golfe n’arrange évidemment rien. Ralentissement de la consommation et incertitudes économiques pèsent sur le moral des annonceurs et des agences. Le premier coup de tonnerre retentira au cours de l’été 1991, avec le dépôt de bilan de RSCG Lyon. Son chiffre d’affaires est tombé de 33 à 13 MF en un an, en générant 3,5 MF de pertes alors que le passif de 10 MF grève lourdement les comptes de sa maison mère parisienne. Cette dernière sera rachetée quelques mois plus tard par Eurocom, l’une des filiales d’Havas. La profession commence à s’interroger sur les évolutions du marché. La notion d’agence de publicité commence à céder le pas à celle de groupe de communication, capable de proposer tout un ensemble de prestations complémentaires (publicité, marketing, design graphique, promotion, relations publiques…). Une évolution que Michel Hébert, le TÉLEX 1990 v Création à patron de Jump, théorisera, en 1994, dans son premier livre : La publicité est-elle toujours l’arme absolue ? « La bonne agence, affirme-t-il, est celle où tous ces différents métiers sont au même niveau. » La réflexion s’accentue, d’autant que le business joue les peaux de chagrin. Rossignol, dont les résultats sont tombés dans le rouge en 1990-91, cherche à rationaliser ses investissements en fédérant la communication de ses marques. En 1993, le budget de la chaîne de parfumerie Baiser Sauvage est descendu à 1,4 MF, contre 3 MF trois ans plus tôt. Celui de la Région Rhône-Alpes chute du tiers, à 18 MF, la même année. Les défaillances d’agences se multiplient ces années-là. Tridon, Vision Actuelle, Gemap… sont en règlement judiciaire. Le groupe Gamand est liquidé en même temps que son navire amiral, l’agence Prominter… De quoi accélérer les mariages de raison qui permettent d’élargir les compétences et les palettes de métiers, tout en (re)gonflant les marges brutes. D’autant que la loi Sapin est venue encore assombrir les finances des agences. Elle a pour but d’assainir les relations commerciales entre les annonceurs, les médias et leurs régies, et les intermédiaires (agences et centrales d’achat d’espace). En imposant une transparence tarifaire là où l’intermédiaire négociait allègrement avec les régies, sans toujours faire bénéficier ses clients annonceurs des ristournes obtenues. Fini donc les commissions d’agences de 15 % et les petites combines entre amis. Une révolution sur fond de couteaux tirés avec des annonceurs qui digèrent mal la sensation d’avoir été grugés durant des années. De quoi aiguillonner aussi les services achats des entreprises, qui commencent à se mêler des budgets de communication. C’est dans ce contexte que les centrales d’achat d’espace se muent en agences médias en intégrant du conseil. Une concurrence de plus pour les agences généralistes. Les groupes à la manœuvre. Bref, la restructuration avance à grands pas dans ce milieu des années 90. Et les groupes sont à la manœuvre. À l’image du réseau Publicis qui, après avoir racheté MGTB Ayer Lyon, avale Hautefeuille puis Cachemire, l’étoile montante des agences lyonnaises, avec laquelle il double de taille. Dès fin 91, deux autres belles indépendantes lyonnaises, RDB et PLM convolent en justes noces pour créer le groupe Nouveau Monde. Une entité bientôt rejointe par l’agence En novembre 1991, RDB et PLM, deux des plus grosses agences indépendantes lyonnaises, concrétisent leur rapprochement en créant Nouveau Monde. C'est un holding de contrôle des deux enseignes qui gardent néanmoins leur autonomie. Les codirigeants, Jean-Michel Daclin (DDB) et Louis Lagabbe (PLM), mettent en avant les nouvelles synergies de leurs onze entités. En 1999, l'enseigne rejoindra le réseau DDB France. Snell et Associés (Annecy). Du côté d’Havas, on continue de regrouper les nombreuses agences de l’empire en créant des enseignes qui changent au fil des ans : Eurocom Rhône-Alpes, Euroquartet… Le tout finira par accoucher d’une société unique, Euro RSCG Ensemble, vers la fin de la décennie. Le groupe McCann Erikson fait aussi son marché en région, en absorbant d’abord SP3 (Grenoble et Lyon) en 1992, puis Euro TSG quatre ans plus tard. La constitution des réseaux s’achève à la fin de la décennie, avec le passage de Nouveau Monde dans le giron de DDB France. Tandis que Jump et sa maison mère BDDP passent dans celui de TBWA. Dans les dernières années de cette décennie, les agences de communication font de timides incursions dans l’internet naissant. Cogep sera la première à s’associer avec une agence web, C2H, au sein d’une filiale commune, Cyberline. Mais les généralistes laissent largement le champ libre aux agences internet. Un retard à l’allumage qui leur évitera d’exploser en même temps que la bulle au début des années 2000. v MT Lyon de l’institut d’études Salto, par Stéphane Bauche, ex-consultant d’Ipsos. 1991 v La Cité de la Création s’exporte à Barcelone pour réaliser une fresque murale de 450 m2 en trompe l’œil. v Le groupe Carat s’installe à Lyon 1992 v Télé Lyon Métropole (TLM) ferme son bureau à Saint-Étienne. v Première campagne publicitaire de lancement du Beaujolais Nouveau. v Bonjour devient la nouvelle marque des journaux gratuits de la Comareg. Denis Troux(e), nabab de la pub lyonnaise I l est entré dans la légende des publicitaires lyonnais, pour avoir acheté et revendu deux fois (avec forts profits) la même agence. Du temps où il s’appelait encore Troux (sans « e ») • Un sacré coup de fusil pour ce Dauphinois qui rêvait d'être comédien et avait modestement débuté dans la réclame au cours des années 60, au sortir de Sup de Co Lyon. Après s’être rodé au commercial au sein d’une agence qui s’appelait Universal, il est embauché chez Euro Advertising, l’agence star de la place. Il y fera une carrière exemplaire. Il tâte de la conception-rédaction avant de s’occuper d’études de marché et d’être promu directeur du marketing, puis directeur des médias. Jusqu’en 1974, où il rachète la boîte. Il la fera prospérer. En 1981, avec 21 MF de marge brute, elle fait la course en tête, loin devant Uniconseil (10 MF), la plus grosse enseigne locale d’Havas. C’est l’époque où il la vend au groupe américain J. Walter Thomson (JWT), tout en restant président. Dans le grand Monopoly de la com’, en 1987, le groupe WPP rachète JWT. « Euro Lyon, what’s that ? » demande Martin Sorrell à Londres. L’agence est à vendre. Denis Troux et cinq autres salariés découragent habilement tous les candidats à la reprise. Désormais seuls sur les rangs ils la reprennent à bon compte, la rebaptisent Euro TSG et en refont une machine de guerre, sacrée meilleure agence en région au Topcom 93. De quoi la revendre à bon prix en 96 à McCann Erickson. Riche et rangé de la pub, Denis Troux se reconvertit en politique, comme adjoint à la culture de Lyon sous Raymond Barre. En rallongeant son patronyme, moins exposé ainsi aux jeux de mots douteux. v n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 41 1990-2000 LES faits marquants Lyon sort enfin du brouillard les faits Lyon, ville bourgeoise, froide, triste... A l’aube des années 90, les préjugés sur Lyon sont encore tenaces. Mais plusieurs événements vont permettre à la ville de sortir de sa douce torpeur. TÉLEX 1993 v Cap’Com quitte Valence pour Lyon. Et enregistre un tiers de visiteurs en moins ! v La CCI de Lyon gagne le grand prix de la presse étrangère pour ses RP, devant Total et le Club Med. v L’agence McCann crée le sac à sapin d’Handicap International pour les fêtes de fin d’année. v Sortie du « Bateau de mariage » de Jean-Pierre Ameris. C’est le 1er film entièrement made in Rhône-Alpes (réalisateur, producteurs, techniciens, décors). Une démarche qui fera évoluer la traditionnelle Fête des Lumières vers un véritable festival. Enjeu d’image. Si Michel Noir em- bellit Lyon, son successeur Raymond Barre va lui donner un rayonnement international. L’accueil du G7 (1996) puis le classement au patrimoine mondial de l’Unesco (1998), sans oublier la Coupe du monde de football, ©ESO D ès son élection en 1989, Michel Noir, le jeune maire de Lyon, veut insuffler une nouvelle dynamique à sa ville. Pour la première fois dans l’histoire municipale, il nomme un adjoint en charge du rayonnement international, du tourisme et des congrès, en la personne d’André Maréchal. Le syndicat d’initiative devient un véritable office du tourisme et des congrès, avec la volonté d’attirer des salons internationaux, grâce notamment à la nouvelle gare TGV de Saint-Exupéry (1994) et à la Cité internationale (1995). Des infrastructures signées par deux architectes réputés, l’Espagnol Santiago Calatrava et l’Italien Renzo Piano. Autre décision forte du maire de Lyon : le lancement d’un plan lumière pour mettre en valeur les sites les plus prestigieux (Hôtel-Dieu, facultés, Hôtel de Ville...). attirent des centaines de journalistes du monde entier qui (re)découvrent Lyon. Pour capitaliser sur ces événements, la ville renouvelle ses outils de communication (film de présentation, guides, plaquettes, signalétique). « Lyon va se doter d’une belle image de ville», explique en 1989 Laurence Eymieu, la dircom de Lyon. La ville bouge également sous l’influence d’une nouvelle génération de patrons (Jean-Michel Aulas, Olivier Ginon, Bruno Bonnell...) et d’événements culturels (création de la Biennale d’art contemporain et du défilé de la Biennale de la danse). Bref, les bases du renouveau lyonnais sont jetées. L’image d’une ville dynamique où il fait bon vivre se développera dans les années 2000 avec Gérard Collomb, le successeur de Raymond Barre. v TN Lancé en 1996, le défilé de la Biennale de la danse va contribuer à populariser l’événement auprès des Lyonnais. Télés locales : de l’euphorie à la désillusion les faits Le développement des réseaux câblés et l’engouement des annonceurs pour les radios locales ouvrent la voie à la télévision locale. FR3, la chaîne régionale de service public, rebaptisée France 3 en 1992, n’est bientôt plus seule sur les petits écrans. Au milieu des années 90, Rhône-Alpes compte 8 chaînes locales. P ionnière de la télévision locale en France, TLM (Télé Lyon Métropole) est lancée en 1989 par Roger Caille, Pdg de Jet Services. Aux manettes de la chaîne qui émet en hertzien depuis la Tour du Crédit Lyonnais, Jérôme Bellay, tout juste auréolé du succès de France Info qu’il a créée deux ans plus tôt. L’ambition de TLM ? Devenir le TF1 à la lyonnaise. Yves Calvi y fera ses classes, de 1990 à 1992. TLM est suivie par 8 Mont-Blanc, créée par le journaliste André Campana pour couvrir les deux Savoie. D’autres télévisions ultralocales se lancent sur le câble : ab7 dans la Loire, CTV-Cités Télévision à Lyon, Canal C à Cluses... De son côté, M6 crée des antennes à Lyon et Grenoble. Son 6 Minutes séduit chaque jour 200 000 téléspectateurs lyonnais. Pertes abyssales. Mais toutes ont un point commun : la recherche (désespérée) d’un modèle économique. TLM perd 50 MF cumulés sur 42 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 ses trois premiers exercices. Et est placée en redressement judiciaire dès 1993. 