Sécurité du travail et promotion de la santé
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Une passion qui mine l’oreille
Anna Aznaour, anna@aznaour.com
La musique, seule religion de cette planète à laquelle tout le monde adhère, n’a pas que des bienfaits pour ceux qui la
produisent. Les acouphènes et l’hyperacousie sont le lot de beaucoup de musiciens professionnels exposés quotidiennement à
des intensités sonores importantes qui, au fil du temps, provoquent des atteintes auditives sévères, voire la surdité chez certains
d’entre eux.
ment faible, il suffit qu’elle perde
quelques centaines de cellules, qui par ail-
leurs ne se renouvellent pas, pour que
cela provoque des manifestations cli-
niques importantes. L’usure liée à l’âge et
les traumatismes auditifs provoqués par
le bruit sont les principales raisons de la
cassure des cellules ciliées et donc de l’at-
teinte auditive.»
Toutefois, le terme «bruit» est à honnir
lorsque l’on parle des effets de la musique
avec ses professionnels: «Avec les musi-
ciens il ne faut jamais parler de bruit mais
de charge sonore. Contrairement à un
ouvrier dans l’indust rie qui est exposé au
bruit d’une machine, là le «bruit» est gé-
néré par le musicien mais c’est le but de
son activité et, pour la grande majorité
d’entre eux, leur passion dans la vie», ex-
plique Rafaël Weissbrodt, psychologue et
ergonome, coauteur de l’étude «Prévenir
les atteintes auditives chez les musiciens
classiques».
Les deux mesures de ce fameux bruit ou
plutôt des sons qui nous entourent sont
le hertz (Hz), qui correspond au nombre
de vibrations par seconde, et le décibel
(dB), qui est la mesure du niveau sonore.
L’oreille humaine entend les sons com-
pris entre 16 Hz et 16000 Hz. Les sons
jusqu’à 30 dB sont considérés comme
calmes, tandis qu’un bruit fréquent qui
dépasse régulièrement les 85 dB est re-
connu comme nuisible pour le système
auditif. D’après la loi suisse sur l’hygiène
et la sécurité du travail, au-dessus d’un ni-
veau sonore de 85 dB, les employeurs
Le 21 juin 2012 marquera les 30 ans de la
Fête de la Musique initiée en France et re-
prise depuis par plus d’une centaine de
pays de par le monde. Ce jour de solstice
d’été qui célèbre la nature et la vie, met à
l’honneur les musiciens, ces magiciens
des fréquences, qui dédient leur vie et
leur santé au 4eart. D’après les résultats
de l’étude menée par l’Institut finlandais
de santé professionnelle, 78% des musi-
ciens interrogés jugent leur travail
comme étant une source d’inspiration à
laquelle ils déclarent consacrer leur vie, et
ce malgré le fait que cette activité pro-
voque chez eux une souffrance auditive.
En effet, la moitié d’entre eux souffrent
d’acouphènes (bourdonnements, siffle-
ments dans l’oreille) et d’hyperacousie
(perception douloureuse de certains sons
forts) et 70% affirment être préoccupés
par leur ouïe (Toppila, Koskinen &
Pyykkö, 2011). À juste titre d’ailleurs,
puisque c’est l’une des parties les plus fra-
giles du corps humain.
Explications du pourquoi du comment
du professeur Jean-Philippe Guyot, chef
du service d’oto-rhino-laryngologie des
Hôpitaux Universitaires de Genève
(HUG): «L’organe principal de l’audition
est l’oreille interne ou ce qu’on appelle la
cochlée. La particularité de cette cochlée
est qu’elle est composée de très peu de
cellules. Si le cerveau est constitué de mil-
liards de cellules et la vision de millions
de cellules, l’oreille interne, elle, qui code
l’ensemble du spectre audible, n’a que
3’500 cellules. Appelées cellules ciliées in-
ternes parce que surmontées de petits
cils, elles baignent dans du liquide. Les vi-
brations de l’air mettent en vibration ce
liquide, faisant plier ces cils, et c’est préci-
sément ce mouvement qui génère un
courant électrique qui permet à l’oreille
interne de coder le son. La vibration, une
impulsion mécanique, est ainsi transfor-
mée en un signal électrique. La réserve
fonctionnelle de la cochlée étant ridicule-
Le professeur Jean-Philippe Guyot,
chef du service d’oto-rhino-laryngologie
des Hôpitaux Universitaires de Genève
(HUG)
Marie Sirot (OSR), Guillaume Bachellier (OSR), Rafaël Weissbrodt (ERGOrama)