8 Mont-Blanc accuse 13 MF de pertes rien que sur l’année 1996. Les annonceurs tant espérés ne sont pas au rendez-vous, dissuadés par le coût de fabrication des spots et la faible audience. L’équipe fondatrice de 8 Mont Blanc. De plus, les réseaux câblés ne remplissent pas leurs promesses et touchent à peine 30 % de la population française. Résultat : les canaux locaux sont peu attrayants et peu regardés. À l’époque, les opérateurs locaux vivent essentiellement de subventions et de programmes sponsorisés. Tous attendent l’autorisation de la publicité de la grande distribution, qui n’interviendra que dans les années 2000. Sans avoir les effets escomptés. v CV 1990-2000 LES faits marquants TÉLEX La presse périodique lyonnaise en ébullition les faits La disparition de quotidiens (Lyon Libération, L’Humanité Rhône-Alpes, la fusion de Lyon Matin et du Progrès) crée un vide qui favorise l’émergence d’une presse locale indépendante à Lyon. S eptembre 1994 : le premier numéro de Jeudi Lyon sort dans les kiosques. Cet hebdomadaire lancé par des anciens de Libé Lyon marque le début d’une nouvelle forme de presse à Lyon, indépendante des grands groupes et au ton plus incisif. Impertinence. L’expérience Jeudi Lyon tournera court. Cet hebdo qui se voulait le city-magazine de Lyon s’arrête au bout de onze numéros, faute de lecteurs. Presque en même temps, Lyon Capitale voit le jour. Lancé en octobre 94 par la jeune équipe du mensuel culturel Côté Scène, ce tabloïd se veut plus populaire et plus mordant que Jeudi Lyon. L’hebdomadaire dirigé par Jean-Olivier Arfeuillère privilégie les sujets société et culture, tout en taquinant les élus lyonnais, en particulier Raymond Barre. Quelques mois plus tard, Lyon Mag’ est lancé par Philippe Brunet-Lecomte (ex-Lyon Figaro), avec le soutien de Roger Caille de Jet Services. Pendant un an, l’hebdomadaire se veut le 44 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 Paris Match lyonnais. Sophie Favier fait la Une du premier numéro. Un ton racoleur qui fait un flop et provoque le retrait de Roger Caille. Lyon Mag’ se relance alors en mensuel, et se démarque par son ton impertinent et ses enquêtes. Pendant une dizaine d’années, Lyon Capitale et Lyon Mag’ pimentent la vie lyonnaise. Mais l’esprit frondeur du premier disparaîtra au départ de ses fondateurs en 2007, tandis que Lyon Mag’ mourra du conflit l’opposant à Christian Latouche, le nouveau patron de Lyon Capitale. Finalement, seul Denis Lafay est toujours aux commandes d’Acteurs de l’Économie (1997). Ce magazine économique a trouvé sa place, avec des enquêtes pointues et des dossiers faisant intervenir des philosophes et des sociologues. Premiers gratuits. Le dynamisme de la presse lyonnaise touche aussi les magazines de prestige. Cote Rhône-Alpes, diri- gée par Isabelle Salomon, puis Lyon International prospèrent. Les premiers gratuits thématiques font également leur apparition à la fin des années 90. Créé à Grenoble, Le Petit Bulletin (culture) débarque à Lyon en 1997. Tandis que Bulles de Gones et Grains de Sel (loisirs pour enfants) naissent à quelques mois d’intervalle. Ce sont les prémices d’une révolution qui bouleversera le paysage de la presse lyonnaise dans les années 2000. v TN 1994 v Création du Club de la communication Rhône-Alpes par Bernard Seux, Françoise Desprez et Sophie de Rocca-Serra. v Marc André fonde l’agence de médiaplanning Marc Médias (Lyon). L’affichage change de dimension les faits Les réseaux locaux d’affichage avaient poussé comme des champignons dans la précédente décennie. En saturant le marché et en torpillant les prix. Les années 90 redistribuent les cartes au profit des majors nationaux. À l’aube des années 90, Lyon jouait les vedettes au Guiness Book de l’affichage. Avec quelque 11 000 faces, sa communauté urbaine s’affirmait comme la première place française en nombre de panneaux publicitaires par habitant. Ils avaient poussé comme des champignons dans la décennie précédente, souvent au mépris des réglementations. « Sur Lyon, plus du quart des panneaux sont illégaux », pointait en 1991, dans les colonnes d’InterMédia, Frédéric d’Assigny, directeur régional d’Avenir (Havas), le premier réseau d’affichage de l’Hexagone. À l’époque, une étude du groupe Carat recensait pas moins de 78 réseaux présents sur le Grand Lyon, 50 à Grenoble, 45 à Saint-Étienne, 40 à Valence… Concentration. Cette pléthore qui n’est pas propre à Rhône-Alpes conduisit à une saturation du marché et à une dégringolade des prix. Il en résulte un effet de ciseaux qui va entraîner le démontage de nombreux panneaux un peu partout. D’autant que des mouvements écologistes, comme l’association Paysages de France (Grenoble), commencent à presser communes et collectivités de faire le ménage. Le tout poussera naturellement à la concentration des acteurs. À l’exemple de Trans Affichage du Grenoblois Dominique Verdiel, qui avait racheté ou pris des participations dans une dizaine de sociétés rhônalpines. Mais les majors du 4x3 (Avenir, Giraudy, Dauphin) font aussi leurs courses. Et les petits indépendants ont de plus en plus de mal à exister, c’est-à-dire à être référencés auprès des agences médias. Decaux leader. Surtout, le métier s’industrialise avec les panneaux lumineux, pivotants, déroulants, et nécessite de plus en plus de capitaux. Parallèlement, Decaux grossit au fil des ans dans l’affichage commercial urbain et piétine les plates-bandes des afficheurs traditionnels avec son réseau déroulant Seniors au format proche du 4x3. À la fin des années 90, la messe est dite. Decaux a racheté Avenir et les deux autres majors sont passés sous pavillon américain : Dauphin chez Clear Channel et Giraudy chez Viacom (devenu aujourd’hui CBS Outdoor). Et ce dernier groupe prendra en 2000 le contrôle de Trans Affichage. Les derniers indépendants devront se contenter de miettes. v MT Le premier panneau déroulant installé par JCDecaux dans l'agglomération lyonnaise en 1976. n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 45 1990-2000 L'OBJET DE LA DÉCENNIE Le compact disc Le compact disc a été inventé en 1982 à Hanovre (Allemagne). Dans les années 90, il allait donner naissance à une impressionnante gamme de disques numériques destinés à stocker le son, les images ou les data. Une seule face d'enregistrement Les mélomanes furent les premiers grands utilisateurs du CD. D'abord réticents, car ils ne voulaient pas abandonner leurs collections de vinyles, ils apprécièrent rapidement la qualité du son numérique, mais aussi la petite taille du support, sa robustesse et sa facilité de transport. En plus, il était réputé inusable. Un peu déroutant : il n'avait qu'une face d'enregistrement. Une énorme quantité de données Après le succès du CD audio pour les chaînes Hi-Fi apparut le CD-Rom qui pouvait être lu par les ordinateurs. Le CD-Rom s'imposa comme le meilleur moyen de diffuser les logiciels informatiques de plus en plus lourds et qui nécessitaient auparavant tout un tas de disquettes pour leur installation. Or un seul CD-Rom pouvait stocker autant de fichiers que 460 disquettes 3,5 pouces ! Après le son, les images La révolution numérique s'amplifiera en 1995 avec l'apparition des DVD. Alors qu'un CD-Rom pouvait contenir jusqu'à 700 Mo, la capacité du DVD-Rom montait à plusieurs Go. De même que le CD audio avait rapidement tué le disque vinyle et la cassette audio, le DVD allait devenir le support rêvé pour les images et concurrencer la cassette vidéo. À la différence du CD, il pouvait être gravé sur ses deux faces. Un support d'enregistrement personnel Les diffuseurs de musique, de films et de logiciels ne purent longtemps empêcher l'arrivée du redoutable CD inscriptible. Il permettait à tout un chacun de graver ses propres disques de musique, d'images ou de data. Mais la fin des galettes de plastique est annoncée avec la généralisation des lecteurs MP3, des smartphones, des clés à mémoire flash et, désormais, le stockage « dans les nuages ». 46 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 Éric Peyre (à g.) et Hugues de Montfalcon ont créé Jet multimédia en 1989. ©Soudan 1990-2000 grands témoins Éric Peyre « Jet Multimédia rivalisait avec des acteurs comme AOL ou Wanadoo » Aujourd’hui à la tête de Digital Virgo (Lyon), Éric Peyre a été l’un des pionniers de la télématique dans les années 90 puis du web dans les années 2000 avec Jet Multimédia et France Explorer. Il a vécu les start-ups qui levaient des millions avec un simple projet puis l’éclatement de la bulle. Comment avez-vous découvert internet ? éric peyre Au début des années 90, je travaillais dans la télématique. J’ai notamment réalisé le fameux 3615 InterMédia ! En France, on était tous occupés par ce marché très porteur du Minitel puis, petit à petit, on a vu apparaître les premiers modems d’ordinateur qui permettaient d’avoir des connexions mais très, très lentes. Je regardais cette innovation avec inté- 48 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 rêt, mais aussi avec interrogation, car à l’époque, internet représentait beaucoup de dépenses et peu de recettes à la différence du Minitel qui avait un modèle économique très stable. Quel souvenir gardez-vous de vos débuts dans l’internet ? é.p. On s’est lancés dans l’aventure au milieu des années 90 en créant le fournisseur d’accès France Explorer. Nous, petits Lyonnais, nous nous battions sur ce marché contre des géants comme AOL ou Wanadoo. C’était l’effervescence ! On avait plus d’un million de clients actifs et on faisait de la pub en TV avec Yannick Noah ! À l’époque, on distribuait des kits de connexion sur CD-Rom dans les boîtes aux lettres. On avait fait presser plus de disques qu’Elton John de singles de Candle in the wind. Gilles Chappaz est l’ancien rédacteur en chef de Ski Français et de Montagnes Magazine, deux magazines édités en Rhône-Alpes comme presque tous les titres de la montagne. Ce marché a-t-il été long à se structurer ? é.p. Ce qui a surtout été long, c’est la découverte d’un business model stable même si certains n’ont pas encore trouvé le leur aujourd’hui. « La presse de montagne partait vraiment dans tous les sens » Quelle a été l’année charnière ? é.p. C’est 1999. C’était vraiment une an- née folle. Les entreprises jeunes, de 5 ou 6 ans, commençaient à se structurer et il y avait pléthore d’investisseurs. J’ai réussi à lever 1,5 million d’euros en un an et demi par exemple. Et puis il y avait les rencontres entre investisseurs et porteurs de projet : les First Tuesday. Lyon People est l’un des rares projets à avoir survécu. « L a presse de montagne apparait en Rhône-Alpes au milieu des années 70 avec Aménagement et Montagne puis Montagnes Magazine en 1978. Ces deux revues lancées par Michel Drapier, ancien commissaire général du SAM (Salon de l’aménagement de la montagne de Grenoble), sont les premières à être fabriquées en province, mais avec une diffusion nationale. Elles ont ouvert la voie à de nombreux titres. Notamment dans les années 90 où le secteur explose littéralement, dopé par un marché publicitaire en ébullition. L’apparition des nouvelles glisses et la démocratisation des sports d’hiver favorisent également la création de revues. C’est durant ces années-là que les deux principaux éditeurs grenoblois s’affrontent très durement. D’un côté, les éditions Glénat qui se diversifient dans la presse de montagne dès 1989 en rachetant Vertical puis Alpinisme et Randonnées et Ski Français. De l’autre, les Éditions Nivéales qui créent Snowsurf en 1993 puis s’emparent de Montagnes Magazine. La guerre va durer une dizaine d’années : chacun calquait sa stratégie sur l’autre. Lorsque l’un sortait un titre, son concurrent s’empressait de le contrer en éditant une revue similaire. En marge de ce combat, les Éditions Milan et le Dauphiné Libéré se lancent dans la presse de territoire avec, respectivement, Alpes Magazine et Alpes Loisirs. Ça partait vraiment dans tous Quelques mois après, la bulle éclatait... é.p. Oui... C’est l’entrée en bourse de Liberty Surf qui a sonné la fin de la récréation pour tout le monde. Le fournisseur d’accès avait été introduit sur le marché à des niveaux démesurés par rapport à sa valeur réelle. Juste après, les investisseurs ont cessé d’investir. Quels enseignements tirez-vous de l’éclatement de la bulle internet ? é.p. La bulle a appris aux fondateurs de start-up à parler d’argent. C’est-àdire qu’aujourd’hui, les entrepreneurs savent concevoir des business plans élaborés et peuvent avoir du répondant devant un investisseur qui parle de ROI. De toute façon, aujourd’hui, on peut mieux mesurer les risques financiers, car tout le monde est connecté : clients, cibles, prestataires... Vous avez racheté Jet Multimédia à SFR il y a quelques années pour 20 M€, vous ne vous arrêterez jamais d’entreprendre ? é.p. C’est dans la continuité de l’esprit de l’époque. Je pense qu’on peut encore être un start-upper à 50 ans et je pense que Digital Virgo a son rôle à jouer dans le monde du web. La clé de la réussite reste le culot. Avec un peu de culot, on peut écrire des successstories comme les réussites américaines relatées dans les journaux français. les sens. Certains titres ne feront d’ailleurs qu’une apparition éclair. Comme Snow Beat édité par Glénat ou Grand Ski que j’avais lancé. Au total, il devait y avoir une bonne quinzaine de revues qui occupaient les linéaires des kiosques en permanence. Cette euphorie est finalement retombée dans les années 2000. Je pense que toutes ces revues avaient fini par perdre du sens et pas mal de lecteurs à force de subir les pressions des annonceurs sur les tarifs, voire sur les contenus. La concurrence de la presse de montagne gratuite avec l’arrivée de Free Presse a également fragilisé le secteur en le fragmentant davantage. » v Propos recueillis par Camille Nagyos C’est quoi l’avenir de l’internet ? é.p. C’est l’internet mobile. Aujourd’hui, le temps de connexion en internet mobile est dix fois supérieur au temps de connexion sur un ordinateur en 2000. Et cette année, pour la première fois, l’internet mobile a dépassé l’internet fixe en temps de connexion. Les tablettes, les smartphones et autres TV connectées sont autant de nouveaux usages à exploiter. Il y a de quoi faire. Votre prochain défi ? é.p. Faire de Digital Virgo une société lyonnaise qui rayonne dans le monde entier. v Propos recueillis par Jérémy Chauche Le marché de la presse de la montagne explose dans les années 90 : les Éditions Milan créent Alpes Magazine, Glénat rachète Vertical et les Éditions Nivéales lancent Snowsurf. n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 49 1990-2000 grands témoins Le Stéphanois Rémi Guichard avait créé Printer à Saint-Étienne, l’une des plus grosses sociétés françaises d’édition publicitaire dans les années 90. À l’époque, il était associé à Denis Trouxe et Marc Saillard dans Euro TSG. Aujourd’hui, il est consultant pour Altavia. « Dans ces années là, le catalogue était l’un des supports roi » Pourquoi les années 90 ont-elles favorisé les éditeurs de catalogue ? Le catalogue était l’un des supports roi de ces années. Il était particulièrement utilisé par la grande distribution qui en consommait plusieurs dizaines de millions d’exemplaires par an. Il faut dire qu’à l’époque, la bataille était féroce entre les différentes enseignes dont le développement était exponentiel. L’argument numéro un pour se démarquer des autres restait sans conteste le prix. C’est pourquoi le catalogue était un levier indispensable pour les annonceurs qui multipliaient les opérations promotionnelles afin de générer du trafic dans leurs magasins. rémi guichard Comment avez-vous démarré ? r.g. À l’époque, il n’y avait pas de structure spécialisée : les catalogues étaient réalisés par les agences de communication ou par les annonceurs directement. Pour ma part, j’ai fondé 50 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 Printer au moment de l’entrée en vigueur de la loi Sapin, au début des années 90. Celle-ci remettait en cause le mode de rémunération des agences de publicité payées jusqu’alors à la commission sur l’achat d’espaces publicitaires qu’elles géraient. Résultat, les bénéfices de ma société ont chuté même si je pratiquais déjà une petite activité d’édition en m’occupant des catalogues de Géant Casino. Cette situation m’a poussé à me consacrer entièrement à l’édition. Je suis allé convaincre les supermarchés Casino qu’externaliser cette activité serait l’occasion pour eux de réaliser plusieurs millions d’euros d’économie. Ils s’appuyaient alors sur un service interne appelé bureau de dessin. Ils m’ont écouté. Y avait-il de la concurrence ? r.g. Assez peu par rapport à au- jourd’hui. Chaque société d’édition s’appuyait sur un client leader dans la grande distribution. C’est ainsi qu’Altavia s’est développée grâce à Carrefour, Graffiti Ouest grâce à Système U ou Connexion grâce à Auchan. En trois ans, Printer est ainsi passée de 10 à 50 salariés. Outre les magasins Géant Casino pour lesquels nous éditions une soixantaine de catalogues chaque année, nous avons rapidement séduit des clients comme Obi, Gamm Vert ou Jardiland. Au bout de 10 ans d’activité, la société réalisait près de 150 M€ de CA avec quelque 300 salariés répartis entre Saint-Étienne et Paris. Nous assurions à la fois la conception, la création et la mise en page des supports. Mais également la prise de vue et même la logistique qui était une activité stratégique étant donné les quantités en jeu. En 1999, j’ai finalement cédé Printer au groupe DDB qui a rebaptisé l’activité Gutenberg On Line. v ropos recueillis par Camille Nagyos Bertrand Barré a créé en 1987 à Lyon la société de design qui porte son nom. Il est aujourd’hui à la tête d’un groupe dynamique, qui emploie une quarantaine de personnes spécialisées dans le design et l’innovation. « Les entreprises prennent conscience de l’importance du design » Comment les entreprises régionales appréhendaient-elles le design dans les années 90 ? bertrand barré À l’époque, le design était réservé à quelques entreprises qui vendaient des produits grand public et qui avaient une démarche de création de valeurs. Le design était souvent externalisé en agence et il intervenait ponctuellement. La grande majorité des PME/ PMI ne l’avaient pas intégré dans leur réflexion stratégique, sauf quelques groupes comme Seb ou Salomon. Mais petit à petit, les entreprises régionales ont pris conscience de l’importance du design. Quels sont les facteurs qui ont poussé les entreprises vers le design ? b.b. D’abord la baisse d’impact de la publicité. Les dirigeants se rendent compte dans les années 90 qu’elle joue sur 3 à 4 % de l’évolution du chiffre d’affaires, pas plus. L’érosion de l’efficacité publicitaire ramène les décideurs vers l’offre elle-même, c’està-dire le produit, le contexte de vente, le pack... De plus, la crise rend plus difficile la relation entre les marques et leurs publics. Le design prend alors toute son importance, car c’est un système de conception et de création de valeur. Enfin, l’époque est marquée par la mondialisation, donc par l’explosion de la concurrence. C’est dans le langage produit que se fait désormais la différence. un exé à la place d’un dircom ! L’effet positif, c’est que l’offre des agences s’est structurée en RhôneAlpes. Il y a moins d’agences, mais elles sont plus grosses et souvent très spécialisées. Notamment en design produit, un domaine où la région est en pointe. Avec des agences comme Avant-Première, très forte dans les transports publics. Sans oublier Médiapack, qui a une vraie légitimité dans l’identité de marque, ou bien encore Damon Design. Quelles sont les conséquences de cette montée en puissance ? b.b. L’effet pervers, c’est que le design a Oui, le design a pris le pouvoir. Le marché est arrivé à maturité dans les années 2000 et il explose vraiment aujourd’hui. Toutes les agences de communication ou presque ont créé une offre design. Même Being se restructure autour du design. Et mon entreprise a des clients dans le monde entier. v Propos recueillis souvent été intégré dans les entreprises d’une mauvaise manière. En recrutant un designer, les dirigeants pensent développer un service de design. Or un designer est spécialisé dans un domaine, il ne peut pas être bon partout. C’est comme si une entreprise mettait Aujourd’hui, le design est roi ? par Thomas Nardone n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 51 1990-2000 carte blanche À… SERGE PIEDISCALZI 52 I InterMedia InterMédia Magazine I n° 1171 I 27 20 juin 2012 CR : Serge Piediscalzi (Indiana) DA : Franck Pérez 1990-2000 les tops de quelques réussites qui ont marqué l’univers +++ deSélection la communication dans les années 90. Glénat s’impose comme un grand de la BD L’éditeur grenoblois devient l’une des quatre principales maisons d’édition de bandes dessinées francophones. Son coup de génie : avoir misé avant tout le monde sur les mangas qu’il importe du Japon et adapte au public français. En 1995, l’activité représente déjà un tiers de son CA. Son patron visionnaire, Jacques Glénat, n’hésite pas à se rendre régulièrement au pays du soleil levant pour observer le développement de ce marché. Il revient en France avec Akira puis DragonBall, une BD destinées aux 10-12 ans qui paraît tous les mois. Après une période de diversification dans les métiers connexes, il fait finalement le choix de se recentrer sur le métier d’éditeur en abandonnant la photogravure, l’imprimerie et la librairie. A l’époque, Jacques Glénat ne veut également pas entendre parler du multimédia. Fervent défenseur du papier, il préfère vendre des licences plutôt que de se perdre dans la production de films, d’émissions de télévision ou de disques. v +++ GL Events prospère dans l’événementiel 360° 1996 v Liquidation 1997 v Création C’est dans les années 90 que l’entreprise d’Olivier Ginon développe la stratégie qui fera son succès actuel : l’intégration des trois métiers de l’événementiel (prestataire de services, gestionnaire de sites et organisateur de salons). En 1989, Polygone, la société qu’il a créée avec trois associés, est déjà le n°1 français de l’installation générale. Elle se diversifie dans la location de mobilier, d’accessoires et de revêtements de salons en prenant le contrôle de Cré-Rossi. L’ensemble fusionne sous l’enseigne Générale Location, qui va alors renforcer son offre globale, souvent à travers des croissances externes : conception de stands de prestige, signalétique, agencement commercial, hôtesses d’accueil... Générale Location commence aussi à s’impliquer dans l’organisation de grands événements internationaux (G7 à Lyon, Coupe du monde de football, Festival de Cannes...). Et en 1997, l’entreprise met un pied à l’étranger (Dubaï). Finalement rebaptisée GL Events, cette entreprise-phare de Lyon a poursuivi son ascension. En 2011, le groupe a réalisé un CA de 783 M€ (dont 46 % à l’international), avec 3 500 salariés. v Candia boit du petit lait aux JO Partenaire des JO d’Albertville en 1992, la marque du groupe coopératif laitier Sodiaal joue le décalage. Quatre affiches, réalisées par l’agence parisienne Le Bélier, montrent des enfants exerçant une discipline sportive imaginaire ou détournée comme une course de cha- 54 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 S’Printer (SaintÉtienne) à Euro T&G. La centrale d’édition deviendra Gutenberg on line. de l’agence de presse lyonnaise JAM. +++ Pour la première fois en 1992, Candia devient partenaire d'un événement sportif : les JO d'Albertville. 1995 v DDB rachète ©ESO +++ TÉLEX meau ou une course de bobsleigh avec une luge en bois. « C’était une première pour la marque de parler du lait de cette manière », se souvient le Lyonnais Jacques Caillaud, directeur de la communication de Candia à l’époque. Le slogan : « Candia, fournisseur officiel de champions » mettant en scène les enfants, fera le tour de France grâce à la télévision. Quatre spots sont en effet diffusés durant les deux années précédant l’événement. C’est aussi la première fois que la marque associe son image à un événement sportif. Et pas des moindres. Candia se retrouve ainsi aux côtés de Renault, de la SNCF, de France Telecom ou de Thomson dans le prestigieux Club Coubertin. « En y allant, nous avons fait preuve d’un certain culot, reconnaît Jacques Caillaud. Je ne suis pas sûr que cela serait encore possible aujourd’hui. » v de la société événementielle Occade (Lyon) par Gilles Moretton et Pascal Blache v Première française en décembre à Annecy : le cable donne accès à la TV, au téléphone et à internet. +++ Kouro Sivo invente la carte-cadeau haut de gamme En 1990, l'agence de publicité Kouro Sivo marche bien. Philippe Florentin et son équipe lancent alors un produit qui va faire fureur dans les grandes sociétés : la carte Kouro. Livrée dans un coffret luxueux offert aux gros clients ou aux collaborateurs méritants, elle donne droit à un repas dans les restaurants réputés. Bocuse est le premier à l'accepter. Pendant plus de dix ans, Kouro Sivo restera seul sur ce marché. Un vrai pactole pour l'agence qui en profite pour développer un groupe de communication prospère dans le Beaujolais. Dans les années 2000, le concept commence à être copié par les cartes-cadeaux grand public comme Kadéos. Philippe Florentin regarde déjà ailleurs. Il vend Kouro Sivo à Initiatives & Développements. Devenue Loyaltouch, l'agence périclite et disparaît en 2010. v 1990-2000 les flops départ, l’avenir s’annonçait rose. Et puis les affaires ont fini par mal - - - Autourner. Retour sur quelques bides retentissants. ©ESO ––– Dauphiné News envoie Carignon en prison ––– L'ancien siège d'Infogrames à Vaise Game over pour la cité du jeu vidéo En 2000, Lyon se rêvait en capitale mondiale du jeu vidéo. Sous la houlette de Bruno Bonnell, le charismatique patron d’Infogrames, un parc entièrement consacré à l’univers des jeux vidéo devait voir le jour à Vaise. Baptisé le Game Village, il aurait accueilli un musée sur l’histoire des jeux interactifs, mais aussi un espace découverte et pédagogique réservé aux annonceurs et un espace services où le public aurait retrouvé des salles de jeu, des magasins, des restaurants... Une dizaine d’entreprises avait même rejoint Infogrames dans cette aventure, dont Canal+ multimédia, l’Ina, la Cité de la Villette ou le CNC. Mais l’éclatement de la bulle internet aura raison du Game Village. Seule Infogrames s’installera finalement à Vaise en 2001, avec une poignée de studios dans son sillage. v En 1994, Alain Carignon est l’une des étoiles montante de la droite : ministre de la Communication, maire de Grenoble et président du conseil général de l’Isère... Mais son ascension est stoppée net par l’affaire du Dauphiné News. Ce mensuel économique, officiellement indépendant du maire de Grenoble, a été lancé quelques mois avant les élections municipales de 1989. Son petit frère, le bihebdomadaire News, est lui distribué gratuitement dans les boîtes aux lettres des Grenoblois. Il vante le dynamisme de la ville, et par ricochet, celui d’Alain Carignon. Dès que ce dernier est réélu en mars 1989, Dauphiné News et News cessent leur parution. À la clef, un déficit de 10 millions de F (1,5 M€). La Lyonnaise des Eaux entre alors au capital de cette entreprise de presse sans activité, et éponge une partie de la dette. En contrepartie, elle obtient le marché de la gestion de l’eau à Grenoble, tout juste privatisée. Lorsque le scandale éclate en 1994, Alain Carignon démissionne du gouvernement. En juillet 1996, il est condamné par la cour d’appel de Lyon à cinq ans de prison et d’inéligibilité, pour corruption, abus de biens sociaux et subornation de témoins. v TÉLEX 1998 v France Rail pique la régie d’affichage du Sytral à France Bus. v Générale Location s’introduit en bourse. 1999 v Folimage crée une école de films d’animation à Valence. v Le bijoutier lyonnais Jean Delatour sponsorise une équipe cycliste. v Dominique Megard devient déléguée générale de Cap’Com. v Première édition lyonnaise du Routard. ––– ––– Lyon Libération jette l’éponge FIP raccroche à Lyon Septembre 1989 : le Lyonnais Robert Marmoz devient le troisième rédacteur en chef de Lyon Libération en... 3 ans. Il succède au Parisien Michel Lépinay reparti à Paris diriger le service économique de Libé. Après les avatars du lancement du quotidien lyonnais (sa diffusion avoisine 10 000 ex., moitié moins que son objectif initial), le nouveau pilote se montre confiant. « Le titre s’est installé dans la ville, on ne peut plus douter de sa pérennité », assure-t-il dans les colonnes d’InterMédia. Mais l’équilibre financier espéré n’est pas au rendez-vous. L’arrivée de nouveaux actionnaires et le lancement d’un supplément économique ne changeront rien. Entre crise de management local et divergences avec la maison mère, Robert Marmoz démissionne à l’été 91. Le retour de Michel Lépinay, qui lance de nouveaux suppléments, retardera l’échéance fatale. Mais après l’échec d’une nouvelle augmentation de capital, Paris débranche sa filiale en décembre 1992. Le titre employait une trentaine de personnes. v Certains automobilistes lyonnais ont encore la nostalgie de la voix suave de Kriss et des autres animatrices de la station, détaillant sur un ton faussement compatissant les kilomètres de bouchons qui les bloquent sur le « boulevard de ceinture ». Lancé en 1971 à Paris par le groupe Radio France, France Inter Paris avait essaimé dès 1972 à Lyon et d’autres villes. C’était la première radio musicale. Avec un univers sonore discret, mêlant jazz, blues, musique classique légère, musique de films ou populaire. Le concept aura pourtant du mal à trouver un public en dehors de la capitale. Fin 1999, le groupe lance un vaste plan de réattribution des fréquences disponibles entre ses radios locales (France Bleu, Fip, Le Mouv’…). Fip Lyon, dont l’audience stagne autour de 1 %, passera à la trappe au profit du Mouv’, dont l’audience restera aussi modeste. Mais les nostalgiques de Fip peuvent toujours l’écouter sur www.fipradio.fr. v 56 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 Pour son premier anniversaire, Lyon Libération s'est offert une campagne réalisée par Georges Chapuis. web Les années « L e Roi est mort ? Vive le Roi ! » Après le décès d’internet, 1re victime de l’éclatement de la bulle en 2001, il n’y a pas eu de vacance de pouvoir non plus. Son successeur, internet 2.0 a prospéré assez vite sur les décombres, inaugurant une formidable ère de croissance numérique. Ce krach des NTIC, qui avait quand même volatilisé près de 150 milliards de dollars de capitalisation boursière sur le Nasdaq, aura eu un effet Big Bang, constitutif d’un nouvel univers qui se digitalise inexorablement au rythme d’une incessante révolution technologique. La course au 360°. Internet a eu pour premier effet d’accélérer la course à l’offre 360°. Face aux agences web rescapées qui reprenaient des couleurs, les généralistes ont commencé à s’équiper sérieusement en compétences web, à partir du milieu de la décennie. Le second effet a été de bouleverser les rapports entre marques et consommateurs. Ces derniers prennent le pouvoir. Ils dialoguent avec les marques, mais aussi entre eux via les forums, les blogs et les réseaux sociaux. Des internautes de plus en plus connectés (notamment grâce à leurs téléphones portables), de plus en plus avertis, et de plus en plus réactifs. Un contre-pouvoir avec lequel doivent désormais composer les annonceurs. Leurs sites deviennent interactifs et leur communication se dope au crossmédia pour générer des écosystèmes de communication (positive) autour de leurs marques. Et le marketing use désormais largement du smartphone comme outil de promotion et de fidélisation des consommateurs, grâce à la géolocalisation. Des annonceurs de plus en plus soucieux aussi de leurs responsabilités sociétales et environnementales. Les préoccupations de développement durable et de bilans carbone convenables ont pris le pas sur le greenwashing. 58 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 20 2 La vague numérique a gagné largement l’univers des médias. Comme la publicité extérieure par exemple. Le réseau U snap de JCDecaux peut rendre les affiches aussi vivantes qu’un site internet, grâce une technologie du genre flashcode. Les panneaux d’affichage interactifs permettent d’accéder à une promotion, un jeu-concours... Le choc des gratuits. Pour la presse écrite, le grand bouleversement aura été celui de la presse gratuite. Les quotidiens régionaux, déjà bousculés par la concurrence d’internet (notamment sur la publicité), ont vu fondre sur leurs terres des quotidiens gratuits. Lyon en héberge trois : Métro, 20 Minutes et Lyon Plus, le titre lancé en riposte par le groupe Progrès. Cette offensive (des gratuits) s’est poursuivie sur la presse périodique avec une inflation de titres dans les loisirs, la culture, la mode ou la décoration, terrains de chasse privilégiés de nombreuses publications « ramasse-pubs ». La PQR s’est bien sûr largement mise à l’internet, mais si ses sites connaissent des succès de fréquentation, les recettes publicitaires tardent à suivre. Sur le front de la presse payante, il convient de saluer l’offensive victorieuse de l’imprimeur varois Riccobono, qui après Le Tout Lyon (et ses filiales) a fini par mettre la main sur le groupe rival Les Affiches Lyonnaises et devenir le nº 1 des journaux d’annonces légales en Rhône-Alpes. Un secteur encore préservé de la razzia du web. Ce n’est pas le cas des petites annonces. Internet a ainsi scellé le destin de la Comareg, l’ex-empire des journaux d’annonces de Paul Dini, qui n’a pas su négocier son virage sur le web avec son dernier propriétaire, Hersant Média. Ce groupe de presse en difficulté a lâché aussi Télé Grenoble tandis que Le Progrès se séparait de sa chaîne TLM. Là aussi, les décennies se suivent et se ressemblent pour ces chaînes locales toujours en quête d’équilibre. v MT 0 00 1 2000-2010 LES faits marquants L’irrésistible poussée d’internet L’éclatement de la bulle au début des années 2000 n’aura été qu’une simple crise de croissance. Sans attendre, internet a repris son irrésistible ascension. Et s’impose comme la révolution industrielle et culturelle du XXIe siècle. Elle irrigue tous les secteurs de l’économie, en particulier celui de la communication. M ême si le Minitel et France Telecom avaient freiné le développement de l’internet dans l’Hexagone, les années 90 s’achevaient dans la fièvre des NTIC. Ce nouvel Eldorado allait rapporter gros. L’indice des valeurs technologiques du Nasdaq venait de quintupler en 5 ans. Les fonds de pension regorgeaient de liquidités (l’argent des retraites des futurs baby-boomers), le crédit était bon marché et le secteur des télécoms en pleine dérégulation mondiale... La fête tourne court. Dans ce contexte proliférait une myriade de start-ups, micro-entreprises spéculant sur le boom des NTIC et du commerce électronique. En faisant briller les yeux des investisseurs. « C’était l’époque des fameuses soirées du jeudi, où se rencontraient porteurs de projets et business angels », racontera plus tard dans InterMédia Frédéric Gander Jouniaux, patron de l’Agence Interactive, née en 2000 à Lyon. L’argent coule à flot. Et les start-ups régionales font bombance. Scripto (Lyon) lève 40 MF (la plus impor- tante levée de fonds jamais réalisée dans l’internet français pour un premier tour) pour développer une place de marché industrielle. Asterop (Grenoble) récolte 15 MF pour un site de géomarketing, Compilo (Lyon) autant pour un site d’infos géographiques tout comme Swap (Lyon) pour des services internet... C’est l’époque où WebCity du Lyonnais Alexandre Dreyfus rêve de devenir « un site paneuropéen d’informations de proximité » et multiplie les ouvertures de bureaux dans les grandes villes. Lyon brille au firma- Ces pionniers du web qui ont tiré profit de l’éclatement de la bulle David Faure Depuis 1997, il dirige Visual Link, l’une des plus belles agences web de la région. CA 11 : 5,7 M€ - 50 salariés. Il s’est diversifié dans le corporate (Kælia) et le marketing opérationnel (Taxi Brousse). Nicolas Claraz CyberCité, l’agence qu’il a fondée à Lyon avec Jean-François Longy, est devenue l’un des acteurs majeurs du référencement en France. CA 11 : 9 M€ - 85 salariés. 60 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 Laurent Constantin Anthony Bleton Acti, l’agence digitale qu’il a créée à Lyon en 1998, compte de solides références régionales : Seb, Cegid, EM Lyon... CA 11 : 2,1 M€ - 35 salariés. Sous la houlette de son patron, Novius, qui était à l’origine spécialisée dans l’édition de logiciels, est devenue une véritable web-agence. CA 10 : 1,8 M€ - 35 salariés. David Degrelle Créée en 1999 au Bourget-duLac, 1ère Position est spécialisée dans le marketing digital et le référencement. CA 10 : 2,9 M€ - 27 salariés. TÉLEX 2000 v Bonjour ment des agences web tricolores avec Eurasset qui pèse plus de 70 MF de CA avec près de 400 salariés. En 2001, elle convolera avec la parisienne Himalaya. Mais la fête est déjà finie. La nouvelle économie a implosé outre-Atlantique. Près de 150 milliards de dollars de capitalisation boursière se sont volatilisés sur le Nasdaq, les faillites se multiplient et le tsunami gagne nos côtes. Clap de fin pour WebCity qui perdait 12 MF pour 1 seul MF de CA en 1999. Idem pour Himalaya torpillée par des pertes abyssales, pour Groupe E, une autre belle agence web lyonnaise, et pour une kyrielle d’acteurs régionaux. Big bang. Comme dans la fable des animaux malades de la peste, « ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés. » Les survivants ? Ceux qui n’étaient pas plombés par des structures surdimensionnées, à l’instar des Novius, Acti, Visual Link, Première Position, CyberCité, Eolas ou Agence Interactive, qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé internet. « L’aprèsbulle a été très bénéfique, estime Frédéric Gander Jouniaux, car tous ceux qui ont rebondi ont compris qu’il fallait investir dans la technologie. » L’éclatement de la bulle, in fine, aura été le big bang constitutif d’un nouvel univers. Un nouveau monde qui se digitalise de plus en plus au fil des ans, au rythme d’une incessante révolution technologique. Frédéric Dulac Créée en 1991, Eolas est spécialisée en hébergement, développement et web marketing. L’agence grenobloise est très présente auprès des collectivités. CA 11 : 9,2 M€ - 115 salariés. (la marque des journaux gratuits de la Comareg) investit 45 MF pour sponsoriser une équipe cycliste. Henri Kaufman « Il a fallu 13 ans pour que la télévision atteigne 50 millions d'utilisateurs dans le monde, mais seulement 4 ans pour qu’internet affiche le même nombre d’internautes. » Sur les décombres se sont rebâtis des petits groupes. Ainsi, Visual Link, qui a repris des mini-agences comme Zaw et Nemo à Lyon, ou GLC Web Design à Grenoble, puis s’est installé aussi à Paris pour décrocher des budgets prestigieux comme Boucheron, Christofle ou Generali. D’autres ont prospéré en croissance interne, à l’image de CyberCité (Lyon) qui s’est implanté à Paris, Lille, Nantes et Chambéry, pour devenir l’un des acteurs majeurs du référencement. Avec beaucoup de retard à l’allumage (ce qui leur a évité quand même bien des déboires lors du krach), les agences généralistes ont investi à leur tour, portées par la certitude que celles qui ne seront pas génétiquement digitales risquent demain d’être rayées de la carte. Et les groupes de communication, comme Publicis, ont fait main basse sur la plupart des pure players du marché. C’est la conséquence de la nouvelle donne 360°, puisque le web est aujourd’hui au cœur de la communication. Dans son livre « Internet a tout changé » (Éditions Kawa), Henri Frédéric Gander Jouniaux Agence Interactive, qu'il a créée en 2000, s’est imposée comme l’un des leaders du e-tourisme institutionnel en France. CA 11 : 2 M€ - 30 salariés. 2001 v Jean-Michel Kaufman, marketeur iconoclaste et blogueur renommé, explique comment le web a accéléré le temps. « Il a fallu 38 ans pour que la radio atteigne 50 millions d’utilisateurs dans le monde, à peine 13 ans pour que la télévision en fasse autant, mais seulement 4 ans pour qu’internet affiche le même nombre d’internautes », rappelait-il dans le spécial InterMédia sur le marketing digital, dont il était le « Grand témoin ». Quant à Facebook, lancé en 2004, il a désormais franchi le cap des 700 millions d’utilisateurs ! Ce réseau est le symbole d’un internet qui a bouleversé les rapports entre marques et consommateurs. L’internaute communique avec ses amis, critique ou loue les marques sur les forums et les réseaux. Il est aussi devenu « accro » au e-commerce, désormais sur orbite. Smarphone à tout faire. Des rapports bouleversés également par de nouveaux outils numériques comme le smartphone. Car, avec lui, l’internaute dispose désormais en poche d’un ordinateur qui téléphone. Et qui devient l’un des nouveaux outils privilégiés des marketeurs en matière de promotion et de fidélisation, grâce à la géolocalisation. Agences et annonceurs se dopent désormais au cross-média pour créer des écosystèmes de communication autour des marques. Au-delà des traditionnels achats d’espace, il s’agit de booster les médias propres de la marque (magasins, packagings, newsletters, site web...) et de transformer les consommateurs connectés en médias viraux. Internet a profondément transformé la presse et s’apprête à révolutionner le petit écran avec la télévision connectée. Le numérique gagne aussi l’affichage. Et les nouveaux objets communicants comme les flashcodes et les codes-barres deviennent sources d’informations pour les consommateurs, toujours grâce au téléphone mobile, qui se transforme aussi en moyen de paiement. Comment pouvait-on vivre avant son invention ? v MT Daclin quitte la direction de Nouveau Monde DDB pour se consacrer à la politique. 2002 v Lyon Mag' et Lyon Poche entrent au marché libre de la bourse. v Yann Arthus Bertrand expose sa « Terre vue du ciel » à Lyon sur les grilles de l’hôtel du département. v Saint-Étienne lance sa Biennale du design. v Échec du lancement du quotidien Metro Lyon par le groupe Lyon Poche. n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 61 2000-2010 LES faits marquants Les réseaux d’agences se reformatent les faits Les restructurations organisées sous la houlette des grands réseaux dans les années 90 se sont accélérées dans ce changement de siècle, entre crises à répétitions et course générale au nouveau business-model 360°. J TÉLEX 2003 v La Comareg vend Delta Diffusion à Médiapost . v Christian Jamond rachète l’agence Hautefeuille à Publicis. usqu’alors, le modèle de l’agence était surtout régional, assez indépendant et son action limitée à un territoire. Sauf Jump, devenue l’enseigne middle market de TBWA en France. Un modèle que vont adopter Havas et Publicis pour leurs réseaux de province, en fusionnant toutes leurs filiales en une entité unique, sous les marques Euro RSCG 360 et Publicis Activ. Une fusion génératrice de belles économies de gestion quand Publicis, par exemple, devait consolider chaque année les comptes d’une bonne quinzaine de filiales et bureaux implantés un peu partout dans l’Hexagone. Jump là aussi avait ouvert la voie au début des années 2000, pour freiner (sinon éviter) la concurrence de ses différents métiers (publicité marketing, design...) auprès de ses clients. Ces fusions s’accompagnent également d’une mobilité des troupes. Dans la course au nouveau modèle 360°, personne n’a les moyens de mettre des spécialistes de tout partout. D’autant moins que dans les 2004 v Dassault rachète la Socpresse qui contrôle Le Progrès et Le Dauphiné Libéré. 2005 v Lancement de la chaîne OL TV. v Liquidation de l’agence Polytems, ex-star de la de communication financière. v Sup de Pub s’installe à Lyon. Trois des quatre grands réseaux de Rhône-Alpes ont changé de dirigeants depuis 2010 (de g. à d.) : Christophe Fillatre (Publicis), David Mingeon (Euro RSCG) et Bruno Tallent (Being). Seul Franck Solomiac est aux commandes de DDB depuis plus de dix ans. nouveaux métiers du web, les compétences sont rares, donc chères. Les agences sont donc invitées à puiser dans les ressources de leurs nouveaux réseaux. BleuVert devient ainsi l’enseigne de marketing opérationnel du réseau Publicis Activ. Euro RSCG 360 pour sa part renforce les spécialités de ses différentes implantations : les budgets de la distribution sont traités à Lille ou à Lyon, l’édition à Reims, et Rennes offre une task force digitale à l’ensemble du réseau. Les crises (bulle internet, subprimes...) poussent aussi aux fermetures. Nouveau Monde DDB et Euro RSCG se sont retirés d’Annecy, Publicis et Euro RSCG de Clermont-Ferrand. Quant à McCann Erikson, qui rêvait de devenir la première agence rhônalpine, au temps où elle avait racheté SP3 et Euro TSG, elle a fini, après Grenoble, par mettre aussi la clé sous la porte à Lyon. Jump, enfin, a été fusionnée avec d’autres agences du groupe TBWA et rebaptisée Being, en perdant la large autonomie qu’avait su préserver son dirigeant fondateur lyonnais. Seul Nouveau Monde DDB a échappé encore aux remodelages jacobins, mais la fermeture d’Annecy lui a quand même coûté la moitié de son business. v MT Les annonceurs apprennent à communiquer sur le développement durable les faits Le développement durable est une préoccupation assez récente dans les entreprises. Et c’est bien souvent sous la contrainte que les annonceurs régionaux se sont mis à communiquer sur leur responsabilité sociétale. U n monde plus vert, plus propre, plus respectueux... Toutes les marques communiquent aujourd’hui sur ces valeurs. Pourtant, il y a dix ans à peine, les annonceurs étaient bien loin de ces préoccupations. Ce n’est qu’en 2001 que la loi NRE oblige les entreprises cotées à publier des données environnementales et sociales dans leur rapport annuel. Et encore, seuls les groupes du CAC 40 sont concernés... Il faut attendre 2007 et le Grenelle de l’Environnement pour que la grande majorité des PME régionales se mettent au vert. « Il y a eu une vraie prise de conscience des dirigeants sous la pression des consommateurs et des donneurs d’ordre, publics ou privés, 62 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 qui ont imposé des critères environnementaux dans leurs appels d’offres », explique Régis Chomel de Varagnes, gérant d’Oraveo. « La mise en œuvre d’une véritable stratégie de RSE dépend souvent des convictions profondes des dirigeants. Elle est souvent liée au côté humaniste du patron, à l’image de Franck Riboud de Danone », tempère Thierry Tunesi, fondateur d’Empreinte Conseil. Greenwashing à gogo. Reste que la communication environnementale s’apparente souvent à du greenwashing : mots flous, images suggestives, slogans abusifs... Quelques campagnes ont même été retoquées par l’ARPP (ex-BVP), notamment Areva avec « L’énergie au sens propre ». L’avènement des réseaux sociaux a permis d’endiguer quelque peu ce « blanchiment vert ». Car un bad buzz peut gravement nuire à une marque. « Le problème, c’est que communiquer sur sa RSE va à l’encontre des réflexes classiques des publicitaires. On n’est pas là pour raconter une belle histoire, mais pour reconnaître qu’on n’est pas parfait et qu’on est sur la voie du progrès. Il faut être transparent, sincère et humble», souligne Régis Chomel de Varagnes. Le vrai changement pour les communicants ? Apprendre à faire d’abord, et dire après. En Rhône-Alpes, les bons élèves de la RSE ne sont pas ceux qui communiquent le plus à son sujet. Par exemple, Distriborg, Seb, Petzl ou Adecco sont en pointe sur la RSE sans pour autant organiser un barnum médiatique autour de leur politique. v TN 2000-2010 LES faits marquants TÉLEX Des campagnes publicitaires plus audacieuses les faits Après la grisaille des années 90, la publicité retrouve quelques couleurs. Agences et annonceurs se lâchent un peu, au moins jusqu’à la nouvelle crise des subprimes. L es années 80 avaient fait preuve d’audace créatrice. À l’exemple de Jump clouant le bec de Bernard Tapie pour l’introduction en Bourse de son holding (voir p. 35). Puis, les crises de la décennie suivante avaient bridé la machine à rêves. Mais elle s’est un peu réveillée avec le nouveau siècle. « Avec le passage réussi de l’an 2000 — l’humanité avait échappé à la fin du monde et au gigabug informatique —, on a senti que le moral s’améliorait », s’amuse Christian Jamond, président de l’agence Hautefeuille. C’est l’époque où Jump, pour lancer la nouvelle crème du groupe Candia, affiche en 4x3 le tablier de Babette où était inscrit : « je la lie, je la fouette et parfois, elle passe à la casserole ». La campagne déclenche une formidable bronca des féministes pendant un an ! « Cela nous a fait une pub fantastique et imposé Babette comme marque leader », raconte Jacques Caillaud, alors dircom de Candia. Audace aussi remarquée chez Rossignol en 2002. Pour le lancement de Soft, sa nouvelle « chaussure de ski 64 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 qui ne fait pas mal », l’équipementier s’offre un spot TV d’inspiration sadomasochiste avec le concours de DDB-Louis XIV. Et en 2004, le dircom de Kookaï prend tous les risques en choisissant DDB Nouveau Monde. L’agence lyonnaise a imaginé un monde sans filles où des hommes portent les vêtements de leur femme. Choc garanti en 4x3. La campagne marchera bien, mais un changement de propriétaire de la marque mettra fin à la nouvelle saga. Publicis Cachemire s’illustre en faisant rhabiller Rocco Siffredi, la star du X, par Olly Gan. Audaces encore avec les strings d’Astro du groupe Vanity Fair (Grenoble) et ceux de la marque Remember de Lejaby (Lyon), surfant sur la vague du porno chic. Humour et décalage reboostent aussi la créativité. Chez Thalys, un requin fait la queue pour acheter un billet de train (Jump). Chez Courtepaille, un couple fait la connaissance de ses... voisins d’immeuble (Hautefeuille). Chez Joupi, un bébé dans son berceau jette un jouet inapproprié à la tête de sa mamie (Euro RSCG 360). Et Lyon pose un hippopotame sur un passage piéton pour dénoncer le stationnement sauvage (McCann). Depuis 3 ans, les annonceurs sont redevenus plus frileux. Sauf s’ils arrivent à concilier création et low-cost. Comme la campagne Athéna d’Euro RSCG 360 où trois garçons montrent leurs culs (ornés de magnifiques shorts boxers) à la crise ! Une création qui coûtait seulement 10 Ke. v MT En 2004, Kookaï imagine un monde sans fille avec DDB Nouveau Monde. 2006 v Le Progrès et Le Dauphiné Libéré passent dans le giron de L’Est Républicain. v Lancement en région du Journal des Entreprises par Le Télégramme de Brest. Rhône-Alpes s’impose dans les industries de l’image les faits Avec quatre clusters, Rhône-Alpes est devenue en dix ans la deuxième région de France pour les industries de l’image. Le secteur emploie 13 000 personnes et regroupe 650 entreprises. R hône-Alpes s’est d’abord imposée dans les jeux vidéo au début des années 2000. En tête de file : Infogrames devenu Atari en 2003. Il faut dire que son patron Bruno Bonnell est très médiatique et assure quasiment à lui seul la promotion du jeu vidéo. Et la filière se porte bien. RhôneAlpes accueille des éditeurs (Electronic Arts, Namco Bandai...) et des studios de développement (Ubisoft, Arkane Studio, Étranges Libellules...). Mais la concurrence internationale et notamment nord-américaine réduit le marché. Les acteurs sont obligés de se reconvertir dans d’autres activités et participent ainsi au développement de l’image en Rhône-Alpes. mouvement qui voit le jour. Au total, la filière regroupe une quinzaine de studios comme TeamTO (26) ou Caribara (74). Et est rythmée par plusieurs événements d’envergure nationale et internationale dont Le Cartoon Movie, qui se tient chaque année à Lyon, et le Festival international du film d’animation d’Annecy. Cinéma. L’animation est aussi com- plémentaire de l'activité cinéma, autre point fort de Rhône-Alpes. Les équipements sont nombreux : le Studio 24 est devenu le Pôle Pixel et regroupe des studios de tournage et des pro- fessionnels du son et de l’image à Villeurbanne. Les porteurs de projets sont soutenus par les financements de Rhône-Alpes Cinéma, qui concernent 10 à 15 films par an. Quant aux spécialistes du documentaire, ils disposent d’un pôle dédié en Ardèche à Lussas, avec son propre festival et ses formations. Jeu en ligne. Mais les années 2010 ont vu naître un nouveau marché : le jeu vidéo en ligne. Ce domaine prend son essor avec la démocratisation des supports mobiles (tablettes, smartphones) et des réseaux sociaux. Il compte déjà de grands acteurs comme les Coréens de Gravity Europe, qui disposent d’une antenne à Villeurbanne. Un retour aux sources ? v CV La Cartoucherie, à Bourg-lès-Valence accueille 11 entreprises dédiées à l'image. Parmi elles, le studio Folimage qui est à l'origine de longs métrages à succès comme Une vie de chat. Animation. Certains se concentrent © Thomas Landais sur l’animation. Le secteur n’est pourtant pas nouveau puisqu’il est porté depuis les années 80 par les Drômois de Folimage. Mais il s’étend dans les années 2000 avec l’ouverture de La Cartoucherie, un pôle d’excellence dédié à l’image animée à Valence. À Annecy, c’est la Cité de l’image en n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 65 2000-2010 l'objet de la décennie L'iPhone Lancé en juin 2007, l'iPhone a révolutionné le marché du téléphone portable. Mais justement, ce n'est pas qu'un téléphone. Un couteau suisse digital Un ordinateur de poche Apple avait lancé le premier assistant personnel à écran tactile sans clavier en 1993. Ce fut un échec. En 2008, la firme à la pomme revient à la charge avec l'iPhone. Les progrès de la miniaturisation permettent, désormais, de tout faire tenir dans un boîtier plus petit qu'une carte de tarot. Ordinateur certes, mais aussi baladeur reprenant les principes de l'iPod et téléphone comme le confirme cette petite fente qui est l'écouteur du combiné. Mais l'iPhone a tellement de fonctions qu'il est devenu l'objet à tout faire de l'homme moderne : appareil photo, caméra vidéo, montre, réveil, terminal internet, radio, téléviseur, lecteur de livres numérique, console de jeu, dictaphone, GPS, guide touristique, calculette... Un supermarché multimédia Un écran tactile Les constructeurs d'ordinateurs de bureau n'ont jamais réussi à imposer les écrans tactiles : pas facile de travailler à main levée. Tout change avec les appareils qu'on utilise horizontalement. L'iPhone a vraiment ouvert la voie avec son interface multi-touch qu'on manie avec un doigt. Du coup l'appareil dispose d'un bouton de marche/arrêt au sommet et d'un bouton à tout faire sous l'écran. Et c'est tout. Les utilisations de l'iPhone semblent infinies grâce à une bibliothèque de logiciels qui se développe sans cesse. Le nombre d'applications lancées depuis 2008 s'établissait, en avril 2012, à 600 000. Les utilisateurs en ont téléchargé 30 milliards, gratuites ou payantes. Entre ces logiciels, la musique et les vidéos, l'iPhone est devenu le caddie du plus vaste supermarché de fichiers multimédias au monde. Un son superbe À la base, deux petits haut-parleurs pas plus gros qu'un grain de réglisse Zan, délivrent un son puissant. Avec un casque audio, la qualité est parfaite. Grâce à la technologie Bluetooth, on peut même diffuser sa musique dans les différentes pièces de la maison. Il y a suffisamment de mémoire pour transporter avec soi toute sa discothèque. 66 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 2000-2010 grands témoins Jacques Chirat « Le numérique est la révolution des années 2000 » Jacques Chirat dirige l’imprimerie Chirat depuis 1990. Fondée il y a un siècle, cette entreprise familiale a évolué au rythme des innovations et regroupe aujourd’hui 250 collaborateurs à Saint-Just-la-Pendue (42). Le numérique a vraiment transformé les industries graphiques ? jacques chirat L’arrivée du numérique est sans doute l’événement le plus marquant de la décennie. On a vu apparaître les premiers copieurs couleur au début des années 2000. La qualité et la vitesse se sont progressivement améliorées. Les imprimeurs de proximité, qui proposaient de petites quantités, se sont vite équipés. Mais l’imprimerie numérique permet aussi de vendre de nouveaux services et notamment la personnalisation des documents. 68 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 Quelles furent les conséquences pour les imprimeurs traditionnels ? j.c. Le prix de l’immobilier et l’augmentation de la taille des machines ont obligé les imprimeurs offset à s’éloigner des centres-villes pour privilégier la proche banlieue. Seuls ceux spécialisés dans le numérique en petite quantité ont pu rester au cœur des villes. Quels autres phénomènes ont marqué les années 2000 ? j.c. Le développement des presses huit couleurs a bouleversé le marché de l’offset. Auparavant, les imprimeurs devaient effectuer deux passages sur des quatre couleurs. Ces nouvelles machines ont permis d’imprimer directement en recto-verso, donc de gagner en productivité et de diminuer les délais. Progressivement, tous les acteurs de la région se sont équipés. Peut-on parler d’une course à la huit couleurs qui aurait entraîné un surinvestissement ? j.c. Non, les huit couleurs ont intéressé tous les imprimeurs et ils ont profité du renouvellement de leur matériel Franck Barbier est le directeur commercial du quotidien Metro depuis 2004 à Lyon. Il raconte l’émergence de la presse gratuite d’information, qui a bouleversé le paysage médiatique régional. « J’ai ramé pour imposer Metro à Lyon » pour investir. C’était indispensable pour rester dans la course. Comment expliquez-vous les difficultés rencontrées par certains acteurs régionaux ? j.c. C’est la concurrence européenne «M etro a été le premier quotidien gratuit d’information à arriver à Lyon. C’était en mars 2002, quelques semaines après Paris. Nous étions alors distribués de la main à la main à 5 000 ex. uniquement aux gares de la Part-Dieu et de Perrache. Nous avions les marques de luxe comme annonceurs, car elles pensaient qu’on touchait les hommes d’affaires dans le TGV ! À l’époque, notre lancement s’est fait en toute discrétion. Nous étions même en pourparlers pour placer nos exemplaires chez les marchands de journaux, contre une rétribution bien sûr, car notre objectif n’était pas de les concurrencer. On n’est pas des pirates ! Mais la presse payante a bloqué notre diffusion chez les kiosquiers, du coup le projet est tombé à l’eau. qui a plombé le secteur. Les imprimeurs italiens et espagnols ont cassé les prix. Aujourd’hui, la Chine et les pays de l’Est sont également présents sur le marché. La fiscalisation n’étant pas uniformisée, les acteurs français sont pénalisés à l’export. Du fait de l’automatisation de plus en plus poussée des machines et de la mondialisation, on évalue à environ 15 000 le nombre d’emplois détruits sur les dix dernières années dans la filière, en France. En Rhône-Alpes, on a vu des imprimeurs importants rencontrer des difficultés comme les Deux Ponts à Grenoble ou Brailly à Lyon qui ont été placés en sauvegarde. Heureusement, ils en sont sortis depuis. Comment le paysage s’est-il transformé en Rhône-Alpes ? j.c. On a assisté à une concentration des acteurs. Des imprimeurs en difficulté ont été rachetés par des concurrents. Brailly qui avait fait beaucoup de croissance externe a préféré revendre l’imprimerie stéphanoise Vasti à XL Groupe. La croissance externe a permis à ceux qui ont racheté de se diversifier en touchant des marchés de niche plus ou moins épargnés par la crise. Par exemple, Vassel a repris Charvet Imprimeurs pour croître et se développer dans l’édition de livres. Les façonneurs connaissent-ils aussi des difficultés ? j.c. Les imprimeurs ont intégré le petit façonnage afin de réduire les délais et les coûts. Mais ils ne disposent toujours pas du matériel plus lourd adapté aux grandes quantités. Du coup les brocheurs, par exemple, ont bien résisté. Réticence des annonceurs. Franchement, j’ai ramé au début pour commercialiser Metro à Lyon. Malgré l’arrivée de 20 Minutes en 2004, puis la réplique du Progrès avec Lyon Plus, la presse gratuite n’était pas très bien perçue par les annonceurs. Les collectivités ne voulaient même pas me recevoir, contrairement à Marseille où la maire nous a accueillis les bras ouverts. Certains secteurs, comme la banque, l’immobilier ou l’automobile, atten- daient que l’on fasse nos preuves pour acheter de l’espace chez nous. Nous nous sommes servis du succès du Petit Bulletin, un gratuit culturel présent à Lyon depuis la fin des années 90, pour attirer les institutions culturelles. Les Biennales ont ainsi été les premiers annonceurs à nous faire confiance. Je pigeais aussi les radios locales, car elles ont la même cible que nous : mixte et jeune. Contrairement à la PQR, qui touche une population plus masculine et âgée. Diffusion massive. Et puis à partir de 2006, les gratuits d’information ont commencé à décoller à Lyon. La diffusion augmentant (60 000 ex. pour Metro), les annonceurs se sont de plus en plus tournés vers nos supports, qui étaient désormais distribués dans le métro. D’autres journaux gratuits se sont aussi développés à l’époque à Lyon, comme la presse people avec Lyon People ou Lyon Clubbing, des titres de décoration... Aujourd’hui, la presse gratuite fait partie du paysage médiatique rhônalpin. Elle offre une autre source d’informations aux lecteurs, mais aussi des supports complémentaires pour les annonceurs, avec des possibilités créatives qui n’existent pas en presse payante.» v Propos recueillis par Thomas Nardone À partir de 2005, les quotidiens gratuits obtiennent l'autorisation d'être distribués dans le métro lyonnais. devant lui. Il va continuer à côtoyer le numérique pendant plusieurs années. Les activités sont toujours complémentaires. Le jet d’encre est très observé puisqu’il permettrait d’augmenter la rapidité de l’impression numérique ainsi que sa qualité et pourrait donc concurrencer l’offset. v propos recueillis par charlotte vincent ©ESO Quelles évolutions techniques voyezvous arriver ? j.c. L’offset a encore de belles années n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 69 2000-2010 grands témoins ©David Douglas DUNCAN En 1991, le photographe Thierry Ravassod a été le premier à utiliser un appareil photo numérique, un Rollei Scan Pack. Il témoigne des bouleversements profonds engendrés par le numérique dans le secteur de la photo. « La photo numérique a fait sauter plusieurs maillons de la chaîne graphique » En quoi l’appareil photo numérique a-til transformé votre façon de travailler ? thierry ravassod « Le numérique m’a permis d’obtenir un meilleur contrôle de l’image pour améliorer les cadrages et la mise au point. Avant, j’utilisais un Polaroïd pour vérifier l’image au niveau technique, mais cet outil était loin d’être optimal. Avec le numérique, je peux voir dans le détail tous les recoins de mon image. Concrètement, depuis six ou sept ans, les derniers boîtiers numériques me permettent de travailler avec beaucoup plus de minutie les ombres et les hautes lumières. Côté validation par mes clients, le numérique a accéléré le processus. Avant, je devais avoir le client sur place ou lui envoyer un cliché pour qu’il valide mon image, ça pouvait prendre des jours parfois. Aujourd’hui grâce à l’e-mail et aux photos numériques, je gagne beaucoup de temps. » 70 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 Le comportement de vos clients a-t-il changé avec l’arrivée du numérique ? t.r. « Certains clients croient pouvoir faire leur shooting eux-mêmes simplement en utilisant un appareil photo numérique de moyenne gamme. Je vois aussi émerger de plus en plus de personnes qui se prétendent photographes sous prétexte qu’elles ont un Mac, un boîtier amateur et des logiciels piratés. Même si ce phénomène est surtout visible sur le marché parisien, on le voit beaucoup moins à Lyon. Cette concurrence accrue incite les clients à tirer les prix vers le bas. » Le numérique a vu aussi l’émergence des banques d’images en ligne... t.r. Oui. Avant, je commandais des CD-Rom que j’importais et sur lesquels je prenais très peu de visuels. C’était donc cher et il fallait que j’attende parfois des jours mon colis avant d’importer les images sur mon ordinateur. Aujourd’hui, je choisis uniquement le visuel dont j’ai besoin et je peux l’utiliser dans la minute. La guerre des prix sur internet a fait aussi disparaître les banques d'images locales comme Iconos à Lyon ou des photographes spécialisés dans les images d’illustration. D'autres métiers ont-ils été impactés par cette révolution ? t.r. « Le numérique avait déjà fait sau- ter plusieurs maillons de la chaîne graphique, dont deux métiers qui ont complètement disparu. Je pense aux photocomposeurs et aux photograveurs. Les photographes comme moi se sont mis à la retouche numérique. Les anciens photograveurs sont devenus infographistes, les autres ont été intégrés chez des imprimeurs. » v Propos recueillis par Jérémy Chauche Thierry Tunesi est un pionnier du marketing opérationnel à Lyon. Il a fondé l’agence BleuVert en 1993, qu’il a revendue à Publicis dix ans plus tard. En 2007, il reprend son indépendance en créant Empreinte Conseil, une agence positionnée sur le marketing opérationnel écoperformant. « Avec les réseaux sociaux, le consommateur devient acteur du marketing opérationnel » Quelle était la situation du marketing opérationnel dans les années 2000 ? thierry tunesi C’est vraiment la décennie de naissance du marketing opérationnel, qui devient partie prenante d’une stratégie de communication 360°. Auparavant, la publicité concentrait le gros des investissements, et le marketing opérationnel passait en second plan. À partir des années 2000, les budgets alloués à la promotion des ventes et à l’animation de réseaux deviennent plus importants. Il n’est plus seulement question de communiquer sur les prix, mais de concevoir des événements autour des marques. Signe de cette évolution, mes interlocuteurs ne sont plus les dircoms, mais les directeurs de marketing. Quels ont été les faits marquants ? t.t. Au début des années 2000, on note l’apparition de la théâtralisation des opérations. La grande distribution a demandé aux marques de créer de véritables événements en magasins pour promouvoir leur image de marque. L’animation de réseau dédiée aux enseignes a également fait évoluer notre métier : il faut désormais adapter chaque opération à l’identité et à la stratégie de l’enseigne (Auchan, Carrefour, Leclerc...). Mais pour moi, la plus grande évolution du marketing opérationnel ces dernières années, c’est l’émergence des réseaux sociaux. En quoi les réseaux sociaux ont-ils bouleversé votre travail ? t.t. Avec les réseaux sociaux, le consommateur devient acteur du marketing opérationnel. Il peut commenter une marque, partager ses opinions... C’est par exemple grâce aux réseaux sociaux qu’on arrive à endiguer le greenwashing, car un mauvais buzz sur le net peut détruire une marque. Facebook pousse les entreprises à tenir un discours de vérité. La vérité bien racontée certes, mais quand même la vérité. Aujourd’hui, ces réseaux sociaux sont tellement influents qu’ils font même leur apparition in store. Au Brésil, une marque de vêtements a mis sur ses cintres le nombre de « like » en temps réel ! L’arrivée du web mobile sur le point de vente est un autre élément marquant. Le client peut chercher un avis sur un produit qu’il regarde, scanner un flashcode sur un packaging pour avoir des vidéos de démonstration... Pour notre client V33 par exemple, nous avons apposé sur tous les produits un flashcode qui permet de lire des vidéos explicatives. Demain, le marketing opérationnel sera personnalisé, mobile et géolocalisé. v Propos recueillis par Thomas Nardone n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 71 2000-2010 carte blanche à… arnaud bachelard 72 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 CR : Arnaud Bachelard DA : Hervé Voët 2000-2010 les tops de quelques réussites qui ont marqué l’univers +++ deSélection la communication dans les années 2000. +++ © A. Rico Saint-Étienne devient une capitale du design +++ Christophe Mahé, le « Citizen Kane » lyonnais En toute discrétion, Christophe Mahé a créé en quelques années l’un des premiers groupes de médias indépendants en Rhône-Alpes. Espace Group compte aujourd’hui neuf radios : les réseaux nationaux Jazz Radio et MFM, mais aussi ODS Radio qui dispose de 10 fréquences dans les Alpes ou bien Radio Espace à Lyon. Cet ancien publicitaire, qui avait fait fortune dans le Minitel, est aussi à la tête d’un pôle de magazines gratuits (Lyon Clubbing et Lyon News) et de sites d’informations (lyonmag.com et mlyon.fr). Espace Group réalise un CA avoisinant 15 M€, avec plus de 200 personnes. v 74 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 La capitale de la Loire se rêve en capitale européenne du design. Depuis trois ans, elle travaille d’arrache-pied à se bâtir une image autour de son emblématique Cité du design. L’institution, créée en 2005 par la Ville et l’Agglomération, reprend en main l’organisation de la Biennale de design l’année suivante. La manifestation connaît, depuis, un succès grandissant. En 2009, elle inaugure ses nouveaux locaux sur le site de l’ancienne manufacture d’armes. L’École supérieure d’art et design (Esadse) s’installe l’année suivante. Dès 2010, la ville avait été également la première en France à avoir embauché un design manager chargé d’intégrer la culture design dans tous les projets menés sur le territoire. Dans la foulée, elle obtient le label « Ville Unesco du design ». Cette distinction lui permet de rejoindre le Réseau des villes créatives qui regroupe une dizaine de villes dans le monde (Buenos Aires, Berlin, Séoul, Shanghai…). Dernière initiative en date, la création d’une marque territoriale : « Saint-Étienne, atelier visionnaire ». Grâce à elle, l’ancienne cité minière espère notamment séduire et attirer les industries créatives. v TÉLEX 2007 v Liquidation +++ +++ Euronews, une chaîne internationale basée à Lyon Bien que lancée en janvier 1993 à Lyon, Euronews a réellement pris son envol à partir de 2000. Cette année-là, la chaîne dépasse le seuil symbolique du million de foyers qui reçoivent ses programmes. En 2001, elle s’ouvre à la Russie et booste son audience notamment grâce à la diffusion de la chaîne sur les réseaux locaux et câblés des grandes villes russes. 2005 restera une grande année pour Euronews. Elle modernise sa communication en la confiant aux Parisiens de FFL et surtout lance des programmes en arabe et s’ouvre donc à une nouvelle communauté linguistique. Aujourd’hui, la chaîne compte 800 salariés dont 400 journalistes de 25 nationalités pour la plupart basés dans la newsroom d’Écully (69). La chaîne est captée par plus de 3,5 millions de foyers dans le Lyon déploie le vélo en libre-service Michael Peters n'hésite pas à comparer Euronews à Al Jazeera et CNN. monde et affiche une audience quotidienne estimée à 10 millions de téléspectateurs. La prochaine étape ? Le déménagement en 2014 du siège mondial de la chaîne dans un époustouflant immeuble d’aluminium vert, au cœur de Lyon. Pour marquer cet ancrage lyonnais, Michael Peters, le directeur de la chaîne, s’était fendu de cette fière déclaration lors de la pose de la première pierre de l’édifice : « Al Jazeera est à Doha, CNN est à Atlanta, Euronews est à Lyon. » v Le Velo’v s’est rapidement imposé comme un des symboles du dynamisme de Lyon dans les années 2000. Dès son lancement en 2005, il séduit des milliers de Lyonnais chaque jour et assure de belles retombées presse à la ville. A l’origine de ce succès, le groupe d’affichage JCDecaux. Après avoir expérimenté le premier abribus à Lyon en 1964, il récidive avec ce nouveau système de vélos en libre-service à grande échelle. Le service est proposé par le Grand Lyon dans le cadre du marché du mobilier urbain. Il est ainsi financé par les recettes publicitaires. En échange de la mise à disposition et de l’entretien des 4 000 vélos rouges, JCDecaux obtient l’exploitation de 2 200 abribus (dont 835 nouveaux) et de 600 MUPI, jusqu’en 2017. L’initiative lyonnaise fera des émules dans les autres villes. A l’image de Paris, qui lancera ses Velib deux ans plus tard sur le même modèle. v de l’agence photographique Editing. v Échec de la carte Avantage Presse testée par les NMPP en Rhône-Alpes. Elle offrait des bonus aux gros consommateurs de journaux. 2008 v Bernard Krief Consulting rachète l’agence Apache (Annecy). 2009 v Val d’Isère réussit ses championnats du monde ski. v Le mensuel Mag2Lyon succède à Lyon Mag’ qui a été liquidé. n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 75 2000-2010 les flops départ, l’avenir s’annonçait rose. Et puis les affaires ont fini par mal - - - Autourner. Retour sur quelques bides retentissants. ––– Comareg, la fin d’un modèle né à Grenoble ––– Bruno Bonnell est viré d’Atari (ex-Infogrames) En 2007, c’est un coup de tonnerre dans le monde des affaires. Après 24 ans d’une réussite spectaculaire, le Lyonnais Bruno Bonnell est poussé vers la sortie de la société qu’il avait fondée en 1983 avec Christophe Sapet sous le nom d’Infogrames. Un départ contraint sous la pression des actionnaires après des investissements hasardeux et le rachat de l’américain Atari qui avait plombé les comptes. Après ce départ vécu comme une blessure, on prédisait une longue traversée du désert à Bruno Bonnell. C’est mal connaître cet éternel entrepreneur. Depuis 2010, il a une nouvelle lubie à laquelle il croit dur comme fer : la robotique. v Le groupe de journaux gratuits d’annonces n’a pas survécu à l’explosion des PA gratuites sur le web. L’éditeur de ParuVendu dont le siège est à Lyon est purement et simplement liquidé fin 2011, laissant 1 650 salariés sur le carreau, dont 350 en Rhône-Alpes. Pourtant, au milieu des années 2000, la Comareg, créée en 1968 à Grenoble par Paul Dini, domine encore le marché avec ses 280 éditions locales, 2 400 salariés en France et 370 M€ de CA. Les profits permettent à son dernier propriétaire, le Groupe Hersant Média, d’investir dans la PQR. Mais le modèle s’effondre à partir de 2008 : le CA est en chute libre, la dette se creuse... En cause : la crise, et sans doute des erreurs de gestion, mais surtout la concurrence des annonces gratuites sur le web (Leboncoin.fr). D’ailleurs, c’est tout le secteur de la PA payante qui est ma- lade : S3G, filiale de Sud Ouest, est liquidée en septembre 2010. Seul le troisième grand acteur du marché, Spir (Groupe Ouest-France), résiste à la tornade des PA gratuites, au prix de licenciements massifs. v ––– C'est Euro RSCG qui a signé le logo d'Annecy 2018. 76 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 2010 v Tignes gagne durablement l’organisation de l’édition européenne des Winter X Games, le plus grand événement du free style. v Mariage des agences lyonnaises Visual LInk (web) et Kaelia (corporate). v TLM et TéléGrenoble sont reprises par leurs managers. 2011 v Disparition de l’agence lyonnaise Buenavista. v L’hebdo Lyon Poche, liquidé en juin, reparait en mensuel en novembre. ––– Annecy 2018 fait un bide Au fil d’une campagne qui aura duré presque deux ans, la candidature de la ville haut-savoyarde aux JO d’hiver de 2018 prend l’eau. Finalement, Annecy 2018 accuse une cinglante défaite le 6 juillet 2011 à Durban en Afrique du Sud en ne TÉLEX Les avatars d’Edip récoltant que 7 voix sur 95 lors du vote du CIO. Orchestrée par Havas après que le groupe a pris le pouvoir en évinçant l’équipe de communication mise en place par le conseil général de Haute-Savoie, la campagne de communication n’a visiblement pas séduit. En fait, c’est moins la qualité de la publicité conçue par Euro RSCG Lyon qui est en cause que l’amateurisme du lobbying mené par le comité de candidature. Dommage collatéral de cet échec, Euro RSCG ferme son agence d’Annecy quelques mois plus tard. Celleci ne s’est pas remise de la perte de ce budget qui avait fini par constituer l’essentiel de son activité. Au total, les dépenses liées à la communication, à la promotion internationale et au marketing auront atteint 13,5 M€, soit un peu plus de 60 % du budget global. v 1998 : l’agence lyonnaise est au faîte de sa gloire. Elle est l’un des leaders français de l’édition publicitaire pour la grande distribution et la première agence de la région à s’être introduite en bourse, au marché libre parisien. En 1999, elle pèse 152 MF de CA avec quelque 150 salariés et 7 filiales. En 2000, elle accélère ses croissances externes en rachetant notamment Kenobee, une grosse agence iséroise (30 salariés), très branchée internet. Mauvaise pioche. Cette dernière explose avec la bulle et plombe les comptes du groupe. Rebelote trois ans plus tard, quand Edip rate le lancement de son département de création publicitaire. Ensuite, l’agence périclite lentement. En 2009, après la perte de plusieurs gros contrats, dont celui des hypermarchés Leclerc en région, elle est placée en sauvegarde. En 2010, son CA était tombé à 2,1 M€. v ©Soudan 2 20 0 c’est déjà demain pour la jeune génération En 2020, tout est devenu numérique et tout va très vite. Les délais raccourcissent, mais les doigts s'allongent. Dans les stades, on regarde les matchs avec des lunettes 3D. Pourtant, le marketing n'est toujours pas une science exacte. Voici comment les professionnels de la génération digitale voient l'avenir proche. (1) Nous avons interrogé quelques-uns des 60 jeunes professionnels que nous présentons chaque semaine dans L'Hebdo InterMédia. Ils sont graphiste, publicitaire, chargé de communication réalisateur, consultant en RP ou community manager... Nous passons en revue tous les secteurs d'activité. (1) « Le dircom de demain sera un manager de data » « Le défi de la formation continue » « Les délais seront de plus en plus courts » Mathias Duret chargé de communication chez Novius. Jean-Baptiste Pollien graphiste free lance et auteur des strips de Sydo dans InterMédia. ThibauLt Arcis réalisateur free lance « En 10 ans, internet a déjà pris une place importante dans notre société et notre économie et je pense qu’en 2020 la tendance va encore s’accentuer. Je vois le dircom de demain comme un manager de data. Une personne sachant maîtriser l’économie de réseau et manier de grande quantité de données pour gérer et innover dans l’abondance au lieu de contrôler la rareté. J’aime croire qu’en 2020 la communication d’une entreprise se fera autour d’une « audience collaborative » où l’image de celle-ci reposera sur son public plutôt que sur ses publicités. » v 78 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 « Le graphisme étant un métier en grande partie technique, je pense qu'il devrait sensiblement changer : les outils informatiques et les logiciels vont énormément évoluer dans les dix années à venir. Face à cette inévitable évolution se dresse le défi de la formation continue dont on commence à discerner les premières solutions. Par exemple, pour les graphistes free lance, une nouvelle cotisation à la formation a été mise en place cette année, mais ses modalités d'application restent floues. » v « Je pense que tout ira toujours plus vite dans la vidéo : de la prise de commande à la livraison, les délais seront encore plus courts. Déjà les deadlines se raccourcissent d'année en année. Je ne sais pas si c'est le reflet de notre société "fastfood", mais je ne pense pas que la tendance va s'inverser. Par ailleurs, il va y avoir de plus en plus de jeunes à se lancer, car il est maintenant de plus en plus simple de filmer de superbes images (appareils reflex, etc.), de monter soi-même, de postproduire... Mais en 2020, j'aurais pris un sacré coup de vieux ! » v Olivier Héraud Mathieu Renaud Jean-Baptiste Pollien Benoît Terrière Sophiane Voisine Claire Faure Mathias Duret Thibault Arcis n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 79 2020 c’est déjà demain Maud Charaf, Charles-Édouard Gil, Denis-Fabien Corlin « Penser responsive « Révolution numérique ou design » Sophiane Voisine Webdesigner chez retour de la NewQuest communication « La créativité des webdesigners pousse les intégrateurs et déve- orale ? » loppeurs à trouver de nouvelles solutions. Et ces nouvelles avancées techniques nous font repenser le web. C'est un cycle bien constructif qui a encore de beaux jours devant lui ! Demain sera à composer avec la génération Y qui est mobile. Le web est déjà multisupport, le webdesign doit suivre la tendance. Il faudra penser le design sur des formats très différents, avec des contraintes variées : penser « responsive design ». v « Des spectateurs avec des lunettes 3D dans les stades » Mathieu Renaud directeur commercial et marketing du LOU Rugby « 2020, c’est loin, mais c’est demain… Dans mon univers du marketing sportif, tout s’accélère : les stades sont de plus en plus high-tech, ils sont construits en structure modulaire dans des temps records, comme le Matmut Stadium à Lyon ou l’Aréna de basketball des JO de Londres 2012. L’arrivée de nouveaux acteurs majeurs comme les Qataris au PSG et Al Jazeera bouleverse l’univers des droits TV en glanant les diffusions de tous les grands événements sportifs… En 2020, j’ose imaginer que le sport sera tourné vers la mondialisation et la technologie, avec de nouveaux canaux de diffusion encore inconnus aujourd’hui, et des spectateurs qui mettront des lunettes 3D pour aller au stade ! » v 80 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012 Benoît Terrière consultant en affaires publiques chez Syntagme « Dans 8 ans, le numérique aura pris le dessus sur le print. Nous aurons une multitude de supports tactiles constamment à disposition pour le travail et les loisirs. Le diamètre de nos doigts aura commencé à rétrécir, la longueur de l’index augmentera significativement pour permettre d’être plus précis lors de la navigation tactile. Ou bien… la crise sera passée par là. Les technologies numériques seront l’apanage des plus riches. Les forêts auront quasiment disparu à cause du réchauffement climatique. Le papier sera ainsi recyclé à l’infini, lui donnant une couleur jaunasse et fade. La communication orale sera redevenue le premier outil pour toucher le grand public. Les crieurs et les forums publics seront les meilleurs amis des communicants. » v « Référence mondiale du web » Maud Charaf chef de projet WWW2012 « Lyon sera devenue une référence mondiale au niveau du Web et accueillera les plus grands évènements du domaine. » v « Intégrer les consommateurs à l’univers de la marque » Claire Faure consultante juridique et social mEdia chez Social Unit « En 2020, le marketing se devra d'être plus proche des consommateurs. Il ne faudra plus se contenter de leur donner la parole à un instant T ou de leur fournir du contenu qu'ils pourraient ou non attendre, mais bien échanger avec eux pour mieux les intégrer à l'univers de la marque. Une évolution qui impliquera donc un marketing plus responsable et plus respectueux des consommateurs et de leur sphère privée. » v « Pollution environnementale » Olivier Héraud acteur et réalisateur freelance « Je pense que la grande remise en cause des contenus vidéos de 2017 aura eu raison de leur développement exponentiel. Déjà pointé du doigt en mars 2014 puis à nouveau à l’automne 2016 par des internautes et intellectuels toujours plus nombreux, le débat est lancé l’année suivante. Dès lors, la prise de conscience massive qu’une trop grande pollution environnementale fut causée par la prolifération sur la toile de vidéos absconses mettra un terme à cette spirale par amendement en mai 2017. En 2020, les choses sont donc en voie d’amélioration, le marketing et la communication ne peuvent se faire que par le biais de vidéos “utiles”. La volonté de privilégier la qualité à la quantité fait désormais légion. » v Mathieu Maréchal, Amandine Mollier Christophe Ramel (alias Kriisiis) «Le marketing ne sera toujours pas une science exacte » Guillaume Rieth planneur stratégique free lance « En 2020, le métier de planneur stratégique se sera pleinement démocratisé et ses vertus seront reconnues par les agences (autres que parisiennes) et les annonceurs. En 2020, nous rirons tous de l'échec global des “Stratégies” social media... En 2020, de nouveaux concepts fumeux et des THE NEXT BIG THING auront été trouvés à la pelle pour effrayer les marques, exacerber les sentiments d'incompétence chez l'annonceur, et faire passer le marketing pour ce qu'il ne sera jamais : une science exacte avec ses vérités absolues. En 2020, ce qui pourra faire échouer une marque sera toujours : l'absence de convictions et de vision, l’inexistence de valeurs et d'intelligence du cœur, une carence en bon sens et en audace... » v « Un appareil couteau suisse multimédia » Charles-Édouard Gil photographe « En étant (un peu) visionnaire, j'imagine bien un prestataire qui ne soit plus dédié à la photo, mais un métier qui combine toutes les technologies visuelles, une sorte d’informaticien développant 3D, vidéo et photo avec un appareil couteau suisse multimédia, un ordinateur capable de filmer et prendre des photos. » v « 3 020 ans de publicité ! » athieu Maréchal responsable M du développement chez Dufresne Corrigan Scarlett « En 2020, j'aurai 40 ans, la publicité, elle, en aura plus de 3020. Une affiche découverte à Thèbes et datant de l'an mille av. J.-C. est considérée comme l'une des premières publicités produites en série. Elle offrait une pièce d'or à qui capturerait un esclave en fuite : un booster promo avant l'heure. En toute humilité, je pense que si la publicité se réinvente chaque jour, au travers de ses canaux de diffusion et de l'originalité de l'orchestration des moyens déployés, le concept publicitaire ou “l'Idée” restera la valeur ajoutée de notre métier. En 2020, une bonne idée sera simplement + digitale, + mobile et ultra personnalisée ! » v « Le community manager aura plus de responsabilités » Christophe Ramel (alias Kriisiis) community manager chez Acti « Le community management est déjà très différent de ce qu'il était il y a deux ou trois ans. Cette tendance devrait être respectée ces prochaines années : les médias sociaux les plus connus, comme Facebook et Twitter, pourraient laisser place à des platesformes plus spécialisées ; parallèlement, les internautes qui attendent aujourd’hui d’être entendus exigeront bientôt d’être écoutés. Le community manager aura donc plus de responsabilités, et pourra mesurer sa performance à l’aide d’indicateurs toujours plus pertinents. » v « En RP, la vidéo sera associée systématiquement à l’écrit » Amandine Mollier consultante RP chez Plus2Sens « L'image d'une entreprise ou d'une collectivité se joue de plus en plus sur la toile... On peut imaginer à court terme que la majorité des agences de communication ou relations presse prendront en compte la diffusion du message de manière plus globale en proposant des campagnes de communication axées sur l'expérience de la cible, en combinant réseaux sociaux, publicité, RP et des technologies innovantes telles que le marketing mobile et les serious games. En relations presse, nous verrons la vidéo s’associer de manière systématique aux outils traditionnels écrits, mais aussi l'intégration de la réalité augmentée dans les communiqués pour présenter les produits en 3D, et des conférences de presse en visioconférence, pour les journalistes (ou blogueurs) ne pouvant pas se déplacer… » v « Des vidéos plus interactives » Denis-Fabien Corlin réalisateur pour Flux Vidéo « La demande des annonceurs en termes de vidéo sera croissante. Les modes narratifs linéaires seront sûrement remplacés par ceux qui s’appliquent aux web-documentaires : à entrées multiples, plus interactifs. Je pense que la maîtrise technique devra s’accompagner de la recherche du sens et de la meilleure proposition pour démarquer l’image de l’annonceur. » v n° 1171 I 20 juin 2012 I InterMédia Magazine I 81 débloque -notes Jacques Simonet, éditeur d’InterMédia Et dans trente ans ? Je me garderai de faire des prévisions. Même pour les 8 prochaines années. Je laisse cet exercice redoutable aux jeunes audacieux qui ont accepté d'imaginer leur métier en 2020 (p. 78). Ces trentenaires ignorent à quel point demain sera différent de ce qu'ils entrevoient. Je les trouve d'ailleurs peu audacieux. Qu'on se souvienne des 30 dernières années : tous les 8 ans ou presque, une même entreprise a mis sur le marché un produit qui a révolutionné trois pratiques fondamentales de notre société : l’informatique, la musique et la téléphonie. Oui, ce tsunami technologique est le fruit d'une seule firme (Apple). Or des milliers d'autres firmes travaillent à nous changer la vie. Facebook et Twitter existeront-ils encore dans 8 ans ? Il n'a fallu que 8 mois à l'incontournable Second Life pour passer de mode, aussi vite que le pin's (les plus jeunes chercheront ce mot dans Wikipédia). Retour vers le futur Je mesure la fuite du temps : en 1982, je démarrais InterMédia en tapant les premiers articles sur une machine à écrire électrique, j’écoutais la musique sur un lecteur de bandes et je dialoguais avec nos premiers abonnés via un téléphone à fil. Autant de cordons électriques, autant de laisses. La mobilité était relative. En 1982, qui pouvait imaginer le monde actuel ? Alors qu'approchait un An 2000 qui verrait les voitures voler (comme dans « Le cinquième élément »), je n’aurais pu croire que le vélo serait l’avenir des villes du XXIe siècle (la bicyclette a été inventée il y a 200 ans presque jour pour jour). Rappelons qu'en 1982 il n’y avait pas d’euro, pas de Sida et on pensait que l'Islam était une religion du passé. La société de consommation était à son apogée. Bien sûr, il n’y avait pas internet. Je constate que son ancêtre français, la télématique, dont InterMédia fut un pionnier (p. 14), n'a prospéré que pendant un peu plus de 8 ans. Gageons que dans 8 ans l’iPhone, objet culte des digital native, entrera au musée. Merci Steve Jobs (bis) • Vous me direz que ce numéro est encore un beau coup de publicité pour la pomme californienne. Mais le moyen de faire autrement si on rembobine les 30 dernières années ? Quelle autre entreprise a autant marqué les milieux de la communication ? Aujourd'hui, 51 % des visiteurs du portail InterMédia le consultent avec un Mac et Safari arrive en tête des navigateurs qu'ils utilisent. Dans un précédent numéro anniversaire (n° 978), j'exprimais déjà « Ce que je dois à Steve Jobs ». Cinq ans plus tard, je récidive sans hésiter. Entre-temps le fondateur d'Apple est décédé après plus de trente années bien remplies. Mais il laissera des traces durables dans notre monde. v L'avenir des villes Invention du XIXe siècle, la bicyclette devient incontournable au XXIe. Avec l'appui de groupes de communication comme Clear Channel et JCDecaux qui ont popularisé le vélo en libreservice en Europe. En France, JCDecaux est leader avec Cyclocity que l'afficheur avait expérimenté à Lyon, en 2005, sous la marque Vélov'. brève de sydo… Revoir les anciens strips : www.brevesdesydo.com 82 I InterMédia Magazine I n° 1171 I 20 juin 2012